Les contrats administratifs

COURS DE DROIT DES CONTRATS ADMINISTRATIFS

    Un contrat administratif est un contrat passé entre une personne publique et une personne privée dans le but d’exécuter un service public. Les personnes publiques concernées peuvent être l’État, les Collectivités territoriales, les personnes morales de Droit public.

Les contrats administratifs  peuvent être variés :

  1. les marchés publics. Ces marchés sont des contrats écrits passés par les personnes publiques en vue de la réalisation de travaux publics,  de services , ou de fourniture de biens.
  2. les concessions. Elles sont des contrats par lesquels l’Administration autorise une personne privée moyennant une redevance, à réaliser  des services publics ou des travaux publics.
  3. Les délégations de services publics.
  4. Les contrats de partenariat.

 Le droit des contrats administratifs est fondé sur le droit des contrats civils, dont il reprend les grands principes. La spécificité du droit administratif est qu’il organise l’action de la puissance publique, et qu’il recherche toujours un juste équilibre entre les intérêts de l’État et ceux des particuliers impliqués. Voici le plan du cours de contentieux administratif :

INTRODUCTION

 A- L’idée du contrat administratif

 B- Le droit applicable aux contrats de l’administration

 C- Les catégories de contrats administratifs

 D- Les dynamiques actuelles du droit des contrats administratifs

PARTIE I    LES SOURCES DU DROIT DES CONTRATS ADMINISTRATIFS

TITRE I    LES SOURCES EUROPÉENNES

CHAPITRE I – LES SOURCES FORMELLES DU DROIT DE L’UNION EUROPÉENNE

 Section 1- Le droit primaire de l’Union européenne

 Section 2- Le droit dérivé de l’Union européenne

 P1- Les catégories de normes

 P2- L’intégration au droit national

CHAPITRE II      LES PRINCIPES FONDAMENTAUX DU DROIT DE L’UNION EUROPÉENNE

 Section 1- Le principe de transparence

 Section 2- Le respect de la rationalité économique

 P1- Le caractère ancien de la réglementation de la commande publique

 P2- La nouveauté du droit de l’Union européenne

 P3- L’introduction de considérations environnementales et sociales

 P4- Passation et exécution des contrats

 P5- Externalisation et liberté d’organisation des pouvoirs publics

 A- L’absence d’obligation d’externaliser

 B- Le principe de l’externalisation par voie contractuelle

TITRE II    LES SOURCES INTERNES

CHAPITRE I      LA RÉPARTITION DES COMPÉTENCES

CHAPITRE II  LES PRINCIPES FONDAMENTAUX

 Section 1- Les principes constitutionnels

 P1- Les principes transversaux

 A- La liberté contractuelle

 B- Le principe d’égalité

 P2- Le droit constitutionnel de la commande publique

 P3- La continuité du service public

 Section 2- Les principes administratifs

 P1- La liberté du commerce et de l’industrie

 P2- Le droit de la concurrence

 P3- Le renouveau des principes contractuels

PARTIE II    LA THÉORIE GÉNÉRALE DU CONTRAT ADMINISTRATIF

TITRE I    LA NOTION DU CONTRAT ADMINISTRATIF

CHAPITRE I    LES FRONTIÈRES DU CONTRAT ADMINISTRATIF

 Section 1- Les éléments constitutifs d’un contrat

 P2- Un accord de volonté

 P3- Un accord de volonté qui engendre des effets de droit entre les parties

 Section 2- La distinction du contrat et de l’acte unilatéral

 P1- L’acte unilatéral négocié

 P2- La convention ayant des effets réglementaires

 A- …Par une approbation

 P3- Le contrat à clause mixte

CHAPITRE II    LES CRITÈRES DU CONTRAT ADMINISTRATIF

 Section 1- Les qualifications textuelles

 P1- Les contrats portant sur l’exécution de travaux publics

 P2- Les concessions de travaux publics

 P3- Les contrats relatifs au domaine public

 P4- Les marchés publics

 P5- Les contrats de partenariat public-privé

 Section 2- La méthode jurisprudentielle

 P1- Le critère organique

 A- Le principe : la présence effective d’une personne publique au contrat

 B- Les exceptions : la présence suffisante d’une personne publique au contrat

  • La représentation juridique d’une personne publique
  • 2- Le mandat administratif

 3- Les cas particuliers

 a- Les concessions d’aménagement

 b- La sous occupation du domaine public

 c- Les travaux par nature administratifs

 C- Les contrats constituant l’accessoire d’un contrat de droit public

 P2- Le critère matériel

 A- Un objet de service public

 1- L’exigence d’un lien suffisant avec le service public

 2- Le cas particuliers des SPIC

 a- Les relations entre le SPIC et les usagers

 b- Les relations entre le SPIC et les agents

 B- L’exorbitance

 1- Les clauses exorbitantes du droit commun

 2- Le régime exorbitant du droit commun

TITRE II    LE RÉGIME GÉNÉRAL DU CONTRAT ADMINISTRATIF

CHAPITRE I   LA CONCLUSION DU CONTRAT ADMINISTRATIF

CHAPITRE II   L’EXÉCUTION DU CONTRAT ADMINISTRATIF

 Section 1- La stabilité contractuelle

 P1- La loyauté contractuelle

 A- L’ambivalence de la loyauté en matière administrative  

 B- Le pouvoir de contrôle et de direction

 C- L’équilibre financier du contrat

 P2- La théorie de l’imprévision

 P3- La modification des relations contractuelles

 A- Le pouvoir de modification unilatérale

 B- La contrepartie financière : la théorie du fait du Prince

 Section 2- La rupture des relations contractuelles

 P1- La résiliation unilatérale par l’administration

 P2- La force majeure

CHAPITRE III    LE CONTENTIEUX DES CONTRATS ADMINISTRATIFS

 Section 1- Les référés

 P1- Le référé précontractuel

 P2- Le référé contractuel

 Section 2- Le contentieux de l’excès de pouvoir

 P1- Les hypothèses d’intervention du juge de l’excès de pouvoir

 A- Avant la signature du contrat

 B- Après la signature du contrat

 P2- Les conséquences de l’annulation d’un acte détachable

 A- Le caractère essentiellement platonique de l’annulation de l’acte détachable 34

 B- La saisine du juge de l’exécution

 1- L’apport du pouvoir d’injonction

 2- L’évaluation du lien entre l’acte détachable et le contrat

 3- Les conséquences pour le juge du contrat

 Section 3- Le contentieux de pleine juridiction

 P1- La saisine du juge des contrats par les parties

 A- Le recours en invalidation du contrat

 B- Le recours en exécution du contrat

 C- Le recours en reprise des relations contractuelles

 1- Les conséquences de principe de l’illégalité d’une mesure de résiliation

 2- L’office du juge saisi d’un recours en reprise des relations contractuelles

 P2- La saisine du juge du contrat par des tiers

 A- Le recours des concurrents évincés : le recours Tropic Travaux Signalisation

 B- Le déféré préfectoral

PARTIE III    LES CONTRATS SPÉCIAUX

TITRE I   LES MARCHÉS PUBLICS

 Section 1- La définition des marchés publics  

 P1- Le critère organique  

 A- Le cocontractant  

 B- L’acheteur public  

 1- Le pouvoir adjudicateur  

 a- Les collectivités publiques (le pouvoir adjudicateur par nature)  

 b- Les organismes de droit public  

 2- L’entité adjudicatrice  

 P2- Le critère matériel  

 A- Satisfaire des besoins publics  

 B- Par des prestations  

 1- Le marché de travaux  

 2- Le marché de fourniture  

 3- Le marché de service  

 4- Les marchés publics à prestation mixte  

 5- Les contrats ayant un double objet  

 P3- Le critère de la rémunération  

 A- Le prix et ses dérivés  

 B- L’interdiction du paiement différé en droit français  

 Section 2- Les exclusions du droit des marchés publics  

 P1- Le droit exclusif  

 P2- Les prestations in house  

 A- Le lien structurel  

 B- Le lien fonctionnel  

 P3- La collaboration entre personnes publiques  

TITRE II     LES DÉLÉGATIONS DE SERVICE PUBLIC

 Section 1- La définition de la délégation de service public  

 P1- Le critère organique  

 P2- Le critère matériel  

 A- Une mission de service public  

 1- L’existence du service public  

 a- Distinction délégation de service public/Convention d’occupation du domaine public  

 b- Les délégation de service public et les contrats de subventions

 2- La possibilité de déléguer le service public  

 B- Un véritable transfert de la gestion du service public  

 P3- Le critère financier  

 Section 2- Le régime des biens en délégation de service public  

TITRE III    LES CONTRATS DE PARTENARIAT

CHAPITRE I    LES ANTÉCÉDENTS DU CONTRAT DE PARTENARIAT

 Section 1- Les contrats d’occupation du domaine public  

 P1- Les atouts de l’occupation du domaine privé  

 P2- Les limites initiales de l’occupation du domaine public

 P3- Les innovations législatives en réponse à ces limites  

 A- La loi de 1988 : le bail emphytéotique administratif  

 B- La loi de 1994 : l’autorisation d’occupation temporaire   

 Section 2- Les marchés publics dérogatoires  

CHAPITRE II    LE CONTRAT DE PARTENARIAT PUBLIC PRIVÉ

 Section 1- Les conditions du partenariat public privé en droit français  

 Section 2- La définition du partenariat public privé  

 P1- Le critère organique  

 P2- Le critère matériel  

 A- La prestation impérative, la mission de base  

 B- La prestation complémentaire facultative  

 

 

INTRODUCTION AUX CONTRATS ADMINISTRATIFS

Le droit des contrats administratifs a une importance considérable sur le plan pratique mais aussi juridique. C’est devenu un instrument essentiel et courant de conduite des politiques publiques. En droit français, les contrats administratifs font 10% du PIB national. On est à 15% au niveau de l’échelle européenne. Sur le plan juridique, le droit des contrats administratifs est une des branches du droit public la plus évolutive.

 La tendance la plus nette est l’intégration et l’omniprésence du droit de l’UE en droit interne. C’est un droit très dynamique et a bouleversé le droit interne mais aussi est très tinté d’économie. Une réforme des directives de marchés publics est à avenir. Le seuil des passations de contrats publics vient d’être relevé par un décret du 27 décembre 2013. Le régime des concessions d’aménagement a fait en droit interne l’objet d’une réformer en 2009 après un arrêt de la cour de Luxembourg. La dynamique européenne peut aussi être conflictuelle car on constate de mauvaises transpositions en droit interne car les délais de transpositions ne sont pas respectés ou la transposition n’est pas correcte. Le droit interne peut déformer les choses en considérant comme normal une pratique administrative alors qu’elle est marginale en droit de l’UE.

 Ces difficultés tiennent à l’autonomie des qualifications en droit de l’UE. Par exemple, on a l’indifférence du droit de l’UE vis-à-vis de la notion de maitrise de l’ouvrage public. Or, cette indifférence déstabilise la catégorie de marchés publics en droit interne. Ces difficultés s’expliquent aussi par des différences idéologiques. Notamment, cela est lié au fait que le droit de l’UE ne s’appuie pas sur un Etat alors qu’en France le rôle de l’Etat est reconnu comme particulièrement fort en France.

 Le droit des contrats administratifs français traduit les grandes évolutions récentes de l’administration et des pratiques administratives. Cela se traduit aujourd’hui par la réforme de l’Etat qui est moins un objectif qu’on processus. Il y a une connexion entre le droit des contrats administratifs et l’émergence d’un management public.

Le droit des contrats administratifs est marqué par une instabilité de ses sources, en particulier les sources écrites. Cela s’explique par le fait que c’est un droit dynamique et vivant car il est politiquement sensible. Il fait l’objet d’un chantier constant et donc on a pas de stabilité et sécurité juridique.

 

                A- L’idée du contrat administratif

 La doctrine s’est longuement interrogée sur le point de savoir si un contrat pouvait être administratif. Pour comprendre ce débat qui existe encore aujourd’hui, il faut considérer la raison d’être du droit administratif lui même et derrière du droit public entier. S’il existe un droit public c’est parce que dans la culture juridique française on estime que les règles s’imposant au commerce juridique des gouvernants peuvent être difficilement assimilées aux règles applicables au commerce juridique privé. Il y a une inégalité fondamentale de l’administration vis-à-vis des administrés car l’administration est l’expression de la doctrine française de l’intérêt général. Cette inégalité s’explique par le fait que l’intérêt général n’est pas assimilable à la somme des intérêts privés. Dans la plupart du temps, le contrat a été présenté comme le royaume du consensualisme où les parties jouent à égalité alors que l’exemple même de l’exorbitance est l’unilatéralité des actes administratifs.

 Le contrat administratif serait donc anormal. Il ne serait pas dans l’ordre administratif des choses que la puissance publique puisse négocier avec des partenaires, d’autant plus que ces partenaires sont assujettis à l’intérêt général. Si le contrat est administratif, la doctrine considérait que c’était un contrat de type particulier. Pour les autres, c’est un faux contrat ou un contrat suspicieux car l’administration est une partie. La loi des parties est supplantée par la volonté de la personne publique. Ainsi, si le contrat est un accord de volonté destiné à produire des obligations et droits en droit civil, les volontés qui s’accordent dans un contrat administratif ne sont pas de même nature. En cas d’intérêt général, l’administration est en droit de commander à son cocontractant.

 Tout cela explique la profonde difficulté du droit positif à clarifier l’opération essentielle : la qualification du contrat administratif. L’unitéralité dans l’acte n’est jamais très loin. Notamment, il s’agit de la théorie des actes détachables : Conseil d’Etat. 4 août 1905. Martin. Le problème demeure en droit administratif car le fondement du contrat est censé être l’autonomie des volontés mais on retrouve un problème en cas de contrat administratif. On peut prendre comme fondement l’objet du contrat. On peut aussi se fonder sur la finalité du contrat et donc dans ce cas on accepte automatiquement l’unilatéralité. On a aussi essayé de fonder le contrat administratif sur l’idée de justice. Il s’agit de l’idée d’un équilibre qui connait des développements inédits, le principe de loyauté des relations contractuelles notamment. Cette interrogation sur le fondement du contrat pose aussi l’interrogation de sa nature qui est plutôt théorique.

 Le contrat administratif est tout de même une réalité incontestable qui n’a rien de problématique en lui même. Il existe car il répond à des besoins et nécessités. Le contrat de l’administration ne peut pas être toujours régit par le droit privé.

 

                B- Le droit applicable aux contrats de l’administration

 Le droit administratif n’est qu’une des modalités par lesquelles l’administration s’engage conventionnellement. L’administration peut appliquer le droit privé pour ses actions et peut donc conclure des contrats de droit privé, notamment pour la gestion du domaine privé. Le contrat administratif concerne les contrats de l’administration qui sont régis par le droit administratif au sens large du terme.

 La notion de contrat public ne parait pas satisfaisante car elle n’a pas le même sens pour tous les auteurs. Parfois l’expression est utilisée comme synonyme de contrat administratif. Parfois, cela désigne tous les contrats pris par l’administration donc y compris ceux de droit privé. Dans ce cas, ce qui compte est juste la présence de l’administration au contrat. Pour d’autres auteurs encore, la notion de contrat public vise les contrats de l’administration soumis à un régime juridique plus ou moins particulier avec une idée de degré de spécificité de ce droit. Dans ce cas, le contrat public permet de mettre en avant l’absence des coïncidences entre les catégories internes et les catégories de droit externe. Du fait du droit de l’UE, le critère organique notamment serait fortement relativisé et donc un contrat passé entre deux personnes privées peut être soumis à un droit spécifique selon le droit de l’UE. La notion de contrat public est donc censée prendre acte du bouleversement entrainé par le droit de l’UE sur les catégories internes.

