Responsabilité du transporteur : Les actions en réparation d’une avarie ou perte partielle
Certains points du contrat de transport sont tellement spécifiques que d’autres règles que celle générales et uniformes doivent trouver application.
Ces règles édictées par le Code de commerce vont s’ajouter à la prescription annale pour procurer au transporteur une protection renforcée, notamment pour les actions en réparation d’une avarie ou d’une perte partielle. D’autres règles vont encore limiter les actions en prévoyant, dans certains cas, une prescription d’1 mois.
1) Le domaine de la forclusion
Qu’est ce que la forclusion? C’est la Sanction qui frappe une personne qui n’a pas accompli des formalités requises dans les délais prévus par la loi. Elle a pour effet d’éteindre l’action dont disposait la personne qui a laissé passer le délai de forclusion. Il en est par exemple ainsi lorsqu’une partie à un litige a laissé passer un délai de recours
- Le droit des transports
- Les actions en réparation d’une avarie ou perte
- Responsabilité du transporteur : juge compétent, délai pour agir
- La responsabilité du transporteur en cas d’avarie ou retard
- La responsabilité du transporteur
- La responsabilité du transitaire ou du commissionnaire
- Le transitaire : statut, définition, responsabilité, obligations
Le transporteur est soumis à un régime de responsabilité sévère en cas de perte ou avarie, il faut donc qu’il soit informé rapidement des intentions de son adversaire d’autant qu’il va devoir aussi réunir des preuves dans la plupart des cas, périssables. Pour cette raison, les textes imposent au destinataire de protester rapidement lorsqu’il constate une perte ou une avarie à la livraison. Pour ce faire, il dispose de 3 jours pour émettre des protestations motivées ou pour recourir à l’expertise. Si ces formalités ne sont pas accomplies, le transporteur pourra opposer une fin de non-recevoir lorsqu’il sera assigné devant le tribunal, cette fin de non-recevoir qui entraîne une déchéance du droit d’agir est la forclusion.
La forclusion a un domaine précis, il faut préserver les preuves avant qu’un véhicule ne soit réutilisé et c’est la raison pour laquelle la jurisprudence l’applique uniquement aux actions en responsabilité contractuelle. De surcroit, la Cour de cassation les a exclues en matière maritime ce qui entraîne automatiquement son exclusion en cas de combinaison terre/mer. Sinon les textes sont clairs: la réception des objets transportés éteint toute action contre le voiturier pour avarie ou perte partielle.
- A) Les actions soumises à la forclusion
La fin de non-recevoir titrée de la forclusion est destinée à permettre au voiturier d’établir que l’exécution du contrat de transport a été correcte, tout au moins en ce qui concerne les dommages dont les preuves sont fragiles et rapidement périssables. Chaque fois qu’une preuve est fragile ou périssable, on fait en sorte que le transporteur puisse opposer la fin de non-recevoir. Les textes prévoient que la forclusion peut être opposée par le voiturier aux actions intentées contre lui par le destinataire ou le commissionnaire.
En revanche, lorsque la marchandise a été réexpédiée chez l’expéditeur, se pose la question de savoir si le voiturier peut opposer la fin de non-recevoir, cette question remettrait en cause les notions de destinataire, de réception et de contrat unique. En jurisprudence, pour réexpédier la marchandise, il faut un nouveau contrat de transport, on peut donc en déduire que lorsque la marchandise a été réexpédiée, il y a fin de non-recevoir puisque l’expéditeur n’a pas qualité pour contester la livraison.
Sont concernées:
– l’action en réparation d’une avarie: les preuves de l’existence et de l’importance d’une avarie doivent être rapidement rassemblées pour ne pas prêter à discussion. En France, pour éviter les discussions, on ne distingue pas les avaries apparentes et les avaries occultes.
