Le partage de compétence entre juge administratif et juge judiciaire au sein des activités administratives.
Le justiciable qui veut introduire un recours en justice doit tout d’abord se poser la question de savoir quel ordre de juridiction est compétent pour le recevoir : l’ordre judiciaire ou l’ordre administratif. C’est seulement ensuite que se pose la question de savoir devant quel tribunal de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif il doit actionner.
Toute l’activité administrative n’est pas soumise au juge administratif.
La répartition des compétences est surtout l’œuvre de la jurisprudence et rarement celle du législateur.
Il existe des caractères et règles particulières.
- Fiches de droit public (L1) et de droit administratif
- Définition, condition d’existence et forme de l’État
- La forme, le contenu et l’élaboration de la Constitution
- Le contrôle de constitutionnalité
- La séparation des pouvoirs
- Les différents types de régimes politiques
- Définition, caractère et histoire du droit administratif
- Les critères généraux de la compétence du juge administratif.
En l’absence d’une loi départageant les 2 juges, c’est la notion de service public qui est déterminante et la nature industrielle et commerciale, la présence d’une personne publique et la puissance publique aussi.
- Le critère organique.
C’est la personne publique. La présence d’une personne publique à un litige n’est pas indispensable. Généralement il y a 2 personnes privées. Il ya l’hypothèses de personnes privées investies d’une puissance publique et alors le juge administratif est compétent.
La présence d’une personne publique au litige fait présumer la compétence du juge administratif. Mais cela est insuffisant.
- les activités s’exerçant dans un régime de puissance publique.
L’idée est que pour que l’activité administrative relève du juge administratif, il faut qu’elle s’exerce sous un régime de puissance publique. La jurisprudence va dans ce sens.
Ce sont toutes les actes où l’administration commande, ordonne, prescrit, interdit.
L’unilatéralité de l’acte implique que l’acte s’exerce dans un régime de puissance publique.
Lees contrats administratifs sont aussi souvent l’expression de la puissance publique.
De façon générale, toutes les activités de police s’effectuent sous un régime de puissance publique. Les services publics administratifs aussi (Les SPA).
Ne sont pas des activités ici concernées, les activités des services publics industriels et commerciaux (SPIC). La gestion est ici de type privée et le juge compétent est le juge judiciaire, car ne sont pas mises en œuvre des prérogatives de puissance publique.
Mais quand le SPIC met en œuvre des actes d’autorité (lorsque l’administration édicte des règlements pour les SPIC) alors le juge administratif est compétent. Arrêt tribunal des conflits 15/01/1968 époux Barbier (grands arrêts de la jurisprudence administrative).
Pour résumer, le recours à des procédés de puissance publique justifie le recours du juge administratif. Il y a cependant des exception, lorsque l’activité est un service public, normalement le juge compétent est le juge administratif (JA), mais ce critère n’est pas toujours déterminant, dans le cas de SPIC le juge compétent est alors le Juge Judiciaire.
- Les critères particuliers.
Dans certains cas le partage de compétence n’est pas limité par les critères ci-dessus.
- les matières réservées par tradition à l’autorité judiciaire.
2 domaines sont réservés au juge judiciaire : c’est la protection du droit de propriété et des droits individuels. (arrêt Hilaire de 1947). Le conseil Constitutionnel va dans le même sens et exclu des compétences du Juge Administratif les matières qui sont réservées par nature au Juge Judiciaire.
- a) les atteintes à la propriété privée.
En matière d’expropriation, c’est le juge judiciaire qui calcule l’indemnisation, également lorsque sont créées des servitudes (implantations de lignes électriques).
- b) les atteintes aux libertés individuelles.
Le Juge Judiciaire statue sur les atteintes de tous ordres (TC 1952 dame de la Murette). L’art.66 de la Constitution a aussi consacré ce principe en disant que nul ne peut être détenu arbitrairement. L’art.136 du code de procédure pénale institue que dans les cas d’atteintes aux libertés individuelles c’est le Juge Judiciaire qui est compétent.
