Les conditions de l’adoption plénière

Les conditions de l’adoption plénière

L’adoption plénière, régie par les articles 343 et suivants du Code civil, est une procédure complexe et rigoureusement encadrée visant à établir une nouvelle filiation entre un adoptant et un adopté. Elle remplace intégralement les liens de filiation biologique par ceux de la filiation adoptive, conférant à l’enfant les mêmes droits que s’il était né des adoptants. Cette adoption est marquée par des conditions strictes, tant pour l’adoptant que pour l’adopté, afin de garantir son intérêt supérieur et la stabilité des relations familiales.

Les conditions applicables à l’adoptant incluent un âge minimal de 28 ans, une différence d’âge avec l’adopté d’au moins 15 ans (sauf dérogations), et l’obligation pour les couples mariés de satisfaire à des exigences d’ancienneté de mariage. Concernant l’adopté, il doit répondre à des critères précis d’adoptabilité (mineur de moins de 15 ans, pupille de l’État, ou enfant judiciairement déclaré abandonné) et son consentement est requis à partir de 13 ans.

L’adoption plénière se distingue également par son caractère irrévocable, l’enfant intégré dans sa nouvelle famille jouissant des mêmes droits successoraux, éducatifs et alimentaires qu’un enfant biologique. Elle est désormais accessible aux couples homosexuels mariés, selon les mêmes conditions que pour les couples hétérosexuels, renforçant ainsi l’égalité en matière d’adoption.

 I  / Les conditions relatives à l’adoptant dans l’adoption plénière :

1) Conditions générales

  • Présence de descendants : Depuis la loi du 22 décembre 1976, le fait d’avoir des enfants biologiques ou adoptifs ne fait plus obstacle à une adoption plénière. Cependant, le juge doit vérifier que l’adoption ne compromet pas l’équilibre de la vie familiale (article 353 alinéa 1 du Code civil).
  • Décès de l’adoptant : Si l’adoptant décède après avoir recueilli l’enfant, l’adoption reste possible.
  • Adoption individuelle : Une personne seule peut adopter à condition d’être âgée de plus de 28 ans au moment de la demande (article 343-1 alinéa 1 du Code civil), sauf dans le cas d’une adoption de l’enfant de son conjoint (article 343-2).
  • Adoption conjointe : Les époux non séparés de corps peuvent adopter ensemble s’ils sont mariés depuis au moins deux ans ou s’ils ont chacun atteint l’âge de 28 ans (article 343).

2) Différence d’âge entre l’adoptant et l’adopté

  • Une différence d’âge de 15 ans minimum est exigée entre l’adoptant et l’adopté (article 344 alinéa 1 du Code civil).
  • Cet écart peut être réduit à 10 ans si l’enfant est celui du conjoint. Le tribunal peut également accorder une dérogation pour « justes motifs » (par exemple, adoption d’un frère ou d’une sœur plus jeune de moins de 15 ans).

3) Consentement du conjoint

  • Si l’adoptant est marié et non séparé de corps, le consentement de son conjoint est obligatoire, sauf impossibilité de ce dernier de manifester sa volonté (article 343-1).

4) L’adoption plénière de l’enfant du conjoint

Cette adoption, bien qu’elle confère à l’enfant une nouvelle filiation adoptive, maintient le lien avec le parent biologique conjoint de l’adoptant. Elle est permise dans les cas suivants (article 345-1 du Code civil) :

  1. Filiation unique : L’enfant n’a de filiation établie qu’à l’égard du conjoint adoptif.
  2. Adoption plénière antérieure : L’enfant a déjà été adopté plénièrement par le conjoint adoptif.
  3. Retrait total de l’autorité parentale : L’autre parent biologique s’est vu retirer cette autorité.
  4. Décès de l’autre parent : Ce parent est décédé et n’a laissé ni ascendants au premier degré ni proches s’intéressant à l’enfant.

 

II / Les conditions relatives à l’adopté dans l’adoption plénière :

En résumé, les conditions relatives à l’adopté dans l’adoption plénière sont centrées sur son intérêt supérieur, son âge, et son adoptabilité. Ces critères visent à garantir que l’adoption respecte les besoins de l’enfant et offre un cadre familial conforme à ses droits et à sa dignité.

1) Une condition générale : l’intérêt de l’enfant

L’adoption plénière ne peut être prononcée que si elle est conforme à l’intérêt de l’enfant (article 353 alinéa 1 du Code civil). Ce principe fondamental est apprécié souverainement par les juges du fond et couvre les dimensions matérielles, patrimoniales, extrapatrimoniales, et morales.

Cette exigence permet de lutter contre les fraudes, comme dans le cas d’adoptions contraires à l’ordre public (adoption par un grand-parent pour contourner des règles successorales, par exemple) ou impliquant des relations interdites par les règles de parenté (article 345-1 du Code civil).

2) Une première condition particulière : l’âge de l’adopté

L’adoption plénière concerne en principe les enfants de moins de 15 ans (article 345 alinéa 1 du Code civil), car elle vise à offrir à l’enfant un cadre éducatif stable dès son jeune âge. Toutefois, des exceptions sont prévues (article 345 alinéa 2 du Code civil) :

  • Si l’enfant a été accueilli dans le foyer des adoptants avant ses 15 ans alors que ces derniers ne remplissaient pas encore les conditions pour adopter.
  • Si l’enfant a fait l’objet d’une adoption simple avant ses 15 ans.

Dans ces cas, l’enfant reste adoptable jusqu’à sa minorité et même pendant les deux années qui suivent sa majorité (soit jusqu’à l’âge de 20 ans).

Par ailleurs, lorsque l’enfant est âgé de plus de 13 ans, son consentement personnel à l’adoption est requis. Ce consentement doit être donné par acte authentique (article 345 alinéa 3 du Code civil).

