Quelles sont les conditions de l’adoption simple ?
L’adoption simple, à la différence de l’adoption plénière, maintient les liens juridiques entre l’adopté et sa famille biologique. Ainsi, l’adopté appartient simultanément à deux familles : sa famille d’origine et sa famille adoptive. Les conditions légales pour l’adoption simple, précisées à l’article 361 du Code civil, sont généralement plus souples, notamment pour les majeurs.
I / Les conditions relatives à l’adoptant :
Les règles applicables à l’adoptant en matière d’adoption simple sont alignées sur celles de l’adoption plénière. Selon l’article 361, qui renvoie à l’article 344 du Code civil, les exigences sont les suivantes :
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Différence d’âge minimale :
L’adoptant doit être âgé d’au moins 15 ans de plus que l’adopté. Toutefois, une dérogation peut être accordée par le juge si des circonstances exceptionnelles le justifient. Cette règle vise à établir une relation cohérente entre l’adoptant et l’adopté, semblable à un rapport parent-enfant. -
Statut de l’adoptant :
- L’adoption simple est ouverte aux personnes seules ou aux couples mariés.
- Depuis la loi du 17 mai 2013, les couples de même sexe mariés peuvent également adopter.
- Les concubins et les partenaires de PACS ne peuvent pas adopter conjointement, mais l’un d’eux peut adopter à titre individuel.
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Capacité juridique :
L’adoptant doit être en mesure juridiquement de s’occuper de l’adopté et de satisfaire à ses besoins matériels, éducatifs et affectifs
II / Les conditions relatives à l’adopté :
L’adoption simple, conformément aux articles 361 et 347 du Code civil, est ouverte aussi bien aux mineurs qu’aux majeurs. Toutefois, les conditions d’éligibilité et les exigences légales diffèrent selon le statut et les circonstances de l’adopté.
- Le droit des couples (mariage, Pacs, divorce…)
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- La procédure de l’adoption simple et les conséquences
- Les conditions de l’adoption simple
- L’adoption plénière : procédure et conséquences
- Les conditions de l’adoption plénière
- La séparation de corps
A. Adoption des mineurs : conditions spécifiques
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Catégories d’enfants adoptables :
Les mineurs doivent faire partie des catégories d’enfants adoptables, définies par l’article 347 du Code civil :- Enfants déclarés abandonnés par décision judiciaire.
- Enfants recueillis par l’aide sociale à l’enfance.
- Enfants dont les parents biologiques ont consenti à l’adoption.
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Consentements requis :
- Pour un enfant de moins de 13 ans, le consentement des parents biologiques ou, à défaut, celui du conseil de famille est nécessaire.
- Pour les enfants de plus de 13 ans, le consentement personnel de l’enfant est également exigé (article 360 alinéa 3 du Code civil).
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Adoption après une adoption plénière :
- Un enfant précédemment adopté en adoption plénière peut être adopté en adoption simple si des motifs graves le justifient, conformément à l’article 360 alinéa 2 du Code civil.
B. Adoption des majeurs : une flexibilité accrue
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Aucune limite d’âge :
Contrairement à l’adoption plénière, l’adoption simple n’impose aucune limite d’âge à l’adopté. Ce mécanisme permet notamment de formaliser des relations affectives ou familiales établies depuis longtemps. -
Consentement personnel :
Le consentement de l’adopté majeur est indispensable. En revanche, celui des parents biologiques n’est pas requis, comme l’a précisé la Cour de cassation dans un arrêt du 20 mars 2013. Dans cette affaire, le refus du père biologique de consentir à l’adoption de sa fille majeure n’a pas empêché le prononcé de l’adoption, car le consentement de la fille avait été donné préalablement. -
Motivations légitimes :
L’adoption simple d’un adulte est souvent utilisée pour :- Renforcer des liens familiaux, notamment dans les familles recomposées.
- Assurer une protection juridique et successorale dans le cadre de relations affectives ou éducatives durables.
