Les conditions de la responsabilité pénale des personnes morales

Les conditions de mise en œuvre de la responsabilité pénale des personnes morales :

La personne morale peut être poursuivie comme auteur d’une action consommée, comme auteur d’une tentative (articles 121-4 et 121-5) ou complice d’une infraction (121-6 et 121-7). Par exemple lorsque la Personne morale serait un instigateur cela peut-être intéressant.

  1. A) Les conditions de fond :

Dans ces conditions il y a certains éléments sûrs et d’autres incertains qui font l’objet de

discussions.

1) Les éléments certains :

La responsabilité pénale de la personne morale en droit Français est conçue comme indirecte :

Le droit Français exige l’intervention de la personne physique (subtratum humain), on doit

localiser la personne physique. Le comportement de la personne physique fait l’objet de problèmes, la conception de la jurisprudence qui consiste à dire que l’on peut engager la responsabilité directement grâce à sa qualité, est à rejeter, il faudra toujours une personne physique pour imputer.

Le texte de l’article 121-2 du Code Pénal :

Il impose la commission d’une infraction par un organe ou un représentant de la personne

morale. Il nous faut définir les deux éléments.

L’organe de la personne morale : cela peut être un organe de droit, il est constitué alors d’une ou plusieurs personnes physiques auxquelles la loi ou les statuts donnent des pouvoirs d’administration, de direction et de gestion…

Ex : Pour une personne morale de droit publique comme une commune le maire peut être organe de direction, le conseil municipal aussi.

Dans les sociétés de droit privé les dirigeants sont nommés par les statuts, dans une SARL ce sera le gérant de société, dans une SA on à plus d’organes de droit : le PDG (Président du Conseil d’Administration ou Président de la Société), le directeur général (adjoint du président).

La question s’est posée de savoir si un organe de fait peut remplir les conditions de l’article 121-2 du Code Pénal ?

Ex : imaginons une société commerciale formée par une famille ou des amis, imaginons que tout le monde est d’accord pour que le gérant soit M. X mais il n’est pas désigné par des procédures régulières, ce n’est pas un gérant de droit mais un organe de fait. Si une infraction est commise par M. X : parle-t-il au nom de la personne morale ? Il faut regarder plusieurs choses :

  • Les modalités de désignation (consensus …). Ex : une personne s’arrange pour être élue irrégulièrement, il n’y aura pas consentement des associés… Tout n’est pas figé.

La manière dont l’acte a été effectué. Ex : quelqu’un organe de droit excède ses fonctions : parle-t-il au nom de la personne morale ? Non il faut se référer à l’idée du mandat.

Le représentant : Dans 99 % des cas le représentant est aussi organe de la Personne Morale. Ex : si on a une société privée le Président du Conseil dirige et peu aussi représenter en justice. Il arrive cependant que le représentant ne soit pas l’organe. Quand par exemple suite à une mésentente dans la PM les membres ont demandé la nomination d’un mandataire spécialisé ad hoc, il est représentant mais ne dirige pas. Cela peut arriver aussi pour des liquidations de société.

Sur cette question il y a eût une évolution jurisprudentielle sur le salarié. Dans le texte de l’article 121-2 on ne définit pas le représentant, on s’est demandé si un salarié qui n’est pas un organe peut-être un représentant ? Dans certains pays oui : U.S.A., Pays-Bas… ce n’est pas l’optique retenue en France, le salarié ne représente pas la personne morale, toutefois un salarié titulaire d’une délégation de pouvoir peut être qualifié de représentant (article 121-2) : il faut démontrer la délégation de pouvoir (autorité, compétence, pouvoir).

Exemples d’arrêts : Cass. Crim 1/12/1998 : Il s’agit d’une infraction non intentionnel : homicide involontaire suite à un accident du travail. Dans cette affaire on trouve l’idée de délégation, la Chambre Criminelle retient la responsabilité pénale de la personne morale suite à une délégation : « le salarié délégataire de pouvoirs chargé de la sécurité du chantier et qui ne fait pas son travail peut engager la Responsabilité Pénale de la Personne Morale ».

