Les conditions de formation du contrat administratif

La formation du contrat administratif

Un contrat administratif est un contrat conclu par au moins une personne publique et dont la connaissance appartient au juge administratif. Ce contrat sera qualifié « d’administratif » par la loi, ou par la jurisprudence s’il porte sur l’exécution d’un service public ou comporte des clauses exorbitantes du droit commun.

§ 1. La compétence

Le contrat administratif étant formé par un accord de volontés dont l’une au moins – sauf exception de la jurisprudence Peyrot – émane d’une personne publique, la question est ici de savoir quels sont les organes compétents, au sein de la personne publique considérée, pour exprimer la volonté de cette personne, pour vouloir pour elle.

Au niveau de l’État, il revient en principe aux ministres de signer les contrats de l’État au niveau central, et au niveau déconcentré, aux préfets. La signature ou le pouvoir peuvent être délégués dans les conditions ordinaires. Il faut signaler que certains types de contrat suppose, pour qu’ils entrent en vigueur, outre la signature par l’organe compétent, une approbation spéciale, par voie législative (ex. : emprunts d’État) ou par décret (concessions d’autoroutes).

S’agissant des collectivités territoriales (CT), le principe veut que l’assemblée délibérante autorise préalablement la signature du contrat, signature qui est donnée, au nom de la collectivité, par l’exécutif de celle-ci. Toutefois l’assemblée délibérante peut donner, pour des contrats de faible importance, une délégation générale qui permettra à l’exécutif de signer les contrats courants et sans enjeux politiques locaux, sans avoir à préalablement obtenir une autorisation spéciale pour chaque contrat. Il faut également rappeler que les contrats des collectivités territoriales n’entrent en principe en vigueur qu’après leur transmission à l’autorité de contrôle, au préfet. La loi MURCEF a introduit sur ce point une dérogation : les petits marchés publics des communes (actuellement d’un montant inférieur à 90 000 euros) entrent en vigueur de plein droit dès leur conclusion, sans attendre leur transmission.

S’agissant des Etablissements Publics, les solutions sont assez proches de celles qui s’appliquent aux Collectivités Territoriales. Les statuts prévoient généralement que l’exécutif de l’Établissement Public peut conclure seul les petits contrats, quand les contrats importants supposent l’approbation du conseil d’administration de l’Établissement Public. À signaler toutefois que la tutelle sur les Etablissements Publics et donc le contrôle de l’autorité de rattachement de l’Etablissement Public sur les conventions passées par celui-ci est plus étendu et contraignant que le contrôle de l’Etat sur les Collectivités Territoriales (les mécanismes d’autorisation préalable ou d’approbation sont fréquents).

Il faut ajouter quelques remarques sur la compétence ratione materiae. Les personnes publiques ne peuvent contracter que dans le domaine de leurs compétences, ce qui vise les collectivités territoriales (elles peuvent contracter pour les besoins de leurs services et sur des objets d’intérêt local) et les Établissements Publics (dans le respect du principe de spécialité). Par ailleurs, il est interdit de contracter sur certains objets :

  • – la police administrative, c’est-à-dire l’activité de prévention des troubles à l’ordre public (sécurité, tranquillité, salubrité publiques : cf. infra, titre 4). Article classique : J. Moreau, « De l’interdiction faite à l’autorité de police d’utiliser des techniques d’ordre contractuel », AJ 1965, p. 3. Arrêt de principe : CE 17 juin 1932, Ville de Castelnaudary, D. 1932.3.27, concl. Josse :une commune ne peut confier, par contrat, le service de la police à une société privée. De même un maire ne saurait s’engager par un contrat signé au nom de sa commune, de faire à l’avenir tel usage déterminé de son pouvoir de police. Le contrat ou, si elles sont séparables de l’ensemble du contrat, les clauses portant sur l’exercice du pouvoir de police sont nuls.
  • – l’impôt : l’impôt n’est pas un objet d’arrangements contractuels. Ce qu’on appelle « contrats fiscaux » ne créent pas d’ « avantages fiscaux » mais se bornent à constater qu’un contribuable remplit les conditions définis par la loi lui permettant de bénéficier d’un certain régime fiscal : les conditions d’application de ce régime et les éléments de ce régime ne sont pas à la disposition des parties et il ne s’agit pas d’un véritable contrat.
  • – Le statut des fonctionnaires est légal et réglementaire. La situation personnelle d’un fonctionnaire ne saurait donc être valablement définie par contrat. Un tel contrat ou de telles clauses seraient nuls.
  • – L’organisation du Service Public n’est pas non plus une matière contractuelle. Toutefois, il n’est pas prohibé de définir des règles d’organisation d’un Service Public dans une convention. C’est même très souvent le cas (Conventions de DSP). Comme l’on sait, désormais, ces clauses ont cependant un caractère pleinement réglementaire.

