Les conséquences de l’inaliénabilité du domaine public

LES CONSÉQUENCES DE L’INALIÉNABILITÉ DU DOMAINE PUBLIC

Les biens du domaine public sont inaliénables pour la raison qu’ils sont affectés à l’usage du public ou des services publics, et que, pendant la durée de cette affectation il est fonctionnellement nécessaire qu’ils soient maintenus à la disposition du public ou des services publics.


C’est pourquoi l’inaliénabilité est limitée à la durée de l’affectation : par exemple l’eau d’un lavoir public appartient au domaine public lorsqu’elle est utilisée dans le lavoir pour laver, mais sortie du lavoir l’eau n’appartient plus au domaine public car elle cesse alors d’être affectée et, en conséquence, elle devient aliénable (C.E. 13 février 1953, Susini). Voici les conséquences de l’inaliénabilité du do
maine public.

A- Interdiction de vendre

La vente mais également les échanges, cessions de mitoyenneté, l’expropriation sont contredits par l’inaliénabilité.

Tous ces modes de cessions sont interdits aux personnes publiques pour les biens soumis à la domanialité publique.

Quid de la sanction de l’interdiction ?

C’est au juge judiciaire de se prononcer car il s’agit d’une question de propriété. La sanction est la nullité.

La Cour de Cassation a dit que la nullité était édictée pour protéger le vendeur qui peut seul s’en prévaloir.

Les actes détachables du contrat de vente, la décision de vendre peuvent être contestés.

Arrêt de la 1ère Chambre Civile, Cour de Cassation, CONSORT RENAULT: Les tiers peuvent également se prévaloir de la règle d’inaliénabilité de l’article L52 avec cette conséquence non pas que la vente sera nulle mais qu’elle leur sera inopposable. Autrement dit le propriétaire acquéreur ne pourra pas se prévaloir de cette propriété et le vendeur reste propriétaire. La vente n’est pas nulle mais elle dépourvue d’effet.

Nullité qui ne vaut qu’à l’égard des requérants.

Le Cours de droit administratif des biens des biens est divisé en plusieurs fiches :

B- L’exclusion des actions possessoires sur le domaine public

C’est celle d’un occupant qui manifeste sa volonté de se comporter comme possesseur du bien. Mais cet occupant commet des actes qui tendent à établir sa possession du bien. La règle d’inaliénabilité est comprise comme interdisant aux occupants même de bonne foi l’action possessoire car, dit la Jurisprudence, l’action possessoire est réservée à ceux exerçant un droit réel sur les meubles qu’ils occupent.

Dans un arrêt du 24/02/1992, Tribunal des Conflits, COUACH: Le Tribunal des Conflits précise qu’au nom de la règle d’inaliénabilité et d’imprescriptibilité, aucune possession utile ne peut être opposée à la libre disposition de l’autorité domaniale d’une dépendance de son domaine.

C- L’exclusion de la copropriété

Sur les parties communes, les copropriétaires ont une forme de cogestion : pas de plein droit de copropriété, il y a des éléments de celui-ci obligés de composer avec le droit de propriété.

Donc en s’engageant dans une copropriété, une dépendance du domaine public contreviendrait à la règle de l’inaliénabilité. Elle ne se vend pas mais abandonne une partie de son droit de propriété.

On ne peut donc pas engager un bien du domaine public dans une copropriété ce qui serait une opposition à l’inaliénabilité. Ou bien un bien ne fait pas partie du domaine public, puis est engagé dans une copropriété, alors même s’il est affecté alors il ne fera jamais partie du domaine public.

D- La question de l’interdiction du bail commercial

Le bail commercial est d’une nature particulière puisque le preneur à bail à des droits plus importants qu’un simple locataire.

Véritable droit sur son bail, droit à son renouvellement et un droit aussi à le céder. Avec un droit pour le propriétaire des murs, une faculté limitée de ne pas accepter de cession.

Droit sur la chose et non plus sur le loueur. Droit qui s’établit indépendamment de la personnalité du bailleur.

Mais est ce que l’octroie d’un tel droit est compatible avec l’inaliénabilité ?

