Les conditions de fond de la création du chèque : l’existence de la provision et les conséquences de l’absence de provision
La condition de fond est la question de la provision.
à L131-31. La provision est le crédit du tireur sur le tiré, c’est-à-dire son établissement bancaire. C’est une créance existant avant la rédaction du chèque (elle se distingue de la lettre de change où la provision ne doit pas exister au moment de la création). Elle est transmise aux différents porteurs du chèque, si celui-ci a vocation à circuler. L’article L131-1 dispose que le chèque est payable à vue.
La provision doit exister plus au moment de la présentation au paiement, de l’encaissement du chèque. Cette provision doit être maintenue jusqu’à l’encaissement du chèque ou de son délai de prescription.
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Le tireur ne peut pas bloquer ou retirer sur la provision du chèque émis. La provision est irrévocable. Mais, il existe une disponibilité pratique, lorsqu’un second chèque a été tiré après le premier et que le second épuise la totalité de la provision, alors que la première aurait du être sortie du patrimoine du tireur.
Cette créance (provision) du client sur la banque résulte :
– soit du dépôt en compte (virement ou dépôt),
– soit d’une ouverture de crédit (résultant des conventions de découvert) : en cas de remise en cause d’une ouverture de crédit : si l’ouverture est à durée déterminée, elle ne peut être révoquée avant ; si elle est sans délai et que sont concernées des entreprises, on applique L313-12 al 1er CMF qui impose à la banque la fixation d’un délai de préavis. La révocation fait que les chèques émis avant doivent être payés même s’ils sont présentés à l’encaissement après. Le contrat continue à s’exécuter pendant le préavis.
– remise des chèques et effet de commerce : la remise peut être à titre de simple mandat d’encaissement, ou à titre d’escompte. Si elle est faite dans le cadre de l’escompte, la remise vaut provision. Si c’est un simple mandat d’encaissement : la remise ne vaut pas provision, celle-ci n’existe qu’au seul moment du paiement effectif. Exception : possibilité de considérer que le mandat d’encaissement constitue une provision si la banque consent une avance à son client.
– facilités de caisse (= ne résulte pas d’une convention) : elle peut être remise en cause selon la JP
– convention d’unité de compte : situation dans laquelle un chèque est tiré sur un compte débiteur couplé avec un autre compte appartenant au tireur : la provision sera calculée sur l’ensemble des comptes.
– solde du compte courant : Le compte courant se résume à son indivisibilité et généralité. Le solde provisoire pourra constituer la provision.
La loi fait obligation au banquier de payer certains chèques, alors même que la provision est insuffisante ou absente. Ce sera le cas chaque fois que le montant est inférieur ou égal à 15€ : c’est une règle d’ordre public. Mais il est strictement interdit de fractionner le montant en émettant plusieurs chèques de 15€. La banque sera obligée de payer certains chèques dans trois hypothèses : Lorsque la banque n’a pas réclamé les formules de chèque à un interdit bancaire; lorsqu’elle aura à tort remis des formules de chèque dont l’identité figure sur la liste des interdits bancaires de la Banque de France.
Les sanctions ont évolué. En 1935, les sanctions étaient lourdes : délit d’escroquerie. Les mêmes sanctions frappaient aussi les personnes retirant la provision après l’émission du chèque. Dès 1991, il y a eu une modification : dépénalisation des chèques sans provision. Mais a été mis en œuvre un système de police bancaire : pouvoir conféré aux établissements bancaires. Certains auteurs ont critiqué ce dispositif car les établissements bancaires ont maintenant un pouvoir de sûreté.
Les banques disposent donc de la possibilité de frapper celui qui émet un chèque sans provision d’interdiction d’émission. Le banquier émettra une lettre d’injonction au client : prive le titulaire du compte de la possibilité d’émettre des chèques et il devra remettre toutes les formules de chèque. La banque va informer la Banque de France dans un délai de 2 jours du défaut de paiement.
De plus, toute émission d’un chèque est interdite sauf possibilité de régularisation. Cette injonction pose la difficulté lorsqu’elle frappe un compte collectif. Elle devrait tous les comptes de tous les titulaires. Néanmoins, l’article L131-80 a organisé une sanction moins lourde. Les titulaires du compte collectif peuvent décider que seulement l’un d’eux sera frappé de l’interdiction bancaire. Les autres titulaires seront concernés pour le compte sur lequel a été tiré un chèque sans provision.
