L’EXISTENCE OU L’OUVERTURE DE L’ACTION
Cornu / Foyer : « N’importe qui n’a pas le droit de demander n’importe quoi, n’importe quand à un juge »
CODE DE PROCÉDURE CIVILE : existence du droit d’agir en justice dépens de l’intérêt (de façon générale), de la qualité (parfois) . De plus, le Droit d’agir peut disparaitre par l’écoulement du temps : la prescription.
- Fiche de Procédure Civile
- Les conditions de l’action en justice
- L’action en justice : définition et classification
- La détermination de la juridiction compétente
- La saisine de la juridiction compétente : demandes en justice
- Les demandes incidentes
- Les différentes exceptions de procédure : définition, régime
L’intérêt
CODE DE PROCÉDURE CIVILE silencieux sur le sens de la notion d’intérêt
Idée : pour avoir le droit d’agir en justice, encore faut-il que la demande présente une utilité pour celui qui l’exerce (intérêt patrimonial et/ou moral).
ATTENTION : notion s’applique en 1ère instance mais aussi aux demandes incidentes et en matière de voies de recours (ex de Jurisprudence : un plaideur n’a pas intérêt à attaquer une décision qui lui a donné entièrement satisfaction).
- Les interrogations liées à l’intérêt légitime au succès de la prétention
Dimension morale :
Avant : lien de droit devait exister entre le défunt et le demandeur sollicitant une indemnisation de ce fait (refus de reconnaitre des liens non reconnus « par la société et sa morale »)
- de Cour de cassation 27 février 1970 : Article 1382 Code civil « n’exige pas, en cas de décès, l’existence d’un lien de droit entre le défunt et le demandeur en indemnisation » (reconnaissance de l’action de la concubine)
CODE DE PROCÉDURE CIVILE -> exigence d’un intérêt « légitime »
Mais régression constante de la condition d’intérêt légitime
Professeurs Cadiet et Jeuland : notion peut être justifiée par « la nécessité de vérifier que l’avantage poursuivi par l’action n’est pas immoral ou inopportun ».
La moralité évoluant avec le temps, notion susceptible d’évolution
Ex : Jurisprudence Cour de cassation 1999 : employeur n’a pas d’intérêt légitime à solliciter auprès du responsable de l’accident dont a été victime une de ses salariées la réparation du préjudice résultant de l’absence de cette salariée, dès lors que cette dernière n’était pas déclarée.
- La prétention doit relever d’un intérêt direct et personnel
Principe : pour pouvoir saisir une juridiction, une personne doit souffrir d’une lésion de ses intérêts propres, si bien que le résultat de l’action lui profitera personnellement (= bénéfice personnel)
ATTENTION : représentation possible (mandat ad agendum)
Nul n’a, sauf exceptions, qualité à défendre seul l’intérêt général
Sauf à être autorisé par un texte spécifique
Ministère public a seul vocation à assurer la défense de l’intérêt général
Procédure civile concernant des litiges particuliers : intrusion du ministère public ne doit pas être systématique
Ministère public peut être partie principale ou partie jointe
= existe des domaines où ministère public a seul qualité pour agir (ex : nationalité) et domaines où il peut se trouver en concurrence avec d’autres personnes ayant qualité à agir (ex : nullité de mariage)
Nul n’a, sauf exceptions, qualité à défendre un ou des intérêts collectifs
Principe : exigence d’un intérêt personnel exclut qu’un particulier agisse en défense d’un intérêt collectif (même si celui-ci comprend le sien)
Ex : victimes d’un pdt défectueux ne peuvent agir en réparation contre le fabricant que pour obtenir la réparation de leur propre préjudice, pas pour demander l’indemnisation des autres victimes
Action de groupe
Définition : action introduite par un représentant pour le compte de toute une classe de personnes ayant des droits identiques ou similaires et aboutissant au prononcé d’un jugement ayant autorité de la chose jugée à l’égard de tous les membres du « groupe ».
