NOTION ET CONDITIONS D’EXISTENCE DE L’ÉTAT
L’État, tel qu’on le conçoit aujourd’hui, est une construction récente née au XVe siècle. Il résulte d’un processus d’institutionnalisation du pouvoir politique, marquant une rupture avec les formes de pouvoir personnalisées où le souverain, qu’il soit roi ou seigneur, incarnait et possédait le pouvoir.
Désormais, le pouvoir est exercé au nom d’une entité abstraite appelée l’État, qui est une fiction juridique dotée de permanence. Cela signifie que :
- Le pouvoir ne se confond plus avec les individus qui l’exercent. Les gouvernants ne sont que des mandataires de l’État, et non les propriétaires du pouvoir.
- Les dirigeants doivent respecter des règles de droit, notamment celles issues de la Constitution et du droit constitutionnel, encadrant leur action.
L’État est défini par trois éléments constitutifs essentiels : un territoire, une population, et une autorité politique souveraine. En tant que personne morale de droit public, il exerce sa souveraineté à la fois sur le plan interne et externe.
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En résumé, l’État, né au XVe siècle, institutionnalise le pouvoir politique. Il repose sur un territoire, une nation, et une autorité souveraine. Le territoire, symbole d’unité, englobe des dimensions terrestres, maritimes et aériennes. La nation, fondée sur des conceptions subjective et objective, assure légitimité et cohésion. L’autorité souveraine, garante de l’État de droit, s’exerce avec continuité et respect des normes, conciliant indépendance et obligations internationales.
Les fondements et conditions d’existence de l’État
Aspect | Description | Enjeux |
---|---|---|
Territoire | Inclut les espaces terrestres, maritimes et aériens où s’exerce l’autorité de l’État. | Symbole d’unité nationale, enjeu juridique et identitaire face aux conflits géopolitiques. |
Nation | Communauté partageant culture, valeurs et projet commun, selon des conceptions germanique ou française. | Garantit la cohésion étatique, pose des défis dans les États multinationaux ou fédérations. |
Souveraineté | Pouvoir suprême, exercé indépendamment sur le plan interne et international. | Assure l’État de droit, respect des normes et engagements internationaux. |
Nationalité | Lien juridique entre l’individu et l’État, définissant droits et devoirs. | Facilite la participation citoyenne, intégration européenne et respect des minorités. |
État de droit | Cadre juridique garantissant la hiérarchie des normes et les droits fondamentaux. |
Protège les libertés et impose des limites au pouvoir exécutif et législatif.
|
A) Un territoire
L’État exerce son autorité sur un territoire délimité par des frontières terrestres, maritimes et aériennes. Ce territoire ne se limite pas à la surface terrestre, mais englobe plusieurs dimensions complémentaires :
-
Le territoire terrestre :
- Inclut les sols et les sous-sols situés dans les limites des frontières de l’État.
-
Le territoire maritime :
- Comprend les eaux intérieures (fleuves, lacs, estuaires) et la mer territoriale, généralement étendue à 12 milles nautiques à partir des côtes.
- Au-delà, des zones comme la zone économique exclusive (ZEE) peuvent être revendiquées pour l’exploitation des ressources maritimes, bien que cela soit soumis au droit international.
-
L’espace aérien :
- Désigne la colonne d’air située au-dessus du territoire terrestre et maritime, sur laquelle l’État a une autorité exclusive.
Un enjeu identitaire et juridique
Le territoire n’est pas qu’un espace physique ; il est également un symbole d’unité et de cohésion nationale. Il joue un rôle fondamental dans l’identité nationale, en incarnant une base géographique commune pour l’exercice du pouvoir politique et la vie de la population. Ce rôle se traduit notamment par :
- Une fonction patriotique : L’intégrité territoriale est souvent un facteur de mobilisation en cas de menace ou de conflit.
- Une dimension juridique : En France, par exemple, l’intégrité du territoire est une composante du principe d’indivisibilité de la République. Ce principe garantit que le territoire ne peut être divisé ou morcelé en entités indépendantes sans porter atteinte à l’unité de l’État.
