L’absence de provision du chèque et ses conséquences

La provision du chèque.

En matière commerciale, une provision est une créance détenue par le tireur sur le tiré d’un effet de commerce. En principe, une provision suffisante doit exister sur le compte au moment de la délivrance du chèque et de la sa présentation pour le paiement.

Une règlementation stricte est applicable à tous ceux qui émettent des chèques sans provision, qu’ils soient bancaires, postaux ou de la Caisse d’épargne. Elle prévoit notamment une interdiction d’émettre des chèques pendant 10 ans tant que la situation n’a pas été régularisée.

Le système français du chèque repose sur deux piliers : le tiré, la provision. Le rapport cambiaire va naître de la signature du chèque. Les rapports fondamentaux se situent en dehors du titre et naissent d’autres éléments que de la signature.

La provision du chèque n’a pas été règle par convention de Genève du 19 mars 1931 portant loi uniforme sur le chèque. Relevons en matière de chèque la présence d’une valeur fournie. Lorsqu’on fait un chèque pour payer les droits d’inscription, la valeur fournie c’est le service public de l’enseignement, cette valeur ne différencie pas beaucoup de celle de la lettre de change.

La provision fonctionne substantiellement de la même manière dans le chèque et dans la lettre de change mais prend une dimension singulière dans le chèque en raison de la fonction exclusive de paiement remplie par le chèque. La qualité d’instruments de la monnaie scripturale propre au chèque influence en effet le régime de constitution de la provision et de sanction de défaut de provision pour le chèque.

  • 1. Le particularisme

La provision est la créance de somme d’argent du tireur du chèque sur le tiré destinée au règlement du chèque.

A] Le constituant de la provision

La situation ne présente aucune spécificité par rapport à la lettre de change, il incombe au tireur initiateur du chèque de faire provision entre les mains du tiré. En effet bien que la loi donne au tiré une position prépondérante dans le chèque, le rapport de droit à l’origine de la provision et les modalités de la provision, sont fixées par le tireur. La loi prévoit en outre l’hypothèse du tirage pour compte d’autrui.

Comme dans la traite le mandant qui donne l’ordre à un mandataire d’émettre un chèque doit fournir provision de même le mandataire tireur apparent doit garantir le paiement du chèque à charge pour lui mandataire de se retourner conter le mandant.

B] Le moment de constitution de la provision

La lettre de change tirée peut être présentée à tout moment au paiement même immédiatement après son émission ce qui contraint tireur à faire provision au plus tard au moment de l’émission du titre. Or le chèque est un titre payable à vu ce qui fait dire Jacques Dupichot que la lettre de change tiré à vu est une manière de chèque.

Cependant la traite à vue= instrument de crédit qui subit régime des effet de commerce et non les règles propres au chèque. La provision du chèque doit être faite au tireur au plus tard au moment de l’émission du titre, lequel titre est émis à vu. C’est un impératif légal. Toutefois la jurisprudence estime que la provision est valablement constituée dans le chèque si le tireur y pourvoie après l’émission mais avant présentation du titre à l’encaissement.

C] Qui doit prouver la provision

L’article L 131-4 al.3 C. mon. fin. : c’est au tireur d’apporter la preuve de la provision car c’est à lui de faire provision. Cette preuve peut être faite par tout moyen car il s’agit de prouver contre un tiré qui est une banque et donc un commerçant (la preuve est libre donc). Le tireur peut tenter de montrer que la provision résulte d’une ouverture de crédit, il peut le faire en faisant valoir que la banque a déjà payé des chèques alors qu’il n’y avait pas de provision et ce plusieurs fois, il y aurait convention tacite…


C] Qu’advient-il si le tireur a plusieurs compte chez le tiré?
Doit-on apprécier la provision au regard du solde global des comptes ou uniquement compte par compte ?
Exemple : une personne a deux comptes bancaires, sur l’un il y a 300 euros, et il fait un chèque de 1000 euros ; sur l’autre compte 800 euros : sur l’ensemble des comptes il y provision, mais sur un seul compte il s’agit d’un chèque sans provision
Pour la Cour de cassation, la provision s’apprécie compte par compte, mais cette règle n’est pas d’ordre public, les parties peuvent prévoir une convention dite d’unité de compte.