La réponse de la Jurisprudence est négative : On ne vend sans doute pas toute la chose mais on cède un droit réel de la nature du droit de propriété. Ceci n’est donc pas compatible avec le principe d’inaliénabilité.

La Jurisprudence, dans plusieurs cas, lorsque le propriétaire domanial a mis fin à l’occupation et qu’il s’agissait d’une occupation privative du domaine public, donc sans bail et que par conséquent on pouvait dire bye bye au mec. La Jurisprudence a reconnu un droit à indemnité dans ce cas. Parce que de bonne foi il avait pu croire que sa situation juridique avait été consolidée par un bail commercial et que la personne publique elle même lui avait laissée croire cela.

E- Interdiction des droits réels sur le domaine public

Le droit réel est un droit sur la chose.

Il y a des démembrements du droit de propriété :

Est-ce que l’inaliénabilité signifie que la vente est interdite mais aussi la cession de n’importe quel droit réel démembré du droit de propriété ?

Ou bien est ce que l’inaliénabilité suppose l’exercice du droit de propriété et de la possibilité de consentir des droits réels.

Echo dans la Jurisprudence: Elle a conduit le législateur dans la loi du 25/07/1994, relative à la Constitution de droit réel sur le domaine public précitée à permettre la concession de droit réel. En dehors de la loi, impossibilité !

L’inaliénabilité protège l’affectation et non le bien en tant que tel. Ce que je dois interdire ce sont donc des droits réels contraires à l’affectation. Mais les autres, ce qui sont compatibles, ceux qui facilitent l’affectation alors il n’y a pas de raison de les interdire ! La Jurisprudence trop rigoureuse !

De plus, enjeu économique, car permettre la concession de droit réel c’est permettre les investissements et donc la valorisation : Il est de l’avantage que des sûretés réelles ou des mécanismes de crédit bail puissent être établis.

Ne faut il donc pas remettre en débat la question de l’interdiction de la cession des droits réels ?

Les servitudes réelles sont un démembrement du droit de propriété, sont de la nature du droit de propriété :

– Servitude légale

o Exemple, dans le code civil : Servitude de passage est la plus connue

– Servitude Conventionnelle

o Indépendamment de la loi, des propriétaires peuvent par voie de convention établir des servitudes sur les fonds dont ils sont propriétaires.

Pendant longtemps ces servitudes concernaient des rapports horizontaux (quelle chance…). Il y avait des aisances de voirie et la question ne se posait pas.

Elle est apparue du jour où les rapports réels sont devenus verticaux, entre des domaines qui ne relevaient pas forcément de la voirie.

La présentation traditionnelle est simple mais rassurante. Simple car elle est négatrice de la possibilité de constituer des servitudes réelles sur le domaine public. Le législateur est intervenu ou non.

Si non on ne peut pas par voie conventionnelle entreprendre sur le domaine public recouvert par la domanialité publique consentir une servitude qui affecterait la propriété.

Cette présentation se base sur deux arrêts :

EUROLAT CREDIT FONCIER DE France de 1985: Dans cet arrêt avec les conclusion de M.Genevois, est examiné la situation d’un terrain sur lequel ont été conclus des conventions qui ont pour objet de permettre à des tiers de détenir des droits réels sur ce terrain. Dans cette décision, le Conseil d’Etat considère que le terrain fait bien partie du domaine public car on a l’intention de l’aménager (domanialité publique virtuelle, souviens toi). Puis il juge que dans les circonstances de l’espèce, l’ensemble de ces droits réels abandonnés, aliénés est contraire au principe d’inaliénabilité.

Autrement dit, le raisonnement ne condamne pas le principe de l’aliénation d’un droit réel mais à condamner l’excès.

Le droit réel n’est pas condamné dans son principe mais uniquement dans l’importance de la cession qui remettrait en cause le droit de propriété.

  • Tribunal des Conflits, PREFET DE SEINE ST DENIS (c’est d’la bombe baby) CONTRE STE LEPERIER, 1980: Décision du Tribunal des Conflits qui se borne à valider l’arrêté de conflit pour reconnaître l’incompétence du juge judiciaire pour statuer de l’appartenance du bien sur le domaine public.

