Les actes unilatéraux des États

Définition et régime juridique des actes unilatéraux des États

L’acte unilatéral est l’acte imputable à un seul sujet de droit, Etat ou organisation internationale. Les actes unilatéraux sont une source importante du droit international public. Il existe deux catégories d’actes unilatéraux : les actes unilatéraux des États et les actes unilatéraux des organisations internationales.

Les actes unilatéraux des États sont nés des exigences de la vie internationale.

§1) Position du problème.

A) Identification des modes étatiques de formation de droit des relations internationales.

Un certain nombre d’actes contribuent à la formation du droit international. Normalement, ce n’est pas possible, puisque ce serait une contradiction dans les termes. En réalité des actes unilatéraux des états peuvent contribuer dans certaines conditions à la formation du droit international, ce sont ces actes là que nous allons identifier. Les actes de l’état qui peuvent ainsi contribuer à la formation du droit international sont de trois ordres. Les uns sont des actes juridiques, et des actes juridiques qui relèvent de l’ordre juridique international. En second lieu d’autres actes qui sont des actes juridiques de l’ordre juridique national, au regard du droit interne. Enfin, une catégorie de comportements plus difficile à qualifier d’actes juridiques. Qui sont les comportements purement matériels, faits juridiques de l’état.

1) Actes juridiques

  • a) Notion.

Le droit international lui-même assorti d’effets juridiques internationaux les actes en question. Ce sont donc bien des actes juridiques qui tirent leurs qualités juridiques du droit international lui-même. Ces actes juridiques internationaux sont des actes diplomatiques c’est-à-dire des actes qui émanent des autorités qui ont le pouvoir d’engager l’Etat (le Chef D’Etat, le Chef du gouvernement et le ministre des affaires étrangères). Ces actes peuvent prétendre produire des effets internationaux et on peut les classer en deux catégories. Les uns sont de purs actes unilatéraux. Les autres sont des actes unilatéraux qui viennent se greffer sur une opération conventionnelle.

  • b) Actes unilatéraux purs.

La reconnaissance, c’est l’acte par lequel un Etat déclare qu’une situation de fait existe pour lui et s’engage à lui faire produire des effets de droit. C’est un témoignage. Ce quelque chose, il déclare qu’il en tiendra compte, il lui attache des conséquences de droit. Par exemple la reconnaissance d’état. C’est un acte qui cherche à produire des effets internationaux. C’est une institution centrale du droit international.

Il n’est pas rare qu’un état, représenté par ses organes supérieurs, fasse ce que l’on appelle une promesse, s’engage unilatéralement envers un autre. Il donne sa parole. Un acte unilatéral a la volonté de produire des effets de droits dans l’ordre juridique international.

Un autre exemple, les déclarations d’acceptation des décisions obligatoires de la cour. Quand un état le veut, il peut déclarer unilatéralement qu’il acceptera la juridiction de la cour internationale de justice pour juger l’affaire qui viendrait l’opposer à un autre état. Ces déclarations sont faites par un certain nombre d’état. L’état qui a fait cette déclaration d’acceptation entend bien s’engager internationalement à accepter la juridiction de la cour. On pourrait multiplier les exemples.

  • c) Actes unilatéraux liés à une opération conventionnelle.

Le droit international des traités est très largement le droit des actes unilatéraux des états relatifs à un traité. La réserve est un acte unilatéral, ou une modalité d’un acte unilatéral. Ainsi, il y a des actes unilatéraux relatifs à une procédure conventionnelle n’en sont pas moins des actes unilatéraux. Ces actes unilatéraux ne prennent en aucune manière le moule d’un acte de droit interne. Ce sont des actes qui formellement n’existent que dans l’ordre juridique international. Un autre exemple tel que la dénonciation, c’est un acte par lequel un Etat tente de se dégager de son adhésion à un traité.

2) Comportements purement matériels : les faits juridiques de l’état.

Là, les frontières de l’acte et du fait juridique sont particulièrement difficile à tracer. Comportement purement matériel, des compétences de l’état qui ont vocation à produire des effets de droit. Deux exemples.

Les précédents, ce sont des comportements purement matériels par lequel l’Etat entend produire des effets de droit (opinio juris). Ces comportements s’analysent en droit comme des actes juridiques car leurs conséquences sont voulues par leurs auteurs.

Est-ce qu’un comportement isolé peut produire des effets de droit ?

Affaire des pêcheries norvégiennes. En l’espèce, la Norvège a déterminé la largeur de sa mer territoriale, cet acte peut-il à lui seul produire des effets de droit ? Il s’agit d’un comportement actif.

