Les bonnes mœurs

Les bonnes mœurs en droit des contrats. 

 La notion de bonnes mœurs se rencontre dans la loi civile (article 6 du Code civil ; article 1133 du Code civil : la cause est illicite, quand elle est prohibée par la loi, quand elle est contraire aux bonnes mœurs ou à l’ordre public) mais aussi dans la loi pénale (article 283 CP : outrage aux bonnes mœurs). 

I ) L’objet du contrat ne doit pas porter atteinte aux bonne mœurs

L’objet du contrat est l’opération juridique envisagée par les parties. Ce peut être la création, le transfert d’un droit réel ; la création, le transfert, la modification, l’extinction d’un droit personnel ; la création d’un effet de droit autre (contrat ni constitutif ni translatif de droit réel ou de créance) : partage, l’objet du contrat est alors l’opération juridique poursuivie. 

 

Les parties sont libres d’envisager toutes les opérations juridiques, cette liberté découle du principe de l’autonomie de la volonté. Mais pour être valable, un contrat ne doit pas heurter l’ordre public et les bonnes moeurs ni constituer une fraude à la loi.

 II ) Application de la notion de bonnes mœurs

L’article 6 du Code civil ne doit pas être pris à sa lettre, on ne doit pas déroger non seulement aux lois mais aussi aux bonnes mœurs directement, même si elles ne sont consacrées par aucun texte. Il n’y a pas d’identification à faire entre les bonnes mœurs et la morale. S’il est vrai qu’il est nécessaire d’observer certaines règles morales, ce n’est pas pour elles-mêmes, c’est parce qu’elles constituent les règles relevant d’une morale sociale fondamentale pour l’ordre même de la société. 

Les bonnes mœurs ne sont que l’un des aspects de l’ordre public classique dont elles ne peuvent être séparées, elles sont les coutumes des honnêtes gens à un moment donné dans une société déterminée. 

 1°/ Application dans le domaine de la morale sexuelle. 

C’est le domaine d’intervention le plus net du rôle de la cause immorale. La jurisprudence annule donc tous les contrats qui, sans l’avoir directement pour objet, ont pour finalité l’exploitation d’une maison de tolérance : contrat de prêt en vue de l’acquisition de ce genre de « fonds de commerce » (Req., 1er avril 1895 ; D. 1895 I p263), contrat de location de l’immeuble (Soc., 29 octobre 1957 B. n°1027), contrat d’engagement du personnel. 

La jurisprudence annulait les libéralités consenties entre concubins jusqu’à une période très récente, avec une distinction. 

  

La libéralité encourait la nullité non pas en raison des relations sexuelles présentes ou passées entre l’auteur et le bénéficiaire, mais seulement si cette libéralité tendait à l’établissement, au maintien ou à la reprise des relations (Civ. 1, 25 janvier 1972 ; D. 1972 p413). La libéralité était valable lorsqu’elle avait pour but de mettre fin à cette relation ou lorsqu’elle était inspirée par la volonté de réparer un préjudice, d’assurer l’avenir du concubin, de le remercier des soins prodigués (Civ. 1, 6 octobre 1959 ; D. 1960 p515 note Malaury). 

En 1999 a eu lieu un revirement de jurisprudence : « attendu que n’est pas contraire aux bonnes mœurs la cause de la libéralité dont l’auteur entend maintenir la relation adultère qu’il entretient avec le bénéficiaire » (Civ. 1, 3 février 1999 ; D. 1999 p267 rapport Sabatier, note Langlade ; JCP 1999 II 10083, note Billiard ; Contrat Concurrence Consommation juillet-août 1999 n°105 p9, obs. Leveneur).  

  

2°/ Application dans d’autres domaines.

 Les conventions portant atteinte à l’intégrité de la personne humaine se traduisent par la nullité lorsqu’elles contreviennent au respect du à la personne humaine ; en revanche, les conventions relatives à l’intégrité physique appellent quelques nuances : la nullité est encourue en cas d’exposition inutile à un danger immédiat, mais s’il y a validité en cas d’intérêt légitime (intervention chirurgicale). Depuis est intervenue la loi du 29 juillet 1994 (article 16-1s cc).

 L’article 1965 du Code civil refuse au gagnant de jeux et paris l’action en paiement contre le perdant (la loi n’accorde aucune action pour une dette du jeu ou pour le payement d’un pari), la jurisprudence annule également les conventions qui permettent le jeu ou le favorisent, les contrats de prêt consentis à cet effet.

 Certaines conventions illustrent le caractère évolutif de la notion de bonnes mœurs comme de celle d’ordre public : les rédacteurs du code civil voyaient une spéculation sur la durée de la vie humaine dans le contrat d’assurance sur la vie (en cas de décès) et le considéraient comme immoral même s’ils l’ont réglementé, mais ils ont admis le contrat de rente viagère. La jurisprudence a tendu à valider l’assurance sur la vie en raison de son utilité, de la sécurité qu’elle procure au niveau familial en cas de décès, elle a été consacrée par la loi du 13 juillet 1930. Certaines formes sont même aujourd’hui encouragées par le législateur contemporain sous la forme d’incitations fiscales.

 Le contrat de courtage matrimonial a longtemps été tenu pour immoral par la jurisprudence, mais sa validité a été admise (Req., 27 déc. 1944 ; D. 1945 p125) et confirmée par le législateur : l’article 6 de la loi du 23 juin 1989 (information et protection du consommateur) vise ce contrat.

 

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