Les conflits de compétences et le tribunal des conflits

Les conflits de compétence

Ces procédures sont confiées pour l’essentiel à une juridiction particulière : le tribunal des conflits (de compétence). Il constitue à lui tout seul un ordre de juridiction : tout ce qui se rattache à l’organisation et à la compétence de ce tribunal relève de la loi. (Article 34 de la constitution).

Composition paritaire : 3 membres du Conseil d’Etat et 3 membres de la Cour de Cassation. Il existe aussi un commissaire du Gouvernement auprès du Conseil d’Etat. On peut imaginer que les magistrats de l’ordre judiciaire revendiquent plutôt en faveur de l’ordre judiciaire, et inversement.

Ce partage de voix est concevable. On a prévu une présidence : le garde des sceaux. Il ne siège jamais, sauf lorsqu’un partage des voix intervient : il intervient alors comme un juge d’appel unique. C’est critiqué, car ça ne répond ni à la discrétion judiciaire, ni au principe de séparation des pouvoirs car le garde des sceaux. On fit aussi part du fait que le garde des sceaux était partial et risquait de favoriser le Conseil d’Etat. Mais la portée de cette critique théorique est limitée dans les faits : les cas de partages sont rares, les décisions sont mesurées.

On est, avec le tribunal des conflits en présence d’une juridiction. Cependant, l’appel n’est pas possible, il n’existe aucun recours possible face à une décision de ce tribunal, ni l’appel, ni le pourvoi, ni même le recours en rectification d’erreur matériel.

  • &1er : Le conflit positif

Le Conseil d’Etat n’est pas juridiction (justice retenue). Le conflit positif est un conflit entre le juge judiciaire et l’administration active.

Le conflit positif est le bras armé de la loi de 1790. Le juge judiciaire hors de l’administration : défense de troubler les opérations du corps administratif. C’est une règle de fond. Encore faut-il que les sanctions de la règle soient posées

Le conflit positif est une procédure de surveillance du juge judiciaire, qui permet à l’administration active de dessaisir le juge judiciaire si précisément il vient troubler les opérations du corps administratif, c’est-à-dire s’il méconnait la loi de 1790.

Ce n’est pas un conflit d’ordre contentieux, mais c’est une règle qui se rattache à la conception française de la séparation des pouvoirs. C’est au préfet qu’il appartient de surveiller les tribunaux, de les dessaisir si les juges judiciaire empiètent sur la compétence de l’administration.

A l’époque, le conflit positif a été utilisé très systématiquement. Car le juge judiciaire n’avait pas oublié le parlement (les membres étaient les mêmes). Ceux-ci n’avaient pas oublié leurs bonnes vieilles méthodes. La mise à l’écart du juge judiciaire ne s’est pas faite d’elle-même.

L’administration, historiquement, a créé l’administration. Ainsi, quand l’administration revendique une affaire devant le juge judiciaire, c’est pour réaffirmer la compétence de sa juridiction : la dessaisine du juge judiciaire débouche sur la compétence du juge administratif.

Mais cette dessaisine peut s’étendre plus loin : cette procédure a été utilisée pour des activités purement administratives, c’est-à-dire sans attribution de compétence au juge administratif, sur des actes purement administratifs (TC. 2 février 1950, Radiocommunication française)

A) Conditions

Il existe un formalisme tout à fait rigoureux, qui rend l’instance nulle si elle n’est pas respectée. Cette réglementation provient d’une ordonnance royale de 1828. En même temps, cette procédure est évidemment une agression vis-à-vis du juge judiciaire : on vient le rappeler aux limites de sa compétence.

Autorités compétente pour mener la procédure de conflit :

C’est au préfet qu’il appartient de mener cette procédure. Il est la SEULE autorité compétente. Il peut déléguer cette fonction au secrétaire général de la préfecture. Il ne peut pas déléguer au sous préfet.

Le ministre est incompétent pour mener la procédure. Ils ne peuvent pas évoquer et prendre la décision eux-mêmes, mais n’oublions pas que le ministre possède le pouvoir hiérarchique.

Intérêt du justiciable ? Il peut arriver que le justiciable demande au préfet d’élever le conflit. Il se peut qu’une partie ayant intérêt à agir demande au préfet d’élever le conflit.

— Si le préfet donne suite

— Si le préfet refuse (implicitement). L’administré est donc devant une décision de refus opposé devant une autorité administrative. Peut-il contester cette annulation, contestation complétée par une injonction d’élever le conflit.

— Les actes positifs, le déclinatoire de compétence et l’arrêté de conflit : ces deux actes ne sont pas susceptibles de recours.

— En revanche, les refus, à l’un ou l’autre stade, sont considérés comme détachable à la procédure de conflit. Ils sont considérés comme des actes négatifs. Ils peuvent faire l’objet d’un Recours en Excès de Pouvoir (TA Strasbourg, 12 juillet 1979, Stephani). Cette même décision consacre le contrôle minimum sur une décision d’un préfet.

Juridictions devant lesquelles le conflit peut être élevé ?

— Les juridictions judiciaire (la ; toute les ; rien que). Problème : principe de l’impossibilité d’élever le conflit des juridictions dépourvues de ministère public. Or, le tribunal de commerce est dépourvu d’un tel ministère public.

Délai

— A tout moment de la procédure, tant que le juge judiciaire n’a pas statué par un jugement définitif sur sa compétence. Il arrive que, avant de statuer au fond, le juge décide sur sa compétence. Dès lors que le juge a décidé explicitement sur sa compétence, le conflit n’est plus possible.

B) Réglementation

La procédure proprement dite :

Deux étapes :

— Le déclinatoire de compétence

— L’arrêté de conflit (l’élévation du conflit).