L’année suivante : Cass. Crim. 9/11/1999 et 14/12/1999 même idée dans les deux arrêts il s’agit d’accidents du travail et on retrouve l’idée de salarié délégataire considéré comme représentant. Un dernier arrêt fixe cette idée Cass. Crim. 30/05/2000 le salarié titulaire d’une délégation de pouvoir est un représentant. La dernière étape Cass. Crim. 21/06/2001 là on admet que le salarié soit représentant s’il a une délégation même en dehors du domaine de la sécurité. Un salarié titulaire d’une délégation quelque soit le domaine sera un représentant et pourra impliquer la Responsabilité Pénale de la Personne Morale.

Conclusion : dans les arrêts les juges peuvent viser la qualité ce qui est très important. Selon la qualité on peut ou non engager la Responsabilité Pénale de la Personne Morale.

L’infraction doit être commise pour le compte de la personne morale :

Il faut comprendre par là que l’infraction est commise pour bénéficier à la personne morale,

réaliser au bénéfice pécuniaire ou moral (s’attirer les bonnes grâces de quelqu’un) réaliser une économie (sur la sécurité). C’est un raisonnement négatif par rapport à l’intérêt de l’organe ou du salarié. Il n’est pas besoins de quantifier. Ex : discrimination à l’embauche… on se base sur l’intérêt.

Les juges déduisent parfois des faits la commission d’une infraction « pour le compte de », il n’y a pas de vrai démonstration.

2) Les éléments incertains :

Alinéa 1 de l’article 121-2 : il y a une question centrale : « les personnes morales à l’exclusion de

  1. l’Etat sont responsables pénalement selon les distinctions des articles 121-4 à 121-7 et dans les cas prévus par la loi ou le règlement des infractions commises pour leur compte par leurs organes ou représentants ».
  2. Alinéa 3 la responsabilité pénale des personnes morales n’exclue pas celle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits.
  • Faut-il individualiser une personne physique et prouver l’infraction pour engager la Responsabilité Pénale des Personnes Morales ou faut-il en plus prouver une faute de la personne morale ? Quand il y a des causes personnelles d’irresponsabilité pénale, il suffit de prouver la faute de la personne physique et la personne morale bénéficiera de la cause d’irresponsabilité, s’il faut en plus démontrer la responsabilité de la personne morale on n’exonère pas.
  • a) La théorie de Deportes :
  • Selon Deportes la responsabilité de la Personne Morale est une responsabilité d’emprunt car la personne morale est la personne physique, on parle de la responsabilité par reflet. On démontre l’infraction de la personne physique et on l’applique automatiquement pour la personne morale. C’est l’idée de la représentation. C’est pareil que le mandat en droit civil. Dans ce courant là il y a des décisions de jurisprudence :
  • Crim. 2/12/1997 : avant l’arrêt il y avait eu le rapport de Deportes. Dans ce cas c’est une infraction, un délit intentionnel :
  • Une SA de droit privé (personne morale) licencie un salarié, ce dernier conteste son licenciement pour faute au prud’hommes. La société est représentée aux prud’hommes par le PDG (organe et représentant) malheureusement le licenciement s’appuie sur des attestations, le salarié exerce l’action civile pour faux et usage de faux contre la société et les personnes physiques qui ont rédigé les actes. Ce sont des délits intentionnels qui sont reprochés, si on prend l’arrêt on constate que la Cour d’Appel censure le raisonnement.
  • La Cour d’Appel condamne la société pour usage de faux mais pas pour faux (une personne morale ne peut pas écrireJ ), la Cour d’Appel considère que l’élément moral existe, la Cour d’Appel dit que « la société ne pouvait ignorer en les produisant en justice que les documents comportaient des mentions inexactes ».
  • Le PDG savait peut être, on semble aller vers une autonomie de la Responsabilité Pénale de la Personne Morale. Il y a une présomption de l’existence de l’élément moral du délit. Sur ce point il va y avoir cassation. Le visa de la Cour de Cassation sera l’article 121-2 du Code Pénal. Elle censure le raisonnement et reproche de ne pas avoir démontré l’élément intentionnel en la personne du directeur.
  • Conclusion : on est dans la théorie de Deportes il faut démontrer tous les éléments constitutifs puis par reflet on déduit que la responsabilité de la personne morale.
  • Autre arrêt : Cass. Crim. 21/06/2001 : Ici c’est un délit intentionnel, la Cour de Cassation nous dit qu’il suffit d’établir la faute pénale de la personne physique, la faute de la personne morale n’a pas à être démontrée. Il y a des résistances.
  1. b) Deuxième thèse : l’autonomie de la RPPM :