Deux modalités :
– « opt out » : membres= toutes les victimes potentielles
– « opt in » : membres= ceux qui manifestent leur volonté de faire partie du groupe
Action de groupe adopté en 1ère lecture par l’AN et par le Sénat
Règle :
– Limité aux dommages patrimoniaux résultant de dommages matériels
– Introduction de l’action réservée aux associations de consommateurs représentatives au niveau national et agréées
– Consommateurs doivent être dans une situation « similaire ou identique » par la faute d’un professionnel à l’occasion de la vente d’un bien ou de la fourniture d’un produit
ATTENTION : faute peut aussi résulter d’une pratique anticoncurrentielle
- La prétention doit se rattacher à un intérêt né et actuel
Intérêt doit exister au moment où l’action est exercée car le rôle du juge est de trancher les litiges déjà nés
L’irrecevabilité de principe des actions interrogatoires et provocatoires
Actions provocatoires= forcer une personne qui se prétend titulaire d’un droit à le faire valoir immédiatement sous peine de le perdre
Actions interrogatoires= contraindre une personne qui bénéficie d’une faculté d’option à prendre parti
Différence : contraindre autrui à faire valoir un droit dont il se prétend (action provocatoire) ou dont il est (action interrogatoire) titulaire
Principe : en droit français, l’exercice d’une action en justice est facultatif= le titulaire d’un droit ne peut être contraint à agir
ATTENTION : existe des car rares dans lesquels la loi déroge au principe de l’irrecevabilité des actions « préventives »
Ex : droit des sociétés
La recevabilité conditionnée des actions déclaratoires
Définition : actions dont l’objet est de faire constater par le juge l’existence ou l’étendue d’une situation juridique
Contreviennent à l’exigence d’un intérêt né et actuel car peuvent avoir un intérêt futur
Recevables que si la loi le prévoit
Exemple : demande ayant pour objet de solliciter du juge qu’il se prononce sur la validité d’une opération simplement projetée-> irrecevable
Loi consacre l’existence de certaines actions déclaratoires
Exemple : droit d’agir pour faire décider si a ou n’a pas la qualité de Français
Exemple : possibilité de faire statuer un juge par anticipation sur le fait de savoir si le brevet fait ou non obstacle à l’exploitation qui a été initiée ou qui a fait l’objet de préparatifs effectifs et sérieux à cet effet
Jurisprudence : Cour de Cassation 9 juin 20011 : héritière de son mari assigna la banque ayant consenti un prêt de restructuration à son mari « aux fins de voir constater la prescription de sa créance »
Solution : Intérêt à faire constater la prescription de la créance reconnu-> permettre de connaître la consistance exacte du patrimoine dont elle avait hérité et l’étendue des droits dont elle pouvait disposer.
La certaine faveur faite aux actions « conservatoire »
Catégorie d’actions pouvant être engagées sur la base d’un intérêt futur mais suffisamment certain pour répondre à l’exigence traditionnelle d’un intérêt né et actuel
Ex : référé aux fins d’obtenir une mesure conservatoire pour prévenir un dommage imminent
Ex : actions en obtention de mesures d’instruction préventive
La qualité
Définition : habilitation, titre juridique, conférant spécialement à telle personne ou à telle catégorie de personnes le droit de saisir le juge d’un certain type de prétention ou d’être entendu de lui dans la défense à un certain type de prétention déterminé.
Qualité à agir et actions attitrées
CODE DE PROCÉDURE CIVILE :
1ère hypothèse : action ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention sauf si la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie
Actions « attitrées » =/ actions banales
Ex : divorce par consentement mutuel -> demande est présentée par les avocats respectifs des parties ou par un avocat choisi d’un commun accord.
La qualité, substituée à l’intérêt : la défense d’un intérêt autre que le sien
Idée : celui qui agit n’aurait pas été recevable à agir au sens classique de l’intérêt car n’a pas d’intérêt direct et personnel à agir mais il est habilité par la loi
- Les syndicats, habilités par la loi à défendre l’intérêt collectif de la profession
Jurisprudence : Cour de Cassation Ch. Réunies, 5 avril 1913-> consacré par la loi dans le code du travail
Syndicat peuvent « exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent ».
