La phase de l’instruction pénale : procédure et caractères
Une fois l’action publique déclenchée, elle va devoir être exercée. Par principe, cet exercice de l’action publique est le monopole du ministère public. Le ministère public peut déclencher les poursuites au stade de l’instruction ou du jugement, ainsi que la partie civile. Le procureur de la République peut ouvrir une information judiciaire
Définition de l’instruction ? C’est une étape de la procédure pénale pendant laquelle un juge d’instruction procède à plusieurs actes d’enquête judiciaire appelé aussi « information judiciaire »
- Cours de Procédure Pénale
- La fonction de juridiction d’appel de la chambre de l’instruction
- Le contrôle de la légalité des actes d’instruction
- Le référé-détention et le référé-liberté
- La détention provisoire : condition, durée, procédure
- Les décisions sur la liberté du mis en examen
- La fin de l’instruction : ordonnance de non-lieu, de renvoi…
Chapitre 1 : Description de la phase de l’instruction
C’est le moment de la procédure qui vise à savoir si une affaire peut être jugée. Elle prépare le jugement, c’est la phase préparatoire. Juridiquement, une instruction est toujours possible, pour toute infraction, serait-ce pour une simple contravention, sous réserve que seul le ministère public peut saisir. Il arrive que cette instruction soit obligatoire comme en matière de crime ou pour certains délits s’ils sont imputables à un mineur par exemple.
Elle peut être obligatoire aussi pour des raisons de fait . Lorsque l’auteur d’une infraction n’est pas identifié, il faudra chercher qui il est si l’on veut le connaître. Il faut aussi rappeler que l’instruction s’intègre dans le principe de séparation des phases de la procédure, qui explique les règles qui président à l’étendue de la saisine des juridictions d’instruction, et notamment le principe de la saisine in rem. La juridiction est saisie pour ce qui est posé dans l’acte de saisine. Si un juge d’instruction est saisi in rem, il ne l’est pas in personam et peut instruire à l’encontre de toute personne.
Ces précisions étant données, il s’agit de voir les grandes étapes d’une instruction sachant qu’il faudra illustrer le caractère mixte de l’instruction.
Qui peut demander l’ouverture d’une information judiciaire ?
- – Le procureur de la République peut ouvrir une information judiciaire par un «réquisitoire » suite à une plainte ou suite au constat d’infraction par un OPJ. Il est libre de saisir ou pas le juge d’instruction sauf en cas crime (dans ce cas, c’est obligatoire)
- – Une victime peut demander l’ouverture d’une information judiciaire grâce à une plainte avec constitution de partie civile.
Quels sont les moyens du juge d’instruction ? il peut procéder à tous les actes qu’il estime utiles à la manifestation de la vérité. Par exemple : interroger, confronter, auditionner des témoins et les parties civiles , perquisitionner, saisir des preuves, demander des, écoutes téléphoniques, ordonner des expertises, des prélèvements ADN, délivrer un mandat de recherche, de comparution, d’amener ou d’arrêt,
Il peut aussi demander à la police ou à la gendarmerie de procéder à certains actes à sa place. Il les saisit grâce à une commission rogatoire.
Le juge d’instruction est un juge du siège indépendant du pouvoir politique. Pendant longtemps, il a été un juge unique. On a beaucoup dénoncé ce caractère du juge unique, et on en a fait un de ses vices majeurs. À la suite de l’affaire d’Outreau, la décision a été prise d’essayer de rendre le travail du juge d’instruction collégial. L’idée était que des erreurs étaient favorisées par un juge victime de ses préjugés et seul pour décider. On a donc voulu instaurer une collégialité de l’instruction.
Depuis le 1er mars 2008, on a créé des pôles de l’instruction au sein desquels on va regrouper les juges d’instruction d’un même tribunal de grande instance. On a créé au moins un pôle d’instruction par ressort de cour d’appel. Au 1 er janvier 2010, il était prévu que tous les juges d’instruction seraient rattachés à un pôle, ce qui a été reporté à 2011 car cela coûte cher et que l’on veut maintenant supprimer les juges d’instruction.
À cette date, au 1er janvier 2011, toute instruction a été confiée à un collège de l’instruction, de 3 juges d’instruction dont l’un étant le coordinateur. En l’attente de 2011, il a été prévu que les affaires criminelles relèveraient systématiquement des pôles de l’instruction. En l’attente de cette collégialité systématique à venir, on désigne un ou plusieurs juges d’instruction adjoints. Cette co-saisine transfère compétence aussitôt à des juges du pôle de l’instruction.
Comment prend fin l’instruction ?
L’instruction ne prend fin que lorsque l’enquête est terminée, sous réserve que sa durée reste raisonnable. Le juge rend alors une ordonnance de non-lieu ou de renvoi.
Non-lieu : Le non lieu signifie que le juge renonce à renvoyer la ou les personnes mises en examen devant un tribunal.
Il peut être prononcé par le juge, si au moins une des conditions suivantes est remplie :
- le juge estime que les faits ne constituent pas une infraction,
- il n’y a pas d’auteur probable identifié de l’infraction,
- il n’existe pas de charges suffisantes contre la personne mise en examen.
