Les caractères du préjudice (certain, personnel, direct, légitime)

Quels sont les caractères du dommage réparable?

Le préjudice réparable (aussi appelé dommage ) doit être certain, direct et déterminé .

  • Le caractère certain du préjudice : Un préjudice déjà subi et qui peut être prouvé a un caractère certain. Le préjudice éventuel n’est pas indemnisé.
  • Le caractère direct du préjudice : Le préjudice doit résulter directement du fait reproché au responsable
  • Le caractère déterminé du préjudice : Le préjudice doit pouvoir être évalué . Cette évaluation est souvent faite par expertise
  1. Un dommage certain :

Aucun problème s’il est survenu mais un dommage future ne sera indemnisé que si les juges estiment qu’il surviendra avec certitude. Le préjudice éventuel lui n’est pas réparable. La distinction n’est pas forcément évidente et elle se manifeste dans la perte de chance. Ex : un étudiant est renversé par une voiture ce qui l’empêche de se rendre à un examen ou à un concours ; un auxiliaire de justice néglige d’interjeter appel dans les délais, le plaideur perd d’office ; une personne vivant en concubinage est tuée alors qu’elle survenait aux besoins de son concubin = perte de chance de la poursuite du concubinage et du versement des subsides ; perte de chance de survie d’un malade à la suite d’une faute médicale, qui elle doit être certaine mais on ne sait pas quelles sont exactement les causes de la mort : on admet d’indemniser la perte de chance de vie du patient (sans faute médicale, il aurait eu plus de chance de survivre). Cette perte de chance donne une difficulté non pas du point de vue du préjudice mais du lien de causalité. Dans les hypothèses précédentes, le lien de causalité est établi (accident empêche bien de se rendre à l’examen).

A quelles conditions la perte de chance est-elle indemnisée ? Comment est évalué le montant du dommage ?

  • Les conditions :

La perte doit être certaine : exemple de l’étudiant : s’il est rétabli pour passer la 2nde session, toute chance n’est pas perdue. Pas de réelle perte.

La chance devait être sérieuse : les juges estiment les chances de succès avant la survenance du dommage. Cela est facile à savoir dans le cas de perte de chance de gain d’un procès.

  • L’évaluation du dommage :

Elle est partielle et mesurée à la chose perdue. Elle ne peut pas être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée. Les juges prennent en compte l’aléa qui a fait que la chance a été perdu et plus la chance était sérieuse, plus l’indemnité est importante, sans égaler l’avantage qui aurait été réalisé.

  1. Un dommage personnel :

Traditionnellement, ce caractère est exigé. Le dommage réparable doit être celui subit par le demandeur en indemnisation. La question du dommage personnel rejoint en fait la question procédurale de l’intérêt à agir en justice. Ce caractère n’empêche pas l’indemnisation de la victime par ricochet car celle-ci a un préjudice personnel, même s’il est lié à celui de la victime directe.

En revanche, ce principe s’oppose en principe à la réparation de dommage collectif car il est impossible d’identifier une victime déterminée. Or, la jurisprudence puis le législateur ont permis la défense d’intérêts collectifs par les syndicats. Quant aux associations, elles ne sont pas autorisées pour agir en défense d’intérêts collectifs sauf si un texte spéciale les y autorise. Les dommages environnementaux ne sont en principe pas indemnisables car ce ne sont pas des personnes qui en souffrent en 1er, c’est l’environnement : le caractère personnel fait défaut. La reconnaissance de cette indemnisation s’est faite par la loi du 1er aout 2008 relative à la responsabilité environnementale : reconnaissances ponctuelles d’indemnisation d’un préjudice collectif : Art L 160-1 et s C.env. (= système du pollueur payeur : exploitant à l’occasion d’une activité professionnelle. Sont visés les atteintes à l’eau, au sol, aux habitats et aux espèces naturelles protégées. On répare les dommages causés et on met tout en œuvre pour prévenir un dommage imminent : prévention).

Hors cette exception, la règle est que l’on ne reconnait pas l’indemnisation d’un préjudice collectif. Cependant, l’avant projet universitaire Catala de réforme du droit des obligations se montre favorable à cette indemnisation mais un rapport parlementaire avait été déposé en 2009 où l’on se montrait hostile à cette reconnaissance.

  1. Le caractère direct :

Cette condition d’un dommage qui soit directement causé par le fait générateur de responsabilité renvoie en réalité à la condition du lien de causalité. voir chapitre suivant.

Le dommage se présente comme une suite du fait générateur qui l’a produit. Par exemple, une automobile est endommagée du fait de la chute du mur d’un immeuble en ruine.

  1. Le dommage légitime :

Question d’abord posée de manière particulière pour l’indemnisation du concubin à l’époque où le concubinage n’était pas reconnu par la loi (avant la loi de 1999). On se demandait si au décès d’un concubin, l’autre pouvait demander réparation du préjudice que lui présentait la disparition de son compagnon.