Les enjeux contemporains
L’intégrité territoriale reste un sujet de préoccupation majeure dans les relations internationales. Elle est souvent au cœur de tensions géopolitiques, notamment dans les litiges frontaliers ou les revendications d’autonomie ou d’indépendance au sein d’un État. L’histoire montre que la souveraineté territoriale est un fondement de la stabilité étatique et un moteur de conflits lorsque celle-ci est contestée.
B) La nation, condition d’existence de l’État
L’État exerce son autorité sur les individus présents sur son territoire ainsi que sur ceux qui lui sont liés par un lien juridique spécifique : la nationalité. Ce lien établit une relation entre l’individu et l’État, fondée à la fois sur des droits et des devoirs.
A) Notion de nation
1. Définition et lien avec l’État
Il est généralement admis que chaque nation doit correspondre à un État, bien que cette équivalence ne soit pas toujours parfaite. Il existe des cas où plusieurs nations coexistent au sein d’un même État, ou inversement, où une nation est répartie sur plusieurs États.
Le concept de nation est essentiel à la légitimité de l’État, car il exprime le sentiment d’appartenance à une communauté unifiée, partageant des valeurs, une histoire et un projet commun.
2. Les conceptions de la nation
Deux grandes conceptions permettent de définir la nation :
-
La conception germanique : Elle repose sur des critères objectifs comme la langue, la culture ou la religion. Ces éléments visibles traduisent une appartenance à une communauté partagée.
- Exemple : La langue allemande a joué un rôle central dans l’unification de l’Allemagne au XIXe siècle.
-
La conception française : Plus subjective, elle met l’accent sur le désir de vivre ensemble. Ce concept, popularisé par Ernest Renan, insiste sur l’adhésion volontaire à une communauté de destin commune, au-delà des différences culturelles ou linguistiques.
Ces deux approches ne s’excluent pas mutuellement, car une nation repose souvent sur une combinaison d’éléments objectifs et subjectifs.
3. L’identité entre État et nation
En France, le lien entre l’État et la nation est particulièrement fort. Selon le professeur Gohin, la nation et l’État sont indissociables. Ce principe a des implications juridiques majeures. Par exemple :
- En 1991, le Conseil constitutionnel a censuré une loi reconnaissant un « peuple corse » distinct, invoquant le principe d’indivisibilité de la République. Pour le Conseil, la nation française est unique et ne peut être divisée en entités distinctes.
B) Les aspects de la nation
1. États multinationaux
Tous les États ne correspondent pas à une seule nation. Certains, comme le Canada, regroupent plusieurs nations cohabitant dans une entité politique commune. Cette pluralité peut être source de tensions, mais elle peut aussi enrichir la diversité culturelle d’un État.
2. L’intégration européenne et les nations
Dans le contexte de l’Union européenne, une nouvelle approche de la coexistence des communautés a émergé. Les institutions européennes tendent à promouvoir :
- La coexistence pacifique des communautés distinctes, tout en garantissant les droits des minorités.
- La reconnaissance et le respect des identités locales, régionales et nationales.
En France, en revanche, la conception républicaine privilégie l’intégration de toutes les composantes de la population dans une seule et même nation. Cette approche vise à éviter les divisions communautaires, en affirmant une identité nationale commune, sans pour autant nier la diversité culturelle.
C) La nationalité comme vecteur d’appartenance
La nationalité reflète le lien juridique entre l’individu et l’État. Elle est un critère central pour distinguer :
- Les nationaux : Ils bénéficient de tous les droits liés à la citoyenneté (participation aux élections, accès aux emplois publics, etc.) et sont soumis à certaines obligations (par exemple, le respect des lois nationales).
- Les étrangers : Bien qu’ils bénéficient de certains droits garantis par des conventions internationales (protection diplomatique, droits de l’homme), ils n’ont pas accès à tous les privilèges de la citoyenneté.
1. La citoyenneté européenne
Avec l’émergence de l’Union européenne, une citoyenneté européenne s’est ajoutée à la nationalité nationale. En France, une révision constitutionnelle en 1992 a permis aux ressortissants des États membres de l’Union résidant en France de participer aux élections municipales et européennes, même sans avoir la nationalité française (article 88-3 de la Constitution).
