Les actes administratifs
Un acte administratif est un acte émanant d’une autorité administrative, voire d’une personne privée sous certaines conditions.
I) L’existence d’un pouvoir réglementaire autonome
A. Avant 1958
1. La reconnaissance jurisprudentielle d’un pouvoir autonome
- Cours de droit administratif français
- La définition de l’acte administratif unilatéral
- Le fonctionnement et le contrôle des collectivités territoriales
- Les différentes catégories de collectivités territoriales
- Définition de centralisation, décentralisation, déconcentration…
- Les actes administratifs (ordonnance, circulaire, directive…)
- Le juge administratif et les PGD (principes généraux du droit)
— CE, 28 juin 1918, Heryes – Reconnaît la compétence du pouvoir réglementaire pour écarter la règle de la communication de dossier des fonctionnaires en cas de circonstances exceptionnelles pour assurer le bon fonctionnement d’un service public.
Le juge confère une capacité d’action au pouvoir réglementaire même en l’absence de loi.
— CE, 8 août 1919, Labonne – Le Conseil d’État reconnaît et valide l’existence de règlements pris par l’administration en matière de police, et non pas sur le fondement d’une loi. Valide donc l’existence d’un pouvoir réglementaire autonome.
— CE, 7 juillet 1950, Dehaene – Le Conseil d’État a autorisé au gouvernement de réglementer l’exercice du droit de grève même en l’absence de loi.
2. La pratique des décrets loi
Article 13 de la Constitution 1946 – « Seule l’assemblée nationale vote la loi, elle ne peut déléguer ce droit. » Pourtant, le gouvernement se trouve devant une situation pour laquelle il doit intervenir. Loi André-Marie du 17 août 1946. Pour la première fois, on voit dans un texte de loi une série de questions règlementaires par nature.
— CE, 6 février 1953 – Interdit des décrets loi tels que l’on les connaissait sous la IIIème, mais le législateur peut définir un domaine réglementaire avec deux limites :
o Les matières réservées à la loi. Par la Constitution.
o Le pouvoir réglementaire ne doit pas être défini de matière trop générale ou trop imprécise.
B. La Constitution de 1958
Le domaine réglementaire est un domaine dans lequel la compétence relève du droit commun. La Constitution distingue deux types de pouvoirs réglementaires :
– Le pouvoir réglementaire d’application des lois. (Article 34)
– Le pouvoir réglementaire autonome
La défense des deux domaines et similaire que celui des lois.
II) Le partage du pouvoir réglementaire
A. Le pouvoir réglementaire au niveau national
1. Le Président de la République et le Premier ministre
Il s’agit des deux autorités disposant du pouvoir réglementaire au niveau national.
Article 21 « Le premier ministre sous réserve de l’article 13 exerce le pouvoir réglementaire »
Article 13 « Le président signe les ordonnances et les décrets délibérés en Conseil des Ministres »
Le premier ministre dispose donc du pouvoir réglementaire en droit commun.
Le Président lui, a une compétence d’attribution qui est conditionné par la délibération du Conseil des Ministres.
Comment savoir si un décret doit être délibéré en CM ?
– Un texte prévoit une délibération au conseil des ministres.
– La délibération à lieu de facto, dépend de l’ordre du jour du conseil ministre, fixé en collaboration entre Matignon et l’Élysée.
– Selon la configuration politique, le Président peut bénéficier de compétences élargies ou amoindries.
article 1
9 et 22 de la Constitution sur le problème du contreseing:
l’article 19 concerne le contreseing des actes du président: « les actes du Président sont contresignés par le Premier ministre et par les ministres responsables ». Le ministre responsable est celui dont l’administration doit prendre l’initiative et la préparation des actes d’application.
l’article 22 de la Constitution concerne le contreseing des actes du Premier ministre et il dit que « les actes du Premier ministre sont contresignés par les ministres chargés de leur exécution ». Les ministres chargés de l’exécution sont les ministres compétents pour signer les mesures réglementaires et individuelles que comporte nécessairement l’exécution du décret.
A partir de là, on peut avoir deux situations distinctes:
– Un décret est signé par le Président mais pour une raison précise, il n’a pas été délibéré en conseil des ministres. Le Conseil d’Etat, dans son arrêt du 27 avril 1962, « Sicard », dit qu’un tel décret relève de la compétence du Premier ministre mais cependant, le décret n’est pas annulé car le Conseil d’Etat considère que la signature du président est surabondante mais n’entache pas de nullité le décret car figure tout de même la signature du Premier ministre.
En revanche, le Conseil d’Etat annule le décret pour un problème de contreseing de ministre. En effet, le décret a été contresigné par un ministre responsable mais pas par un ministre chargé d’exécution.