Longtemps, la jurisprudence civile a refusé cela. — Cour de cassation, 1ère civ, 27 juillet 1937 disait que les relations de concubinages ne pouvaient pas, en raison de leur irrégularité, présenter un intérêt légitime pouvant être réparé. En même temps, la chambre criminelle acceptait cette indemnisation à condition qu’il y ait des relations stables et non adultérines. — Chambre mixte, 27 février 1970, arrêt Dangereux: un lien de droit n’est pas nécessaire pour permettre l’indemnisation. L’exclusion des relations adultérines a été supprimée par la loi de 1975 supprimant l’incrimination de l’adultère.

 Cette question s’est reposée récemment dans des conditions tout à fait différentes : une victime peut-elle obtenir des dommages et intérêts destinés à compenser la perte d’un avantage antérieur illicite ? La Cour de cassation répond par deux arrêts :

Cour de cassation, civ 2e, 24 janvier 2002 :

Une femme de ménage exerce son activité mais une seule partie de cette activité était déclarée aux organismes sociaux. Elle est victime d’un accident de la circulation et souffre d’une incapacité temporaire de travail. Elle demande l’indemnisation des salaires qu’elle n’a pas perçus. La Cour de cassation dit que les rémunérations d’un travail dissimuler n’ouvre pas droit à indemnisation.

Cour de cassation, civ 2e, 22 février 2007 :

Un joueur de casino invétéré est interdit de jeux sur sa demande mais va quand même au-delà de cette interdiction et gagne 4 000 €. Il tente d’encaisser cette somme par l’intermédiaire d’une tierce personne et le casino refuse de lui payer ses gains. Le joueur assigne le casino en paiement. Le juge de proximité qualifiera la relation entre le joueur et le casino de contrat de jeu et dépourvu de cause sur le fondement de l’article 1131 Code civil puisque le joueur était interdit de jeu. Rejet de la demande en paiement. Le juge de proximité estime que le casino avait une obligation légale de contrôler ses joueurs et en s’abstenant de le faire, un a engagé sa responsabilité envers se joueur : article 1382 Code Civil Cette décision est cassée par la Cour de cassation : une victime ne peut obtenir réparation de la perte de ses rémunérations que si celles-ci sont licites. Ce refus de l’indemnisation ne se justifie pas par la maxime « nemo auditur » qui a un domaine particulier auquel la responsabilité est étrangère : l’annulation de contrat pour cause immorale. Ici, ce qui joue est le caractère illicite du préjudice. Il faut bien faire une différence : on fait une distinction entre une hypothèse d’une victime en situation irrégulière et d’une victime qui souffre d’un préjudice illicite.

— La victime en situation irrégulière : la jurisprudence admet dans ce cas que cette situation irrégulière ou l’indignité de la victime ne peuvent pas faire échec à son indemnisation (ex : voyageur blessé dans un train alors qu’il voyage sans billet).

— Il y a préjudice illicite quand il y a perte de profit, de rémunération ou d’économie qui était illicitement obtenue. La jurisprudence refuse l’indemnisation car admettre ces préjudices reviendrait à contourner les règles prohibitives en cause.

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Le cours complet Responsabilité civile délictuelle est divisé en 26 fiches

  1. Les évolutions récentes de la Responsabilité délictuelle
  2. L’action en responsabilité civile et responsabilité pénale
  3. Responsabilité contractuelle et délictuelle : critère et intérêt de la distinction
  4. De la responsabilité pour faute à la théorie du risque et la théorie garantie
  5. Les différents types de responsabilité délictuelle
  6. Le principe du non cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle
  7. La Responsabilité pour faute : la gravité des fautes
  8. Responsabilité du fait personnel : la notion de faute (élément matériel et élément moral)
  9. Les caractères du préjudice réparable (certain, personnel, direct, légitime)
  10. Les différentes catégories de faute en Responsabilité délictuelle
  11. La réparation du dommage (modalité, évaluation du dommage…)
  12. La notion de préjudice
  13. La responsabilité en cas de pluralité de causes
  14. Existence et preuve du lien de causalité
  15. La cause étrangère
  16. Responsabilité du fait des choses : la notion de choses
  17. Responsabilité du fait des choses : le gardien
  18. Dommage des enfants, responsabilité des parents
  19. Responsabilités spéciales du fait des choses (incendie, animaux, bâtiments)
  20. La responsabilité du fait d’autrui : conditions et régime
  21. La responsabilité des enseignants pour le fait de leurs élèves
  22. La responsabilité des artisans du fait de leur apprenti
  23. La responsabilité du commettant
  24. Responsabilité du fait d’un produit défectueux
  25. Accidents de la circulation : Indemnisation et procédures
  26. Accidents de la circulation : condition d’indemnisation