– l’action en réparation d’une perte partielle: une partie de la marchandise fait défaut à l’arrivée. Il peut aussi s’agir d’une livraison intacte, le destinataire ayant laissé sur place les marchandises qui ont été endommagées ensuite. Il peut aussi s’agir de la marchandise qui a été sauvée d’un véhicule ayant pris feu à destination. Dans toutes ces hypothèses, il n’y a pas perte totale puisqu’il y a eu présentation à la livraison, c’est la raison pour laquelle la forclusion est possible.
- B) Les actions échappant à la forclusion
Le texte est clair: la fin de non-recevoir peut être opposée par le voiturier uniquement lorsqu’il est assigné en réparation d’une avarie ou d’une perte partielle.
Sont ainsi exclues:
– les actions en responsabilité pour perte totale: dans ce cas, il n’y a pas eu réception de la marchandise par le destinataire, le destinataire n’est forcément pas satisfait de l’exécution du contrat de transport. Il est donc normal que la fin de non-recevoir ne s’applique pas.
– les autres actions en responsabilité: le fin de non-recevoir ne s’applique pas aux actions en responsabilité pour retard ni aux actions en réparation d’une avarie occasionnée par un retard. La forclusion ne concerne pas non-plus les actions relatives au paiement du prix du transport.
2) Les bénéficiaires de la forclusion
La forclusion protège les voituriers, elle ne peut donc être invoquée que directement et à titre personnel par les transporteurs. Cependant, parfois, le commissionnaire peut en bénéficier.
- A) Le voiturier
Selon les textes, le voiturier est la seule personne qui puisse invoquer directement la forclusion, il faut qu’il s’agisse d’un voiturier au sens strict i.e. un voiturier professionnel. La forclusion ne peut donc pas bénéficier à une personne qui accomplit un acte isolé de transport, même rémunéré.
La doctrine estime même que la forclusion ne bénéficie qu’au voiturier de métier dont la protection exige cette règle écrite.
La jurisprudence y fait très attention. Ainsi, la forclusion est refusée à un hypermarché qui faisait des livraisons dans le cadre de ses contrats de vente (professionnel de la vente et non du transport).
La fin de non-recevoir ne va pas non-plus opérer entre transporteurs successifs même pour un même transport parce que les textes imposent des formalités mais uniquement au destinataire. Finalement, le seul visé est le transporteur final. Dans une affaire, le juge a noté que le deuxième transporteur était en réalité le destinataire de la marchandise, elle a ainsi permis au premier transporteur d’invoquer la fin de non-recevoir, mais c’est rare, en principe le seul transporteur pouvant invoquer la forclusion est celui recevant les protestations.
- B) Le commissionnaire
Le commissionnaire en principe ne peut pas invoquer la forclusion lorsqu’il est actionné en sa qualité de commissionnaire. Le texte ne vise que le voiturier. Mais le commissionnaire peut indirectement bénéficier de la forclusion lorsqu’il est actionné en tant que garant du transporteur car alors il récupère les droits du voiturier.
Le commissionnaire peut bénéficier de la forclusion dans 2 cas:
- – le commissionnaire exécute lui-même le dernier transport: il recevra les protestations en tant que voiturier et indirectement en tant que commissionnaire. Si cela est possible en théorie, en pratique, les juges mettent en avant la qualité de commissionnaire et ont tendance à refuser la forclusion au profit du commissionnaire transporteur final.
- – le commissionnaire bénéficiaire indirect: le commissionnaire va bénéficier par ricochet de la fin de non-recevoir lorsque le transporteur l’appelle en garantie mais le commissionnaire doit à tout prix soulever le moyen même si le transporteur l’a déjà fait lui-même.
3) Les conditions d’opposabilité de la forclusion
Le voiturier peut opposer la forclusion si le destinataire n’a pas accompli les formalités (dans les délais). La forclusion est une défense au fond, elle peut donc être invoquée pour la première fois en appel et le juge du fond peut la relever d’office car il s’agit d’un moyen de défense de CODE DE PROCÉDURE CIVILE Article125 i.e. un moyen de défense ayant un caractère d’ordre public. CODE DE PROCÉDURE CIVILE Article125 le juge relève d’office mais ne peut en tirer les conséquences, il doit demander aux parties leurs observations.