 Plusieurs raisons empêchent de prendre en compte cette nomination. D’abord, le fait que l’UE utilise un raisonnement différent de celui du droit interne ne doit pas empêcher le raisonnement interne d’exister. Ensuite, la notion de contrat public n’a pas de définition nette. De plus, cette notion n’est pas utilisée par le droit de l’UE. Aussi, elle ne permet pas de déterminer les règles de compétence entre le juge administratif et le juge judiciaire alors que le contrat administratif le permet. Enfin, la notion de contrat public n’exclue pas le débordement des catégories internes. Si les personnes privées sont soumises à un régime spécifique en droit de l’UE c’est parce qu’elles ne sont pas assimilables à des personnes privées « normales » car elles agissent au moins au nom et/ou pour le compte d’une collectivité publique. Même s’il est de plus en plus confronté au droit de l’UE, le droit des contrats administratifs reste autonome et particulier car il repose sur l’idée d’un régime juridique propre à certains contrats passés par l’administration en raison des finalités de l’action administrative menée par ce contrat.

 Si l’existence du contrat administratif est constante à travers l’histoire, celle de son régime juridique ne l’est pas. L’usage par l’administration du procédé contractuel remonte essentiellement au Moyen Age où l’Etat a eu besoin de recourir à des personnes privées pour assurer par des délégations des missions qu’il ne pouvait assumer directement. On retrouve ainsi des contrats de prélèvement d’impôt et des contrats de marchés publics notamment. La Révolution de 1789 n’a pas favorisé la forme contractuelle pour l’administration mais elle ne l’a cependant pas fait disparaitre. Au XIXe siècle, le libéralisme a conduit à de nombreux partenariats contractuels. On a ainsi des contrats de concessions de chemins de fer, de constructions de points, d’éclairage public,… Ces contrats étaient marqués par une forte présence de la personne publique. Au XIXe siècle, la doctrine libérale a tenté de distinguer les actes de gestion des actes d’autorité. C’est une doctrine profondément libérale qui estime que le recours au droit privé est possible pour l’administration mais surtout souhaitable temps que cette administration ne fait pas une mission régalienne. Seuls les actes d’autorité relèvent du droit public, les actes de gestion relèvent seulement du droit commun. Cette théorie a été remise en cause avec l’apparition de la notion de service public à la fin du XIXe siècle en tant qu’acte de gestion qui n’est pourtant pas une activité purement privée.

 La jurisprudence administrative a élaboré l’essentiel des solutions permettant de qualifier les contrats administratifs et donc déterminer quels contrats de l’administration sont des contrats administratifs et relèvent donc d’un droit spécifique et d’un juge spécifique. A cette époque, le droit des contrats administratifs est donc jurisprudentiel. Il s’agit donc du critère organique (présence de la personne publique) et des critères matériels (service public et prérogatives de puissance publique/clause d’exorbitance du droit commun : Conseil d’Etat. Société des granits porphyroïdes des Vosges. 31 juillet 1912). Jusque ces dernières années, la jurisprudence était claire mais des interventions écrites sont apparues et donc on s’est demandé s’il existait encore un droit des contrats administratifs. Des textes législatifs ont administrativisé certaines catégories de contrats, nonobstant les critères jurisprudentiels. C’est notamment le cas de la loi MURCEF du 11 décembre 2001 pour les contrats de marché public. Aussi, l’ordonnance du 17 juin 2004 a administrativisé les contrats de partenariat public/privé. Une ordonnance du 15 juillet 2009 a qualifié de contrat administratif une partie des concessions de travaux publics alors que ces contrats peuvent être conclus par des personnes de droit privé et donc être des contrats de droit privé au seul regard de la jurisprudence du Conseil d’Etat. Le critère organique a été mit de côté en raison de la pensée de l’UE à son sujet. Tout cela permet d’étendre l’application du droit administratif et la compétence du juge administratif. Le juge administratif peut laisser une place au droit privé y compris dans le droit des contrats administratifs car la matière des contrats permet de s’inspirer du droit privé donc du droit des obligations. Le juge administratif dégage un PGD souvent à partir de la base d’une règle posée dans le code civil. Le PGD est infra législatif mais supra réglementaire et est une règle posée par le juge administratif. Aussi, le juge administratif peut viser le droit privé et notamment sanctionner une clause d’un contrat administratif contraire à la législation de droit privé sur les clauses abusives.

 Au regard du droit de l’UE, il est indifférent aux qualifications internes. Inversement, il est vigilent vis-à-vis de l’administration contractante en lui imposant notamment le respect d’une certaine transparence par des règles de publicité notamment ou de mise en concurrence. Le droit de l’UE n’impose rien en matière de qualification des contrats passés. C’est un facteur de l’atténuation de la distinction entre droit privé et droit privé.

 Autre facteur, on a le droit comparé. L’idée de soumettre des contrats de l’administration à un droit spécifique n’est pas une évidence sur ce plan là. Dans le système de Common Law, l’administration qui passe des contrats est soumise au droit privé. La soumission des contrats administratifs à un droit spécifique présente des atouts du point de vue du droit comparé. Gaston Jèze dit que « celui qui conclut un contrat administratif prend l’obligation non seulement de ne pas gêner le fonctionnement du service public mais encore de faciliter le fonctionnement du service public ». Le cocontractant de l’administration n’est pas seulement en situation de faiblesse mais aussi le garant de l’action publique selon Jèze et donc il peut se voir octroyer des prérogatives nécessaires au bon accomplissement de ses missions.

 

                C- Les catégories de contrats administratifs

 C’est une typologie difficile à établir car pendant longtemps il n’y a pas eu de théorie générale du contrat administratif donc une présentation raisonnée de la logique générale de la matière. Pendant longtemps, il n’a été question que d’une théorie de chaque contrat spécial. Cela s’explique par l’absence d’abstraction et la domination du juge administratif dans l’élaboration des règles. Or, comme c’est un droit largement jurisprudentiel, le juge ne s’est pas soucié de construire un système général, ce qui ne veut pas dire qu’il n’a pas crée un droit cohérent. Rivero disait que « le droit administratif est un cœur à deux voies », la voie du juge et la voie de la doctrine. Le juge traitait les litiges et la doctrine systématisait les décisions par une vue d’ensemble.

 D’un point de vue doctrinal, on peut distinguer 3 grands types de contrats administratifs. Cette doctrine s’inspire d’un avis de 2008 du Conseil d’Etat. On a d’abord les contrats d’échange permettant à l’administration d’obtenir les moyens de son action grâce à une contrepartie. Il peut s’agir des moyens matériels (marché, travaux, fournitures, services), des moyens en personnels (contrats de recrutement). Ensuite, on a les contrats d’externalisation qui offrent à l’administration la possibilité de se décharger de certaines activités qu’elle ne peut pas ou veut pas assurer elle-même (délégation de service public, exploitation du domaine public avec les conventions d’occupation du domaine public, pour des actions propres courantes comme la gestion d’un système informatique). Enfin, il y a les contrats de régulation qui sont le signe d’une nouvelle façon de penser et d’exercer le pouvoir administratif ou la relation hiérarchique typique de la relation administrative publique qui tente de laisser place à une relation contractuelle ou pseudo contractuelle et qui se traduit par la fixation d’objectifs (généralement chiffrés et donc à atteindre) permettant la réalisation du contrat (ex : systèmes d’incitations par des primes). Il n’est pas certain que ces contrats de régulation soient toujours des contrats aujourd’hui.

 

                D- Les dynamiques actuelles du droit des contrats administratifs

 La première dynamique, la plus générale, réside dans l’essor du contrat lui même comme technique ou modèle de l’action publique. Il faut avoir conscience des ressors de cette évolution qui s’explique par différents facteurs dont le principal est le contexte du libéralisme qui permet la généralisation du modèle du marché et donc le contrat est la technique privilégiée de régulation sociale. Dans ce cas, le contrat administratif peut prendre la forme de contrats consentis et négociés. Il s’agit alors de se faire respecter par l’administration et donc de légitimer sa volonté.

 La deuxième dynamique est l’hyper profit juridique car le droit des contrats administratifs est encore et toujours en chantier. Il court après un droit positif qui multiplie les contrats selon les besoins et sans se soucier d’une cohérence. Par exemple, les BEA existent en quantité et pour le moment on reste avec cette diversité. De ce point de vue, les contrats spéciaux administratifs l’emporte sur la forme unitaire de contrat administratif et donc on a pas d’unité du droit des contrats administratifs. On a des principes généraux avec une dynamique propre. Certains produisent des effets qui ne sont pas encore contrôlés, notamment le principe de loyauté contractuelle. Pendant longtemps, la doctrine a préconisé un code des contrats de la commande publique. Le gouvernement a tenté cela deux fois mais ça n’a pas fonctionné. De plus, la commande publique ne vise pas toutes les hypothèses de l’administration contractuelle. L’enjeu d’avoir une théorie générale est pratique car le Droit a toujours besoin d’une logique et d’une rationalité. En matière de contrats, Yolka dénonçait une impuissance probablement durable à articuler une vision d’ensemble dans cette matière.

 La troisième dynamique est l’omniprésence du juge qui n’est pas sans lien avec l’hyper profit de ce droit. L’omniprésence du juge s’explique par le fait que les règles de droit ne parviennent pas à éviter les conflits. Concernant le droit interne, l’omniprésence du juge administratif se traduit par des évolutions structurelles de la juridiction administrative comme la création de nouvelles procédures comme les référés.

 La quatrième dynamique réside dans l’hybridation du droit des contrats administratifs car il doit s’adapter aux évolutions et besoins. Le droit a besoin d’une réalité pour son effectivité. Le contexte de la mondialisation et la comparaison des droits impliquent une relativité des modèles retenus, une perméabilité à des techniques juridiques étrangères considérées comme plus efficaces. Par exemple, le partenariat public privé introduit en 2004 s’est inspiré d’un montage anglais qui lui même a été construit par l’influence d’entreprises privées anglaises. On a aussi une hybridation du droit avec d’autres logiques comme la rationalité économique. Ainsi, le principe fondamental est le respect de la parole donnée (pacte sunt servanda). Mais le contrat peut être maintenu même en cas de non respect de la parole donnée si la rationalité économique l’exige.

 

PARTIE I    LES SOURCES DU DROIT DES CONTRATS ADMINISTRATIFS

 Cette nécessité d’étude est récente car pendant longtemps l’unique source était la jurisprudence. Désormais, comme pour le droit administratif général, on se demande si c’est encore un droit uniquement jurisprudentiel. Sur le plan formel, cet examen des sources pose des questions tenant à leur articulation et leurs qualités respectives. En droit des contrats administratifs, les sources écrites sont de plus en plus nombreuses. On a notamment des règles pénales comme celle concernant le délit de prise illégale d’intérêt. On a aussi une constitutionnalisation du droit des contrats administratifs. On retrouve enfin le droit de l’Union européenne.

 

TITRE I  –  LES SOURCES EUROPÉENNES

CHAPITRE I  –  LES SOURCES FORMELLES DU DROIT DE L’UNION EUROPÉENNE

 

                 Section 1- Le droit primaire de l’Union européenne

 Ce droit primaire ne contient aucune règle précise sur les contrats mais il énonce des principes s’imposant à toute activité économique et donc aux contrats concernés. Parmi ces principes on a : principe de non discrimination, grandes libertés économiques. Au delà de ces principes écrits, la jurisprudence les a utilisé pour pouvoir créer le marché commun en imposant des obligations positives aux Etats membres. Ce dynamisme normatif a permit à la CJUE de dégager des principes secondaires applicables aux contrats publics. Il faut y voir la démonstration éclatante de la grande force juridique des principes en droit.

 

                Section 2- Le droit dérivé de l’Union européenne

                P1- Les catégories de normes

 Les trois normes sont :

  • le règlement qui est obligatoire dans tous ses éléments, applicable directement mais rarement utilisé en droit des contrats
  • les décisions qui sont obligatoires directement et visent les destinataires en les identifiant
  • les directives qui définissent les objectifs de l’UE et lient les Etats mais les laisse libres dans la détermination des moyens.

Il faut distinguer les directives générales et les directives spécifiques. Les directives générales visent tous les contrats et posent des règles transversales, notamment en matière de clause abusive, délai de paiement,… Les directives spécifiques sont relatives à un domaine précis et sont notamment relatives aux marchés publics et concessions de travaux. La première directive est la directive 2004-18 du 31 mars 2004 appelée secteurs classiques et est relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, fournitures et services. La directive 2004-17 du 31 mars 2004 aussi est appelée secteurs spéciaux et concerne les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux. La directive 2009-81 du 13 juillet 2009 concerne certains marchés publics comme le secteur de la défense et de la sécurité. Le Parlement européen vient d’adopter une réforme des contrats publics qui notamment introduit pour la première fois en UE une réglementation formelle des concessions de service. La directive 2007-66 du 11 décembre 2007 concerne l’amélioration de l’efficacité des procédures de recours, en matière de passation des marchés publics. Le référé précontractuel a été transposé le 14 juillet 1992 mais cette loi a été modifiée par une ordonnance du 7 mai 2009 qui en a profité pour introduire aussi le référé précontractuel créé par la directive de 2007 dans le droit de l’UE. Dès 2007, le Conseil d’Etat avait anticipé la transposition du référé contractuel en créant un nouveau recours en invalidation d’un contrat administratif : Conseil d’Etat. Société Tropique Travaux Signalisation. 2007.

 

                P2- L’intégration au droit national

 Ce caractère d’intégration suppose une transposition en matière de directive. Cette transposition a posé problème pendant longtemps mais cela est aujourd’hui réglé : Conseil d’Etat. Perreux. 30 octobre 2009 et Conseil d’Etat. Arcelor. 8 février 2007. Depuis, la transposition des directives est une exigence européenne mais aussi une exigence constitutionnelle en vertu de l’article 88-1 de la constitution. Le juge national est le juge de droit commun de l’application du droit de l’UE. Cela n’empêche pas le juge interne d’être en désaccord avec le droit de l’UE. Il y a des désaccords qui demeurent comme le refus catégorique de soumettre la passation des conventions d’occupation du domaine public à des règles même minimales de publicité et de mise en concurrence : Conseil d’Etat. Jean Bouin. 3 décembre 2010.

 

CHAPITRE II  –  LES PRINCIPES FONDAMENTAUX DU DROIT DE L’UNION EUROPÉENNE

 Sur le plan substantiel, les normes du droit de l’UE s’expliquent par les finalités de l’UE elle même. Il ne faut pas perdre de vue que cette finalité permet de comprendre les innovations de la CJUE par rapport aux textes de l’UE, la raison est la raison d’être de l’UE : la construction d’un marché commun. La CJUE impose le respect d’un principe de primauté du droit de l’UE et un principe d’effectivité du droit de l’UE qui est entrain d’être repris en droit interne, notamment par le Tribunal des Conflits. Ces deux principes, couplés à la finalité de l’UE, sont des puissants moteurs de lutte contre les réticences des droits internes.