2. La nationalité : une identité juridique et culturelle
La nationalité ne se limite pas à un statut juridique. Elle traduit également :
- Un sentiment d’appartenance à une communauté,
- Une identité collective souvent perçue comme une condition nécessaire à l’unité et à la cohésion de l’État.
C) Une autorité politique souveraine
L’État se distingue par un élément fondamental qui fonde son existence et son succès : la souveraineté, exercée à la fois sur le plan interne et international. Ce principe explique pourquoi, lors des processus de décolonisation, de nombreux peuples ont affirmé leur indépendance en créant des États souverains.
1) L’État : une personne morale spécifique et souveraine
a) Les implications de la personnalité morale
La personnalité morale confère à l’État la capacité juridique d’être titulaire de droits et d’obligations. Cela implique :
- Le pouvoir de décision : L’État peut édicter des normes juridiques et prendre des décisions exécutoires.
- Le pouvoir de sanction : Il peut garantir le respect des normes par des sanctions adaptées.
Cependant, ces prérogatives impliquent également des responsabilités :
- Distinction entre l’État et les gouvernants : Bien que les décisions soient prises par les dirigeants, c’est l’État, en tant que personne morale, qui en porte la responsabilité juridique.
- Permanence de l’État : Contrairement aux gouvernants, l’État possède une continuité. Les engagements pris par les dirigeants actuels restent valables même après leur départ. Par exemple, les traités signés par un gouvernement lient l’État, peu importe les changements de gouvernance.
Cette continuité est essentielle pour la stabilité juridique et politique, notamment dans le respect des engagements passés.
b) Les implications de la souveraineté
La souveraineté est l’attribut essentiel de l’État, qui exerce un pouvoir suprême et ne dépend d’aucune autre autorité extérieure. En France, cette caractéristique distingue l’État des collectivités territoriales (régions, départements, communes), qui exercent des compétences déléguées.
La souveraineté de l’État se manifeste sous deux dimensions principales : interne et externe.
-
Sur le plan interne :
- L’État détient le monopole du pouvoir législatif, réglementaire et judiciaire.
- Il exerce ce que l’on appelle la compétence de sa compétence, c’est-à-dire qu’il définit lui-même les limites de son autorité et celles des autres institutions administratives. Par exemple, en France, l’État établit les compétences des collectivités territoriales et supervise leur répartition.
-
Sur le plan externe :
- La souveraineté signifie l’indépendance de l’État vis-à-vis des autres puissances. Aucun État ou organisation internationale ne peut imposer une décision à un État souverain sans son consentement.
- Cependant, l’État peut volontairement limiter sa souveraineté en signant des traités internationaux. En tant que sujet de droit international, il est tenu de respecter ces accords, notamment ceux visant à garantir les droits des autres États.
2) L’État de droit : une souveraineté encadrée par des règles
Dans une démocratie, la souveraineté de l’État s’exerce dans le respect des règles de droit. Ce cadre juridique impose à l’État des limites, garantissant ainsi un équilibre entre pouvoir et justice.
a) Le respect de la hiérarchie des normes
La hiérarchie des normes est un principe fondamental de l’État de droit. Elle garantit que chaque norme juridique respecte celle qui lui est supérieure :
- Les actes administratifs doivent être conformes aux lois.
- Les lois doivent respecter la Constitution, située au sommet de la hiérarchie.
Pour vérifier cette conformité, des mécanismes de contrôle existent. En France, le Conseil constitutionnel joue un rôle central en s’assurant que les lois respectent la Constitution avant leur promulgation.
b) L’affirmation des droits fondamentaux
Au-delà de la hiérarchie des normes, l’État de droit repose également sur la protection des droits fondamentaux, qui imposent des limites au pouvoir législatif et exécutif :
- La constitutionnalisation des droits reconnaît à certains principes fondamentaux une valeur juridique supérieure à la loi. Par exemple, les libertés individuelles ou l’égalité devant la loi sont garanties par la Constitution.
- L’internationalisation des droits fondamentaux élargit leur portée. Des conventions internationales, telles que la Convention européenne des droits de l’homme, permettent aux citoyens d’invoquer ces droits devant les juridictions nationales et internationales, parfois pour contester une loi contraire.