Les accords internes à l’Union Européenne

 Les accords internes à l’Union

            Ils peuvent être soit des accords conclus entre les institutions, soit des accords conclus entre Etats membres.

 

1. Les accords inter-institutionnels

 a) Leur existence

 

            Les traités communautaires n’ont jamais totalement ignoré cette catégorie particulière d’accords inter-institutionnels, en particulier l’article 193 du traité CE qui prévoyait que les modalités d’exercice du pouvoir d’enquête du Parlement européen seraient déterminées d’un commun accord entre les institutions du triangle institutionnel (Parlement, Conseil et Commission).

De façon plus générale, l’article 218 du TCE prévoyait que le Conseil et la Commission organisent d’un commun accord les modalités de leur collaboration. Il s’agissait ici du fondement d’accords bilatéraux.

 

            Au delà de ces deux références textuelles, les accords inter-institutionnels se sont largement développés en marge des traités du fait de la pratique. Celle-ci a donné naissance à des accords extrêmement variés, par leur dénomination d’abord (déclarations communes, entre plusieurs institutions, codes de conduites …), par leur forme (accords formels ou simples échanges de lettres entre les Présidents des institutions), ainsi que par leur objet.

En effet, la plupart des accords inter-institutionnels avaient un objet procédural : il s’agissait de déterminer les conditions communes de mise en oeuvre d’une procédure normative entre plusieurs institutions. C’est ainsi qu’il y a eu des accords inter-institutionnels sur la mise en oeuvre de la procédure de co-décision, sur la mise en oeuvre de la procédure budgétaire qui associe le Conseil et le Parlement européen en particulier, et qui, jusqu’au traité de Lisbonne, établissait des distinctions parmi les dépenses entre les dépenses obligatoires, pour lesquelles le Conseil avait le dernier mot, et les dépenses non obligatoires, pour lesquelles le Parlement européen avait le dernier mot. Toute la difficulté était de qualifier une dépense donnée d’obligatoire ou non ; cela supposait un accommodement entre ces deux institutions, et c’est par la voie des accords inter-institutionnels que ces aménagements ont été arrêtés.

 

            Les accords inter-institutionnels n’ont pas eu uniquement une visée procédurale : en 1993, un accord inter-institutionnel a été conclu sur l’application du principe de subsidiarité. Par ailleurs, avant de devenir partie intégrante du droit primaire de l’Union, la Charte des droits fondamentaux se donnait à voir comme un accord inter-institutionnel, ou à tout le moins, comme un acte inter-institutionnel.

 

            Il a fallu attendre le traité de Nice pour que, pour la première fois, soit tenté un encadrement de cette pratique extrêmement variée, mais celui-ci a pris une forme très timide, celle d’une simple déclaration annexée au traité. On pouvait en tirer quelques enseignements :

•  d’une part, la conclusion de tels accords n’était pas prescrite comme une obligation, c’était une faculté ;

•  d’autre part, la déclaration de Nice visait à exclure les accords bilatéraux, en raison du fait qu’en excluant la troisième institution du triangle institutionnel, ces accords étaient de nature à nuire à ses intérêts et à ses prérogatives institutionnelles.

•La déclaration posait donc en principe que les accords inter-institutionnels étaient conclus entre les trois institutions, sous réserve évidemment de l’article 218 du TCE qui prévoyait explicitement que deux institutions sur trois seulement organisaient les modalités de leur coopération par le biais d’un accord inter-institutionnel, et, bien évidemment, une simple déclaration accolée au traité de Nice ne pouvait pas conduire à remettre en cause une disposition explicite du droit primaire. Sur le fondement de cet article, le Conseil et la Commission continuaient à pouvoir conclure des accords bilatéraux ;

•  il était précisé que ces accords ne pouvaient nullement modifier ni compléter les dispositions des traités.

 

            Il a donc fallu attendre le traité de Lisbonne pour que soit enfin consacrée au plus haut niveau l’existence de ces accords inter-institutionnels en vertu de l’article 295 du TFUE qui stipule que «le Parlement européen, le Conseil et la Commission organisent d’un commun accord les modalités de leur coopération». À cette fin, ils peuvent conclure entre eux des accords inter-institutionnels qui peuvent revêtir le cas échéant un caractère contraignant.

Cet article nouveau consacre la prohibition des accords bilatéraux, et l’article 218 du TCE qui prévoyait ces accords bilatéraux entre le Conseil et la Commission est désormais abrogé.