§ 2. La qualité du consentement

On se bornera à indiquer ici que, comme dans le droit civil, le consentement au contrat administratif doit être libre et éclairé. La théorie des vices du consentement (erreur, dol, violence) est donc applicable au droit des contrats administratifs, où elle joue toutefois un rôle très marginal, les espèces étant rarissimes.

§ 3. Forme

La plupart des contrats administratifs sont écrits. La réglementation impose l’écrit pour certains types de contrats (marchés publics d’un montant supérieur au seuil de 90 000 euros, marchés de maîtrise d’œuvre quel qu’en soit le montant)

§ 4. La procédure

Le principe, en droit administratif comme en droit privé, étant celui du consensualisme, la formation du contrat n’est soumise en principe à aucune procédure. Il faut, pour qu’une procédure s’impose, qu’un texte la prévoit. Or, pour les principaux contrats administratifs la loi impose le respect de certaines procédures et notamment pour les marchés publics, les conventions de délégation de Service Public ou, plus récemment, les contrats de partenariat.

L’intitulé de la loi de 1993 qui a, notamment, soumis la passation des conventions de Délégations de Service Public à certaines procédures est assez explicite sur les intentions qui président à ce genre de réglementations : « Loi relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques. »

Les procédures de passation des marchés et des conventions de Délégations de Service Public doivent assurer, entre des entreprises concurrentes, une suffisante transparence et égalité de traitement.

À ce souci de transparence et de concurrence, s’ajoutent des exigences communautaires : la libre concurrence entre les entreprises des différents États membres impose certaines règles de publicité, de transparence et de concurrence pour la passation, notamment, des « gros » marchés publics.

Si la loi de 1993 a imposé des contraintes quant à la passation des conventions de Délégations de Service Public, le régime de passation des marchés publics est plus rigoureux. On se bornera ici à dire que selon l’importance des marchés (des « seuils » sont fixés par le Code des marchés publics) les procédures sont plus ou moins contraignantes. Elles imposent des obligations de publicité, de transparence et des critères de choix plus ou moins lourdes. Seuls les tout petits marchés peuvent être passés librement, sans même mise en concurrence (si inférieurs à 4 000 euros). Les marchés les plus importants doivent suivre la procédure dite de l’appel d’offres : c’est la procédure la plus lourde qui oblige le « pouvoir adjudicateur » (l’expression a été imposée par l’Union européenne, même si la procédure dite d’adjudication a été supprimée en France en 2001), à retenir, après publicité et mise en concurrence des entreprises soumissionnaires, l’offre économiquement la plus avantageuse, le « mieux-disant », c’est-à-dire le meilleur rapport « qualité-prix » évalué en fonction de critères fixés à l’avance par la collectivité publique. (La procédure d’adjudication, abandonnée, obligeait à retenir le « moins-disant », le critère étant exclusivement le prix demandé par les entrepreneurs soumissionnaires). Pour les marchés dépassant certains seuils, la publicité et la mise en concurrence doivent être assurées au niveau européen. Il existe certaines règles dérogatoires pour des marchés publics particuliers, impliquant des technologies spéciales ou pour lesquels les considérations de secret (défense nationale) pèsent d’un poids particulier.

Pour les conventions de Délégations de Service Public, depuis la loi de 1993, des obligations de publicité et de mise en concurrence ont été imposées. Toutefois, à la fin de la procédure, le principe traditionnel du « libre choix » du délégataire reste en vigueur : après avoir organisé une concurrence loyale entre entrepreneurs intéressés, la collectivité choisit librement son délégataire.

Ces questions, éminemment complexes et évolutives, seront étudiées plus précisément dans les cours spéciaux consacrés, en Master, aux contrats publics.