Ce n’est pas une autonomie au sens où on ne peut pas engager la Responsabilité pénale sans

passer par la personne physique. On va passer par la personne physique mais il faut démontrer un comportement distinct de celle-ci par rapport au comportement de la personne physique.

Pour les infractions non intentionnelles on peut se poser la question : Cass. Crim. 1/12/1998 : homicide involontaire on poursuit la personne morale et la Cour de Cassation dit qu’il fallait rechercher si le président de la société ou le délégataire en matière de sécurité n’a pas accompli les diligences qui incombaient à la personne morale.

Autrement dit la société n’aurait pas fait ce qu’elle avait à faire. Elle avait une obligation préalable qu’elle confie à des personnes physiques qui ne font pas leur travail. Il y a deux comportements fautifs la personne morale et les personnes physiques chargées qui ont mal fait.

Il existerait un comportement préalable de la personne morale qui ajouté au comportement des personnes physiques aurait crée le problème.

Le débat est ouvert : il y a des nuances entre crime et délit intentionnel ou non intentionnel.

Lorsque l’on dit non intentionnel on ne sait pas vraiment qui est responsable donc on a intérêt à dire qu’il y a autonomie pour retenir la responsabilité pénale des personnes morales.

  1. B) Les conditions de procédure :

Il faut adapter le régime prévu pour la personne physique à la personne morale : on a calqué et

adapté. Ex : pour la compétence territoriale, elle est identique à prônée pour la personne physique sauf qu’on regarde le lieu du siège social. Comment faire pour aménager ?

On doit prévoir une personne physique qui représentera la personne morale pendant la procédure : en général c’est le représentant légal de la personne morale. Concrètement on va convoquer le représentant légal de la société, mais pas en tant que citoyen, en tant que représentant légal de la personne morale, le représentant n’est pas toujours automatiquement mis en détention, il y a une difficulté mais la personne morale parle par le représentant légal.

Si au cours de l’audition la participation infractionnelle du représentant légal ressort, il sera mis en examen et il y aura une double poursuite. Autre différence : si le représentant légal est mis en examen peut-il toujours représenter la personne morale, n’y a-t-il pas de conflit d’intérêt ? La jurisprudence est nette : Cass. Crim. 9/12/1997 lorsque le représentant légal fait lui même l’objet d’une poursuite il ne peut plus représenter la personne morale, il faut demander en justice la désignation d’un autre représentant : un mandataire nommé par le tribunal.

  1. Le principe du casier judiciaire a été maintenu et adapté aux personnes morales (article 768-1 du CPP). Art 706-41 et suivants du CPP pour plus d’informations.
  2. On a des indications pratiques grâce à la circulaire du 26/1/1998 et différents arrêts, qu’en dire ? Il semble que concrètement tous les parquets ne poursuivent pas de la même façon. La politique criminelle est différente selon les régions. La plupart des décisions rendues ont débutées par des citations directes par les victimes ou le parquet donc il n’y a pas eu d’instruction. Le texte est entrée en vigueur en 1994 le premier arrêt a été rendu au bout de 3 ans (c’est trop rapide pour qu’il y ait eu instruction).
  • Le cumul de poursuite entre personne morale et physique :

Le principe :

Il est affirmé nettement par l’article 121-2 alinéa 3 du code pénal que « La responsabilité pénale des personnes morales n’exclut pas celle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits, sous réserve des dispositions du quatrième alinéa de l’article 121-3 ».