Exemple :
1993 Assemblée Plénière a reconnu à un syndicat d’employeurs qualité pour agir au motif que la violation par certains employeurs des dispositions relatives au repos hebdomadaires rompait l’égalité et portait atteinte à l’intérêt collectif de la profession
ATTENTION : Distinction avec l’intérêt général : constitutions de partie civile de syndicats de salariés des chefs d’abus de biens sociaux et de banqueroute-> irrecevables car aucune preuve de préjudice à l’intérêt collectif de la profession distinct de l’intérêt général et du préjudice individuel subi par les salariés
- Le rôle des associations
Loi du 1er juillet 1901 : association peut agir en justice -> vise l’action pour défendre ses propres intérêts
Absence de reconnaissance par le législateur de qualité de principe pour défendre des intérêts autres que les siens
Pas de texte similaire à celui existant pour les syndicats -> il faut donc une habilitation spécifique
Habilitations législatives :
Ex en droit de la conso : associations ayant pour objet statutaire explicite la défense des intérêts des consommateurs peuvent agir pour faire cesser ou interdire tout agissement illicite au regard des dispositions transposant les directives mentionnées (juge peut alors ordonner la suppression d’une clause illicite ou abusive)
Cas particulier des « ligues de défense »
Selon une Jurisprudence civile ancienne : une association peut défendre collectivement la somme des intérêts individuels de ses membres
ATTENTION : Jurisprudence assez libérale : le préjudice invoqué peut n’avoir été subi que par un seul des membres de l’association
Mais la Jurisprudence admet parfois que l’intérêt collectif ne recouvre pas nécessairement celui de tous ses adhérents et en d’autres circonstances que l’intérêt collectif est celui qui est éprouvé par l’ensemble de ses membres
Nécessaire :
- –que le pacte social indique que l’association pourra exercer une action en justice en défense des intérêts de ses membres
- –que l’action entre dans la limite de son objet associatif
Jurisprudence : a admis que des es associations puissent agir pour défendre des intérêts individuels
Conditions :
- –l’action ne doit pas viser la défense d’intérêts autres que de ses membres
- –les statuts doivent prévoir expressément le droit d’action
L’extension jurisprudentielle de la qualité à défendre un intérêt collectif
Droit positif : a longtemps admis de façon restrictive le droit des associations pour la défense d’un intérêt collectif
Jurisprudence : a depuis peu assoupli les conditions d’action dans la perspective de la défense d’un intérêt collectif
Le juge judiciaire peut-il conférer occasionnellement à une association le pouvoir d’agir en justice pour la défense d’un intérêt collectif ?
Question de la recevabilité des demandes /prétentions des associations dites de défense d’une grande cause
Depuis 2001 : Cour de Cassation « hors habilitation législative, une association ne peut agir en justice au nom d’intérêts collectifs qu’autant que ceux-ci entrent dans son objet social »
2008 Cour de Cassation : Association française contre les myopathies.
Objet de l’association : défendre l’intérêt collectif des malades
Mais l’exercice d’actions en justice n’était pas envisagé dans les statuts comme un de ses « moyens d’action »
Cour de Cassation : interprétation non limitative et complétative des statuts
« Même hors habilitation législative, et en l’absence de prévision statutaire expresse quant à l’emprunt des voies judiciaires, une association peut agir en justice au nom d’intérêts collectifs dès lors que ceux-ci entrent dans son objet social ».