La prudence s’impose car la provision de façon générale doit servir au paiement du chèque sans provision. Plus généralement, la provision doit servir au paiement de la totalité des chèques pendant la régularisation. Est ce qu’il apparaît une priorité de la provision constituée au profit du chèque dépourvu de provision ?
Certains banquiers, face à la reconstitution de la provision par le tireur vont l’affecter simplement à l’apurement d’un éventuel découvert. Par conséquent, il est des situations dans lesquels certains clients réapprovisionnaient le compte à hauteur de la provision. La Com avait même en ce sens jugé que ka remise au banquier d’un montant supérieur à celui frappé de l’incident n’opérait pas régularisation, à partir du moment où subsistait un solde débiteur. Cette jurisprudence n’a plus lieu d’être car le législateur est intervenu dans un sens de protection du client. Le CMF à son article L.131-71 affecte désormais en priorité la provision reconstituée au paiement du chèque qui jusqu’à présent était impayée.
Cette régularisation est un moyen désintéressé du créancier, mais doit se poser la question de savoir si le tireur s’expose ou non à une pénalité éventuelle. Pénalité entendue comme une sanction financière. Le dispositif pendant longtemps a été le maintien d’une pénalité libératoire : sanction applicable au bénéfice du trésor public. Le montant de la pénalité était de 22 euros en principe par tranches de 150 euros. Mais il y avait un minimum de 5 euros quand la part non provisionnée était inférieure à 50 euros. Ce dispositif de pénalité libératoire a été abandonné et abrogé par un décret du 4 mars 2011, 2011-243.
Les contestations éventuelles peuvent naitre à propos de l’interdiction bancaire : L 131-79. Ces contestations relèvent des juridictions civiles. Ces recours concernant le litige lié à l’interdiction bancaire sont des actions non suspensives. En conséquence, l’interdiction bancaire va continuer à produire ces effets tant que la juridiction compétente ne se sera pas prononcée. Le titulaire du compte sera dans l’obligation de restituer les formules normalisées en fonction de la sanction. Le tireur a cependant la possibilité de saisir le juge des référés afin d’obtenir la suspension de l’interdiction bancaire, à condition que la contestation du tireur présente un caractère sérieux. Cette interdiction bancaire qui constitue l’un des effets principaux de l’émission de chèques sans provision peut être atténuées dans le cadre des procédures collectives : L.621-71 du Code de commerce car existe la possibilité de lever l’interdiction bancaire pendant la durée du plan de continuation. L’article L.622-33 du Code de commerce dispose cependant que l’interdiction bancaire est levée en cas de liquidation judiciaire.
Ce qui a caractérisé l’évolution législative c’est la dépénalisation du principe même de l’émission des chèques dépourvus de provision. Mais il n’y a pas une absence totale d’exposition au risque pénal.
Les délits subsistent à l’encontre de quelques comportements.
Les infractions constitutives d’une infraction pénale :
Le retrait ou le blocage de la provision de façon injustifiée.
Le fait d’accepter un chèque sans provision en connaissance de cause.
Lorsque l’on rédige un chèque alors même que l’on est interdit bancaire.
L’émission de chèque par un mandataire quand le mandant est interdit bancaire et quand le mandataire était informé par l’établissement bancaire.
Il faut cependant savoir que les poursuites sont rares, car l’interprétation qui est faite de ces différents comportements ne favorise pas la répression car l’élément intentionnel constituant l’une des composantes des infractions, est apprécié rigoureusement. L’exigence qui est posée par la jurisprudence est élevée. Il fut une époque où la jurisprudence se contentait d’un élément rapproché de la mauvaise foi, et cette dernière était suffisante pour constituer l’élément intentionnel permettant de considérer que l’infraction était commise. La mauvaise foi était la connaissance qu’avait ou aurait du avoir le tireur de la situation de son compte. Donc une acception assez souple.
Désormais, la loi retient une intention beaucoup plus sévèrement définie puisqu’il s’agit de l’intention de porter atteinte à autrui.
Marginalement, quand ces comportements seront constitués, les sanctions vont de 1 à 5 ans d’emprisonnement, et une peine d’amende allant de 450 à 330 000 euros.
La situation de ce dernier est la situation d’une personne qui doit avant tout faire constater le non paiement. Une fois le non paiement constaté et est ouverte la voie d’une éventuelle action.