Deuxième exemple, les actes purement passifs de l’état, le silence. Nous verrons que la passivité de l’état est très largement analysable entre terme d’acte juridique. Nous verrons que dans un grand nombre de cas, qui ne dit mot consent en droit international. L’effet de cette passivité est considéré comme un effet voulu. Accepter une prétention cela s’appelle un acquiescement, c’est le silence, ou la transcription juridique du silence. Le silence devient du droit par cette alchimie juridique qui consiste à l’analyser juridiquement comme constituant une acceptation. Ce n’est pas propre au droit international.

B) Régime.

1) Actes déterminés par une règle internationale supérieure

a) Cas d’une règle permissive. Validité de l’acte ; efficacité de l’acte

Elle peut résulter soit d’une convention soit d’une règle :

Ex : le droit de réserve, il existe des cas où le traité prévoit des possibilités d’introduire des réserves. Si un Etat introduit une réserve dans son acte de ratification, effets ?

si le traité prévoit la réserve alors l’acte est valable et il n’est pas nécessaire que les autres Etats acceptent la réserve, l’objection n’a ici pas de portée.

Mais si les Etats ne peuvent exercer une objection aggravée car il porterait à la validité de l’acte, l’Etat peut refuser que l’acte produise des effets. Dans ce cas, l’acre est valable mais ne produira des effets qu’avec l’autorisation des autres Etats.

b) Règle prohibitive

Lorsque le Traité interdit que la ratification sera assortie d’une réserve, l’acte unilatéral de l’Etat sera nul car il sera contraire à une règle qui lui est supérieur, le Traité. (Même effet dans le cas d’un traité fermé).

Dans la pratique, aucune autorité n’a le pouvoir de dire ce qui est permis et ce qui ne l’ai pas. Ainsi chaque Etat set maître de son appréciation, le problème de la validité et de l’efficacité des actes est donc une question très relative.

2) Actes unilatéraux purs, obligeant inconditionnellement leurs auteurs.

Les effets de ces actes ne sont pas prévus par des règles.

A ces deux hypothèses, un troisième qui relève d’un cas particulier.

(a) Illustration : l’engagement unilatéral : exprès ou inféré[3]

Dans cette situation, seul l’auteur s’est engagé. 2 exemples :

  • Par exemple, dans l’entre deux guerre, devant la cour permanente de justice internationale, opposant le Danemark et la Norvège, l’affaire du Groenland oriental. Opposition sur la question de savoir si la côte orientale du Groenland appartenait à la Norvège ou au Danemark. La Norvège avait lors de négociation avec le Danemark déclaré qu’elle ne ferait pas obstacle aux prétentions du Danemark, et notamment d’incorporé le territoire du Groenland au sien. Plusieurs années plus tard, la Norvège revient sur cette concession et n’accepte plus les prétentions du Danemark. La cour a considéré du fait de cette déclaration solennelle, la Norvège avait inconditionnellement et de manière irréversible renoncé à ses prétentions sur le Groenland.

  • On trouve en 1974 une affirmation un peu équivalente de la Cour de Justice Internationale dans une affaire qui opposait la France et l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Dans cette affaire, l’Australie et la Nouvelle-Zélande se plaignait que la France poursuivit des essais nucléaires en dépit des traités contre les essais que la France n’avait ni signé ni ratifié. Le président de la République française de l’époque avait fait devant les protestations diplomatiques une déclaration solennelle suivant laquelle, la France renonce désormais à ses essais dans l’atmosphère. Devant la Cour de Justice Internationale, la question s’est posée de savoir si de cette déclaration faite par la plus haute autorité de l’état français résultant inconditionnellement la France ? La Cour de Justice Internationale a répondu dans le même sens que la Cour Permanente de Justice Internationale

(b) Effets : l’efficacité automatique

Dans ce cas, il y a un engagement pris unilatéralement par un état. L’état se crée donc une obligation au profit des autres états.

3° Actes unilatéraux croisés, obligeant réciproquement leurs auteurs

(a) Illustration : le début d’engagement, l’acquiescement

Ce sont des actes qui créent des rapports de droit entre leurs auteurs. Par exemple, l’affaire du temple de Préah Vihear (Le temple de Preah Vihear, est situé au Cambodge).

