La règle « l’accessoire suit le principal »

LES ACCESSOIRES EN DROIT DES BIENS

Le principe fondamental « l’accessoire suit le principal » consacre l’extension du droit de propriété aux éléments annexés à un bien, que ces derniers résultent de la production (fruits et produits) ou de leur incorporation physique. Les régimes varient en fonction que le bien soit mobilier ou immobilier, avec des dispositions particulières pour les phénomènes naturels d’accession et les interventions humaines. L’article 555 du Code civil joue un rôle clé en définissant le traitement des constructions et plantations réalisées par des tiers, en offrant au propriétaire la possibilité d’accepter l’accession moyennant indemnisation ou de la refuser en imposant le démantèlement – tout en tenant compte de la bonne foi de l’intervenant.

I. Les principes généraux et la notion d’accession

Le fondement de l’attribution des accessoires repose sur l’adage classique : « l’accessoire suit le principal ». L’article 546 du Code civil en précise les contours en affirmant que la propriété d’un bien – qu’il soit mobilier ou immobilier – donne droit à tout ce qu’il produit ainsi qu’à ce qui s’y unit, que cette union intervienne naturellement ou artificiellement. Ce droit, souvent désigné sous l’appellation de droit d’accession, traduit la volonté du législateur de protéger l’intégrité du patrimoine en étendant le titre de propriété à l’ensemble des éléments qui se greffent sur le bien principal.

Le postulat « l’accessoire suit le principal » continue d’articuler la manière dont la propriété d’un bien s’étend automatiquement aux éléments qui y sont annexés, qu’ils soient produits par ce bien ou qu’ils y soient incorporés.

II. Les deux grandes catégories d’accessoire

La distinction des accessoires se réalise essentiellement selon deux axes, qui traduisent la manière dont ils se rapportent au bien principal :

  • Les accessoires issus de la production de la chose

    • Les fruits représentent les produits réguliers et périodiques générés par le bien. Par exemple, un bien immobilier peut produire des loyers, tout comme un terrain agricole peut engendrer des récoltes.
    • Les produits correspondent aux éléments qui, par leur extraction ou leur transformation, épuisent la substance de la chose principale. Un exemple typique en est celui des matériaux extraits d’une carrière, lesquels, une fois retirés, ne peuvent être récupérés en tant qu’éléments séparés.
  • Les accessoires issus de l’incorporation ou de l’union
    Dans ce cas, il s’agit d’éléments qui viennent physiquement s’unir au bien principal. Ces accessoires peuvent être le fruit d’interventions humaines (plantations, constructions, ouvrages divers) ou de phénomènes naturels (alluvions, affouillements, etc.). Il convient toutefois de souligner que, par voie conventionnelle, il est parfois possible de prévoir une dissociation afin de ne pas imposer automatiquement au propriétaire du principal l’extension de son droit sur ces éléments annexes.

III. Les régimes spécifiques en fonction de la nature du bien

La distinction entre biens mobiliers et immobiliers induit des traitements juridiques différents pour les accessoires qui leur sont liés.

  • Dissociation en matière mobilière
    Pour un bien meuble, la dissociation des accessoires est encadrée par les articles 565 à 577 du Code civil. En l’absence d’un accord contraire, le principe stipulé par l’article 2279 alinéa 1 fait en sorte que la personne qui détient l’accessoire en est réputée propriétaire. Ce régime favorise une approche contractuelle et pragmatique, où l’accessoire peut être dissocié et traité indépendamment du bien principal.

  • Dissociation en matière immobilière
    Lorsqu’il s’agit d’un bien immobilier, les phénomènes d’accession prennent une dimension particulière. Le droit reconnaît que certains éléments s’agrègent naturellement au terrain :

    • Les phénomènes naturels d’accession – Par exemple, les alluvions (les dépôts de matériaux transportés par l’eau) et même certains animaux sauvages qui s’aventurent sur le terrain deviennent la propriété du propriétaire du sol, conformément à l’article 564 du Code civil.
    • Les interventions humaines – Les constructions, plantations et ouvrages réalisés par l’homme sont en principe considérés comme appartenant au propriétaire du sol, sauf preuve contraire ou convention spécifique. Lorsque des matériaux appartenant à un tiers sont utilisés par le propriétaire pour édifier une construction, l’article 554 prévoit le remboursement des coûts engagés, voire des dommages-intérêts en cas de préjudice.