Une loi du 11 Juillet 1985 a institué un certificat de non paiement. Ce dernier a eu vocation à remplacer un acte qui continue à exercer, et qui est le protêt. Ce certificat de non paiement prouve le défaut de paiement du porteur sachant qu’il sera délivré par le tiré, c’est à dire l’établissement bancaire, à la demande du porteur. Ce certificat ne sera pas immédiatement remis mais ne le sera qu’à l’expiration de la période de régularisation. Le porteur se trouve par conséquent temporairement dans une situation délicate, il n’est pas désintéressé, mais pour autant aucun certificat ne peut lui être remis. C’est pourquoi a été développée une pratique permettant au porteur bénéficiaire de bénéficier d’une attestation de rejet qui n’est pas équivalente au certificat de non paiement.
L’attestation de rejet a pour avantage d’être immédiatement remise par le tiré au bénéficiaire. Cette attestation comporte deux mentions essentielles :
– l’indication que le tireur ne peut plus émettre de chèque, en raison de l’émission de ce chèque sans provision.
– l’indication que le tiré ne procèdera pas au paiement du chèque en raison de l’absence de provision.
Quand le délai de régularisation est parvenu à expiration (délai d’un mois), pourra être délivré au porteur le véritable certificat de non paiement.
Ce document, le porteur va pouvoir le faire signifier par un huissier de justice. Cependant il y a la possibilité de l’ouverture d’un délai de 15 jours qui court à compter de ladite signification. Ce délai permettra une ultime tentative, permettant au tireur de désintéresser le porteur. A défaut de paiement au terme de ce nouveau délai de 15 jours, sera délivré un titre exécutoire qui permettra la saisie selon le droit commun des voies d’exécution. Sachant que ce titre exécutoire présente un intérêt pour le porteur, car il n’y a plus de procédure judiciaire à mettre en œuvre.
Ce certificat de non paiement va donner lieu, lorsqu’il concerne un commerçant, à une publicité. Cette publicité sera logiquement effectuée au RCS. La loi a eu comme volonté d’opérer cette publicité, mais de la limiter. Pour ce faire, la publicité n’est obligatoire qu’à condition qu’un montant déterminé soit atteint. C’est pourquoi le montant limité est de 1500 euros. La publicité est possible que dès que le montant de 1500 euros est atteint.
** Le porteur du chèque impayé fait dresser le certificat de non paiement et peut continuer à faire dresser le protêt faute de paiement. Il faut indiquer que dans l’esprit du législateur ce protêt avait vocation à disparaître au bénéfice du certificat de non paiement. Si ce n’est que la portée juridique de l’un et l’autre n’est pas strictement identique et le protêt présente toujours un intérêt du point de vue des recours susceptibles d’être exercés. Ce protêt peut être interdit, car du point de vue de la législation, peut être insérée dans le contrat la clause sans protêt. L’intérêt de ce protêt qui subsiste est le fait d’exercer des recours sur le terrain cambiaire. Dès lors que le porteur est diligent, ce dernier pourra agir contre les signataires du chèque à commencer par le tireur. Cela signifie que le chèque aura fait l’objet d’un certain nombre d’endossements. En pratique, peu de chèques circulent, car ils sont barrés, c’est à dire qu’ils ne sont pas endossables.
S’applique dans le cas de la circulation le droit cambiaire et donc la solidarité entre les différents signataires du chèque qui a eu vocation à circuler. Possibilité pour le porteur d’agir contre l’un quelconque des signataires du chèque qui a circulé. Cela va conduire à désintéresser le porteur et celui qui a payé pourra se retourner contre les signataires antérieurs. Ce recours va permettre au porteur bénéficiaire de percevoir le montant nominal du chèque impayé mais aussi des intérêts moratoires qui cours à compter du jour de la présentation. Ces intérêts sont limités car ils sont calculés aux taux d’intérêt légal.
Dans ce contexte, le porteur va également pouvoir demander le remboursement des frais exigés liés à l’établissement du protêt.
Le porteur bénéficiaire dispose de 6 mois pour agir contre les différents endosseurs, qui courent à partir de l’expiration du délai de présentation.
** L’autre recours possible est le recours fondamental : possibilité d’agir sur le terrain du rapport fondamental. Le chèque ayant été émit dans le cadre d’un contrat. Le porteur peut agir sur le fondement du rapport qui le lie au tireur. La négligence du porteur est indifférente ici. Donc le porteur négligent pourra quand même agir.