 

            Le traité prévoit que ces accords peuvent revêtir un caractère contraignant, reste à déterminer quelle peut être la portée contraignante de ces accords.

 

b) Leur autorité

 

            On est tenté de comparer ces accords inter-institutionnels à des actes donnant naissance, sinon à une coutume, du moins à des conventions de la constitution. En droit constitutionnel britannique, c’est un accord de volonté entre acteurs politiques pour régir leur conduite. Mais ils n’ont qu’une autorité politique.

 

            Ils ne peuvent être opposables aux tiers, mais en revanche, ils peuvent être imposés à leurs auteurs sur le fondement de l’adage «patere legem quam ipse fecisti» (tu dois subir la loi que tu as toi-même faite) : puisque les institutions décident de conclure des accords entre elles, elles doivent s’y plier.

La CJUE a admis cet effet contraignant en annulant une décision du Conseil contraire à un arrangement qu’elle avait conclu avec la Commission. Mais le Tribunal de première instance est allé encore plus loin en 2002, en admettant la recevabilité d’un recours en annulation contre un accord conclu entre le Parlement et la Commission, lequel était exercé par des membres du Parlement européen, que l’on peut considérer comme des tiers. C’est peut être une voie ouverte à l’opposabilité aux tiers

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2.  Les accords entre Etats membres

 

a)  Les conventions para-communautaires

 

            Au sens strict, cette expression désignait un certain nombre d’accords conclus entre Etats membres dans les matières prévues à l’article 293 du TCE, en particulier pour l’exécution des décisions de justice, sur l’élimination d’une double imposition d’un Etat membre à l’autre.

 

            Ces accords ont donné lieu à la conclusion de conventions très importantes : Bruxelles I et II, de 1968 et 1998, sur l’exécution des décisions de justice en matière civile et commerciale. Elles sont désormais remplacées par des règlements communautaires.

Elles entretenaient un rapport ambivalent avec le droit communautaire : elles n’étaient pas sans lien avec lui, puisque leur conclusion était prévue par lui, parce qu’elles ne pouvaient avoir pour parties que les seuls Etats membres, parce qu’elles étaient conclues à l’initiative de la Commission dans le cadre du Conseil de l’Union, et parce que certaines avaient attribué une compétence préjudicielle à la CJUE pour interpréter les clauses.

Mais d’un autre côté, c’était des conventions de droit international qui ne faisaient pas partie du droit communautaire, elle n’étaient pas incluses dans l’acquis communautaire, et ne relevaient en principe pas de la compétence de la Cour de justice, mais seulement dans l’hypothèse où la convention l’avait elle-même prévue.

 

            On pouvait étendre la notion à des accords conclus entre Etats membres à des sujets connexes mais sans qu’ils y aient été invités, et ce de façon spontanée : c’est ainsi que fut conclue la Convention de Rome en 1980 sur la détermination de la loi applicable aux obligations contractuelles, et la Convention de Luxembourg de 1989 sur le brevet communautaire, et les accords de Schengen du milieu des années 80, quand la Communauté n’avait aucune compétence en matière de régulation des flux migratoires et du droit d’asile.

 

b) Les conventions conclues dans le cadre de l’ex-pilier III de l’Union

 

            Le TUE comprenait une disposition qui permettait aux Etats membres de conclure en matière de coopération pénale des conventions entre eux. Compte tenu de l’abrogation de cette disposition, le traité de Lisbonne doit être interprété comme ne permettant plus cette coopération.

 

            Ces conventions du pilier III se distinguaient des conventions para-communautaires sur deux points :

•  elles n’entreraient en vigueur qu’après ratification par les Etats selon leur procédure de ratification propre ;

•  le TUE donnait à la CJUE une compétence pour interpréter à titre préjudiciel ces conventions et pour régler éventuellement les différends entre Etats membres à la convention.

 

c)  Les «décisions des représentants de gouvernements des Etats membres réunis au sein du Conseil»

 

            C’est une expression officielle qui ne doit pas tromper : ce ne sont pas des actes unilatéraux adoptés par le Conseil (sinon ce serait des actes imputables à l’Union faisant partie de l’ordre juridique de l’Union), mais des accords inter-étatiques conclus dans le cadre diplomatique qu’offre le Conseil (mais qui n’est pas l’auteur de l’acte) ; la nuance est ténue.

On est ici en présence d’accords internationaux en forme simplifiée, qui deviennent obligatoires du seul fait de leur signature par les représentants des gouvernements des Etats.

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