– Un décret est délibéré en conseil des ministres alors qu’aucun texte ne l’impose. Ce cas a été réglé par un arrêt du Conseil d’Etat du 10 septembre 1992 « Meyet ». L’arrêt Meyet ne revient pas sur l’arrêt Sicard. L’arrêt Meyet dit que le Président a l’obligation de signer les actes délibérés en Conseil des ministres, qu’un texte l’impose ou pas.
Le Président a un pouvoir d’évocation, c’est à dire la possibilité pour une autorité d’attirer dans son domaine de compétence une autre compétence. En effet, il suffit qu’un décret soit inscrit à l’ordre du jour du conseil des ministres pour que le Président puisse le signer. Un tel texte ne peut être modifié que par une nouvelle délibération en Conseil des ministres.
L’arrêt Collas du 9 septembre 1996 dit qu’un décret du PM peut modifier un décret délibéré en conseil des ministres, c’est à dire un décret du Président, si entre temps un décret délibéré en conseil des ministres a transféré la compétence au PM.
2) Les ministres
Les ministres n’ont pas de pouvoir réglementaire. L’arrêt du 23 mai 1969 « société distillerie Bravant » dit que le ministre dispose d’un pouvoir réglementaire dans trois cas:
– Délégation du pouvoir du PM au ministre (article 21 al 2 Constitution).
– En vertu d’une loi ou d’un décret.
– En tant que chef de service et pour régler l’organisation et le bon fonctionnement de ces services. L’arrêt du 7 février 1936 « Jamart »: son principe s’applique à tout chef de service.
3) Les autorités administratives indépendantes (AAI)
Les AAI peuvent avoir un pouvoir réglementaire mais uniquement sur habilitation législative et pour que la loi soit constitutionnelle, il faut que le législateur ne leur confère un pouvoir réglementaire uniquement « pour des mesures de portée limitée tant dans leur champ d’application que dans leur contenu ».
Cf. décision du Conseil constitutionnel du 17 janvier 1989 sur la liberté de communication.
B) Le pouvoir réglementaire au niveau local
Il existe un pouvoir réglementaire au niveau local mais il ne peut s’exercer que dans le cadre des compétences qui sont attribuées à certaines autorités locales (le maire en matière de police, le préfet…). En règle générales, ces compétences sont attribuées par la loi et on parle d’un pouvoir réglementaire sur habilitation de la loi.
La révision constitutionnelle de 2003 a fait que les collectivités territoriales disposent en règle générale d’un pouvoir réglementaire sur habilitation de la Constitution elle-même. C’est le nouvel article 72 al 3 issu de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003: « les collectivités disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences ».
III) La hiérarchie des actes administratifs
A) La hiérarchie générale
Tout en haut de la hiérarchie, on a les ordonnances. Elles sont signées par le Président de la République (article 13 de la Constitution).
- Les décrets sont signés soit par le Président, soit par Premier Ministre.
- Les arrêtés sont signés par les ministres, les préfets, les maires.
- On trouve aussi des décisions ou des délibérations.
B) Les ordonnances
La Constitution de 1958 prévoit six catégories d’ordonnances:
– Les ordonnances de l’ancien article 92 de la Constitution. Cet article a été abrogé en 1995 parce qu’il s’agissait d’un article permettant pendant les premières années de vie de la Vè république de mettre en place les nouvelles institutions de la Vè République. Le Conseil constitutionnel fonctionne sur une ordonnance de ce type. Ces ordonnances ont toutes valeur législative.
– Les ordonnances de l’article 11 de la Constitution. Il s’agit d’ordonnances prises en vertu de lois référendaires. L’arrêt « Canal » du 19 octobre 1962 régit le régime juridique des ces ordonnances. Canal était condamné à mort et ses avocats ont essayé d’attaquer l’ordonnance mettant en place la cour de justice. Le Conseil d’Etat a sauvé la vie Canal en annulant l’ordonnance: ces ordonnances sont des actes administratifs qui peuvent être déférées au conseil d’Etat.
– Les ordonnances de l’article 16 de la Constitution. L’arrêt du 2 mars 1962 « Rubens de Servens » a dit que l’ordonnance de mise en application de l’article 16, c’est à dire l’ordonnance qui constate que les conditions de l’article 16 sont réunies, est bien un acte administratif mais elle est un acte de gouvernement, c’est à dire un acte qui n’est pas susceptible de recours devant le juge administratif.
– Les ordonnances que prend le Président lorsqu’il fait usage de ses pleins pouvoirs en vertu de l’article 16. On établit une distinction selon les matières. Les ordonnances relevant du domaine de la loi ne sont pas des actes administratifs et celles qui relèvent du domaine du règlement sont susceptibles de recours.
