Les limites du principe de légalité : les actes de gouvernement bénéficient d’une immunité juridictionnelle
Le principe de légalité n’a de sens que dans la mesure où il est assorti de sanctions. Tel est le cas aussi bien en période normale qu’exceptionnelle car le juge a le pouvoir d’annuler les actes de l’administration qui sont illégaux.
Par exception, il existe cependant des décisions d’administratives qui échappent au contrôle du juge et qui bénéficient d’une immunité juridictionnelle : le juge administratif considère qu’il n’a pas le pouvoir de contrôler leur légalité et il rejette les recours dirigés contre ces actes comme irrecevables. Pas de sanction en cas de méconnaissance de la légalité. Dans ce cas, on se trouve en présence d’une limite du principe de légalité car aucun contrôle.
C’est le cas des Acte de gouvernement (importance, politique majeure)
Ce sont des actes pris par les plus hautes autorités de l’État dont la caractéristique est d’échapper au contrôle du juge : « Actes insusceptibles de faire l’objet d’une action contentieuse ». Rejet de la requête. Évolution qui a entraîné une restriction du domaine de ces actes mais pas leur suppression car la raison de leur subsistance subsiste.
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On appelle les actes de gouvernement, des actes accomplis par des autorités administratives ou gouvernementales et qui ne sont susceptibles d’aucun recours devant les tribunaux. Si un tel acte viole la loi ou cause un dommage à un administré, celui-ci ne peut intenter ni le recours pour excès de pouvoir en vue de l’annulation de l’acte, ni le recours de pleine juridiction en vue d’obtenir réparation du dommage subi.
A. La notion d’actes de gouvernement
– Jusqu’à la fin du 2nd Empire, l’acte de gouvernement faisait acte de survivance de la raison d’État. Était considéré toute décision de l’adm inspirée par un mobile politique. Théorie illustré par un arrêt du 9 mai 1867 Duc D’Aumale. le Conseil d’Etat considère comme un acte politique la saisie d’un ouvrage écrit par le Duc et le refus de lui restituer les exemplaires saisis. Cette jurisprudence ou cette conception de l’acte de gouvernement s’explique par des raisons historiques tenant au développement de la juridiction administrative.
– Jusqu’en 1872 : justice retenue mais justice qui tentait d’acquérir son autonomie par rapport aux pouvoirs politiques mais elle ne pouvait le faire au terme d’un affrontement mais plutôt une concession (au travers de l’acte de gouvernement). Accord tacite : ok pour le développement et ne touche pas aux actes politiques pris par les plus hautes autorités. Cette conception de l’acte de gouvernement s’explique par les conditions historiques du développement de la juridiction administrative, celle-ci n’a pu asseoir son contrôle sur l’administration qu’au prix de certaines concessions dont la première était de ne pas s’immiscer dans les décisions de nature politique prise par les autorités politiques.
Ce n’est pas un hasard si le Conseil d’Etat a modifié sa conception de l’acte de gouvernement et restreint son domaine au lendemain de la loi du 24 mai 1872 qui substitue la justice déléguée à la justice retenue. Cette modification a été opérée par un des 1er grands arrêts : arrêt Prince Napoléon 19 février 1875-> Il s’agissait du cousin de Napoléon III qui avait été nommé général sous l’Empire mais dont le nom ne figurait plus dans l’annuaire militaire qui recensent les militaires. Le prince s’en est ému. Il a formé un recours contre le ministre qui refusait le rétablissement de son nom. Le ministre a indiqué que cette décision était un acte de gouvernement et ne pouvait pas être contrôlé par le CE. Le commissaire du gouvernement, David, a estimé que c’était pas un acte du gouvernement mais un acte administratif qui doit être soumit au juge. Mais le Conseil d’Etat accepte de contrôler la décision attaquée nonobstant le caractère politique. Il marque l’abandon du critère politique pour définir l’acte de gouvernement.