 Le champ d’application du droit de l’UE n’est pas illimité. D’abord, eu égard à la logique de l’ensemble du processus, seules les activités marchandes sont susceptibles d’être soumise au droit de l’UE. Seulement, le droit de l’UE a une définition propre des activités marchandes, pas forcément en accord avec celle de notre droit interne. Les textes de l’UE s’appliquent en principe uniquement dans certains cas, notamment lorsque certains seuils sont dépassés et que ce dépassement confère une dimension communautaire à l’activité visée. Seul le franchissement de ces seuils impose le respect des règles européennes. Il en reste pas moins que des principes généraux existent par la CJUE avec une application générale donc au delà de la règle du texte. Il ne faut pas négliger non plus une dimension persuasive du droit de l’UE. Même si une règle de droit ne s’applique pas formellement dans les droits internes, elle peut être prise volontairement en droit interne et donc on a une extension du champ de l’UE par la volonté de l’Etat. Aussi, le champ d’application peut encore ne pas avoir fait l’objet d’une clarification en droit interne et donc les choses ne sont pas certaines et pour éviter des censures les Etats vont faire une extension de la jurisprudence, cela a notamment était le cas avec les concessions d’aménagement : CAA de Bordeaux. 9 novembre 2004 et CJUE. 18 janvier 2007. Auroux.

 Les interactions entre le droit des contrats administratifs et le droit de l’UE se font par les règles de transparence qui n’ont pas encore produit tous les effets en droit interne et plus généralement par les solutions de la logique générale du droit de l’UE tendant à faire respecter la rationalité économique.

 

                Section 1- Le principe de transparence

 C’est CJUE. Telaustria. 7 décembre 2000 dans lequel la CJUE considère que les textes s’inspirent d’une raison d’être des institutions de l’UE à travers laquelle on peut dégager un principe de transparence. Dans cette affaire, un contrat de concession de service public est contesté or ce type de contrat ne relève pas des directives sur le marché public. Donc, le contrat n’est pas soumis au droit dérivé en l’espèce. L’avocat général a pourtant précisé que le respect matériel du principe de non discrimination fondé sur la nationalité exige que l’octroi d’une concession respecte un degré minimal de publicité et de transparence. Il convient d’éviter à tout prix selon lui que l’octroi de concessions soit enveloppé de secrets et d’opacité. Il précise que la transparence vise donc à assurer l’impartialité et l’accessibilité fondamentale des procédures d’adjudication particulièrement à l’égard des sous missionnaires potentiels qui ne sont pas établis dans l’Etat membre de l’entité adjudicatrice. D’après la CJUE, l’exclusion de la concession de service public du champ d’application des directives n’empêche pas que les pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices soient « tenus de respecter les règles fondamentales du traité en général » et le principe de non discrimination en raison de la nationalité en particulier. Cette exigence implique notamment, selon la Cour, une obligation de transparence qui incombe aux pouvoirs adjudicateurs et qui consiste à garantir en faveur de tout sous missionnaire potentiel un degré de publicité adéquate permettant une ouverture du marchés des services à la concurrence ainsi que le contrôle de l’impartialité des procédures d’adjudication.

 Le propos de la Cour est donc général et permet au juge de créer par voie prétorienne une obligation s’imposant à tout acte, contrat ou acte unilatéral, passé par un pouvoir adjudicateur, y compris lorsque la valeur de la prestation n’atteint pas le seuil des directives ou si le contrat n’est pas réglementé par le droit de l’UE. Dans un arrêt Coname du 21 juillet 2005, la CJUE a appliqué la jurisprudence précédente en matière de concession de service public du gaz en Italie. Elle indique que dans la mesure où cette concession de service est susceptible d’intéresser également une entreprise située dans un Etat membre autre que l’Etat italien, l’attribution en l’absence de toute transparence de cette concession à une entreprise située dans ce dernier Etat membre, constitutive d’une différence de traitement au détriment de l’entreprise située dans l’autre Etat membre.

 En dépit d’un champ d’application large, le droit de l’UE admet certaines limites. D’abord, l’arrêt Telaustria parle d’un degré de publicité adéquate, ce qui laisse entendre que la Cour laisse une certaine place à l’adaptation des solutions et procédures en fonction des circonstances. Aussi, il faut démontrer que cette transparence n’était pas possible. Il faut donc apporter la justification de cette restriction. Seconde limite, les prestations intégrées échappent au droit de l’UE car tout est interne.

 L’arrêt Jean Bouin témoigne d’un point de friction entre le droit de l’UE et le droit interne. Il estime qu’il n’y a pas d’obligation de publicité et de mise en concurrence en l’état actuel du droit français en matière d’autorisation et de convention d’occupation du domaine public. Si un contrat a un projet exclusivement et purement domanial, il n’est pas pertinent que le contrat soit soumis à un principe de transparence. Deux hypothèses fragilisent cette jurisprudence :

  • si la convention est associée à une opération de prestation de travaux ou de service au bénéficie du propriétaire du domaine public, le fait qu’il y ait une prestation marchande, le contrat entre dans le champ d’application du principe de transparence
  • si la convention a pour objet ou effet de donner au titulaire de l’autorisation un avantage concurrentiel sur le marché, le domaine public devient le siège de l’activité économique et donc la teneur économique du montage sera également de nature à imposer le respect du principe de transparence

 

                Section 2- Le respect de la rationalité économique

 Au delà du principe de transparence, les fondations idéologiques de l’UE expliquent l’ensemble des règles européennes en matière de contrats publics.

 

                P1- Le caractère ancien de la réglementation de la commande publique

 L’exigence d’une certaine transparence et donc le respect de certaines procédures ne sont certes pas nouveaux en droit français. Cela remonte à un décret du 18 novembre 1882 qui imposait déjà lors de la passation des marchés de l’Etat le respect d’une procédure d’adjudication. Cette réglementation française avait deux grandes raisons d’être : optimisation des dépenses publiques & moralisation de l’achat public. Le premier permet à une collectivité publique d’acheter à moindre coût et donc de sauvegarder les intérêts financiers de l’Etat. Le second s’est diffusé au delà des marchés publics et est à l’origine notamment de la loi Sapin du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et la transparence de la vie économique et des procédures publiques. Cette loi a opéré une sorte de transposition de la logique de la réglementation des conventions de marchés publics vers les délégations de service public, ce qui a contribué à encadrer assez fortement.

 

                P2- La nouveauté du droit de l’Union européenne

 Même si la transparence n’est pas une nouveauté totale, le droit de l’UE en matière de réglementation des contrats publics présente une raison d’être assez différente. Cette réglementation s’appui sur une méfiance différente car elle est en grande partie d’une autre nature : elle est destinée à protéger la concurrence. Selon une jurisprudence constante, « l’objectif principal des règles européennes en matière de marchés publics est d’assurer la libre circulation des services et l’ouverture à la concurrence non faussée dans tous les Etats membres ». Cependant, les règles du droit de l’UE s’expliquent par le fait qu’il est nécessaire de surveiller le comportement d’un acteur dès lors qu’il est dans la sphère d’influence des pouvoirs publics. L’UE a la crainte que les pouvoirs publics n’agissent pas sur le seul fondement de la rationalité économique alors même qu’ils ont un comportement économique. Il faut exclure que l’organisme se laisse guider par des considérations autres qu’économiques. De plus, l’objectif de procédure de passation des marchés publics est de garantir aux sous missionnaires l’accès au marché public qui l’intéresse. Le principe d’égalité est lui même la résultante du principe de libre prestation de service pour permettre la construction d’un marché commun.

 La réglementation de la passation des marchés publics a toujours pour but aussi la bonne gestion des deniers publics. Cela est exact la plupart du temps mais il faut voir que ce qu’on appelle la bonne gestion des deniers publics coïncide avec la gestion rationnelle des deniers publics. La rationalité existe selon le droit de l’UE que si la gestion est économiquement rationnelle. Le meilleur moyen serait d’avoir des marchés publics qui ne posent aucun enjeu en matière de deniers publics. On a des exemples, notamment dans des arrêts où la Cour admet qu’un contrat soit qualifié de contrat public alors même que le pouvoir adjudicateur ne verse lui-même aucun prix en échange de la prestation fournie. Il suffit qu’une prestation soit fournie dans le cadre de contrats à titre onéreux pour relever du droit des marchés publics et la Cour précise qu’il n’est pas indispensable que le pouvoir adjudicateur supporte lui même le poids économique de la prestation pécuniaire. On a donc un marché public alors qu’on n’a pas de bonne gestion des deniers publics et il s’agit donc d’une question subsidiaire. 

 La logique économique explique la définition de l’organisme de droit public en droit de l’UE qui permet d’identifier un pouvoir adjudicateur. Le droit interne reprend cette notion et cela bouleverse les catégories traditionnelles. En droit de l’UE, cela va permettre d’identifier un acheteur public et donc d’appliquer une logique de méfiance. Un organisme de droit public est une personne morale sous contrôle public qui est crée pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général autres qu’industriels et commerciaux. Parfois, la jurisprudence précise que c’est une personne qui n’assume pas le risque économique de son activité. En effet, on présume que l’intérêt économique impose à la personne de suivre les exigences de la rationalité économique et donc de respecter la concurrence. Pour éviter que l’organisme de droit public n’agisse irrationnellement, il y a lieu de lui imposer le respect de règles économiquement rationnelles. Cela va permettre de ne pas fausser le jeu de la concurrence et de favoriser un meilleur usage des fonds publics.

 

                P3- L’introduction de considérations environnementales et sociales

 C’est un enjeu qui passe inaperçu en droit de l’UE et il y a une discordance entre le droit interne et le droit de l’UE par rapport à la logique propre de l’UE. La rationalité économique est de moins en moins exclusive d’autres considérations tel que l’environnement ou les conditions sociales, le développement durable,… Il faut les prendre en compte dans la réglementation de la commande publique car ce sont des considérations importantes, notamment en période de crise économique. Les conditions de définition d’un marché doivent être définies et peuvent comporter des considérations environnementales ou sociales, qui prennent en compte les objectifs du développement durable en conciliant développement économique, protection et mise en valeur de l’environnement et progrès social (article 14 du code des marchés publics). C’est donc une possibilité ouverte mais ces considérations doivent avoir un lien avec l’objet du marché, cela étant entendu de façon restrictive en jurisprudence.

 CJUE. 2012 : c’est un contrat de fourniture de machines à café soumis à la directive 2004-18 pour lequel le pouvoir adjudicateur attachait de l’importance aux conditions équitables de production des ingrédients et notamment d’un sucre labélisé. En l’espèce, avec cet attachement qui n’est pas purement économique, le pouvoir adjudicateur attache une importance à des considérations environnementales mais il a considéré que les ingrédients devaient bénéficier du label sans préciser ce que cela signifiait en pratique. La logique consiste à sanctionner un pouvoir adjudicateur qui s’est limité à affirmer cela sans expliquer. La Cour a estimé que la référence au label ne suffisait pas et qu’il fallait clarifier les spécifications des ingrédients en cause. Elle a condamné pour défaut de transparence. Il faut donc dans tous les cas permettre une évaluation précise du rapport qualité prix afin de respecter une concurrence effective.

 Le droit français est plus sensible à l’introduction de ces considérations. Dans une première décision du 15 février 2013. Société de Derichebourg Poly Urbaine, le Conseil d’Etat a affirmé que si le code des marchés publics permet de retenir différents critères d’évaluation des offres, ces critères d’attribution des marchés doivent être justifiés par l’objet du marché et permettent d’identifier l’offre économiquement la plus avantageuse. En l’espèce, le Conseil d’Etat censure la référence à la politique sociale d’une entreprise. Dans Conseil d’Etat. 25 mars 2013. Département de Lisère, il a estimé que, dans le cadre d’une procédure d’attribution d’un marché qui eu égard à son objet est susceptible d’être exécuté au moins en partie par des personnels engagés dans une démarche d’insertion, le pouvoir adjudicateur peut légalement prévoir d’apprécier les offres au regard du critère d’insertion professionnelle des publics en difficulté dès lors que ce critère n’est pas discriminatoire et lui permet d’apprécier objectivement ces offres.

 

                P4- Passation et exécution des contrats

 Pendant plusieurs décennies, le droit de l’UE ne s’intéressait qu’à la passation des contrats et non pas à leur exécution. Les choses n’ont jamais été aussi nettes et le droit de l’UE est de moins en moins indifférent à l’exécution du contrat. La modification d’un contrat peut masquer une volonté de bouleverser l’économie générale du contrat, notamment par une modification de l’objet du contrat. La modification du contrat de marché ne doit pas donner des caractéristiques substantiellement différentes au contrat initial : CJUE. Commission c/ France. 5 octobre 2010. Dans un arrêt CJUE. Prestext. 19 juin 2008, il est dit que la modification d’un contrat de marché public est substantielle dans 3 hypothèses :

  • lorsque la modification introduit des conditions que, si elles avaient figurées dans la procédure de passation initiale, elles auraient permis l’admission de sous missionnaires autres que ceux initialement admis ou auraient permis de retenir une offre autre que celle initialement retenue
  • lorsque la modification étend le marché dans une mesure importante à des prestations non initialement prévues
  • lorsque la modification change l’équilibre économique du contrat en faveur de l’adjudicataire du marché d’une manière qui n’était pas prévue dans les termes du marché initial

 La CJUE dit que la substitution d’un nouveau cocontractant à celui auquel le pouvoir adjudicateur avait donné le marché doit être considéré comme constituant un changement de l’un des termes essentiels du marché public en cause à moins que cette substitution ait été prévue dans les termes du marché initial. Dans CJUE. Woll AG. 13 avril 2010, la CJUE a considéré que même si la sous-traitance a été prévue dans le contrat initial, il peut y avoir modification substantielle tout de même. Il faut donc regarder les conditions dans lesquelles le contrat est modifié pour savoir si la modification est substantielle et donc savoir si on doit refaire une passation.

 D’autre part, on a une réglementation formelle de l’exécution des contrats qui est entrain d’émerger au sein de l’UE. Il s’agit de codifier la jurisprudence précédente en la modifiant.

 

                P5- Externalisation et liberté d’organisation des pouvoirs publics

 L’UE est indifférente aux modalités d’exercice par une personne publique des missions dont elle a la charge. Cette indifférence ne doit pas être surestimée car il y a deux hypothèses.

 D’abord, on a le choix fait par une personne publique d’exercer l’activité par ses propres moyens que par une externalisation. Ensuite, on a le choix d’externaliser par voie contractuelle ou par voie unilatérale.

 

                A- L’absence d’obligation d’externaliser

 En droit de l’UE, le principe est l’indifférence entre le choix du mode de gestion direct ou délégué d’une activité de service public. Une jurisprudence constante est à signaler : une autorité publique a la possibilité d’accomplir les taches d’intérêt public qui lui incombent par ses propres moyens (administratifs, techniques et autres) sans être obligé de faire appel à des entités externes n’appartenant pas à ses services. Cela est reprit par la nouvelle directive européenne sur les concessions à venir qui prévoit un article intitulé « principe de libre administration par les pouvoirs publics » qui dit : « Les autorités sont libres de décider du mode de gestion qu’elles jugent le plus approprié pour l’exécution de travaux ou la prestation de services. Elles peuvent choisir d’exécuter leurs missions d’intérêt public en utilisant leurs propres ressources ou en coopération avec d’autres autorités ou de déléguer ces missions à des opérateurs économiques ».