Affaire entre le Cambodge et la Thaïlande. Le Cambodge était un protectorat français. La France agissant pour le Cambodge et le Siam (futur Thaïlande) établissent un traité de frontière. Avec sur cette frontière un temple. Dans le traité, pas de décision sur la possession de la zone du temple. 70 ans plus tard, la question se pose de savoir à qui appartient le temple. Or, devant la Cour de Justice Internationale, au moment où les deux parties avaient conclu leur traité, elles s’étaient mises d’accord pour qu’une commission mixte détermine exactement sur une carte ce qui était indiqué de manière incertaine dans le traité. Cette commission de délimitation ne s’est jamais réunie.

La carte a été faite unilatéralement par la France. Cette carte attribue la zone du temple au Cambodge. Quand 70 ans plus tard la question se pose, on se demande quel effet attribuer à l’acte unilatéral qu’est la carte. La Cour de Justice Internationale a raisonné de la manière suivante. Cette carte a été faite de manière officielle, elle a été présentée à des autorités Siamoises. Lesquelles n’ont pas protesté. Ils auraient du. Du fait de cette passivité immédiate, ce n’est pas un phénomène coutumier, la cour tire un acquiescement de la part du Siam.

(b) Effets : l’efficacité conditionnelle

L’autre état est en position de réagir. La prétention unilatérale se consolide par le fait que l’état n’a pas réagi. Ce sont donc des actes unilatéraux croisés car :

  • prétention de l’un des états
  • acceptation par le silence de la prétention

Son consentement résulte donc de son silence. L’état ne doit pas laisser sans réagir un autre état qui fait des prétentions qui lui font du tort. S’il garde le silence, il est réputé avoir acquiescé à ses prétentions. Il a acquiescé implicitement aux prétentions. Accepter une prétention cela s’appelle un acquiescement, c’est le silence, ou la transcription juridique du silence. Le silence devient du droit par cette alchimie juridique qui consiste à l’analyser juridiquement comme constituant une acceptation. Ce n’est pas propre au droit international.

§2) Actes Étatiques internes

A. Identification

Position du problème

(a) Le droit étatique complémentaire, condition d’opération du Droit International

Le droit étatique est le droit établi par un état agissant tout seul. Presque toutes les règles internationales supposent pour pouvoir s’appliquer une collaboration du droit interne.

  • Ex1 : la règle de Droit International Public qui dit que les étrangers bénéficient du droit de saisir les tribunaux et ont une capacité d’ester en justice. Le mot d’étranger n’est défini qu’en droit interne. La qualité de français s’apprécie par la qualification des règles françaises. La règle de droit international renvoie donc à des règles de droit national.
  • Ex 2 : dans un traité franco-suisse, traité qui établit des dispositions fiscales sur les sociétés françaises établies en Suisse et Sociétés suisses établies en France. Le mot société n’est pas défini dans le DIP, il renvoie aux définitions suisses et françaises du mot société.

Le Droit International Public a donc besoin de la collaboration du droit interne.

(b) Notion d’acte étatique interne ; validité et efficacité dans les 2 ordres

Ce sont des actes faits par des autorités internes de l’état. Ces autorités peuvent avoir des compétences internes et externes (le président de la République par exemple) ou juste internes (le parlement ne trouve aucun ancrage dans l’ordre juridique international).

Ces actes intéressent les relations transnationales.

La question : dans quelle mesure l’état peut produire dans son droit interne des actes qui vont avoir un effet international ?

2° Variétés : actes-règles et actes constituant une situation légale individuelle

  • actes-règles : cela peut être par exemple :
  • les règles de la constitution: un traité ne peut pas être ratifié en Droit International Public si la constitution ne dit pas qui a la compétence pour ratifier les traités
  • Les règles législatives: chaque état a sa loi pour définir les conditions d’attribution de la nationalité
  • Les règles infra-législatives: les règles réglementaires comme la notion de Zone économique exclusive qui a été déterminé par un règlement.

  • actes constituant une situation légale individuelle :

Exemple: la loi française détermine la nationalité. Si un étranger demande la naturalisation, c’est un acte par lequel une autorité administrative lui accorde la qualité de français. Cet acte, appliquant une règle, détermine une qualité. Cet acte, purement interne va donc avoir des conséquences internationales.

Question : est-ce que cet acte peut être opposable aux autres états ?

B. Détermination par le droit international des actes étatiques

Type 1 et 3 : ce sont les types extrêmes qui ne posent pas de problème.

Type 1 : cas ou la règle internationale est complète

(a) Illustrations : règles substantielles renvoyant à des actes étatiques formels

Par exemple, le cas de la réserve interdite, ou le cas de l’adhésion interdite à un traité. Si un état fait un acte unilatéral, il est nécessairement sans porté, puisque la règle de droit international détermine de manière parfaitement univoque l’interdiction de cet acte. L’acte unilatéral de l’état est parfaitement déterminé par la règle internationale qui ne laisse à l’état aucune liberté. Dans cette première hypothèse, nous avons une collaboration entre l’ordre juridique internationale et d’autre part les règles de l’état. Nous avons donc un concours du droit international et du droit interne pour produire un certain effet. Mais ici la règle du droit international détermine à 100% la conduite de l’état. Un acte entièrement déterminé par le droit international.