Le CE a donc accepté d’examiner la suppression du nom du cousin de Napoléon dans l’annuaire militaire. L’acte se définit par son objet. Il va en résulter une limitation sensible du domaine de l’acte de gouvernement car il était facile de soutenir par le ministre que de nombreux actes avaient une valeur politique vague : catégorie vaste et extensible.
B. Le domaine des actes de gouvernement
A la suite de cet arrêt, les actes de gouvernement se sont trouvés cantonnés à deux domaines dont l’étendue à été progressivement réduite.
1. L’étendue des actes de gouvernement
Ils ne concernent plus que deux catégories particulières:
Actes de gouvernement concernant les rapports entre pouvoirs publics constitutionnels: actes accomplis par le gouvernement dans ses relations avec le Parlement (ex: constitue des actes de gouvernement: la convocation du Parlement, la dissolution, le recours à l’article 16 et le dépôt de projet de loi). Actes concernant les rapports const. entre le Président de la République et le gouvernement : démission, constitution, composition d’un gouvernement, refus d’entreprendre une révision de la C°. Arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 8 septembre 2005, Hoffer. E dans cet arrêt a considéré qu’était un acte du gouvernement le refus du PM de réunir le gouvernement afin qu’il se prononce sur l’opportunité de saisir le conseil constitutionnel en vue de lui faire constater l’état d’empêchement provisoire du PR à exercer ses fonctions. Mécanisme prévue par l’article 7 de la Constitution. Citoyen a demandé au PM de réunir le gouvernement. Il a refusé. Il a fait un recours. Il a considéré que cela se rapporte aux pouvoirs public constitutionnels.
Actes du gouvernement français dans ces rapports internationaux avec des États étrangers ou des organisations internationales : Ces actes du gouvernement se rattache à une tradition selon laquelle l’activité diplomatique de l’État échappe au contrôle juridictionnel, du juge.
Les actes du gouvernement qui entrent dans cette catégorie sont très divers car il constitue un monde à part. Ex: La décision de la France de reprendre des essais nucléaires dans le Pacifique.
CE avait estimé que c’était un acte du gouvernement dans les arrêts:
Ex: arrêt 29 septembre 1995 Association Greenpeace, AJDA 1995: engagement des forces françaises en Yougoslavie
Ex: arrêt du 30 décembre 2003: Autorisation de laisser les avions militaires américains survoler le territoire national. Comité contre la guerre en Irak.
è C’est surtout en matière de convention internationale : décision d’exécution des conventions internationales dès lors qu’elles sont indissociables des conventions elles mêmes Ž refus d’inscription d’étudiant Irakien 23 septembre 2002 arrêt GISTI. CE a considéré que la suspension de la coopération scientifique et technique avec l’Irak pendant la guerre du Golf qui s’est traduit par le refus d’étudiant dans les universités constitue un acte de gouvernement.
Ce sont toutes des décisions touchant aux relations internationales.
2. Les limites des actes de gouvernement
La tendance depuis un certain nombre d’années est à la réduction de ces actes du gouvernement. L’évolution de la jurisrpudence s’est fait dans une réduction des actes du gouvernement.
Tendance à affecter les actes concernant les relations internationales de la France.
Il l’a fait par l’utilisation d’actes détachables. CE considère en effet en substance que sont susceptibles de contrôle et donc ne constituent pas des actes du gouvernement les actes qui sont détachables des relations diplomatiques de la F ou des conventions internationales auxquelles celle-ci est partie c’est à dire des actes dont la légalité peut être appréciée indépendamment de l’origine ou des conséquences internationales de l’acte sans rencontrer un E étranger.
Ex: CE considère que les décrets d’extradition des étudiants étrangers sont des actes détachables. C’est une entorse à l’État de droit. Il est normal que le juge se soit efforcé à en limiter le domaine au strict nécessaire. Pour se faire, il a utilisé la théorie des actes détachables.
C’est surtout dans le domaine des RI que le juge a restreint le champ des actes de gouvernement en ayant recours à la notion d’acte détachable. Sont susceptibles de contrôle les actes détachables des relations diplomatiques de la France : actes dont la légalité peut être apprécier indépendamment de leur origine ou de leur conséquence internationale. « Les actes qui peuvent être jugés sans que l’on rencontre un État étranger ou une organisation internationale » (Chapu).