C] Le rôle de la provision

La créance de provision joue dans le chèque un double rôle de règlement et de garantie, en constituant provision le tireur du chèque fournit une garantie assurant au tiers bénéficiaire que le titre sera honoré au moment de sa présentation au paiement. Outre cette fonction de garantie, la provision permet également de dénouer le lien d’obligation existant enter le tiré et le tireur, le tiré se libérant de sa dette envers le tireur en réglant à travers le chèque le bénéficiaire qui est le créancier du tireur. La provision paie le chèque en ce sens que montant de la provision est versée au montant du chèque et éteint ainsi le titre réglé. Dès le début on a considéré que provision donnait seule sa crédibilité au chèque. A la différence de la lettre de change, le chèque n’est pas crée pour soutenir la réalisation d’un crédit commercial, il sert uniquement à payer une dette, en évitant un transport incommode d’espèce, pour se faire le tireur donne l’ordre à celui qui détient des espèces de verser les dites espèces directement à un tiers créanciers du tireur. En conséquence sans une créance effective du tireur sur le tiré le chèque manquerait de solidité, d’assise matérielle, cette créance représente sans contestation possible la cause du chèque. Est-ce à dire que l’absence de provision rend nul le chèque pour défaut de cause ? Une jurisprudence datant du débiteur du 20 e s avait retenu que le chèque dénué de provision n’était nul pour faute de cause. On a vite compris tant en jurisprudence que en doctrine que pareille solution détériorerait le développement de l’utilisation du chèque, le bénéficiaire étant tenté de demander systématiquement au tireur de justifier de l’existence du=’une provision avant d’accepter le titrer en paiement. La jurisprudence retient désormais que le défaut de provision suffisante ne provoque pas la nullité du chèque sauf dans le chèque de donation —> 1ère chambre civile 5 février 2002. C’est dire que le chèque est détaché de sa cause, c’est dans une certaine mesure un acte abstrait, par ailleurs la loi préfère combattre le risque de défaut de provision sur un autre terrain que celui de la validité du chèque. Pour bien marquer le rôle de la provision dans le chèque, la loi prévoit que l’émission du chèque entraîne de plein droit attribution de la provision au porteur. C’est la théorie dite de la propriété de la provision que le chèque emprunté à la lettre de change.

  • 2. Conséquence de l’absence de provision

Dans certains cas, le banquier constate que le compte n’est pas suffisamment approvisionné. Le banquier peut tout de même être tenu de payer :

  • Ø Pour des chèques délivrés irrégulièrement.
  • Ø Pour les chèques dont le montant n’excède pas 15€ (il faut éviter les litiges quand la somme en jeu est peu importante). Le banquier paye ce chèque et bénéficie d’une action pour obtenir remboursement de ces sommes. Il peut décider de clôturer le compte de l’intéressé si les incident se multiplient.
  • Ø Le banquier a la conviction que le client a agi par inadvertance (paiement à découvert).

Le chèque que vous avez remis (en tant que tireur) à un particulier ou un professionnel (bénéficiaire) vaut ordre fait à votre banque (tiré) de payer cette personne. Votre banquier n’a l’obligation d’exécuter votre ordre que si votre compte bancaire est suffisamment provisionné : il doit y avoir assez d’argent pour effectivement payer la somme due. Si le paiement rendrait votre solde négatif, votre banquier peut en refuser le paiement, sauf si vous bénéficiez d’une autorisation de découvert ou un autre crédit.

Dans cette situation, vous avez émis un chèque sans avoir assez d’argent sur votre compte en banque pour payer la somme due au professionnel : vous avez tiré un chèque sans provision.

À noter

La banque est cependant tenue de payer les chèques d’une valeur inférieure ou égale à 15 euros, même si la provision du compte n’est pas suffisante : il suffit que le chèque soit présenté moins d’1 mois après sa date d’émission (article L. 131-82 du Code monétaire et financier).

Le déclenchement d’un processus d’exclusion

  • Frais de rejet de chèque

Les frais de toute nature qu’occasionne le rejet d’un chèque sans provision sont à votre charge (art. L. 131-73 alinéa 6 du Code monétaire et financier).

  • Votre information et celle de la Banque de France

Votre banquier doit, avant de rejeter le chèque, vous informer par tout moyen approprié (prévu dans votre convention de compte) des conséquences pour vous du défaut de provision (article L. 131-73 du Code monétaire et financier).

Votre banquier ne peut se contenter de vous donner cette information au jour où vous ouvrez un compte dans ses livres. Cette information doit vous être donnée dès que lui est présenté un chèque à payer alors que votre compte ne comporte pas une provision suffisante. Il en a l’obligation, même s’il sait que vous le saviez et que vous saviez qu’il le savait.

Il a par ailleurs l’obligation d’enregistrer l’incident de paiement et, dans un délai de 2 jours, d’en faire la déclaration (en adressant un avis de non paiement) à la Banque de France (article L. 131-84 du Code monétaire et financier), qui tient un fichier des incidents de paiement.