 En dépit de cette absence d’obligation, le droit de l’UE est vigilent quant aux modes d’organisation d’une activité économique par une structure publique. En réalité, les règles de l’UE s’appliquent dans tous les cas où une autorité publique confie la prestation d’activités économiques à un tiers. Il existe deux exceptions :

  • la prestation économique ne soit pas confié à un véritable tiers (exception d’interprétation stricte) et cela vise la création par plusieurs personnes publiques ou une seule d’une entité interne chargée d’exercer une activité économique déterminée que si les relations entre l’entité et la personne publique sont extrêmement fortes ( 18 novembre 1999. Teckal)
  • la coopération entre personnes publiques et donc hypothèse dans laquelle une relation contractuelle est engagée entre personnes publiques pour mutualiser leurs efforts pour l’exercice d’une mission commune de service public qui leur incombe ( 9 juin 2009. Commission c/ Allemagne : la coopération ne doit viser qu’une coopération économique et ne doit pas placer une personne publique dans une position avantageuse par rapport à ses concurrents)

 L’activité économique peut déroger aux règles de la concurrence pour des raisons d’intérêt général et donc une personne publique pourra confier une activité économique à un tiers en faisant bénéficier à ce tiers des avantages économiques dans la stricte mesure où cela répond à un intérêt général clairement identifiable et identifié.

 

                B- Le principe de l’externalisation par voie contractuelle

 Dès lors que la personne publique externalise, elle est limitée dans son choix de gestion d’externalisation. En droit français, le principe était la liberté de choix en matière de délégation de service public. En vertu de cette grande liberté de choix, on pouvait choisir la voie contractuelle ou la voie unilatérale. Or, tout le problème est que le droit de l’UE ne connaît pas cette distinction française. Selon elle, il faut supprimer la réglementation interne qui permet ce choix car l’essentiel pour elle est que son droit s’applique dès lors qu’il y a un acte ayant une incidence sur l’économie par son objet ou ses effets indépendamment de cette qualification unilatérale ou contractuelle : CJUE. 2005. Parking Brixen.

 La délégation ne peut se faire par voie unilatérale qu’en vertu de textes explicites qui semblent devoir être de nature législatif : avis du Conseil d’Etat du 9 mars 1995 en Assemblée. Lorsque les collectivités publiques sont responsables d’un service public, elles peuvent, dès lors que la nature de ce service n’y fait pas obstacle, décider de confier la gestion à un tiers. A cette fin, sauf si un texte en dispose autrement, elles doivent en principe conclure avec un opérateur un contrat de délégation de service public ou un marché public de service : CAA d’Aix en Provence. 6 avril 2007. Inversement, si la délégation se fait par voie unilatérale, le Conseil d’Etat a précisé que la loi Sapin ne s’applique pas car elle ne vise que les délégations par voie contractuelle et pas les actes unilatéraux : Conseil d’Etat. 3 mai 2004. Fondation assistance aux animaux. Il faut attendre une évolution du droit car il est difficile d’utiliser la voie unilatérale car le risque de contournement de la loi Sapin est simple.

 

TITRE II    LES SOURCES INTERNES

 CHAPITRE I    LA RÉPARTITION DES COMPÉTENCES

 Cette question se pose en droit interne en vertu de la distinction de la Constitution entre le domaine législatif et le domaine réglementaire. Dans la logique de rationalisation du Parlement, on a cherché à restreindre le champ de compétences du législateur. Par rapport à cette distinction, des problèmes se posent, notamment du fait de savoir comment le Conseil constitutionnel peut sanctionner des points réglementaires. Le législateur qui intervient sur le domaine réglementaire ne commet pas une inconstitutionnalité (Conseil constitutionnel. 21 avril 2005). Inversement, l’intervention du pouvoir réglementaire dans le domaine de la loi est une incompétence.

 En matière de contrats administratifs, deux arguments vont dans le sens de la compétence du législateur. Ces arguments sont textuels car ils sont tirés de l’article 34.

 Le premier est le fait que le législateur doit déterminer les principes fondamentaux des obligations civiles et commerciales selon l’article 34 de la Constitution. La référence ici aux obligations civiles vise le droit privé des contrats mais la doctrine s’est demandée si cela peut englober toutes les obligations juridiques, donc également celles de droit public. Dans ce cas, il s’agit de dire que le droit public des contrats n’est pas substantiellement différent du droit privé des contrats. Il y a aussi l’idée que « civil » s’oppose à « pénal » et cela est un bon argument dans le domaine de la responsabilité de l’Etat. La jurisprudence n’a jamais confirmé cette idée et donc le droit des contrats administratifs ne rentre pas dans le champ des obligations civiles au sens de l’article 34 (CCL. 22 août 2002. n°460 DC & CE. Ass. 5 mars 2003. Ordre des avocats à la Cour d’appel de Paris). Ces deux décisions disent que ni l’article 34 de la Constitution ni aucune règle de valeur constitutionnelle n’exige que les conditions de passation des marchés et contrats passés par l’Etat soient définies par la loi.

 En réalité, ces deux décisions font l’impasse sur deux questions :

– Elle ne vise que la passation des contrats et non pas l’exécution et notamment en matière de responsabilité administrative l’article 34 s’applique selon le Conseil constitutionnel. Le professeur Yves Godmet a critiqué cette jurisprudence (« le contrat administratif, un contrat hors la loi » dans les cahiers du conseil constitutionnel de mars 2005) en estimant que cette préférence pour le domaine réglementaire laisse entendre le risque que les contrats administratif n’appartiennent plus à la catégorie de contrat, les contrats seraient alors « exclusivement des procédures », une réglementation destinée aux parties publiques pour s’assurer le concours d’un partenaire et non pas le lieu d’obligations souscrites par les deux parties résultant d’un accord de volonté et faisant la loi de ces parties. D’ailleurs, il n’est pas certain que le contrat administratif soit la loi des parties.

– La jurisprudence ne vise que les contrats de l’Etat et donc on se demande si cela est applicable aux contrats des collectivités locales. Généralement, on va ici vers une compétence du législateur car selon la Constitution les collectivités s’administrent librement dans les conditions définies par la loi. L’article 34 prévoit que la loi détermine les principes de la libre administration des collectivités locales. Mais on ne peut pas affirmer que le législateur est seul compétent car le juge est ambiguë : CE. Ass. 29 avril 1981. Ordre des architectes.

 Le pouvoir réglementaire a donc une place singulière en matière de contrats administratifs, plus particulièrement en matière de marché public. On a des actes réglementaires relatifs aux marchés publics qui sont très anciens, notamment depuis la Monarchie de Juillet. Le premier grand texte est une ordonnance du 4 décembre 1836 prise en application de la loi du 31 janvier 1833 qui prévoyait déjà une publicité et mise en concurrence pour les marchés de l’Etat. Malgré le caractère ancien de ces textes, l’ordonnance a été abrogée mais la loi de 1833 a continué de fonder la compétence réglementaire jusque sous la IIIe République. Par la suite, une loi d’habilitation est intervenue le 5 octobre 1938 qui a habilité le Gouvernement à intervenir pour réglementer tous les marchés publics. Sur ce fondement, un décret loi du 12 novembre 1938 a lui-même habilité le pouvoir réglementaire à étendre, sous réserve des adaptions nécessaires, la réglementation pour les marchés publics de l’Etat aux marchés des collectivités territoriales. Mais, ce décret loi s’est en réalité contenté de renvoyer à d’autres règlements pour le détail des normes applicables. Dans la jurisprudence Ordre des architectes de 1981, le Conseil d’Etat a estimé que l’article 34 de la Constitution n’a pas eu pour effet de transférer au législateur la compétence attribuée au gouvernement par le décret loi de 1938, étant de valeur législative selon le Conseil d’Etat.

 A l’occasion de la réforme du code des marchés publics en 2001, le Conseil d’Etat s’est à nouveau prononcé sur cette question. Les requérants avaient dénoncé la manière dont le code a été adopté. Le problème juridique remontait au décret loi de 1938 en tant que ce décret n’est pas intervenu sur le fond car il se contente de renvoyer à d’autres décrets. C’était précisément ce qui était contesté et cette argumentation était tout à fait logique. Selon eux, l’habilitation législative a été violée car elle était prévue pour un temps précis et donc on se trouvait en dehors de ce temps accordé. Pour le Conseil d’Etat, en 2003, le décret loi de 1938 ne s’est pas contenté d’un revoie à des règlements ultérieurs car selon lui ce décret loi est intervenu sur le fond. Le juge précise que par le décret loi, le gouvernement a pu légalement renvoyer à des règlements d’administration publique à intervenir, y compris après la date d’expiration de l’habilitation qu’il tenait de la loi de 1938, le soin d’édicter les mesures d’application de la règle, fixée par le décret en vertu de l’habilitation, d’extension aux marchés des collectivités locales sous réserves des ajustements nécessaires des dispositions applicables au marché de l’Etat. Selon le Conseil d’Erat, le décret loi ne fait pas que subdéléguer car il pose aussi la règle précédemment édictée. Il en conclut donc que le Premier ministre tenait des dispositions du décret loi de 1938 la compétence pour étendre aux collectivités locales les règles nouvelles qu’il édictait pour les marchés publics de l’Etat : Conseil d’Etat. Ass. 5 mars 2003. Ordre des avocats à la Cour d’appel de Paris. Cependant, en raison de la jurisprudence Association AC de 2004, on se demande si la jurisprudence de 2003 est encore valable. Cette jurisprudence a été très critiquée.

 Cette répartition entre les domaines règlementaires et législatifs n’est pas un moyen de lisibilité du droit. Par exemple, le code des marchés publics ne s’applique qu’à l’Etat et ses établissements pubis autres qu’industriels et commerciaux ainsi qu’aux collectivités territoriales et tous leurs établissements publics. Cependant, le droit de l’UE a une définition plus large concernant la notion de marché car les personnes soumises sont plus nombreuses. Dans le cadre de la transposition des directives, le droit français doit distinguer entre la compétence du législateur et la compétence règlementaire, le pouvoir réglementaire était compétent pour ceux soumis au code des marchés publics, mais pas au delà car les autres relèvent de la compétence législative. Les auteurs appellent donc une harmonisation, essentiellement en faveur de la compétence du législateur. C’est notamment ce qui explique que les BEA et les partenariats public/privé ont été créés par voie législative.

 

CHAPITRE II  –  LES PRINCIPES FONDAMENTAUX

 Section 1- Les principes constitutionnels

P1- Les principes transversaux

 La Constitution de la Ve République ne souffle mot des contrats, ce qui explique l’influence grandissante de la jurisprudence, notamment constitutionnelle, depuis les années 1980 en droit des contrats administratifs. Cela explique aussi la référence à deux grands principes : la liberté et l’égalité.

 

                A- La liberté contractuelle

 Dans un premier temps, le Conseil constitutionnel a refusé de consacrer un principe de liberté contractuelle. Notamment, il a jugé qu’aucune norme de valeur constitutionnelle ne garantie le principe de la liberté contractuelle (Conseil constitutionnel. 3 août 1994). En revanche, il admettait à l’époque qu’une violation de la liberté contractuelle soit invoquée dans le sens où elle aurait conduit à une atteinte à des libertés et droits constitutionnellement garantis (Conseil constitutionnel. 20 mars 1997. Loi créant les plans d’épargne retraite). La doctrine en déduisait que la liberté contractuelle n’avait pas valeur constitutionnelle mais estimait que la parole du juge était suffisante. Cependant, la liberté contractuelle n’est qu’une composante de la liberté et donc on peut juger que l’ensemble du droit positif procède au contraire de l’autonomie de la volonté des membres de la société qui a été posée depuis 1789 comme principe premier. Etienne Picard pose la question suivante : la liberté contractuelle des individus constitue t-elle un droit fondamental ?, juste avant le revirement jurisprudence de 1998 et il répond par la positive.

 Conseil constitutionnel. 10 juin 1998. Réduction du temps de travail : le Conseil constitutionnel estime que le législateur ne saurait porter à l’économie des conventions et contrats légalement conclus une atteinte d’une gravité telle qu’elle méconnaisse manifestement la liberté découlant de l’article 4 de la Déclaration de 1789. Le Conseil s’appuie sur cet article pour fonder le principe de liberté contractuelle implicitement. Désormais, le Conseil constitutionnel est explicite car il dit qu’il est loisible au législateur d’adopter à la liberté contractuelle qui découle de l’article 4 de la Déclaration de 1789 des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteinte disproportionnée au regarde de l’objet poursuivi (Conseil constitutionnel. 17 mai 2013).

 Concernant la liberté contractuelle des personnes publiques, elle n’a pas la même portée que celles des personnes physiques car le fondement de la liberté contractuelle des personnes physiques est la liberté individuelle et fondamentale. Or, les personnes publiques n’ont rien de fondamental car elles sont crées par la liberté des personnes physiques. Les personnes publiques n’ont donc que des compétences. Au mieux, la personne publique a un pouvoir discrétionnaire donc une capacité d’agir dans le cadre de compétences données mais ce n’est pas un arbitraire car cette action doit respecter la légalité administrative (Stéphane Rials).

 Sur le principe, le Conseil d’Etat a consacré la liberté contractuelle des personnes publiques : Conseil d’Etat. Section. 28 janvier 1998. Société Borg-Warner. Mais cette liberté contractuelle ne vaut pas pour certaines matières ou actions et ces restrictions sont d’interprétation stricte car le principe de liberté demeure. Sont notamment exclus les clauses compromissoires prévoyant le recours à l’arbitrage ou les compromis réalisant l’arbitrage sauf texte particulier l’autorisant, les clauses de renonciation à l’exercice de la responsabilité mais en revanche dans cet arrêt le Conseil d’Etat a précisé que les clauses prévoyant un aménagement ou une limitation de la responsabilité du cocontractant ne sont pas exclues.

 La liberté contractuelle protège également contre l’entrée en vigueur d’une nouvelle législation qui troublerait les relations contractuelles. Conseil d’Etat. Ass. 8 avril 2009. Compagnie générale des eaux et Commune d’Olivet : le Conseil d’Etat a affirmé de manière générale et abstraite la solution applicable en l’espèce : « dans le cas où elle n’a pas expressément prévu, sous réserves le cas échéant de mesures transitoires, l’application des normes nouvelles qu’elle édicte à une situation contractuelle en cours à la date de son entrée en vigueur, la loi ne peut être interprétée comme autorisant implicitement une telle application de ces dispositions que si un motif d’intérêt général suffisant lié à un impératif d’ordre public le justifie et que s’il n’est dès lors pas porté une atteinte excessive à la liberté contractuelle ». Le juge précise que pour les contrats administratifs, l’existence d’un tel motif d’intérêt général s’apprécie en tenant compte des règles applicables à ces contrats, notamment du principe de mutabilité. Dans cet arrêt, l’impératif d’ordre public poursuivi par la loi qui tient à la liberté d’accès d’un opérateur économique à une DSP ne permet pas d’entrainer la nullité des DSP conclues avant l’entrée en vigueur de la loi mais le juge précise deux choses. Première chose, si la durée du contrat vient à être modifiée après l’entrée en vigueur de la loi, elle devra respecter le texte de la loi. Seconde chose, même s’il existe des stipulations contraires, la durée du contrat je pourra pas excéder à compter de l’entrée en vigueur de la loi la durée maximale légale. Cela fait référence à l’arrêt CE. 24 mars 2006. KPMG qui pose le principe de sécurité juridique. Le 19 décembre 2013, le Conseil constitutionnel a rendu une décision qui consacre un principe constitutionnel de respect par la loi des attentes légitimes : « l’Etat ne saurait sans motif d’intérêt général suffisant ni porter atteinte aux situations légalement acquises ni remettre en cause les effets qui peuvent légitimement être attendus de telles situations ». Cela est quelque chose de tout à fait nouveau mais c’est un principe qui par sa formulation générale peut avoir une signification très étendue.