L’objectif aujourd’hui est un objectif de valorisation des propriétés. Ce ne sont plus des biens de main morte mais une richesse qu’il faut faire respecter pour qu’elle serve l’affectation. Dans cette perspective il se pose des questions d’investissements et donc de financement des investissements.

Pour financer ces investissements il faut trouver un financier. Or il y a inaliénabilité…donc il est de l’avantage de la personne publique de pouvoir consentir des droits réels pour permettre le financement.

Donc on doit pouvoir effectuer des sûretés réelles

La vision a évolué : On doit aujourd’hui permettre de valoriser pour obtenir du financement.

En droit on doit argumenter de manière à affirmer que l’inaliénabilité, article L52, ne s’oppose pas à la Constitution de droit réel de toutes sortes sur le domaine public. Elle s’y oppose uniquement dans la mesure où ces droits réels contrarieraient l’affectation d’Utilité Publique du bien.

La Cour de Cassation a toujours admis que les servitudes réelles sur le domaine public étaient possibles dès lors qu’elle ne contrariait pas l’affectation du domaine public à la cause.

Les décisions sont peu nombreuses : 12 et 30 Mai 1932, chambre des requêtes qui posait l’inaliénabilité sur les exigences de l’affectation.

Plus récemment, la Cour de Cassation a paru abandonner cette position très sage. Arrêt de la 1ère chambre civile du 2/03/1994, STE ESCOTA: « Il résulte du principe de l’inaliénabilité du domaine public que des terrains inclus dans ce domaine public ne peuvent pas être grevés de servitudes légales du droit privé et notamment d’un droit de passage en cas d’enclave ». En plus dans les circonstances de l’espèce, la servitude ne gênait en rien l’affectation. Donc certains ont dit qu’en présence d’une servitude en compatibilité avec l’affectation, la Cour de Cassation rejoint le principe d’affectation des servitudes.

M.Gaudemet apprécie différemment la portée de l’arrêt : L’arrêt confirme que la batterie de servitude légale qui existe en droit privé ne s’applique pas au droit public. Mais il ne dit rien concernant de la disposition d’un droit réel conventionnel. L’arrêt parle bien de « servitude légale du droit privé ». Donc la Jurisprudence de la Cour de Cassation n’est pas écartée.

De plus, le Juge Administratif et le Juge Judiciaire ont traditionnellement une Jurisprudence qui admet que lorsqu’un terrain entre dans le domaine public, s’il est grevé d’une servitude réelle, elle n’est remise en cause que si elle est contraire à l’affectation concernant l’entrée du bien dans le domaine publique.

En gros la servitude ne doit pas contrarier l’affectation si elle veut subsister.

Jurisprudence ancienne qu’on trouve dans l’arrêt DAUPHIN du 11/05/1959.

Notre Conseil Constitutionnel a pris position de façon sage et explicite. Il a eut à connaître de la loi du 25/07/94 « relative à la Constitution de droits réels sur le domaine public ».

Les opposants avaient déférés la loi en disant qu’elle allait permettre des droits réels sur le domaine public qui est inaliénable ! Donc les députés ont demandé de dire que le principe d’inaliénabilité était constitutionnel.

Celui-ci répond que l’inaliénabilité n’était pas un principe constitutionnel mais dit aussi qu’aucune des dispositions de la loi qui vise à la Constitution de droit réel n’a pour objet de permettre l’aliénation de biens appartenant au domaine public.

Donc il n’y a pas aliénation. On ne doit pas l’opposer à la Constitution de droits réels.

Enfin, on a toujours considéré que les occupants autorisés du domaine public avaient un droit réel sur les installations qu’ils réalisent sur le domaine : Droit d’occupation de la voirie.

L’inaliénabilité interdit et interdit seulement les droits réels incompatibles avec l’affectation.

Ce qui conduit à souligner que cette inaliénabilité doit être comprise dans une perspective fonctionnelle : Ce qui est inaliénable c’est l’affectation et non le bien qui ne l’est que dans la mesure ou cela est nécessaire à l’affectation.

On va donc pouvoir se présenter devant le banquier avec des valeurs mobilisables, servant de gage aux créanciers.

Le Cours de droit administratif des biens des biens est divisé en plusieurs fiches :