Autre exemple de cette première catégorie, les conventions de droit uniforme. Des états pouvaient parfaitement par traité s’entendre pour appliquer et pour adopter la même loi, au lieu de fabriquer chacun dans son coin une loi relative à la vente ou au transport international. Les états se mettent d’accord pour adopter une relation commune. L’objet du traité est de fixer un texte que chacun des états va devoir reproduire nationalement. Quelle est la latitude laissée à l’état. C’est de faire une loi. Il va faire un acte unilatéral. Cette loi, il n’a plus du tout la maîtrise de son contenu. Premier pôle.

(b) Régime : validité et efficacité, dans l’ordre interne et dans l’ordre internat

La règle de droit international va entièrement déterminer les actes de l’état dans sont ordre juridique interne, la règle internationale ne va lui laisser aucune liberté dans l’application. L’autorité de chaque état est complètement liée.

2° Type 3 : cas ou la règle internationale est vide

Ce sont des règles de pure habilitation.

(a) Illustration : règles formelles renvoyant à des actes étatiques substantiels

  • Ex 1 : Pour qu’un état ratifie un traité, il faut que la constitution détermine qui ratifie les traités. Il appartient donc à chaque état de déterminer qui va ratifier les traités. La règle de droit international renvoie donc à une règle interne : elle est vide car elle ne dit rien au fond. Elle laisse toute liberté à l’état pour déterminer le contenu de ses règles.
  • Ex 2 : pour les règles relatives à l’immunité des chefs d’état : ce sont des règles internationales. Mais ces règles ne disent pas qui est le chef de l’état. C’est le droit interne qui va déterminer qui est le chef de l’état.

(b) Régime : validité et efficacité, dans l’ordre interne et dans l’ordre internat

Le pole opposé. Des règles internationales disent aux états, dans tels domaines, dans tels matières, vous être seuls compétents pour fixer les règles, et à l’intérieur de ce domaine, vous faites ce que vous voulez. Une compétence exclusive pour se donner les règles et dans le cadre de cette compétence exclusive, pouvoir discrétionnaire du contenu de ces règles

3° Type 2 (droit commun) : cas où la règle internationale est incomplète

Il y a la situation intermédiaire, le degré intermédiaire de conduites étatiques. Il y a un renvoie partiel au droit interne car la règle internationale est incomplète.

(a) Illustration : règles mixtes renvoyant à des actes étatiques mixtes

  • Ex 1 : tracé de la mer territoriale.

L’état détermine unilatéralement la largeur de sa mer territoriale et il le fait par des actes juridiques purement internes. C’est lui qui va dire que sa mer territoriale va avoir telle largeur,… Acte unilatéral, mais le droit international ne se désintéresse pas du fond de la réglementation des états. Il existe des règles de droit international qui sont concurrentes des règles de droit interne. Conflit, il faut trouver un moyen pour que le droit international qui se présente comme le cadre s’impose au droit de l’état. Dans le DIP, il y a des règles de fond souple qui laissent une marge d’appréciation.

  • Ex 2 : Droit de la nationalité.

Chaque état détermine lui-même par sa propre loi qu’elles sont ses propres règles de nationalité. Actes unilatéraux. Mais, le droit international ne se désintéresse pas des conditions d’attribution de la nationalité. Le droit international pose des règles générales en disant que les états ont le pouvoir de déterminer leurs règles de nationalité, mais doivent obéir aux règles internationales.

(b) validité et efficacité, dans l’ordre interne et dans l’ordre internat

2 éléments importants dans le régime juridique :

  • La validité des actes en question:

Ce sont des actes étatiques tels que la constitution, la loi, etc. Ce sont des règles internes. Le Droit International Public n’a aucune prise sue la validité des actes juridiques internes et ne prend pas position sur la validité des actes de droit interne. Il n’y a pas de contact entre l’ordre juridique interne et l’ordre juridique international. A la différence du droit communautaire ou il peut y avoir invalidité ou incompatibilité.

  • L’efficacité:

Un acte juridique étatique de droit interne ne sera efficace dans l’ordre juridique international que s’il est conforme aux règles de fond du droit international qui détermine sa validité. Cf. : exemple mer territoriale et Nationalité.