 La liberté contractuelle des personnes publiques ne vaut pas pour toutes les matières. Les missions de souveraineté (défense, justice, fiscalité, police,…) obéissent à un principe selon lequel elles sont exclusives de toute contractualisation car le transfert de compétence serait illégale en soit car elles doivent être exercées par la puissance publique elle-même. Cela est notamment justifié par l’article 3 de la Déclaration de 1789 mais le Conseil constitutionnel s’est aussi appuyé sur l’article 12 de cette Déclaration. Notamment, le Conseil constitutionnel exclue que les contrats sont exclus pour les taches inhérentes à l’exercice par l’Etat de ses missions de souveraineté (CCL. 29 août 2002 et 26 juin 2003). Si un tel contrat existe, des droits subjectifs ne peuvent être donné au cocontractant : Conseil d’Etat. Ass. 17 juin 1932. Castelnaudary. En matière de police municipale, le juge administratif a déclaré illégal un contrat qui confiait à une société privée de surveillance la mission de surveillance de la ville car le juge précise que ce contrat ne se limitait pas à confier à la société privée des tâches de surveillance et de gardiennage des immeubles et du mobilier urbain de la commune mais avait pour effet de lui faire assurer une mission de surveillance de l’ensemble des voies publiques de la commune : Conseil d’Etat. 29 décembre 1997. Commune d’Ostricourt. La mission de police administrative ne peut être déléguée elle même mais l’exercice des missions matérielles peut l’être. Cette ouverture de contractualisation  n’est pas étonnante car l’externalisation des missions administrative est la nouvelle tendance. La frontière entre ce qui peut être délégué ou pas est de plus en plus mince. En matière de vidéosurveillance, sur le fondement de l’article 12 de la Déclaration, le Conseil constitutionnel a censuré une disposition législative qui assouplissait le régime concernant la mise en œuvre du dispositif de vidéosurveillance par des personnes morales de droit privé : Conseil constitutionnel. 10 mars 2011.

 

                B- Le principe d’égalité

 Dans la tradition de 1789, l’égalité est le corolaire de la liberté dans l’article 4 de la Déclaration et donc on parle d’égale liberté. Ce principe est aujourd’hui constitutionnel car il est omniprésent dans la Déclaration de 1789, reprit dans la Constitution de 1958 et c’est un PGD également.

 Le principe d’égalité est utilisé tant dans le cadre du droit administratif général que dans le champ du droit de la concurrence. Le Conseil constitutionnel a fait une première application de ce principe en matière de contrat administratif en matière de concurrence, dans le cadre de la loi MURCEF et cette loi prévoyait qu’1/4 des lots de certains marchés seraient réservés à certains prestataires privés favorisant l’économie sociale. En s’appuyant sur l’article 1er du code des marchés publics issu du décret du 7 mars 2001, le Conseil rappel que le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de manière différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que dans les deux cas la différence soit tenue à l’intérêt général. Il énonce aussi que le législateur peut, dans le but de concilier l’efficacité de la commande publique et l’égalité de traitement entre les candidats avec d’autres objectifs d’intérêt général inspirés notamment par des préoccupations sociales, prévoir un droit de préférence à égalité de prix ou à équivalence d’offres en faveur de certaines catégories de candidats, y compris en réservant l’attribution d’une partie de certains marchés à des catégories d’organismes précisément déterminées mais ne peut le faire que dans une mesure limitée et proportionnée à la satisfaction des objectifs d’intérêt général poursuivis. En l’espèce, les dispositions légales, tant par leur ampleur que par leur imprécision, portent au principe d’égalité devant la loi une atteinte disproportionnée par rapport à l’objectif d’intérêt général s’attachant au développement de l’économie sociale : Conseil constitutionnel. 6 décembre 2001.

 Aujourd’hui, le principe d’égalité concerne l’ensemble des contrats administratifs. Pour ce qui est de l’occupation du domaine public, Conseil d’Etat. 30 juin 2004. Département de la Vendée : l’existence d’un service public justifie une différence de traitement au bénéfice de l’organe chargé de la gestion du service public pour apporter au prestataire l’appui nécessaire à l’exploitation du service et le cas échéant les facilités particulières.

 Autre exemple, en matière de droit de la concurrence, Conseil d’Etat. Section. 10 mars 2006. Commune Houlgate : l’exploitation d’un casino municipal avait été confiée pour 9 ans à une société privée en 1991 et une procédure de concurrence a eu lieu en 2000 et à l’issu l’offre de l’exploitant sortant a été retenue. Le candidat évincé conteste donc. Si l’exploitant sortant avait été retenu, c’était parce qu’il y avait un fort contrôle ministériel en matière de jeu de hasard et il y avait une période probatoire d’un an pour tout nouveau exploitant. Le candidat évincé était donc nécessairement désavantagé. Le juge estime que cette période probatoire n’était ni justifiée par les conditions d’exploitation du casino en l’espèce ni par des considérations propres au candidat écarté qui était déjà exploitant d’autres casinos. Le Conseil d’Etat conclut que cette restriction a eu pour effet, sans justifications suffisantes tirées des nécessités de l’ordre public, de porter atteinte à l’égalité des deux candidats dans la présentation de leur offre (depuis avis L&P Publicité du 22 novembre 2000).

 

P2- Le droit constitutionnel de la commande publique

 Le Conseil constitutionnel a dégagé un véritable droit de la commande publique sur des bases constitutionnelles, donc un droit constitutionnel de la commande publique dont l’émergence se justifie par le nombre croissant de lois imposant des mécanismes particuliers qui entendent des rejets à des règles traditionnelles du droit public. Le Conseil constitutionnel a cherché à encadrer ces interventions législatives, au lieu de les remettre en cause, ce qui fait que la législation est ambiguë. Il l’a fait en premier lieu par un contrôle de constitutionnalité d’une loi d’habilitation : Conseil constitutionnel. 26 juin 2003. Loi habilitant le Gouvernement à simplifier le Droit. Le Conseil constitutionnel affirme que les dispositions de la future ordonnance devront respecter les principes qui découlent des articles 6 et 14 de la Déclaration de 1789 et qui sont rappelés par l’article 1er du code des marchés publics. Le Conseil constitutionnel s’appuie donc sur un texte de nature réglementaire. Selon lui, les marchés publics respectent les principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité des traitements des candidats et de transparence des procédures. Il dit que l’efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics sont assurées par la définition préalable des besoins, le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence, ainsi que par le choix de l’offre économiquement la plus avantageuse.

 Cette constitutionnalisation intervient quelques mois après un avis contentieux du Conseil d’Etat du 28 juillet 2002. Société blanchisserie de Pantin. Le Conseil d’Etat faisait référence à ce qu’il appelle les principes généraux issus de l’article 1er du code des marchés publics. Depuis le début des années 2000, le Conseil d’Etat réitère une appréciation en vertu de laquelle « les marchés passés en application du code des marchés publics sont soumis aux principes découlant de l’exigence d’égale accès à la commande publique ».

 Le Conseil d’Etat estime que les exigences du droit de la commande publique ne peuvent être écartées que dans le cas où il apparaît que de telles formalités sont impossibles ou manifestement inutiles, notamment en raison de l’objet du marché, de son montant ou du degré de concurrence dans le secteur considéré : Conseil d’Etat. 10 février 2010. Perez. Le Conseil d’Etat prend la peine de donner des exceptions car le Conseil constitutionnel avait estimé dans la décision de 2003 que la généralisation des dérogations apportées par le législateur à ce droit commun de la commande publique serait susceptible de priver de garanties légales les exigences constitutionnelles inhérentes à l’égalité devant la commande publique, à la protection des propriétés publiques et au bon usage des deniers publics, ce qui veut dire que ce droit constitutionnel de la commande publique peut connaître des dérogations mais c’est l’ampleur de ces dérogations qui peut poser des problèmes constitutionnels. Il précise que dans tous les cas ces dérogations doivent être justifiées par des considérations spécifiques, par des situations répondant à des motifs d’intérêt général dont l’urgence qui s’attache en raison de circonstances particulières ou locales à rattraper un retard préjudiciable, ou bien la nécessité de tenir compte des caractéristiques techniques, fonctionnelles ou économiques d’un équipement ou d’un service déterminé.

 Cette jurisprudence du Conseil constitutionnel a été fortement critiquée car elle est très ambiguë. En réalité, le Conseil constitutionnel a fondé ce droit constitutionnel de la commande publique sur des mesures règlementaires qui s’imposent aujourd’hui au Législateur. Des auteurs estiment aussi qu’il n’a jamais existé de droit commun mais que c’est une simple création du Conseil constitutionnel.

 

P3- La continuité du service public

 Ce principe a été dégagé en 1999 par le Conseil constitutionnel mais aussi précocement par le Conseil d’Etat. C’est le corolaire du principe de la continuité de l’Etat. En matière contractuelle, ce principe suppose qu’un contrat qui délègue l’exécution d’un service public à un tiers doit dans tous les cas comprendre des clauses permettant le respect du service public et de sa continuité. Pour parler de domaine public, le bien doit appartenir à la personne publique, il faut une affectation à l’usage du public soit une affectation à un service public avec aménagement indispensable.

 Le Conseil constitutionnel estime que le déclassement d’un bien du domaine public qui reste affecté à un service public ne saurait avoir pour effet de priver de garanties légales les exigences constitutionnelles résultant de l’existence et de la continuité du service public auxquels le bien reste affecté. Le Conseil constitutionnel approuve le législateur d’avoir imposé un cahier des charges devant prévoir les conditions dans lesquelles les missions de service public seront assurées : Conseil constitutionnel. 14 avril 2005. Aéroport de Paris. Tous les contrats publics immobiliers, dès lors qu’est en cause un service public, sont soumis à l’exigence constitutionnelle de continuité de service public. En revanche, ce n’est pas forcément le régime de la domanialité publique qui doit être appliquée car cela peut être simplement des garanties légales d’exigences constitutionnelles donc un élément taillé sur mesure par le législateur.

 

Section 2- Les principes administratifs

P1- La liberté du commerce et de l’industrie

 C’est une liberté publique : Conseil d’Etat. Daudignac. 22 juin 1951. Initialement, la puissance publique ne pouvait prendre en charge une activité économique qu’en cas de carence de l’initiative privée et en vertu d’un intérêt public : Conseil d’Etat. 30 mai 1930. Chambre syndicale du commerce en détail de Nevers. Ces conditions initialement restrictives ont été assouplies. Notamment, l’intérêt public a été entendu de manière de plus en plus souple. Certaines activités habituellement privées ont pu être rattachées à un intérêt public : CE. 20 novembre 1964. Ville de Nanterre (un cabiné de dentiste municipal). Conseil d’Etat. 18 décembre 1959. Delansorme : il suffit que l’activité soit utile à la mission de service public pour permettre une complémentarité entre un service existant et une activité commerciale et industrielle. Conseil d’Etat. 29 avril 1970. Unipain : le principe de la LCI ne fait pas obstacle à ce que l’Etat satisfasse par ses propres moyens aux besoins de ses services.

 Toute cette jurisprudence a pu poser des problèmes concernant le respect d’un autre principe qui est celui de spécialité pour les personnes publiques. Hormis pour l’Etat, les personnes publiques sont régies par le principe de spécialité qui conditionne leur champ d’action. Notamment, les collectivités territoriales doivent justifier d’un intérêt public local. Aussi, les établissements publics doivent inscrire leur action dans le champ d’une spécialité fonctionnelle. Cela signifie qu’en dehors de cette spécialité, un contrat sera illégal. Par exemple, un hôpital public ne peut pas conclure un contrat avec une clinique privée par lequel cet hôpital assurerait un service de blanchisserie : CAA de Nantes. 29 mars 2000. Centre hospitalier de Morley. Une personne morale dont la création est justifiée par la mission qui lui a été confiée n’a pas de compétence générale au delà de cette mission, selon la formulation générale qu’use le Conseil d’Etat. Mais le Conseil d’Etat permet d’exercer des activités qui sont techniquement et commercialement le complément normal de la mission statutaire de la personne morale et qui présente une utilité directe pour cette personne morale.

 Un avis nommé cinémathèque du 18 mai 2004 a fait que le Conseil d’Etat a admit la légalité d’activités commerciales complémentaires susceptibles d’apporter au service public culturel des ressources propres à la cinémathèque, la vente d’ouvrages spécialises et une restauration rapide en l’espèce. C’est légal car ces mesures restent accessoires et sont prévues pour le personnel de la cinémathèque. De ce point de vue, le cocontractant privé de l’administration peut bénéficier de cette jurisprudence s’il accompagne le service public d’une activité accessoire qui en est le complément.

 Du point de vue des collectivités territoriales, il y a un trafic de spécialité qui est fonctionnelle ou aussi géographique. Conseil d’Etat. 18 mai 2005. Territoire de la Polynésie française : le Conseil d’Etat rattache un service public de transport aérien à une politique publique d’aménagement du territoire, le tout pour relever qu’il existe bien un intérêt public local.

 La LCI est d’abord une limite à la réglementation des activités économiques et c’est aussi une limite à la prise en charge par l’Administration d’activités économiques. L’état du droit est relativement stable sur l’interventionnisme public car les personnes publiques ne peuvent pas prendre en charge une activité économique sans intérêt public. Quant à la réglementation des activités économiques, le Conseil d’Etat affirme que les personnes publiques ne doivent pas apporter aux activités de production, de distinction ou de service exercées par des tiers des restrictions qui ne seraient pas justifiées par l’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi.

 Au delà, la LCI joue assez peu en matière de contrats administratifs pour des séries de raisons. L’une d’entre elle, surement la principale, est que souvent au moment où la puissance publique conclut un contrat avec un tiers, le service public existe déjà et donc la question de l’interventionnisme public se pose en amont. Il faut distinguer la question de la prise en gestion du service public et la question des modalités de gestion. Les autres raisons peuvent être repérées dans la jurisprudence en matière de commande publique et en matière d’occupation du domaine public. En matière de commande publique, les influences de la LCI sont relatives. D’après la jurisprudence administrative, la LCI n’est pas susceptible en elle même de s’opposer à la candidature d’une personne publique à un contrat public. La jurisprudence oblige donc à distinguer le fait même de candidater à un contrat et la prise en charge d’une activité économique (Conseil d’Etat. 16 octobre 2000. Compagnie méditerranéenne d’exploitation des services d’eau, en matière de délégation de service public). Il en va de même pour les marchés publics où le Conseil d’Etat estime que la candidature d’une personne publique à un marché public n’est pas subordonné à la carence d’initiative privée ni à l’existence d’intérêt public dès lors qu’il ne s’agit pas de la prise en charge en l’espèce par un département d’une activité économique mais uniquement de la candidature d’un de ses services dans le respect des règles de la concurrence à un marché public de l’Etat (Conseil d’Etat. 10 juillet 2009. Département de l’Aisne). En matière d’occupation de domaine public, le Conseil d’Etat considère qu’il n’y a aucun droit à la délivrance d’une occupation domaniale et la décision de délivrance ou non n’est pas susceptible de porter par elle même atteinte à la LCI (Conseil d’Etat. RATP. 23 mai 2012). Encore, on distingue la gestion du domaine et l’intervention directe sur l’économie.