= une association non habilitée peut agir en justice au nom d’un intérêt collectif même lorsque ses statuts ne prévoient pas explicitement cette possibilité
Prescription et autorité de la chose jugée
La prescription extinctive
Droit d’agir peut disparaitre par l’écoulement du temps
Code civil ne précise pas clairement si le droit qui s’éteint est le droit substantiel ou le droit d’action
CODE DE PROCÉDURE CIVILE : envisage la prescription extinctive comme un défaut du droit d’agir et donc comme étant une fin de non-recevoir
- La différence délai de prescription/ délai de forclusion (ou délai préfix)
La nature de la différence
Délais de prescription= délais posés de façon générale
Délai de forclusion= délais spécifiquement prévus pour telle ou telle action
Code civil : délais de forclusion ne sont pas régis par le titre sur la prescription extinctive sauf dispositions légales contraires.
= en principe pas de régime commun mais peuvent être soumis à des règles communes
Règles générale : prescription a pour effet d’empêcher une partie de soumettre au juge le fond d’une situation dont elle s’est trop longtemps désintéressée alors que les délais préfix imposent plutôt de faire valoir un droit dans un délai relativement court.
Les conséquences de la distinction
De la qualification retenue dépend le régime du délai :
- La prescription est susceptible de suspension et d’interruption et ne peut être relevée d’office
- Le décompte du délai préfix ne peut en principe pas être arrêté et le juge doit relever d’office son expiration lorsqu’il a un caractère d’ordre public
À défaut de précision sur la nature de sa durée ou sur sa finalité, sa qualification est souvent déterminée en fonction de sa durée ou induite de la possibilité de le suspendre ou de l’interrompre
En matière de nullité des actes juridiques : exception de nullité ne parait pas applicable quand l’extinction de l’action résulte d’un délai de forclusion
- La durée de prescription et le point de départ de la prescription
Avant : délai de droit commun de la prescription = 30 ans
Aujourd’hui : Code civil : Actions personnelles ou mobilières : 5 ans à partir du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant de l’exercer.
L’impact sur la durée de la prescription des actions
Prescription de droit commun (quinquennale) s’applique :
- Action personnelles (droit personnel ou de créance)
- Actions mobilières : droit portant sur un bien meuble
ATTENTION : Code civil : droit de propriété est imprescriptible (sous la réserve que les actions réelles immobilières se prescrivent par 30 ans à compte du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer
ATTENTION : maladresse de rédaction : imprescriptibilité concerne la propriété mobilière au même titre que la propriété immobilière
L’existence de certains délais et points de départ de prescription particuliers
Article 2226 Code civil : dommage corporel
Action en responsabilité d’un événement ayant entraîné un dommage corporel, engagée par la victime directe ou indirecte des préjudices, se prescrit par 10 ans à compter de la date de la consolidation du dommage initial ou aggravé
ATTENTION : torture/actes de barbarie/violences ou agressions sexuelles commises contre un mineur : 20 ans
Article L.152-1 du Code de l’environnement :
Obligations financières liées à la réparation des dommages causés à l’environnement par les installations, travaux, ouvrages et activités régis par ce code : 30 ans à compter du fait générateur
Article 1264 CODE DE PROCÉDURE CIVILE : actions possessoires : 1 an
- Suspension et interruption
La suspension
Arrête le cours de la prescription mais n’efface pas la durée écoulée avant que la cause de suspension ne survienne
Quelques causes :
– l’impossibilité d’agir quand l’empêchement résulte de la loi, de la Convention ou de la force majeure (ex : clause de conciliation conventionnelle)
– Mineurs non émancipés et majeurs en tutelle sauf pour les créances périodiques
Incapable dispose d’une action en responsabilité contre son représentant dans l’hypothèse où la prescription résulte d’une négligence de ce dernier
– Suspension entre époux et personnes liées par un PACS
L’interruption
Efface le délai de prescription acquis et fait courir un nouveau délai de même durée que l’ancien
Code civil : 3 causes :
– La reconnaissance du droit par le débiteur (reconnaissance de dette)
ATTENTION : pour interrompre la prescription, la reconnaissance doit émaner du débiteur ou de son mandataire
– La demande en justice, même en référé
Idem si la demande est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l’acte de saisine est annulé pour vice de procédure
– Un acte d’exécution forcée
ATTENTION : Ce sont les causes « générales », il existe également des causes d’interruption prévues par des textes spéciaux