Cette réglementation est sanctionnée par la nullité des actes qui ne respecteraient pas cette forme.

— 1/ Le déclinatoire de compétence :

— Le préfet fait irruption dans une salle où il n’a pas compétence, s’adresse au juge, et l’invite à se déclarer incompétent : il l’invite à décliner sa compétence au nom du principe de séparation des pouvoirs à la française. Il l’invite de façon explicite. (Si le préfet est partie au procès et qu’il conteste la compétence, ce n’est pas un déclinatoire de compétence) : il faut un acte formel pour que soient satisfaites les formes de l’ordonnance de 1928.

— Effets du déclinatoire de compétence : obligation pour le tribunal de répondre. Il doit se prononcer spécialement sur sa compétence. Il doit prendre un jugement express sur sa compétence qui consiste à rejeter le déclinatoire (ou au contraire à y faire droit). Mais le commandement de 1928 n’est pas suivi d’effet. (Le juge continue au fond et statut au fond). Dans cette situation, le TC jugea que l’absence de décision explicite de compétence n’empêche pas de passer à la 2nde étape du conflit de compétence.

— 2/ L’arrêté de conflit.

— Cet acte doit intervenir dans les 15 jours du jugement par lequel le juge judiciaire (implicitement par sa décision sur le fond) ou explicitement a affirmé sa compétence. Ce délai ne peut être ni prolongé ni prorogé.

— Dans ce délai, le préfet doit prendre un arrêté qu’il va adresser à la juridiction et au tribunal des conflits.

— Effets : le juge judiciaire qui reçoit l’arrêté de saisie doit sursoir à statuer dans un délai de trois mois. Il reste saisi de l’affaire. Simplement, il ne peut pas juger pendant trois mois. En même temps, le tribunal des conflits est saisi. Ce n’est pas les parties qui sont à l’origine de cette saisie, mais le préfet. Si le TC a statué à l’échéance, c’est très bien.

— Souvent, le TC n’a pas statué dans le délai de 3 mois. Cette procédure, en 1928 était rapide. Mais l’augmentation des pouvoirs donnés à la défense, l’intervention des avocats, les délicates questions de droit qui se nouent, n’ont fait qu’augmenter le délai.

— A la fin du délai de trois mois, le juge du fond peut juger

— Mais le tribunal des conflits n’est pas dessaisi.

— On pourrait imaginer une course de vitesse. Mais ce n’est pas le cas. C’est en fait une course de lenteur : le juge judiciaire ne se bouscule pas pour juger. Il attend patiemment que la décision du TC lui soit adressée.

— Si l’arrêté de conflit est annulé (par un TA) : l’affaire reprend devant le juge judiciaire.

— Si l’arrêté de conflit n’est pas annulé : alors le juge judiciaire est dessaisi.

Au lendemain d’une décision de conflit positif, l’affaire est à reprendre, à l’initiative des parties. Cet arrêté n’a aucune lisibilité en direction de la juridiction administrative. Cette décision est insusceptible de recours.

Il n’existe pas de procédure symétrique au bénéfice du juge judiciaire. Le conflit négatif n’est pas le symétrique du conflit positif. Il n’existe pas de procédure qui permettrait à l’administration de revendiquer devant le juge administratif son incompétence au profit du tribunal judiciaire.

Il existe un texte : loi de 1872. Mais cette loi n’a jamais été utilisée. On pense que cette procédure pourrait être utilisée pour faire venir devant le Tribunal des conflits le contentieux au Gouvernement. Mais pourquoi, à ce moment, faire venir ces actes devant le TC, alors que cet acte est insusceptible de tout recours ?

— La loi de 1870 fut faite contre le juge judiciaire.

  • &2 : Le conflit négatif et sa prévention

A) Le conflit négatif : condition, régime

— Ici, les parties, avec les mêmes conflits, ont successivement rendues des décisions d’incompétence à caractère définitif.

Jusqu’en 1960, ce conflit consistait à être saisi, à l’initiative des parties, non pas pour faire juger son affaire, mais pour décider du juge compétent. Mais c’était long, fastidieux ! QUID DU RESPECT DU DROIT AU JUGE ? DE LA PROCEDURE RAPIDE ?

B) Prévention du conflit

— Décret du 25 juillet 1960 : il adopte une solution de bon sens. « Lorsqu’un juge va dans une décision d’incompétence au bénéfice de l’autre ordre de juridiction, e qu’il y a déjà eu incompétence dans l’autre ordre judiciaire, alors le tribunal ne doit pas rendre de décision d’incompétence mais doit lui-même saisir le tribunal des conflits. C’est le tribunal de conflit qui décidera. On évite que la saisine du TC soit laissée à la charge des parties.

— Légalité du décret ? (N’aurait-il pas fallu une loi ? On laisse cette question de côté).

— Problème de l’information : comment le juge peut-il être au courant d’une décision d’incompétence de l’autre ordre de juridiction. La vieille procédure existe toujours.

  • &3 : Le renvoi des difficultés sérieuses de compétence

Les difficultés sérieuses de compétence. Ce même décret de 1960 a institué une procédure de renvoi pour les difficultés sérieuses de compétence. C’est une procédure facultative, qui donne la faculté aux deux ordres de juridiction suprême (CE et Cour de Cassation), de renvoyer au TC, que les parties l’aient demandé ou non. Il y a une pleine liberté d’user de cette procédure, étant entendu que la décision du TC s’impose ensuite aux deux ordres de juridiction.

Cette procédure a été bien accueillie. Elle a permis de dégager une ligne de compétence claire.