Par exemple, il peut y avaoit non lieu si l’enquête a établi que le mis en examen a agi en état de légitime défense, le juge prononce également un non-lieu ou si le mis en examen meurt avant la fin de l’enquête. En cas d’insuffisance de charges, le procureur peut demander la réouverture de l’enquête si de nouvelles preuves apparaissent (témoins, preuves matérielles…). Lui seul peut demander cette réouverture, les parties civiles ne peuvent s’adresser directement au juge.
Renvoi : S’il ne prononce pas le non-lieu, le juge, suivant la gravité des faits :
- ordonne le renvoi de la personne mise en examen devant le tribunal de police (pour une contravention),
- ou la renvoie devant le tribunal correctionnel (pour un délit),
- ou la met en accusation devant la cour d’assises (pour un crime).
Chapitre 2. Le caractère mixte de l’instruction
Il faut se rappeler, s’agissant de la situation actuelle, le système de procédure est divisé en plusieurs étapes. Le simple fait que la procédure soit divisée en étapes est la marque de l’influence des systèmes inquisitoires. Il reste que, avec le temps, ce modèle inquisitoire originel a subi une notable évolution. Autrement dit, ce caractère inquisitoire a connu un déclin constant. Il reste aujourd’hui encore, et c’est l’objet de tous les débats, une trace majeure de l’influence de ce système. C’est le fait que le juge cumule des fonctions d’investigation et de juridiction.
Section 1 : Les signes du déclin de l’inquisition
Dans une vision traditionnelle des choses, on considère que des caractères de la procédure témoignent de l’inquisition : le caractère écrit, secret et non contradictoire. C’était le cas dans le système français traditionnel. On a actuellement des nuances.
- 1. Le caractère secret de l’instruction
C’est une règle connue : l’instruction est secrète ; secret qui s’étend à la phase d’enquête, consacré à l’article 11 du Code de Procédure Pénale (« Sauf dans le cas où la loi en dispose autrement et sans préjudice des droits de la défense, la procédure au cours de l’enquête et de l’instruction est secrète. »). Ce secret doit être bien compris car il pose deux questions différentes. La première est de savoir à qui ce secret est opposable. La seconde, différente est de savoir qui en est tenu.
- A qui le secret est-il opposable ?
C’est à ce point de vue que l’on a eu une évolution. Aujourd’hui, le secret de l’instruction ne concerne véritablement que les tiers à la procédure . C’est surtout à leur égard que l’instruction demeure secrète, ce qui veut dire qu’à l’égard des parties, elle a perdu ce caractère. Même à l’égard des tiers, le secret n’est plus absolu. En effet, les audiences au cours desquelles on décide d’un placement en détention provisoire sont en principe publiques, devant le juge des libertés et de la détention ou la chambre de l’instruction. Le caractère publique de l’audience signifie que toute personne peut être présente et assister aux débats, sauf si l’audience a lieu à huis-clos, ce qui peut se faire en cas d’opposition de la publicité par le procureur ou la personne mise en examen.
Plus largement, les audiences de la chambre de l’instruction se déroulent en principe en chambre du conseil, c’est-à-dire sans publicité. Désormais, la publicité est possible à la demande de la personne mise en examen ou de son avocat. Pour le reste, le secret de l’instruction n’est pas opposable aux parties, ni au parquet qui a accès au dossier .
Ces conseils, s’agissant des parties privées, peuvent se faire délivrer copie des pièces du dossier, dont elles peuvent remettre une copie à leur client sauf si le juge d’instruction s’y oppose. Si elle s’y oppose, il y a un recours possible devant la chambre de l’instruction, en application de l’article 114 du Code de Procédure Pénale qui organise une transparence de l’instruction à l’égard des parties. Les concernant, le secret de l’instruction est un concept qui n’a plus de sens.
- Qui est tenu au respect du secret ?
L’article 11 du Code de Procédure Pénale considère que le secret s’impose aux personnes qui « concourent à l’instruction ». D’après la jurisprudence, cela recouvre les magistrats eux-mêmes, les greffiers, les policiers et gendarmes, mais aussi les interprètes qui concourent à l’instruction ou encore les experts.
Les personnes qui ne concourent pas à l’instruction n’ont donc pas à respecter le secret. Ainsi, la personne mise en examen elle-même n’est pas tenue de respecter ce secret de l’instruction. De même, la partie civile n’y est pas tenue.
Il y a néanmoins une limite apportée à la possibilité de parler librement de l’instruction. Les parties privées peuvent obtenir une reproduction des pièces du dossier par leur avocat , pièces qu’ils ne peuvent divulguer à des tiers sauf si elles le faisaient pour les besoins de leur propre défense.
Les avocats ne sont pas tenus au secret de l’instruction car ils n’y concourent pas. Ils doivent en revanche respecter le secret professionnel qui les lie, et qui recouvre ce qu’ils peuvent savoir d’une instruction en cours.
- Quelle est la sanction de la violation du secret ?