S’agissant d’une défense au fond, la forclusion ne peut être invoquée pour la première fois devant la Cour de cassation.
Le voiturier peut être privé de son droit d’invoquer la forclusion en raison de son comportement, il peut avoir, par son attitude, renoncé à l’invoquer ou il peut également avoir commis une fraude envers son client.
- A) La renonciation du voiturier
Cette forclusion n’est pas d’ordre public, plus précisément, seules les formes dans lesquelles les conditions doivent être réunies sont impératives. On ne peut pas modifier le délai par contrat, un voiturier ne peut indiquer dans un contrat que le destinataire serait forclos au bout de 24 heures. En revanche, il est toujours possible pour un voiturier de ne pas invoquer la forclusion, une demande qui serait faite au bout d’une semaine est normalement tardive mais un transporteur peut toujours l’admettre. Les juges ont ainsi retenu une renonciation à la forclusion lorsqu’un transporteur avait demandé au destinataire de passer dans ses bureaux à une date ultérieure pour faire état des réserves, le jour où les réserves ont été faites il était trop tard mais les juges ont estimé que l’entretien qui avait eu lieu entre les parties sur invitation du voiturier valait renonciation à la forclusion. Toutefois, lorsque le voiturier transmet une facture à son assureur, cela ne constitue pour lui qu’une mesure conservatoire et absolument pas une renonciation à la forclusion, il ne fait que préserver ses recours.
- B) La fraude
Le voiturier peut aussi avoir un comportement frauduleux, et ce comportement frauduleux va l’empêcher d’invoquer la forclusion. Cour de cassation 29 avril 1947 estime que la non-opposabilité de la forclusion est une sanction de la fraude commise par le voiturier ou ses préposés.
La fraude peut être de 2 types: il peut s’agir de la soustraction frauduleuse de la marchandise en tout ou partie ou de la mauvaise foi du voiturier qui fait tout pour empêcher le destinataire de protester en temps utiles (ex: livraison à une adresse volontairement modifiée, intervention d’un tiers pour que le destinataire ne réceptionne pas la marchandise et ne puisse la vérifier dans le délai de 3 jours). Les cas de fraude les plus fréquents sont les silences gardés à propos d’accidents de la circulation, un accident est dissimulé, en apparence la marchandise est parfaite mais en réalité l’accident a eu des conséquences sur la marchandise.
4) Les effets de la forclusion
- A) Les effets à l’égard du transporteur
La forclusion est à l’égard du transporteur une fin de non-recevoir qui produit un effet catégorique, radical puisqu’elle éteint toute action en responsabilité contre lui fondée sur une avarie ou une perte partielle. Le tribunal ne pourra pas juger l’affaire au fond même s’il est évident que le transporteur est responsable. D’ailleurs, si le transporteur n’a pas invoqué la forclusion, son assureur peut ne pas l’indemniser, il peut lui refuser de le rembourser au motif qu’il aurait dû invoquer la forclusion. Cela s’explique par le fait que l’assureur n’avait pas à garantir le risque puisque la responsabilité du transporteur ne pouvait pas normalement être mise en cause (Cour de Cassation, oct. 2004).
- B) Les effets envers le destinataire
La fin de non recevoir peut avoir pour conséquence d’engager la responsabilité du destinataire envers l’expéditeur. En effet, le destinataire qui réceptionne les marchandises doit vérifier si le contrat a été correctement exécuté et s’il constate une avarie, il doit prendre les mesures nécessaires pour préserver ses droits contre le voiturier or s’il y a forclusion c’est qu’il n’a pas agi correctement, le transporteur sera tranquille mais le destinataire supportera les frais car il n’a pas agi correctement et dans les délais, il sera donc condamné en lieu et place du voiturier pour indemniser l’expéditeur. Il faudra prouver que son attitude, que sa négligence a créé un préjudice à l’expéditeur.