C. Particularités juridiques et limitations
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Nombre d’adoptants :
Une même personne ne peut être adoptée que par deux adoptants mariés entre eux, comme le rappelle l’arrêt de la première chambre civile du 12 janvier 2011. Cette règle vise à éviter une multiplication excessive des liens de filiation adoptive. -
Adoption par le conjoint de l’adoptant :
La loi du 17 mai 2013 a introduit un dernier alinéa à l’article 360 du Code civil, qui permet :- À un enfant adopté par une personne seule, en adoption simple ou plénière, d’être à nouveau adopté en adoption simple par le conjoint de cette dernière.
Cette disposition renforce la reconnaissance des familles recomposées ou homoparentales.
- À un enfant adopté par une personne seule, en adoption simple ou plénière, d’être à nouveau adopté en adoption simple par le conjoint de cette dernière.
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Exclusion des adoptions motivées par des objectifs successoraux :
Les juges peuvent refuser une adoption si elle semble avoir pour unique but de contourner les règles successorales. Cela concerne, par exemple, les adoptions demandées par des grands-parents dans un objectif exclusivement patrimonial. -
Absence de placement préalable :
Contrairement à l’adoption plénière, aucun placement préalable de l’adopté dans la famille de l’adoptant n’est requis pour l’adoption simple.
D. Jurisprudence contradictoire en matière de liens affectifs complexes
Certaines situations, notamment celles impliquant des relations personnelles ou familiales atypiques, ont donné lieu à des décisions divergentes des juridictions :
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Liens entre adoptant et adopté :
- Lorsque l’adoption simple intervient entre des partenaires ou concubins, les juges examinent strictement l’intérêt de l’adopté.
- Les cas impliquant des liens homosexuels ont suscité des débats avant 2013, car l’adoption pouvait entraîner une privation partielle de l’autorité parentale de la mère biologique, comme l’a souligné la Cour de cassation, 20 février 2007.
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Reconnaissance des droits de l’enfant :
Bien que le droit français ait évolué avec la loi de 2013, des tensions subsistent concernant la reconnaissance de filiations adoptives établies à l’étranger. Ces questions restent sensibles, notamment en raison de leur interaction avec des principes fondamentaux du droit français.
E. L’adoption simple et de l’homoparentalité
L’accès à l’adoption simple pour les couples homosexuels a fait l’objet de débats intenses et d’évolutions jurisprudentielles marquantes avant d’être légalisé par la loi du 17 mai 2013. Cette question a également suscité des tensions entre le droit français et les engagements internationaux, notamment en matière de non-discrimination fondée sur l’orientation sexuelle.
a. Opposition initiale à l’adoption homoparentale en droit français
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Prohibition du mariage homosexuel et refus d’adoption (avant 2013) :
Avant la reconnaissance du mariage homosexuel, le droit français interdisait l’adoption conjointe aux couples de même sexe. Cette position, confirmée par la Cour de cassation dans un arrêt du 13 mars 2007, contrastait avec la législation d’autres pays européens (Danemark, Pays-Bas, Espagne, etc.), où l’adoption par des couples homosexuels était autorisée. -
Tensions jurisprudentielles :
- TGI de Clermont-Ferrand, 24 mars 2006 : Une adoption simple avait été accordée à la compagne de la mère biologique d’un enfant né d’une PMA en Belgique, permettant un partage de l’autorité parentale entre les deux partenaires.
- CA d’Amiens, 2006 : Confirmation d’une décision similaire pour un enfant élevé par deux femmes.