  • L’injonction

Qu’une seule fois votre compte ne soit pas suffisamment provisionné pour payer le chèque qu’un peu négligemment vous avez signé ? Votre banquier non seulement a le droit, mais il a aussi le devoir de vous envoyer par LRAR une injonction de ne plus émettre de chèques et de lui restituer vos chéquiers. La lettre doit être envoyée sous pli recommandé avec avis de réception. Elle doit comporter un certain nombre de mentions obligatoires (article R. 131-15 et R. 131-16 du Code monétaire et financier). Si la lettre ne comporte pas l’indication de la situation du compte au jour de la demande d’encaissement du chèque, la lettre est nulle et vous pouvez rechercher la responsabilité de votre banque.

  • L’interdiction bancaire

A compter de la réception de la lettre d’injonction, vous n’avez plus le droit, pendant 5 ans (sauf régularisation antérieure), de signer des chèques provenant de formules de chèque délivrées par votre banque (qui vous en demande d’ailleurs restitution) !

Continuez vous néanmoins à émettre des chèques ? Vous vous exposez à être poursuivi devant le Tribunal correctionnel, lequel peut vous condamner, au maximum, mais c’est une peine bien lourde, à 5 ans d’emprisonnement et 375 000 € d’amende (article L. 163-7 du Code monétaire et financier).

C’est une mesure sévère, essentiellement motivée par deux considérations : la crainte qu’une méfiance s’installe dans l’économie à cause de ces chèques non provisionnés et le souci de réduire la fréquence d’incidents qui grèvent l’activité des banques. Cette sanction est toutefois assurément plus douce que les peines dont était affligé l’ancien délit de remise d’un chèque sans provision, abrogé par la loi du 30 décembre 1991 (encouru du simple fait de cette remise et non de l’obstination à en remettre).

Attention

Vous ne pouvez contourner l’interdiction d’émettre des chèques de votre propre banque en ouvrant un compte auprès d’une autre banque pour y recevoir des formules de chèque. L’interdiction bancaire fait en effet l’objet d’une information auprès de la Banque de France. Celle-ci la transmet à toutes les autres banques, auxquelles il est fait interdiction… de vous délivrer des formules de chèque.

  • La régularisation

Il vous est possible, en outre, de régulariser votre situation en provisionnant suffisamment votre compte ou en réglant le montant du chèque impayé. Des frais peuvent néanmoins être encourus (article D. 131-25 du Code monétaire et financier).

  • Si vous n’aviez pas émis de chèque sans provision depuis 1 an et régularisez moins de 2 mois après l’incident de paiement, la régularisation est gratuite ;
  • Si vous avez régularisé le seul incident de paiement de l’année plus de 2 mois après sa date ou si vous avez émis 1 ou 2 chèques sans provision en 1 an, la régularisation n’est possible que si vous versez une pénalité libératoire au Trésor Public d’un montant de 5 euros si la somme due non payée est inférieure à 50 euros ou 22 euros par tranche non provisionnée de 150 euros si le montant de l’incident est supérieur ;
  • Si vous avez émis 3 chèques ou plus sans provision régularisés en 1 an, la régularisation vous coûtera 10 euros de pénalité libératoire au Trésor Public si la somme due non provisionnée est inférieure à 50 € ou 44 € par tranche non provisionnée de 150 € si elle est supérieure.

Les représailles du bénéficiaire du chèque impayé

  • L’attestation de rejet

Le bénéficiaire du chèque qui, lors de sa première présentation du chèque à l’encaissement, essuie un refus de votre banque peut lui demander gratuitement une attestation de rejet du chèque (article R. 131-46 du Code monétaire et financier), qui lui indique la marche à suivre si l’insuffisance de provision persiste.

  • Le certificat de non paiement

Si, 30 jours après la date de l’incident de paiement, vous n’avez toujours pas provisionné suffisamment votre compte ou n’avez pas remis à votre banque une somme d’argent lui permettant de payer le bénéficiaire du chèque, ce dernier peut demander à votre banquier de lui délivrer un certificat de non-paiement (article L. 131-73 du Code monétaire et financier). Votre banquier doit le lui délivrer sans frais dans les 15 jours à compter de la demande. Ce document donne toutes les indications nécessaires sur votre identité, le numéro et le montant du chèque impayé.

  • Le prélude à une saisie

Muni du certificat de non paiement, le bénéficiaire du chèque peut envoyer un huissier le déposer ou vous le remettre à votre domicile. Si vous ne payez pas l’huissier dans un délai de 15 jours à compter de la réception de cette notification, l’huissier délivre sans autre procédure ni frais au bénéficiaire du chèque un « titre exécutoire » : c’est un document qui autorise ce dernier à pratiquer une saisie sur vos biens (saisie de votre appartement ou de votre maison, de votre véhicule, de votre solde bancaire, de votre rémunération salariée, etc.).