– Les ordonnances de l’article 38. l’article 38 de la Constitution autorise le parlement à voter une loi d’habilitation et cette loi permet au gouvernement d’intervenir dans le domaine de la loi par ordonnance. En 1986, pour les privatisations, le gouvernement Chirac voulait privatiser vite et s’est fait habiliter à prendre des ordonnances. Cependant, Mitterrand ne voulait pas signer les ordonnances et Chirac a du faire adopter une loi.
La loi d’habilitation fixe deux délais: un premier délai pendant lequel le gouvernement va pouvoir édicter les ordonnances et un deuxième délai pour déposer un projet de loi de ratification des ordonnances. En effet, les ordonnances de l’article 38 sont censées être ratifiées par le législateur a posteriori.
Néanmoins, on admet deux phénomènes: une ratification implicite, c’est à dire qu’il n’y a pas de loi de ratification spécifique mais on considère que toute loi intervenant par la suite dans un domaine concerné par une ordonnance peut valoir ratification implicite de l’ordonnance. Le deuxième phénomène est qu’une ordonnance ne soit jamais ratifiée.
On a quatre situations logiques:
– Le gouvernement dépose le projet de loi de ratification et le projet est voté. Les ordonnances acquièrent alors valeur législative.
– Le gouvernement dépose le projet de loi de ratification et le vote est négatif. Dans ce cas les ordonnances sont caduques et disparaissent de l’ordonnancement juridique.
– Le gouvernement ne dépose pas ou pas dans les délais un projet de loi de ratification. Le gouvernement méconnaît ses obligations en vertu de l’article 38 et les ordonnances doivent être abrogées.
– Le gouvernement dépose son projet de loi de ratification mais il n’y a pas de vote car le parlement n’a pas le temps. On dit que les ordonnances ont une double nature : elles sont législatives car seule une loi peut les modifier mais elles ont également une nature réglementaire car elles sont susceptibles de recours devant le juge administratif. L’arrêt du 3 novembre 1961 « fédération nationale des syndicats de police » vérifie cela.
– Les ordonnances de l’article 74-1 concernent les collectivité d’outre mer et la nouvelle calédonie. Le droit applicable dans ces territoires avant 2003 était les seules lois qui précisaient qu’elles s’appliquaient dans ces territoires. Désormais, le gouvernement peut étendre par ordonnance, avec éventuellement des dispositions nécessaires, les dispositions de nature législatives en vigueur en métropole au territoire d’outre mer.
– Les lois de finances doivent être votées avant le 31 décembre de chaque année. Si ce n’est pas fait, le gouvernement peut adopter le budget par ordonnance.
C) Les circulaires et les directives
Une circulaire est un acte administratif destiné à interpréter une norme supérieure. Dans un premier arrêt du 29 janvier 1954 « institution notre dame du Kreisker », le Conseil d’Etat a élaboré une distinction entre les vrais circulaires et les circulaires réglementaires. Les vrais circulaires sont les circulaires exclusivement interprétatives et les circulaires réglementaires sont les circulaires normatives qui ont pour objet d’édicter une norme nouvelle: elles modifient donc l’état du droit.
Les circulaires uniquement interprétatives n’étaient pas susceptibles de recours car non considérées comme des actes administratifs normateur. En revanche, les circulaires normatives étaient considérées comme des actes administratifs susceptibles de recours mais le problème était le suivant: les circulaires sont faites par les ministres mais ceux-ci ne disposent pas du pouvoir réglementaires et sont incompétent pour faire des circulaires réglementaires et la majorité des circulaires normatives étaient annulées. Pour savoir si une circulaire était susceptible de recours, il fallait voir si elle était réglementaire: le juge contrôlait le fond du recours avant même de juger de la recevabilité du recours. Le deuxième soucis était le suivant: si la loi ou le décret était contraire à une norme communautaire, la circulaire l’était aussi mais n’était pas susceptible de recours car purement interprétative.
Le Conseil d’Etat, dans son arrêt du 18 décembre 2002 « Mme Duvignières », a séparé deux problèmes de droits:
– La recevabilité du recours: quand est-ce qu’une circulaire est susceptible de recours? Une circulaire impérative est un acte administratif susceptible de recours.
– Le problème du fond: quand est-ce qu’une circulaire est irrégulière ? Soit parce qu’elle a été prise par une autorité incompétente et on retrouve le cas des circulaires normatives prises par le ministre ou pour toute illégalité pour d’autres motifs.
Pour les circulaires qui ne font qu’interpréter, le Conseil d’Etat isole deux cas: l’interprétation faite par la circulaire méconnaît le sens et la portée du texte qu’elle interprète. Si l’interprétation faite par la circulaire réitère une règle contraire à une norme juridique supérieure.