Les applications :

La circulaire du 14/05/1993 qui contient l’esprit du législateur préconise l’engagement cumulé des

responsabilités pénales mais prévoit qu’en cas d’infraction non intentionnelle il sera plus pratique de n’engager que la responsabilité pénale des personnes morales. Pourquoi ? Il y a quelques années il y a eût la catastrophe du Mont St Odile (crash d’avion). Qui est responsable ? On ne peut pas dire aux victimes qu’on a pas pu trouver de responsable, donc on prévoit d’engager la responsabilité pénale des personnes morales, cela palie aux difficultés que l’on peut rencontrer dans ces cas.

On constate que les poursuites cumulées ont été diligentées surtout lorsque les infractions étaient intentionnelles. On a plutôt poursuivi la personne morale pour les infractions non intentionnelles. Sur les 100 premières affaires : 60 ont engagé la responsabilité de la personne morale seule dans les 40 autres on a engagé les responsabilités cumulées.

Depuis la loi du 10/07/2000 il y a désormais une distorsion sur l’appréciation de la faute pénale non intentionnelle, l’article 121-3 alinéa 4 ne concerne que les personnes physiques et non les personnes morales qui restent soumises à une appréciation telle qu’antérieure à la loi. L’articulation des deux n’est pas facile. Que va-t-il se passer quand la personne physique sera relaxée sur cette loi et qu’on va cherche à garder la responsabilité pénale de la personne morale ?

En guise de réponse Cass. Crim. 24/07/2000 : il s’agissait d’un accident du travail dans une société (chute d’une échelle) : atteinte involontaire à la vie et la sécurité article 222-19 du CP : Qui est responsable de cet accident ? Il y a dans cette société un salarié et on va essayer d’engager sa responsabilité comme personne physique (le contremaître). Ce contremaître n’était pas bénéficiaire d’une délégation de pouvoir. A ce stade là il ne peut pas représenter la société (c’est ce qu’estime la Cour d’Appel sur la base de l’article 121-2, on n’engage pas la responsabilité pénale de la personne morale mais on le condamne lui seul). Parallèlement à cela dans la société il y avait deux représentants qui étaient prévenus dans cette poursuite. La Cour d’Appel a retenu qu’à partir du moment où il y avait un responsable (le contremaître) on devait relaxer les deux autres et donc la Personne Morale.

Un pouvoir est formé. En ce qui concerne le contremaître, il est responsable et condamné, par contre sur les deux représentants et la personne morale : la Cour de Cassation maintient la relaxe des deux représentants pour absence de faute qualifiée au regard de l’article 121-3 : ils ne sont pas directement responsables. Elle va casser sur la relaxe de la personne morale. Il faut rechercher si la faute de négligence du contremaître n’était pas due à un défaut d’organisation au niveau de la personne morale. Ici on distingue la situation de la personne physique et la situation de la personne morale qui est inchangée. On va avoir une personne morale condamnée alors que la personne physique représentante est relâchée pour absence de faute qualifiée. Cet arrêt ouvre la porte à beaucoup de questions.

  1. C) Les sanctions des personnes morales :

Elles ont fait l’objet d’une adaptation des sanctions : article 131-37 et suivants du Code Pénal. La peine la plus courante sera l’amende, le plafond est beaucoup plus élevé que pour les personnes physiques : article 131-38 (5 fois plus), pour la récidive on multiplie par 10. Notons que si on regarde ce qui s’est fait on constate que les juges ont été prudents, ils ont choisi une moyenne de 10.000 Fr. Sur le panorama assez curieusement les juges ont choisis des sanctions plus élevées pour les personnes morales de droit public.

  • La dissolution (c’est la peine de mort pour la personne morale) : il y a des conditions limitatives selon l’article 131-39, c’est très limité et n’a jamais été prononcé jusqu’à maintenant. On en a parlé récemment dans la presse avec la scientologie : on a envisagé la dissolution.
  • L’interdiction d’exercer une activité professionnelle ou sociale pour 5 ans au plus et fermeture d’établissement.
  • L’exclusion des marchés publics pendant une durée, ce peut être à titre définitif.
  • Sur les moyens de paiement : interdiction d’utiliser des chèques ou des carte bleues.

On peut publier la décision de condamnation.

Les juges ont été très prudent sur les dernières peines, en dehors de l’affichage les autres peines n’ont pas été prononcées car elles sont trop graves. Le mot d’ordre a été la sagesse.