 Dans tous les cas, le Conseil d’Etat réserve le respect du droit de la concurrence dès le stade de la passation du contrat.

 

P2- Le droit de la concurrence

 Aujourd’hui, il vise l’action administrative selon deux modalités. D’une part, toute activité de production, de distribution ou de service, y compris celle qui est le fait d’une personne publique notamment dans le cadre d’une DSP, est directement soumise au droit de la concurrence. On a une sorte d’indifférence du critère organique propre à l’UE. L’article L. 410-1 du code de commerce pose l’applicabilité des règles de concurrence à toute activité marchande indépendamment du critère organique. Il y a un bloc de compétences spécifique en matière de répression des comportements concurrentiels car lorsqu’une personne publique agit économiquement sans respecter le droit de la concurrence, elle sera jugée par le Conseil de la concurrence. 

 Le droit de la concurrence doit aussi être pris en compte par l’administration même lorsqu’elle ne prend pas en charge une activité économique. Les décisions de l’autorité publique ne doivent pas conduire ou permettre à un opérateur de commettre une pratique anticoncurrentielle. Dans ce cas, le juge administratif est compétent pour sanctionner des agissements administratifs relevant de l’action publique: Conseil d’Etat. Société Million et Marais. 3 novembre 1997. En l’espèce était en cause une concession de service public entre une commune et une société de pompe funèbre qui en vertu du contrat bénéficiait de droits exclusifs pour exercer sa mission. Une autre société de pompe funèbre avait engagé une action en responsabilité devant le juge judiciaire et ce dernier était confronté à la question de savoir si le droit exclusif conféré par le contrat était légal ou pas. Ce dernier a posé une question préjudicielle au juge administratif. L’arrêt opère une nouveauté car pour la première fois le Conseil d’Etat apprécie au regard des règles internes de concurrence.

 Le droit de la concurrence peut appeler à contrôler l’objet et la durée du contrat et donc la volonté des parties sera contrôlée en matière de durée et d’objet, à encadrer les actions administratives que l’administration impose dans un appel d’offre des conditions telles qu’elles impliquent une entente entre les opérateurs économiques ou qu’elle privilégie d’emblée un opérateur, à limiter les possibilités de prolongation d’un contrat notamment en matière de conclusion d’avenants au contrat administratif. Cela dit, il est parfois difficile à déceler un lien entre une décision administrative classique et une situation anticoncurrentielle. La théorie de l’abus automatique de position dominante montre cette difficulté.

 

P3- Le renouveau des principes contractuels

 On constate en jurisprudence administrative un retour à des concepts contractuels classiques et donc des règles juridiques voulant donner un sens à l’idée que le contrat est d’abord un accord des parties. La plupart de ces règles sont anciennes, parfois non écrites. Aujourd’hui, elles répondent à une sécurisation des contrats administratifs, notamment le droit positif s’est montré attentif au fait que certaines illégalités paraissent trop dérisoires pour remettre en cause de manière rétroactive l’ensemble des relations contractuelles.  Cette sanction rétroactive est d’autant plus problématique lorsque le contractant dénonce une illégalité plusieurs années après la conclusion du contrat, et donc pour éviter des pratiques marquées par la mauvaise foi, le juge administratif a réactivité un principe de loyauté des relations contractuelles. L’exigence de loyauté telle que dégagée semble analogue au principe de bonne foi. Cela témoigne du rapprochement entre le droit privé et le droit public mais il y a des concours propres à la loyauté en droit public. La loyauté est favorable aux contrats en disant que c’est la loi des parties mais en même temps elle restreint les prétentions d’une partie considérée par le juge comme de mauvaise foi et donc cela permet de limiter le contentieux et de renouveler l’office du juge en matière contractuelle. L’office du juge a été modifié en matière de contentieux de la validité du contrat (Conseil d’Etat. Commune de Bézier I. 28 décembre 2009). Par ailleurs, il y a aussi un renouveau pour le contentieux de l’exécution du contrat car il incombe au juge de faire application du contrat et ce sera qu’en cas grave que l’exécution du contrat pourra être écartée (Conseil d’Etat. Section. Commune de Bézier II. 21 mars 2011).

 PARTIE II  –  LA THÉORIE GÉNÉRALE DU CONTRAT ADMINISTRATIF

 

TITRE I  –  LA NOTION DU CONTRAT ADMINISTRATIF

 CHAPITRE I

LES FRONTIÈRES DU CONTRAT ADMINISTRATIF

 L’un des principaux problèmes du contrat administratif résulte de son identification et on peut distinguer deux ordres de problèmes. D’une part, on a les éléments constitutifs d’un contrat et d’autre part les critères de distinction entre un acte contractuel et un acte unilatéral.

 

Section 1- Les éléments constitutifs d’un contrat

 Le premier intérêt tient du fait que la qualification d’un acte contractuel entraine des effets juridiques car l’acte est soumis à certains principes généraux qui peuvent être propres à tout contrat (force obligatoire du contrat, effet relatif du contrat, responsabilité contractuelle prédominante,) ou qui peuvent être propres au droit administratif (place de l’intérêt général, recours de pleine juridiction).

 En dépit de cet intérêt, la qualification reste difficile car elle suppose une définition claire du contrat en tant que publiciste mais ce n’est pas le cas. La doctrine publiciste s’est peu interrogée sur la notion car le droit des contrats s’est forgé à partir de contrats spécifiques nommés et pendant longtemps les enjeux du régime juridique étaient plus importants que la définition de l’acte.

 

P1- La diversité des approches quant aux éléments constitutifs d’un contrat

 La théorie du contrat administratif a fait l’objet d’une étude approfondie de trois auteurs : Léon Duguit, Gaston Jèze et George Péquignot. Pour l’essentiel, ces doctrines partent de la définition privatiste du contrat du fait de l’enseignement juridique car on dit que c’est un accord de volontés en vue de produire des obligations et des effets. C’est une définition qui met en avant l’essence de tout contrat. Pour le reste, ces auteurs sont différents dans leur approche de ce que serait l’essence d’un contrat.

 Pour Duguit, est contrat quelque soit son environnement mais pour lui le problème principal est d’avoir une définition satisfaisante du contrat. Pour lui, ces éléments constitutifs permettent de définir le contrat comme accord intervenant entre deux personnes ayant pour objet de faire naitre une obligation à la charge de l’une qui devient débitrice au profit de l’autre qui devient créancière. Quant au fond, il n’y a pas de différences entre le contrat privé et le contrat public car le contrat a toujours les mêmes effets selon Duguit. Mais il précise que, certes la notion de contrat est unitaire, mais le régime des contrats connaît une différence de taille. Le régime des contrats administratifs est singulier, cela étant justifié par le service public selon lui. Cette idée de place du service public sera reprit par Jèze qui est fidèle à Duguit.

 Péquignot contraste avec cette vision unitaire de la notion de contrat car selon lui le contrat administratif ne s’interprète pas par ce qui a été objectivement voulu par les parties mais par ce qui a été objectivement nécessité par les réalités du service. Il introduit donc la notion de service public dans le contrat et plus seulement dans le régime. Cf. Revue trimestrielle de droit civil. 1993. Page 239. La notion de contrat administratif, acte unilatéral à contenu contractuel ou contrat civil de l’administration. Sinkondo.

 La présentation de Charles Eismein insiste sur la différence entre l’acte unilatéral et l’acte plurilatéral en disant que le contrat est un espèce du genre d’acte plurilatéral car pour lui, celui-ci créé des normes régissant les rapports mutuels de leurs auteurs alors que les actes unilatéraux ne créés pas de normes destinées à régir les rapports de leurs auteurs mais à régir la situation de leurs auteurs. Pour lui, le contrat est un acte de volonté car tout acte juridique qui a plusieurs auteurs repose par nature sur des volontés mais il peut être un acte unilatéral. Aussi, il estime que le contrat ne réside pas d’avantage dans un acte de volonté qui créé ou supprime des rapports d’obligations et de droit car il en va de quantité d’actes à plusieurs, notamment le décret. Enfin, il dit que les coauteurs d’un contrat créent des normes qui sont faites pour eux mêmes, en même temps qu’ils sont créateurs de normes ils en sont les sujets. C’est le véritable critère selon Eismein.

 

P2- Un accord de volonté

 La notion de volonté est complexe en droit. Elle est certes connue du droit privé puisque par hypothèse les relations entre égaux reposent sur l’autonomie de chaque volonté et la capacité de chaque sujet de droit à s’engager juridiquement. Or, cette conception subjective de la volonté est très controversée en droit public au sens où une personne publique n’a pas de volonté dans ce sens subjectif. Elle exerce une compétence qui est plutôt une objectivité car elle est définie ou de moins dégagée par des critères. Mais, cela n’empêche pas le pouvoir d’appréciation qui n’est pas négligeable. Par ailleurs, les volontés doivent s’accorder et, de ce point de vue, le lien suppose un consentement réciproque qui peut s’exprimer de plusieurs façons.

 Cela a posé des problèmes en jurisprudence. Par exemple, deux syndicats de commune s’associent pour le financement d’un projet commun et la garantie des emprunts. Deux délibérations avaient des buts différents et donc on s’est demandé dans quelle mesure il y avait contrat. Le juge administratif y a décelé un contrat en raison d’un accord de volonté eu égard à la volonté exprimée par les deux communes de se lier par des obligations réciproques : Conseil d’Etat. 20 mars 1990. Commune de Saint-Céré. Autre exemple, a été mise en cause la modification d’un ancien contrat par deux délibérations distinctes mais le juge a estimé que ces deux délibérations échangées entre les deux parties et agréés réciproquement doivent être regardés comme définissant leurs nouvelles obligations contractuelles : Conseil d’Etat. 5 octobre 2005. Commune de Maurepas.

 Cela pose la question de savoir si la personne morale peut conclure un contrat avec elle même. Le principe est l’unité de la personne morale et donc le juge sanctionne un contrat passé entre l’Etat et par exemple une poudrerie nationale dès lors que cette poudrerie n’a pas de personnalité distincte de l’Etat : avis de 1958. Cependant, la loi peut en disposer autrement, notamment pour les contrats entre l’Etat et une Autorité administrative indépendante. Parfois, on a une personne morale distincte mais dans le fonctionnement réel il n’y a pas d’autonomie et donc il s’agit d’une fiction car il s’agit d’une seule personne morale. Pour les associations transparentes, il y a un exemple en 2007 à propos d’un contrat entre une association et une entreprise privée conférant à cette dernière une mission de contrôle et de sécurité pour la patrimoine d’une commune. Le problème était celui de la qualification du contrat car l’association était liée à la commune. Le juge a donné une définition de l’association transparente : « lorsqu’une personne privée est crée à l’initiative d’une personne publique qui en contrôle l’organisation et le fonctionnement et qui lui procure l’essentiel de ses ressources, cette personne privée doit être regardée comme transparente et les contrats qu’elle conclue pour l’exécution de la mission de service public qui lui est confié sont des contrats administratifs». Chambre criminelle. 7 novembre 2012 : la Cour de cassation s’est déclarée compétente pour qualifier une personne transparente et en déterminer les conséquences pénales. N’est pas transparente une association crée à l’initiative de plusieurs collectivités territoriales qui rassemble plus de 300 personnes publiques qui lui procurent ensemble l’essentiel de ses ressources par leur cotisations destinées à couvrir ses dépenses de fonctionnement mais en l’espèce aucun membre de l’association qui regroupe également des personnes privées n’en contrôle ou conjointement avec d’autres personnes publiques l’organisation et le fonctionnement de l’association ni le lui procure l’essentiel de ses ressources : Tribunal des conflits. 2 avril 2012. Société Atexo.

 

P3- Un accord de volonté qui engendre des effets de droit entre les parties

 Le contrat est censé engendrer des effets juridiques caractérisés par un effet relatif. Cela doit permettre d’engager les comportements de type moral extra contractuel ou para contractuel, les protocoles d’accord, les engagements intra contractuels dans le sens où certaines stipulations d’un contrat peuvent pour le juge n’avoir aucune portée juridique. Le respect de ces clauses sera tributaire de la seule volonté des parties dans ce cas. Le renouveau des principes contractuels pourrait donner une nouvelle vigueur à ce genre de stipulations. On a eu notamment des interrogations sur les contrats cadres ou sur les anciens contrats de plan (contrats de projet Etat-région).

 Le problème est que le juge a rarement statué sur la difficulté juridique elle même. Souvent, il a été saisi par des tiers à ce contrat et il a tranché le litige par la notion d’intérêt à agir du tiers pour contester le contrat. Dans le cas inverse, il n’a pas toujours suivi la même jurisprudence. Par exemple, le juge administratif a considéré que d’après la loi du 29 juillet 1982 instaurant les contrats de plan, ces actes sont bien des contrats et la méconnaissance des stipulations de ce contrat est susceptible d’engager la responsabilité d’une partie vis-à-vis de ce cocontractant : Conseil d’Etat. Ass. 8 janvier 1988. Synchroton. Moins de 10 ans plus tard, le Conseil d’Etat affirme qu’il ressort de la loi qu’un contrat de plan Etat-région n’emporte par lui même aucune conséquence directe quant à la réalisation des actions qu’il prévoit : Conseil d’Etat. 25 octobre 1996. Association Estuaire écologie. Aussi, concernant un contrat de plan entre la Poste et l’Etat, le juge estime que ce dernier a une portée purement contractuelle et les tiers peuvent poursuivre l’annulation des contrats qui en sont détachables, au nombre desquels la décision de le signer mais le juge précise d’emblée que la recevabilité d’un tel recours est toutefois subordonné à la condition que les stipulations du contrat de plan mis en cause soient de nature à laisse le requérant dans ses intérêts de façon directe et certaine : Conseil d’Etat. Section. 19 novembre 1999. Fédération Syndicale Force Ouvrière des Postes et des Télécommunications. En résumé, il semble que la jurisprudence soit sensible à la texture des actes juridiques en cause. Si l’acte dans sa rédaction même laisse penser que de véritables engagements ont été pris, il sera considéré comme étant un véritable contrat. Si le contenu de l’acte est considéré par le juge comme trop vague, il n’y aura pas contrat. Dernier élément d’ambiguïté, un contrat programmatique suppose par définition la conclusion ultérieure de contrats pour mettre en œuvre le programme en question et le juge administratif est sensible à cette question car les contrats mettant en œuvre le programme n’existent que parce qu’existe le contrat de programme et donc dans cette hypothèse, le juge fait une différence entre le contrat initial et le contrat de mise en œuvre, notamment pour le projet d’agglomération qui donne lieu à des contrats d’agglomérations pour la mise en œuvre. Si le projet d’agglomération qui ne fixe que des orientations et prévoit leur concrétisation par des conventions ultérieures constitue une simple déclaration sans portée juridique, en revanche, les contrats particuliers que constituent les contrats d’agglomérations conclus pour la mise en œuvre du projet présentent le caractère de contrat susceptible de mettre en jeu la responsabilité contractuelle des contractants : CAA de Bordeaux. 16 juillet 2013.