La méconnaissance du secret de l’instruction n’entraîne pas la nullité de la procédure sauf si cette méconnaissance et cette violation du secret a été contemporaine au déroulement de l’acte considéré, et si cette violation a porté atteinte à l’intérêt de l’une des parties. On pense à une affaire où un juge d’instruction avait décidé d’effectuer une perquisition et avait convoqué des journalistes pour filmer en direct la perquisition. La Cour de cassation a ainsi jugé l’opération nulle car la violation était contemporaine du déroulement de l’instruction.
En dehors de cette sanction procédurale, on a une sanction pénale. La violation du secret de l’instruction est un délit puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. À cela s’ajoute que la violation du secret de l’instruction est parfois légitimée par un fait justificatif. Il est ainsi prévu par l’article 11 que le procureur de la république peut rendre publics certains éléments d’une procédure d’instruction en cours. Il peut faire état d’éléments objectifs de cette procédure.
- 2. Le caractère écrit et non contradictoire de l’instruction
Il est exact qu’à l’origine, l’instruction était écrite et non contradictoire . L’importance de la parole et donc des plaidoiries des avocats était donc limitée, et cela signifie aussi que la personne mise en cause n’avait pas le droit à un avocat, et ne pouvait administrer ses preuves.
Tout ceci est maintenant révolu. De plus en plus, le ministère de la justice encourage la numérisation des procédures, qui toutefois ne remet pas en cause le caractère écrit. Néanmoins, l’importance de la parole est croissante au stade de l’instruction. Il y a toujours une large place à l’écrit comme le procès-verbal d’interrogatoire d’une personne.
De même, devant la chambre de l’instruction, la procédure a un caractère écrit marqué. L’avocat de la personne mise en examen ou de la partie civile dépose un mémoire devant la chambre de l’instruction, un document écrit. Il est juste prévu qu’à l’audience, les parties peuvent faire de simples observations sommaires. On a donc encore des traces de l’importance du caractère écrit. L’oralité prend tout de même une place croissante, notamment pour renforcer les droits de la défense.
Devant la chambre de l’instruction, il est maintenant prévu que les parties puissent comparaître en personne devant cette juridiction. Ceci est fait à l’initiative de la chambre de l’instruction ou, si la question débattue est celle de la détention provisoire, à la demande de la personne mise en examen ou de son avocat.
On ne peut donc plus dire que la procédure d’instruction est exclusivement écrite, tout comme on ne peut plus dire qu’elle est non contradictoire. En effet, depuis 1897 et la loi Constans, il est prévu que la personne mise en examen a droit à la présence d’un avocat. Ensuite, ce droit a été étendu aux parties civiles . Ces avocats ont ensuite accès au dossier et ils ont également la possibilité de former des recours contre les décisions des juridictions d’instruction, comme la possibilité de faire appel. Depuis 1993, les parties privées peuvent introduire une requête en annulation pour obtenir les pièces de la procédure qu’elles considéreraient comme entachées de nullité.
Depuis 1993, le juge d’instruction a cessé d’être le seul maître de l’instruction s’agissant de la recherche de la vérité . Le juge effectuait en effet les actes qu’il voulait. Si les parties privées lui demandaient des recherches, il était libre de sa décision. Depuis 1993, cela est révolu : les parties privées peuvent réclamer les investigations qu’elles jugent utiles à la découverte de la vérité . Depuis cette date, le juge d’instruction est une sorte de détective public gratuit à la disposition des parties privées qui n’ont pas les mêmes moyens que le parquet pour réunir des preuves conformes à leurs intérêts.
Section 2 : La persistance de la nature inquisitoire de l’instruction
En dépit de cette évolution, on trouve encore les caractères principaux de la nature inquisitoire de l’instruction. En effet, le rôle des juridictions d’instruction est double. Le juge d’instruction est un enquêteur qui enquête à charge et à décharge . En même temps, ce juge est une juridiction . C’est ce que l’on a souvent dénoncé comme étant la schizophrénie du juge d’instruction, qui ne peut se démentir lui-même. Badinter a eu une formule célèbre : « il est à la fois Maigret et Salomon et on ne peut pas être les deux en même temps ». Il faut donc trouver des remèdes.
L’un de ces remèdes a été d’ôter à ces juridictions d’instruction le pouvoir de procéder à une mise en détention provisoire. Depuis 2000, le placement en détention provisoire est décidé par le juge des libertés et de la détention. Il n’y a donc plus de schizophrénie.
Ensuite, un des remèdes auquel on a songé, a été de confier les décisions les plus importantes à des juridictions collégiales. C’est ce remède que l’on a ressuscité et qui devrait arriver le 1er janvier 2011 avec la collégialité de l’instruction. Actuellement, le remède proposé est plus radical : la suppression des juges d’instruction. Ce juge sera remplacé par le procureur, pour aller vers une autre schizophrénie, celle du parquet qui sera encore pire.
Dans le projet, l’instruction disparaît. L’actuelle instruction sera fondue au sein d’une enquête judiciaire qui serait faite à charge et à décharge par le ministère public. Le ministère public est partie à l’action publique, il est demandeur en sorte que la schizophrénie du juge d’instruction est pire s’agissant du parquet. La partie à l’action publique serait en même temps l’enquêteur.