La notion de liberté individuelle a donné lieu à une jurisprudence subtile et on s’est demandé ce qu’elle recouvrait. C’est la liberté d’aller et de venir, qui a été étendue à l’inviolabilité du domicile (pas de perquisition sans mandat du juge – et cela a été étendu aux caravanes des gens du voyage), au secret de la correspondance, à la liberté du mariage. C’est le Juge Judiciaire qui est compétent, en sachant que le Juge Judiciaire n’a pas le monopole du contentieux relatif à la protection de la liberté individuelle.
Le Juge Administratif est compétent en matière de contentieux relatif, à l’entrée au séjour et à la reconduite aux frontières des étrangers.
- La théorie de l’emprise et de la voie de fait.
D’origine jurisprudentielle.
- a) la théorie de l’emprise.
En lien avec la protection de la propriété privée. Il y a emprise irrégulière lorsque l’administration, sans titre juridique, dépossède un particulier d’une propriété privée immobilière.
La concession funéraire est aussi fortement protégée. Ainsi, le maire qui dépossède partiellement de ses droits le titulaire d’une concession funéraire en autorisant l’inhumation d’un défunt d’une autre famille ; il y a emprise irrégulière et le Juge Administratif constate l’irrégularité de l’emprise et le Juge Judiciaire condamne l’administration condamne l’administration à verser des indemnités sans pouvoir cependant faire autre chose.
- b) la voie de fait.
C’est l’acte administratif qui porte atteinte soit au droit de propriété soit à une liberté individuelle. L’acte est si grave qu’il perd son caractère d’acte administratif et l’administration perd son juge, le Juge Judiciaire devenant compétent.
C’est le cas où l’administration est gravement hors la loi.
La première variété :
Il faut que l’atteinte porte soit sur une propriété ou sur une liberté fondamentale. Il faut une irrégularité grave et grossière.
Il faut que l’acte soit insusceptible de se rattacher directement à un pouvoir de l’administration ou de se rattacher à un texte légal ou réglementaire.
TC du 09/06/1986 arrêt Eucat : l’administration fiscale avait retiré son passeport à une personne suspectée de fraude fiscale ; c’était une atteinte à une liberté fondamentale, l’irrégularité était grave et insusceptible de se rattacher à un pouvoir de l’administration fiscale et de se rattacher à un texte.
En revanche empêcher un clandestin d’aller et de venir, est un acte qui se rattache au pouvoir de l’administration policière et la voie de fait ne peut être retenue.
La seconde variété :
C’est l’administration qui prend une décision légale mais qui fait exécuter d’office sa décision alors qu’elle n’a pas ce pouvoir d’exécution d’office (normalement il faut une intervention du Juge Judiciaire sauf urgence). Exemple : un véhicule en stationnement irrégulier qui est transporté à la fourrière et au bout d’un certain temps l’administration détruit le véhicule, alors que seul le Juge Judiciaire pourrait en donner l’ordre (TC 04/11/1991 arrêt Beladjimi).
- La compétence juridictionnelle par détermination de la loi.
Dans certains cas c’est le législateur qui attribue compétence soit au Juge Administratif soit au Juge judiciaire. C’est une recherche de simplification de la répartition des compétences. Le Conseil Constitutionnel a affirmé à plusieurs reprises que le législateur peut unifier la compétence au profit d’un ordre dans l’intérêt de la bonne administration de la justice.
Ainsi en matière de responsabilité des personnes publiques, ou les dommages causés par les véhicules de l’administration, une loi de 1967 dit que c’est le Juge Judiciaire qui est compétent.
Le contentieux d’accidents nucléaires relève aussi du Juge judiciaire, comme les dommages causés aux élèves du fait d’un défaut de surveillance des maitres (public et privé).
Le Juge Administratif est compétent en matière de dommage de travaux publics.