 Concernant les effets de droit entre les parties, l’effet relatif du contrat est particulier en droit administratif car celui ci a longtemps été réticent à l’idée de subjectivité. Duguit identifie trois types d’actes : acte-subjectif qui créé une situation juridique individuelle et subjective du type relation créditeur-créancier ; acte-règle crée des situations juridique générales et impersonnelles ; acte-condition qui attribue individuellement à un sujet de droit le bénéfice d’une situation générale et impersonnelle. Pour Duguit, seul l’acte-subjectif pouvait être contrat, chose logique au regard de sa définition du contrat. Or, le droit positif démontre le contraire car on pout avoir l’adoption d’actes-règles comme les conventions collectives singées par les syndicats, employeurs et administration mais aussi des actes-condition comme les contrats d’agents publics : Conseil d’Etat. Section. 30 octobre 1998. Ville de Lisieux : les contrats par lesquels les agents publics non titulaires sont recrutés sont au nombre des actes dont l’annulation peut être demandée au juge administratif par un tiers y ayant un intérêt suffisant.

 

Section 2- La distinction du contrat et de l’acte unilatéral

 Il y a des situations dans lesquelles la frontière entre le contrat et l’acte unilatéral est floue pour une série des raisons. La qualification d’un acte peut ne pas correspondre à la réalité juridique de cet acte, en particulier lorsque la qualification est faite pas les parties. Dans cette hypothèse, le juge annule l’acte ou, si possible, le requalifie. Le problème est particulier lorsque le législateur qualifie lui même un acte comme étant contractuel et qui peut opérer cette distinction sans qu’elle corresponde à la réalité de l’acte. Dans ce cas, le juge ne peut requalifier, sous réserve d’une inconventionalité ou d’une inconstitutionnalité de la loi, mais il peut ne pas tirer toutes les conséquences de la qualification législative, notamment de l’effet relatif du contrat. Le fait sur est que la distinction entre contrat et acte unilatéral est parfois faite par le droit applicable. Certaines modalités de gestion de service public imposent un contrat : Conseil d’Etat. Section. 6 avril 2007. Commune de Provence.

 

P1- L’acte unilatéral négocié

 La solution a été très claire : ce n’est pas parce que l’acte fait l’objet d’une négociation qu’il perd sa qualité d’acte unilatéral. Le juge n’hésite pas à requalifier un contrat en d’accord négocié lorsque son enveloppe contractuelle masque en réalité un aspect réglementaire. Le juge a pu requalifier un acte de politique contractuelle qui intervenait dans un domaine réservé au pouvoir de réglementation unilatéral. Cet acte avait peut être été pris en accord avec les organismes professionnels concernés mais cet acte relatif à la police des prix n’en est pas moins un acte exclusivement unilatéral : Conseil d’Etat. Section. 22 mars 1976. Syndicat national du commerce en gros pour les équipements de véhicules.

 

P2- La convention ayant des effets réglementaires…

                A- …Par une approbation

 C’est l’hypothèse où une convention fait ensuite l’objet d’une approbation par acte réglementaire. C’est le cas des conventions médicales qui résultant d’un processus de concertation entre les pouvoirs publics et les ordres professionnels qui peut déboucher sur des conventions tarifaires qui sont des contrats administratifs mais ils n’ont pas d’effet pour les tiers, temps qu’ils ne sont pas approuvés par un arrêté ministériel. Le Conseil d’Etat a eu l’occasion de préciser les effets de cette approbation par acte réglementaire. Le juge s’appuie sur la convention nationale approuvée par arrêté ministériel car selon lui du fait de d’intervention de l’arrêté interministériel, les dispositions de la convention produisent des effets juridiques s’attachant à un acte réglementaire : Conseil d’Etat. Section. 18 février 1977. Hervouet.

 L’intérêt de cette mutation est que les tiers à la convention peuvent en contester le contenu par un REP contre l’acte d’approbation en s’appuyant sur les dispositions contractuelles.

 

                B- … En raison de son objet

 C’est l’hypothèse d’un acte portant sur l’organisation du service public car cette matière est nécessairement d’ordre réglementaire. Dans ce cas, les stipulations dont l’objet est l’organisation du service public sont requalifiées par le juge en disant que ces stipulations ont un caractère réglementaire (ex : Conseil d’Etat. Section. 18 mars 1977. Chambre de commerce de la Rochelle).

 

  P3- Le contrat à clause mixte

 Les contrats à effet totalement réglementaire ne sont pas fréquents mais il arrive que des contrats soient mixtes et donc ils ont à la fois des stipulations contractuelles et des dispositions unilatérales. L’un des principaux enjeux est le contentieux. Le cas le plus typique du contrat mixte est celui relatif au service public. La nature contractuelle ne fait pas de doute car l’autorité administrative s’engage dans une relation contractuelle avec un tiers mais il y a toujours aussi des dispositions rédigées unilatéralement par l’administration et relatives à l’organisation des services publics, c’est souvent ce qu’on appelle le règlement du service public prenant la forme de cahier des charges.

 Ces clauses sont considérées comme étant un double nature : elles sont contractuelles pour le contractant car il devra les respecter mais elles sont aussi de nature règlementaire pour les tiers qui pourront s’en prévaloir. Cette jurisprudence a été relative longue et ancienne. Dans un premier temps, le Conseil d’Etat a admit le REP d’un tiers pour un acte détachable du contrat (Conseil d’Etat. Martin. 4 août 1905 : contre la décision de conclure un contrat en l’espèce). Dans un deuxième temps, il a admit le REP contre une décision d’exécution d’un contrat en raison du caractère détachable de cet acte (Conseil d’Etat. 21 décembre 1906. Croix de Seguey-Tivoli). Cette jurisprudence concerne tous les actes administratifs détachables d’un contrat qu’ils précèdent la passation du contrat ou qui concernent son exécution. En revanche, le recours contre un acte détachable et préalable au contrat n’est plus possible pour le concurrent évincé car le Conseil d’Etat a ouvert le recours de plein contentieux contre le contrat lui-même pour ce concurrent évincé : Conseil d’Etat. 16 juillet 2007. Société Tropic Travaux Signalisation.

 Un des enjeux sur la recevabilité des recours contre les actes détachables est le fait que l’annulation de l’acte détachable n’entraine pas de conséquences sur le contrat. Désormais, depuis les années 1990, le Conseil d’Etat a assouplit sa jurisprudence dans un souci de réalisme en reconnaissant que l’annulation d’un acte détachable n’est pas toujours platonique et doit donc entrainer des conséquences sur le contrat lui même. Cela a même tendance à devenir le principe. Le Conseil d’Etat a posé la dernière pierre de l’édifice en acceptant le REP contre les actes réglementaires d’un contrat dans la mesure où ils s’imposent aux tiers : Conseil d’Etat. Ass. 10 juillet 1996. Cayzeele. C’est donc la première incursion directe dans le contrat.

 

CHAPITRE II  –  LES CRITÈRES DU CONTRAT ADMINISTRATIF

 A supposer que l’acte soit un contrat, il faut déterminer si c’est un contrat de droit privé ou un contrat de droit public. Il faut distinguer selon que les critères sont posés par les textes ou que les critères sont posés par le juge.

 

Section 1- Les qualifications textuelles

 Elles peuvent résulter de deux opérations : une qualification directe (désigné comme contrat administratif) ou une qualification indirecte (par la compétence). La qualification indirecte n’est pas la plus convaincante concernant les principes car elle peut conduire le juge administratif à devoir concilier les spécificités du contrat administratif avec des règles de droit privé, du fait de l’intervention législative. C’est le cas des marchés d’assurances passés par une personne publique qui avant la loi MURCEF étaient des contrats de droit privé mais cette loi, tout en qualifiant ces contrats comme soumis à la jurisprudence administrative, a laissé ces contrats remplis de droit privé.

 Une autre question est celle de l’étendue de la compétence du législateur. Sur le plan constitutionnel, rien n’empêche que les actes administratifs contractuels sont soumis au juge administratif. Il s’agit de la décision Conseil constitutionnel. 23 janvier 1987. Conseil de la concurrence : il existe un PFRLR selon lequel est reconnu au juge administratif, par nature et sous réserve des compétences du juge judiciaire, la compétence de la réformation et de l’annulation des décisions prises dans l’exercice des prérogatives de puissance publique par les autorités chargées de l‘exécutif. D’après la doctrine majoritaire, cette réserve de compétence ne vise pas le contentieux du contrat et donc par exemple le législateur peut unifier un contentieux a profit du juge judiciaire. Le Conseil constitutionnel n’a jamais trouvé à redire sur les qualifications législatives et donc le législateur a un pouvoir discrétionnaire.

 

P1- Les contrats portant sur l’exécution de travaux publics

 La loi du 28 Pluviôse an VIII avait qualifié de contrats administratifs les marchés de travaux publics en disant que le conseil de préfecture prononcera sur les difficultés pouvant s’élever entre les entrepreneurs de travaux publics et l’Etat. La pratique considérait que la notion de marché concernait tous les contrats de travaux publics. L’ordonnance du 21 avril 2006 créant le CGPPP l’a abrogé. Cela ne change rien car la solution est la même, la jurisprudence ayant reprit la qualification de contrat administratif. De ce point de vue, l’ordonnance ne dit rien et c’est la jurisprudence qui pose la règle.

 Le travail public est un travail immobilier qui est exécuté » 1. Pour le compte d’une personne publique dans un but d’intérêt général (Conseil d’Etat. 10 juin 1951. Commune de Monségur) ou 2. Par une personne publique pour le compte d’une personne privée dans le cadre d’une mission de service public (Tribunal des conflits. 28 mars 1955. Effimieff). Les travaux publics sont les travaux immobiliers répondant à une fin d’intérêt général et qui comporte l’intervention d’une personne publique soit en tant que collectivité réalisant les travaux doit comme bénéficiaire de ces derniers, selon la Cour de cassation.

 La qualification administrative du contrat est largement entendue car il s’agit de tous les contrats entre l’administration et un entrepreneur à partir du moment où il y a un lien avec un travail public, même en cas de lien maigre, notamment concernant les contrats financiers ou les contrats engageant l’architecte. Pour les contrats passés entre deux personnes privées, il faut que ces contrats répondent aux critères jurisprudentiels, essentiellement celui du mandat.

               

P2- Les concessions de travaux publics

 C’est l’ordonnance du 15 juillet 2009 les qualifiant comme contrat administratif et donc elle crée une nouvelle catégorie de contrats administratifs qui n’existait pas auparavant. Quant à la définition, l’ordonnance reprend de manière fidèle la notion issue du droit de l’Union européenne en faisant sienne la notion de pouvoir adjudicateur et d’organise public qui est indifférente au critère organique et à la notion française de travail public. Elles sont définies comme des contrats administratifs dont l’objet est de faire réaliser tout travaux de bâtiments ou de génie civil par un concessionnaire dont la rémunération consiste soit dans le droit d’exploiter l’ouvrage soit dans ce droit assorti d’un prix. De ce point de vue, l’ordonnance vise toutes les concessions de travaux, publics ou privés au sens du droit français.

 Les concessions de travaux publics ne doivent pas être confondues avec les concessions de service public. Dans la concession de service public, le concessionnaire doit assurer le bon fonctionnement du service public en en assurant les charges ou les risques. Dans la concession de travaux publics, le concessionnaire est chargé de construire à ses frais les ouvrages nécessaires au fonctionnement du service afin dans un deuxième temps de gérer ce service, cette gestion devant lui permettre d’amortir les dépenses par une rémunération sur les bénéfices de l’exploitation de l’ouvrage.

 P3- Les contrats relatifs au domaine public

 Cela est issu du CGPPP et sont soumis à la juridiction tous les contrats portant sur l’occupation du domaine public, quelque soit leur forme ou leur dénomination, conclu par les personnes publiques ou leurs concessionnaires (L. 2331-1 du CGPPP). Le même article vise les BEA. Il y a eu une question sur la notion de concessionnaire : concessionnaire domaniale ou concessionnaire de service public ? Cela a posé problème pour les contrats de sous occupation du domaine public. Une définition restrictive de la notion du concessionnaire a été retenue en ne visant que le concessionnaire de service public : Tribunal des conflits. 14 mai 2012. Mme Gilles. Si une des deux personnes privées du contrat de sous occupation du domaine public n’est pas délégataire d’un service public, ce sera un contrat de droit privé selon cette jurisprudence.

 P4- Les marchés publics

 La loi MURCEF du 11 décembre 2001 qualifie tous les contrats passés en application du code des marchés publics comme étant des contrats administratifs. La loi précise simplement à l’article 2 que le juge judiciaire reste compétent pour connaitre des litiges qui relevaient de sa compétence et qui ont été porté devant lui avait l’entrée en vigueur de la loi nouvelle. L’ordonnance du 6 juin 2005 relative à d’autres marchés, ceux passés par certaines personnes publiques ou privées nous soumises au code des marchés publics, impose à ces personnes les mêmes règles que la loi de 2001 mais la nature du contrat n’est pas spécifiée et donc il faudra appliquer les critères jurisprudentiels.

 P5- Les contrats de partenariat public-privé

 C’est l’ordonnance du 17 juin 2004 qui les qualifie de contrats administratifs selon l’article 1er.

 

Section 2- La méthode jurisprudentielle

 Elle vaut en l’absence de textes s’imposant au juge administratif ou au Tribunal des conflits qui devront donc qualifier l’acte contractuel en cause car de cette qualification dépend la compétence juridictionnelle pour connaitre des litiges. Les règles de répartition des compétences sont des règles d’ordre public et donc la liberté des contractants est relative : Conseil d’Etat. 19 juin 1918. Société des voiliers français. Les choix éventuel des parties de qualifier elle même le contrat ou de définir la compétence d’un juge n’aura au mieux qu’un caractère confirmatif de la qualification retenue par le juge.

 Pour qualifier un acte contractuel d’acte administratif, la jurisprudence s’aide du faisceau d’indices et s’appuie de manière générale sur deux critères : le critère organique et le critère matériel.

 

P1- Le critère organique

 Contrairement au droit administratif français, le droit de l’UE ne tient guerre compte du critère organique en matière de qualification des contrats. Un contrat entre deux personnes privées sera plus facilement soumis aux règles spécifiquement applicables au pouvoir adjudicateur qu’en droit français car la notion de pouvoir adjudicateur est spécifique au droit de l’UE et plus large qu’en droit français.

 Pour avoir un organisme de droit public au sens de l’UE il y a trois conditions : 1. Organisme créé pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général autres qu’industriels et commerciaux ; 2. Organisme doté de la personnalité juridique ; 3. Organisme dont soit l’activité est financée majoritairement par l’Etat, les collectivités territoriales ou d’autres organismes de droit public soit la gestion est soumise à un contrôle de ces derniers soit l’organe d’administration, de direction ou de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié sont désignés par ces personnes. Cette notion est une manière d’identifier une personne juridique sous l’influence des pouvoirs publics. Dans ce cas, le risque est que cette personne ne respecte pas la logique économique et fasse passer avant d’autres intérêts, notamment au détriment du principe d’égalité. C’est donc une simple logique de suspicion.