3) Une deuxième condition particulière : l’adoptabilité de l’enfant

Conformément à l’article 347 du Code civil, trois catégories d’enfants peuvent être adoptés en plénière.

a) Les enfants donnés en adoption par leurs parents (article 347-1 du Code civil)

Le consentement à l’adoption appartient exclusivement aux père et mère titulaires de l’autorité parentale, sans possibilité de délégation (article 377-3 du Code civil).

  • Si la filiation est légalement établie pour les deux parents, le consentement des deux est nécessaire. En cas de désaccord, l’adoption ne peut avoir lieu. Si l’un des parents est décédé, le consentement du survivant suffit (article 348 du Code civil).
  • En cas de décès des deux parents, de retrait total de l’autorité parentale ou si les parents sont hors d’état de manifester leur volonté, le conseil de famille décide après avis de la personne qui s’occupe de l’enfant (article 348-2 du Code civil).

Si l’enfant n’a pas de filiation légalement établie et est placé sous la tutelle de l’aide sociale à l’enfance, c’est le conseil de famille des pupilles de l’État qui donne son consentement.

Le consentement à l’adoption doit être donné par acte authentique, sous peine de nullité. Il peut être exprimé devant un notaire, les autorités consulaires françaises ou les services de l’aide sociale à l’enfance (article 348-3 alinéa 1 du Code civil).

Conditions spécifiques :

  • Si l’enfant est âgé de moins de 2 ans, il doit obligatoirement être confié à l’ASE ou à un organisme autorisé pour l’adoption, sauf si l’adoptant est un membre de la famille jusqu’au sixième degré (article 348-5 du Code civil).
  • Le consentement peut être rétracté dans un délai de 2 mois. Passé ce délai, si l’enfant n’a pas encore été placé en vue de l’adoption, ses parents peuvent encore demander sa restitution, mais cela sera soumis à l’appréciation du juge qui évalue l’intérêt de l’enfant.

b) Les pupilles de l’État (article 349 du Code civil)

Les pupilles de l’État sont des enfants pris en charge par l’aide sociale à l’enfance et soumis à une tutelle spéciale exercée par le préfet et le conseil de famille des pupilles de l’État.

Les situations qui rendent un enfant pupille de l’État incluent :

  1. Les enfants sans filiation établie ou connue (nés sous X ou trouvés), recueillis par l’ASE depuis plus de 2 mois.
  2. Les enfants dont les parents ont remis expressément la garde à l’ASE en vue de leur admission comme pupilles de l’État.
  3. Les enfants confiés à l’ASE par décision judiciaire de retrait total de l’autorité parentale de leurs parents.
  4. Les orphelins sans tutelle familiale organisée.

Le choix des adoptants est fait par le préfet, avec l’accord du conseil de famille des pupilles de l’État.

c) Les enfants judiciairement déclarés abandonnés (article 350 du Code civil)

Ces enfants ont été confiés à un particulier, à un établissement ou à l’ASE, et leurs parents se sont manifestement désintéressés d’eux pendant au moins un an avant la demande de déclaration d’abandon.

Principaux points :

  • L’abandon est déclaré lorsque les parents ne manifestent aucun intérêt pour l’enfant, et ce désintérêt doit être prolongé.
  • Le juge peut refuser la déclaration d’abandon si un membre de la famille demande à assumer la charge de l’enfant et si cela est jugé conforme à son intérêt.

Une fois déclaré abandonné, l’enfant devient adoptable. Le jugement est rendu par le TGI, qui délègue l’autorité parentale à l’ASE ou à l’organisme qui prend en charge l’enfant.

Les parties peuvent contester le jugement dans un délai d’un mois après sa signification. La tierce opposition n’est recevable qu’en cas de dol, fraude, ou erreur sur l’identité de l’enfant (article 350 alinéa 6 du Code civil).

 

III / Les conditions relatives au lien entre l’adoptant et l’adopté dans l’adoption plénière :

1) Lien de parenté et adoption intrafamiliale

La loi autorise l’adoption intrafamiliale : un lien de parenté ou d’alliance entre l’adoptant et l’adopté ne fait pas obstacle à l’adoption. Cependant, certains cas restent interdits :

  • Si une filiation est déjà établie à l’égard d’un parent biologique, une double filiation contradictoire n’est pas permise.
  • Exemple : Dans une décision du 5 avril 2005, la cour d’appel de Paris a rejeté l’adoption par un oncle consanguin, jugeant que l’établissement d’une double filiation violait les dispositions légales.

2) Adoption de l’enfant du conjoint

L’époux peut adopter l’enfant de son conjoint si la filiation de l’enfant n’est légalement établie qu’à l’égard de ce conjoint (article 345-1 alinéa 1 du Code civil).

3) Interdictions spécifiques

La loi interdit certaines adoptions lorsque des liens biologiques ou juridiques entrent en contradiction avec les principes de la filiation adoptive :

  • Mère porteuse : Une femme ne peut adopter l’enfant de son époux né d’une mère de substitution ayant accouché sous X (Cour de cassation, Assemblée plénière, 31 mai 1991).

4) Particularité pour les couples homosexuels

Avant la loi du 17 mai 2013, qui a ouvert le mariage aux couples de même sexe, l’adoption plénière de l’enfant du conjoint n’était pas accessible aux homosexuels. Aujourd’hui, ils bénéficient des mêmes conditions que les couples hétérosexuels mariés.

Le Conseil constitutionnel et la CEDH ont confirmé que l’exclusion des couples homosexuels avant cette réforme ne constituait pas une violation des droits fondamentaux. Depuis cette loi, les couples homosexuels mariés peuvent adopter conjointement ou individuellement dans les mêmes conditions que les autres.

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