Cependant, la Cour de cassation, dans un arrêt du 20 février 2007, avait mis un terme à ces avancées. Elle estimait que l’adoption simple par une partenaire de Pacs était juridiquement contradictoire, car elle privait la mère biologique de son autorité parentale, sauf délégation expresse et circonstanciée (article 365 du Code civil).
b. Condamnations et pressions internationales
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CEDH, 22 janvier 2008 :
La Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France pour discrimination fondée sur l’orientation sexuelle, suite au refus d’un agrément d’adoption à une femme homosexuelle au motif de l’absence d’un référent paternel dans le foyer. Cette décision a marqué un tournant dans la reconnaissance des droits des couples homosexuels à l’adoption. -
Tribunal administratif de Besançon, 10 novembre 2009 :
Ce jugement a ouvert la voie à l’adoption pour les célibataires homosexuels, en validant l’agrément en vue d’une adoption simple. -
Affaire GAS et Dubois c. France, 31 août 2010 :
La CEDH a jugé recevable la requête de deux Françaises pour l’adoption simple de l’enfant de l’une par l’autre. Bien que la décision au fond n’ait pas conclu à une violation des droits, cette affaire a illustré les contradictions du droit français avec les principes européens de non-discrimination.
c. Évolutions législatives et judiciaires en France
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Reconnaissance du mariage homosexuel (loi du 17 mai 2013) :
Cette loi a marqué une révolution juridique en permettant :- Le mariage entre personnes de même sexe.
- L’adoption conjointe ou l’adoption de l’enfant du conjoint pour les couples homosexuels.
- La modification de l’article 360 du Code civil, permettant qu’un enfant adopté en adoption simple ou plénière par une personne seule puisse être à nouveau adopté en adoption simple par son conjoint.
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Arrêts postérieurs à 2013 :
- Cour de cassation, 7 juin 2012 : La reconnaissance en France d’un jugement étranger d’adoption par un couple homosexuel avait été refusée, invoquant les principes fondamentaux du droit français.
- CEDH, 19 février 2013 (X et A. c. Autriche) : La Cour a condamné l’Autriche pour violation de la vie privée et familiale, suite au refus d’une adoption simple demandée par la compagne de la mère biologique. Cette décision a renforcé l’idée d’un examen impartial des demandes d’adoption, quelle que soit l’orientation sexuelle.
d. Conséquences sur l’adoption simple et l’homoparentalité
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Sécurisation juridique des familles homoparentales :
Depuis la loi du 17 mai 2013, les familles homoparentales bénéficient d’un cadre légal clair pour l’adoption simple. Cette évolution garantit la protection des enfants en assurant des droits égaux pour les deux parents. -
Reconnaissance partielle des décisions étrangères :
Bien que la loi de 2013 ait clarifié les conditions de l’adoption en France, des tensions subsistent quant à la reconnaissance des jugements étrangers, notamment en matière de transcription des actes de naissance mentionnant deux parents de même sexe. -
Persistances des débats doctrinaux :
Certains juristes soulignent encore les limites du cadre légal français, en particulier sur la reconnaissance automatique des filiations établies à l’étranger ou la question de la gestation pour autrui (GPA), qui reste interdite en France.
III / Les conditions relatives au rapport entre adoptant et adopté :
Les conditions spécifiques au lien entre l’adoptant et l’adopté sont également définies par l’article 361 du Code civil :
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Différence d’âge :
L’adoptant doit être âgé d’au moins 15 ans de plus que l’adopté. Cette condition s’applique également en matière d’adoption plénière. Une exception peut être admise par le juge dans des cas particuliers (par exemple, si l’adopté est le conjoint ou l’enfant du conjoint de l’adoptant). -
Existence d’un lien préalable :
- Un lien de parenté ou d’alliance entre l’adoptant et l’adopté ne fait pas obstacle à l’adoption simple. Ainsi, il est possible pour des grands-parents, des oncles ou des tantes d’adopter un membre de leur propre famille, sous réserve que l’adoption réponde à l’intérêt supérieur de l’adopté.
- Cette possibilité permet de formaliser ou de renforcer des liens affectifs et juridiques existants au sein des familles élargies.
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Adoption des majeurs :
Une des spécificités de l’adoption simple est qu’elle est accessible aux majeurs, sans limite d’âge maximale pour l’adopté. Ce dispositif est souvent utilisé pour sécuriser des relations familiales ou affectives, comme dans le cas de familles recomposées ou d’unions de longue date. Les juges examinent ici de manière plus souple la condition de l’intérêt de l’adopté.