IV. Le dispositif de l’article 555 du Code civil et la problématique des constructions par un tiers


Lorsque des constructions ou des plantations sont édifiées sur un terrain par une personne qui n’en est pas le propriétaire, le système juridique se réfère notamment à l’article 555 du Code civil. Ce dispositif vise à équilibrer les droits entre le propriétaire du sol et le tiers intervenant, en offrant plusieurs mécanismes pour gérer la situation.

  1. Champ d’application de l’article 555

    • Définition du tiers :
      • Au sens étroit, le tiers désigne toute personne qui ne dispose d’aucun lien contractuel avec le propriétaire du terrain.
      • Au sens large, tel que retenu par la jurisprudence, cette notion englobe toute personne qui n’est pas titulaire du droit de propriété, y compris certains possesseurs ou détenteurs réels.
    • Exclusion par convention :
      Lorsque des accords spécifiques (par exemple, un contrat d’emphytéose ou un bail commercial) régissent expressément le sort des constructions ou plantations sur le terrain, l’application de l’article 555 est écartée, car les parties ont anticipé la répartition des droits.
  2. Les deux options du propriétaire en cas d’accession non désirée
    Le propriétaire dispose de deux voies principales pour gérer l’extension de son droit de propriété sur des constructions ou plantations réalisées par un tiers :

    • Accepter l’accession :
      En permettant à la construction ou à la plantation de rester, le propriétaire doit verser une indemnité. Le mode de calcul de cette indemnité, prévu par l’article 555 alinéa 3, peut s’effectuer selon deux méthodes :
      • Le remboursement de la plus-value générée par l’installation de l’accessoire, ce qui compense l’augmentation de la valeur du bien principal.
      • Le remboursement du coût réel, c’est-à-dire la somme correspondant aux matériaux et à la main-d’œuvre engagés, évaluée à la date de l’indemnisation. Ce choix, laissé à l’appréciation du propriétaire, vise à assurer une solution équitable tout en préservant ses intérêts.
    • Refuser l’accession :
      Le propriétaire peut également opter pour la suppression des éléments annexés, en exigeant leur démantèlement aux frais exclusifs du tiers ayant procédé à la construction ou à la plantation. Dans ce cas, le tiers ne pourra prétendre à aucune indemnité. Toutefois, pour éviter des sanctions excessives, notamment en cas de bonne foi du tiers, l’alinéa 4 de l’article 555 prévoit une limitation de ce droit de retrait, garantissant ainsi un certain équilibre entre les parties.
  3. La notion de bonne foi et ses répercussions
    La question de la bonne foi revêt une importance particulière dans l’application de l’article 555.

    • Bonne foi du tiers :
      Pour qu’un tiers puisse bénéficier de protections spécifiques, il doit démontrer qu’il a agi en toute ignorance des vices affectant le terrain. Si le constructeur ou le planteur était de bonne foi, le propriétaire ne peut pas, de manière automatique, exiger le démantèlement des constructions ou plantations.
    • Cas particulier du locataire :
      La jurisprudence a développé une solution particulière pour les locataires, qui, bien que n’étant pas propriétaires, édifient des constructions sur le terrain loué.
      • Selon la doctrine établie depuis 1964, le locataire conserve la propriété de ses constructions pendant toute la durée du bail. Ce droit de superficie temporaire lui permet d’être reconnu propriétaire des améliorations réalisées, sans pour autant empiéter sur le droit du propriétaire du sol.
      • Toutefois, la situation se complique lorsqu’aucune convention explicite n’a été prévue. Certains arrêts, comme celui de la 3e chambre civile du 3 octobre 1990, ont admis que l’accord du bailleur pouvait jouer en faveur du locataire, tandis que d’autres décisions plus récentes tendent à considérer que, en l’absence d’une protection spécifique, le locataire ne peut être assimilé à un possesseur de bonne foi au sens strict.
  4. Les moments de l’accession et le calcul de l’indemnité
    L’accession se manifeste progressivement au fur et à mesure que les éléments annexes s’incorporent au bien principal.

    • Moment de l’accession :
      L’intégration effective des accessoires se produit au moment où ces derniers se greffent de manière irréversible aux constructions ou plantations.
    • Modalités d’indemnisation :
      Lorsque le propriétaire accepte l’extension de son droit par l’accession, il dispose d’un choix quant à la modalité d’indemnisation, pouvant opter pour la compensation de la plus-value ou pour le remboursement des coûts engagés. Ce mécanisme, fondé sur le principe de la dette de valeur, vise à actualiser la valeur des améliorations apportées et à garantir une équité entre les parties.

 

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