Tendance à l’utilisation de la théorie de l’acte détachable. Les décrets d’extradition constituent des actes détachables. CE a considéré que la décision d’implantation du laboratoire européen (était détachable de l’accord en question) n’ait pas été jugé comme un acte de gouvernement Ž contrôle dans un arrêt d’assemblée du 8 janvier 1988 Ministres du Plan contre CUS.
On assiste à la même régression des actes du gouvernement dans les relations entre pouvoirs publics. Par exemple: dans la jurisprudence relativement récente, on a pu relevé que la nomination par le PM d’un parlementaire en mission n’était pas un acte de gouvernement parce que cette nomination est détachable des rapports en l’exécutif et le P: Arrêt MAIGRET du 25 septembre 1998.
De la même manière, le refus de délégaliser ou au contraire la décision de saisir le Conseil constitutionnel pour délégalisation d’un texte législatif intervenu dans le domaine réglementaire après 1958 n’a pas été considéré comme un acte de gouvernement. Il peut faire l’objet d’un recours: arrêt de section du 3 décembre 1999, association ornithologique et mammologique de Soâne et Loire.
En revanche, le Conseil d’Etat a considéré que la nomination des membres du Conseil constitutionnel par le Président de la République est un acte de gouvernement : CE Assemblée 9 avril 1999 Mme Ba AJDA 416. Donc restriction des actes du gouvernement par une interprétation plus stricte, par la théorie de l’acte détachable…
Une même évolution jurisprudentielle se retrouve dans les relations entre les pouvoirs publics constitutionnels.
C. La justification des actes de gouvernement
Comment peut on expliquer dans un Etat de Droit que les actes de gouvernement survivent?
Les actes de gouvernements subsistaient parce que les raisons qui les justifient elles même demeurent valables.
Ces raisons sont d’ordre:
– Politique: Leur maintien n’est pas exempt de considération politique mais il est dû en partie du souci du juge de ne pas s’immiscer dans des décisions dont le caractère politique est très marqué.
– Juridique: Explication plus juridique qui est la plus défendable procède de la compétence de la juridiction administrative. Le juge administratif n’est effet compétent que pour connaître des actes de l’administration. Or, le trait commun des actes de gouvernement est de ne pas concerner uniquement l’administration mais à la fois cette dernière et d’autres organes (le P par ex) ou d’autres personnes morales qui échappent à son contrôle. C’est ce caractère hybride, mixte des actes de gouvernement qui ne sont pas uniquement des actes administratifs qui expliqueraient sur le plan juridique au moins leur immunité juridictionnelle. Cela étant l’explication politique reste importante.
Tout en restreignant la catégorie des actes de Gouvernement, le juge ne les a pas fait totalement disparaître. Il existerait à coté de la fonction adm une fonction gouvernementale qui serait assuré par les autorités administratives et qui bénéficierait d’un statut favorable. Explication dans la compétence de la juridiction administrative : elle est compétente pour connaître des actes de l’adm dans l’Ordre juridique interne et non pas des actes du parlement et des actes à dimension internationale. Or la totalité des actes de gouvernement ne concerne pas uniquement l’administration mais des relations avec le Parlement, ou les États étrangers qui ne relèvent pas de compétence de la juridiction adminitrative. C’est ce caractère mixte des actes de gouvernement qui justifierait le refus de la juridiction administrative d’exercer un contrôle. Avec les actes détachables des rapports internationaux c’est à dire qu’il peut être jugé sans remettre en cause l’autre partie, il reste justiciable devant le juge administratif.
Actes de gouvernement ont une immunité sur le plan de la légalité mais on peut se demander si a terme ne sera pas consacrée la solution qui puisse engager la responsabilité de l’adm : le juge se refuserait de contrôler la légalité mais il pourrait admettre que ces actes engagent la responsabilité sur le fondement de la responsabilité sans faute de l’adm pour l’égalité devant les charges publiques s’ils causent une dommage anormal et spécial.