 

                A- Le principe : la présence effective d’une personne publique au contrat

 Cette exigence est la résultante d’une conception organique du droit public lui-même car il est lié aux personnes le mettant en œuvre. Cet critère organique joue un rôle prédominant car il conduit le juge à poser une double présomptions :

  1. Les contrats qui associent deux personnes publiques sont présumés administratifs : Tribunal des conflits. 21 mars 1983. Union des assurances de Paris, sauf si le contrat ne fait naitre que des rapports de droit privé. La jurisprudence est parfois extensive car à partir du moment où le contrat contient une clause exorbitante, il est considéré comme administratif alors que par le seul objet il est un contrat de droit privé : Tribunal des conflits. 15 novembre 1999. Commune de Bourisp : « si la cession par une commune de biens immobiliers faisant partir de son domaine privé est en principe un contrat de droit privé, l’existence dans la convention de clauses exorbitantes du droit commun lui confère le caractère administratif ».
  2. Inversement, les contrat associant deux personnes privées sont présumés de droit privé : Conseil d’Etat. 13 décembre 1963. Syndicat des praticiens de l’art dentaire du département du Nord. Dans certaines décisions, le critère organique n’étant pas remplie, le juge a pu faire référence au critère de l’objet du contrat : Tribunal des conflits. Société Interlet. 3 mars 1969 : un SA, bien que chargée d’une mission de service public, se livre librement à des opérations commerciales et en conséquence les litiges relatifs à cette activité de commerce sont de la compétence du juge judiciaire. Le juge souhaite restreindre les cas dans lesquels un contrat entre deux personnes privées sera administratif et donc de la compétence du juge administratif. En matière de qualification d’acte administratif unilatéraux, il est assez facilement admit qu’une personne privée puisse en faire, et donc le critère organique est souple. Or, en matière de contrat, le critère organique est plus fort.

 

                B- Les exceptions : la présence suffisante d’une personne publique au contrat

 Les hypothèses de qualification d’un contrat administratif en présence de deux personnes privées ne sont pas nombreuses et reposent sur des décisions du Tribunal des conflits et du Conseil d’Etat dont la doctrine n’a jamais réussi à synthétiser la logique.

 Un cas est clair : celui de la transparence et donc il s’agit d’une personne publique derrière qui fait que cette personne transparente n’a pas d’indépendance et est un démembrement de la personne publique. C’est souvent le cas d’une association contrôlée par une personne publique, souvent une municipalité. : Conseil d’Etat. Boulogne Billancourt. 21 mars 2007 (définition de la personne transparente).

 On peut distinguer trois séries de décisions à côté de l’hypothèse de transparence : 1. Hypothèse d’une représentation juridique d’une personne publique (mandat) ; 2. Hypothèse floue du mandat administratif ; 3. Décisions plus spécifiques.

 

                1- La représentation juridique d’une personne publique

 Dans ce cas, une personne privée agit au nom et pour le compte d’une personne publique et de ce fait cette personne privée ne peut pas être analysée comme une simple personne privée. On applique la théorie de la représentation juridique prévue en droit privé par le biais du mandat : article 1984 du code civil. Cette représentation juridique conclut à ce que les contrats passés par le mandataire engagent directement le mandant.

 Par exemple, l’article 3 de la loi sur la maitrise des ouvrages publics institue le mécanisme de l’ouvrage délégué et fait donc référence à la théorie du mandat : le maitre de l’ouvrage peut confier à un mandataire dans les conditions définies par la convention, mentionnée à l’article 5 de la loi, l’exercice en son nom et pour son compte de certaines attributions de la maitrise d’ouvrage. Dans cette hypothèse, le mandataire sera tenu envers le maitre d’ouvrage de la bonne exécution des attributions dont il a été personnellement chargé par celui ci. Les contrats conclus par la personne privée mandataire sont régis par le droit applicable au mandant.

 

                2- Le mandat administratif

 Au delà des textes et du mandat explicite ou express, la jurisprudence s’est fondée sur des mécanismes de représentations informels et souples et donc incertains. De manière générale, la jurisprudence estime qu’un contrat entre deux personnes privées est administratif lorsqu’une personne privée est sous influence publique et donc lorsqu’elle agit pour le compte d’une personne publique. Ce n’est donc pas une représentation juridique. On a appelé ce mécanisme de mandat sans représentation ou encore de mandat administratif. Malheureusement, on ne peut pas dire dans quel cas un contrat entre deux personnes privées sera un contrat administratif car le mandat administration est une nébuleuse dans le sens où on ne peut pas généraliser les jurisprudences pour en dégager un critère pertinent. La méthode du juge est le faisceau d’indices avec du cas par cas.

 Pour un contrat entre deux personnes privées ayant pour objet exclusif la construction de voies publiques, sachant que les voies et ouvrages construits  seraient remis à la collectivité publique dès leur achèvement et au plus tard à la réception définitive de chaque ouvrage, le juge administratif y a dégagé un mandat administratif : Conseil d’Etat. Section. 30 mai 1975. Société d’équipement de la société montpelliéraine. Un contrat entre deux personnes privées est administratif car l’un des cocontractants agissait pour le compte de la commune dans le cadre d’un contrat d’assainissement et de distribution d’eau potable en s’appuyant sur le cahier des charges disant que ces ouvrages seraient remis à la commune et sur l’existence de subventions pour le concédant : Tribunal des conflits. Commune d’Agde. 7 juillet 1975. Le litige nait de l’exécution d’un travail public et opposant des participants à l’exécution de ces travaux relève de la compétence de la juridiction administrative sauf si les parties sont unies par un contrat de droit privé si une des personnes agit pour le compte d’une personne publique : Tribunal des conflits. 9 juillet 2012. Compagnie des eaux et de l’ozone.

 Pour les indices, on peut citer d’abord la remise des ouvrages construits par la personne privée à la personne publique dès l’achèvement des travaux. Si ce n’est pas le cas, cela est défavorable à la qualification de mandat administratif et donc de contrat administratif. Cela est lié à la notion de maitrise des ouvrages publics. Si un contrat comporte la réalisation d’ouvrages pour lesquels la personne publique n’assure pas la direction technique des travaux ni ne bénéfice d’une remise des ouvrages à l’achèvement, il n’y a pas de maitrise d’ouvrage proprement dite et donc on ne peut pas dire que c’est un contrat conclu pour le compte d’une personne publique.

 Deuxième indice, il y a les liens institutionnels et fonctionnels entre la personne publique et la personne privée. Avec cet indice, le Tribunal des conflits a reconnu la compétence du juge administratif pour un contrat portant construction d’une centrale nucléaire au regard des liens forts entre l’Etat et EDF à l’époque : Tribunal des conflits. 10 mai 1993. Société Wanner Isofi Installation.

 Parfois, ces différents indices sont cumulés. Dans une affaire relative à la construction du Synchrotron, le Conseil d’Etat a refusé de déceler la présence d’un mandat administratif et donc de qualifier le droit privé le contrat passé entre deux personnes privées. Il y avait des capitaux publics mais minoritaires, le personne était soumise à un statut de droit privé et l’ouvrage réalisé destiné à être démantelé en fin d’exploitation n’était pas remis à la collectivité publique : Conseil d’Etat. 17 décembre 1999. Société Ansaldo Industria.

 Le juge administratif a estimé qu’un contrat conclu entre deux personnes privées dont l’une des deux était ADP relatif à une mission de sûreté aéroportuaire était administratif car c’est pour le compte de la personne publique et en matière de police administrative la volonté du juge est de qualifier le contrat de contrat administratif : Conseil d’Etat. 3 juin 2009. Société ADP.

 

                3- Les cas particuliers

                a- Les concessions d’aménagement

 De manière générale, il y avait un cas particulier pour les contrats qui ont un objet composite et la solution est la solution contraire aux concessions d’aménagement. Il y a une partie travaux et une partie exploitation des ouvrages et seulement une partie des ouvrages revient à la personne publique. Le problème par rapport à l’indice sur la remise des ouvrages était présent. Le juge a adopté un raisonnement global en la matière. Dès lors que le contrat comporte à la fois des travaux privés réalisés pour la personne privée et des travaux publics remis à la personne publique dès leur achèvement, le contrat est administratif dans son ensemble : Conseil d’Etat. 12 mars 1988. Société civile des néo-Polders.

 Le problème est qu’on a une jurisprudence spécifique en matière de concessions d’aménagement : le raisonnement est de même type mais favorable à qualification de droit privé. Le juge estime qu’il n’y a pas de mandat donné à la personne privée d’agir au nom de la personne publique lorsque l’objet du contrat ne se réduit pas à la réalisation pour le compte de la collectivité publique d’ouvrages destinés à li être remis dès leur achèvement ou leur réception : Conseil d’Etat. 11 mars 2011. Communauté d’agglomération du Grand Toulouse. Cela veut dire que les marchés passés par les concessionnaires privés d’aménagement sont toujours de droit privé et donc on écarte l’application du code des marchés publics. La loi du 20 juillet 2005 sur les concessions d’aménagement dispose que le concessionnaire d’aménagement assure la maitrise d’ouvrage des travaux et équipements concourant à l’opération prévue dans la concession d’ménagement, ce qui veut dire que le mandat est exclu pour les concessions postérieures à la loi.

 

                b- La sous occupation du domaine public

 En vertu de l’article L. 2331-1 du CGPPP, les contrats d’occupation du domaine public sont des contrats administratifs. Cela a posé le problème de la sous occupation du domaine public.  On veut étendre au juge administratif du fait que le régime du domaine public s’applique au sous occupant et donc cela teinte le contrat de sous occupation d’une couleur publique. Le partage des compétences serait complexe. La jurisprudence actuelle considère que pour que le contrat soit administratif deux conditions sont nécessaires : 1. Occupation du domaine public et 2. Délégation de service public ou éventuellement un mandat au sens large : Conseil d’Etat. 14 mai 2012. Mme Gilles. Inversement, Tribunal des conflits. 29 décembre 2013. EURL Aquagol : dès lors que le bénéficiaire initial est délégataire de service public, le contrat de sous occupation du domaine public est administratif. Cette jurisprudence est critiquée et discutée car elle sur interprète le code.

 

                c- Les travaux par nature administratifs

 C’est le premier exemple cité pour le caractère relatif du critère organique. C’est un contrat administratif par son objet : Tribunal des conflits. Peyrot. 8 juillet 1963. En l’espèce, le Tribunal des conflits déroge au critère organique pour dire que l’objet concerne un intérêt général et que par nature cela appartient à l’Etat. Pour les travaux de constructions, c’est donc un contrat administratif car la construction de route nationale a un caractère de travaux publics appartenant par nature à l’Etat. Les marchés passés par le maitre de l’ouvrage pour l’exécution sont soumis au droit public. Il doit en être de même pour les marchés passés par le maitre de l’ouvrage pour la construction d’autoroutes sans qu’il y ait besoin de distinguer selon que la construction est assurée par l’Etat ou à titre exceptionnel par le concessionnaire agissant en pareil cas pour le compte de l’Etat. Elle n’a pas été étendue pour les infrastructures ferroviaires : Tribunal des conflits. 17 janvier. 1972. SNCF c/ Entreprise Solon et Barrault.

                C- Les contrats constituant l’accessoire d’un contrat de droit public

 Le Tribunal des conflit a récemment rendu une décision affirmant que les contrats conclu entre personnes privées sont en principe de droit privé, hormis le cas où l’une des deux agit pour le compte d’une personne publique ou dans le cas où il constitue l’accessoire d’un contrat de droit public : Tribunal des conflits. 8 juillet 2013. Société d’exploitation des énergies photovoltaïques.

 

P2- Le critère matériel

 Il s’agit de s’intéresser à la substance du contrat et on distingue : 1. Objet de service public et 2. Respect d’une exorbitance.

 

                A- Un objet de service public

                1- L’exigence d’un lien suffisant avec le service public

 Le contrat doit présenter un lien suffisamment étroit avec le service public : Conseil d’Etat. Thérond. 4 mars 1910. Très vite, la jurisprudence a voulu limiter l’expansionnisme du critère du service public qui est l’objet de Conseil d’Etat. Société des granits porphyroïdes des Vosges. 31 juillet 1912. Le critère sur les services publics a resurgit dans les années 1950. D’abord, il s’agissait du contrat portant sur la délégation de l’exécution d’un service public : Conseil d’Etat. Epoux Bertin. 20 avril 1956. Aussi, il y a l’hypothèse Conseil d’Etat. Grimouard. 20 avril 1956 avec le contrat qui est l’une des modalités du service public.

 Le cas du contrat entre un service public administratif et un agent public contractuel a posé des problèmes particuliers. La question est de savoir si le tiers se voit confier l’exécution du service public ou une modalité. Dans un premier temps, on a réservé cela aux missions les plus directement en lien avec l’exécution du service pour la qualification administrative du contrat : Conseil d’Etat. Section. 4 juin 1954. Affortit et Vingtain. Désormais, tous les contrats des agents  statutaires pour un service public administratif dont des contrats administratifs sans faire de différence entre la participation directe et ce qui n’en relève pas : Tribunal des conflits. Bercani. 25 mars 1996. Cette règle ne vaut que dans le cas où le législateur n’a pas décidé le contraire. La jurisprudence demeure complexe. Elle s’appuyait à l’origine sur la participation au service public même et la participation aux moyens du service public. Un contrat conclut pour la satisfaction des besoins du service n’est pas administratif car le lien avec le service n’est pas suffisant. Par exemple, un contrat de location de téléviseurs à des patients dans un hôpital n’est conclut que pour les besoins du service public et ce n’est pas un contrat administratif : Tribunal des conflits. SA Codiam. 21 mai 2007.

                 2- Le cas particuliers des SPIC

                a- Les relations entre le SPIC et les usagers

 Les contrats conclus entre un SPIC et ses usagers sont nécessairement des contrats de droit privé. On a un bloc de compétence au profit du juge judiciaire qui prend appui sur la nature des relations entre le SPIC et les usagers : Conseil d’Etat. Section. Companon-Rey. 13 octobre 1961. La présence de clauses exorbitantes de droit commun  n’a aucune conséquence sur cela : Tribunal des conflits. Dame Bertrand. 17 décembre 1962. Cela vaut pour les usagers seulement, et donc pas pour les fournisseurs notamment.

                 b- Les relations entre le SPIC et les agents

 Ce sont des contrats de droit privé également sauf exceptions : chef du service et chef de comptabilité s’il a la qualité de comptable public. : Conseil d’Etat. 26 janvier 1923. De Robert Lafreygère et Conseil d’Etat. 8 mars 1957. Jalenques de Labeau.

 

                B- L’exorbitance

                1- Les clauses exorbitantes du droit commun

 Cela vient de Conseil d’Etat. 31 juillet 1912. Société des granits porphyroïdes des Vosges. Le Conseil d’Etat dit qu’un contrat exclusif de tout travaux à exécuter par la société et ayant pour objet unique des fournitures à libres selon les règles et conditions des contrats intervenant entre particuliers est un contrat de droit privé.

 Le problème est la définition de la clause exorbitante de droit commun. Selon Vedel, c’est une déclinaison de critère du service public car pour lui une telle clause impose la présence d’un service public car un contrat entre deux particuliers ne peut porter sur un service public. Cette assimilation n’a jamais été confirmée.

 Cette clause ne résulte pas nécessairement de la volonté des parties et donc elles peuvent résulter du cadre réglementaire ou législatif. La notion n’a pas fait l’objet d’une définition claire. Dans les conclusions de Léon Blum, il s’agissait de déterminer la nature même du contrat afin que soit qualifié d’administration le contrat qui soit par sa nature propre et lui même de ceux qu’une personne publique seule peut passer. On a une définition jurisprudentielle : Conseil d’Etat. Section. 20 octobre 1950. Stein (confirmé par Tribunal des conflits. 15 novembre 1999. Bourisp): est exorbitante une clause ayant pour objet de conférer aux parties des droits ou de mettre à leur charge des obligations étrangères par leur nature à ceux susceptibles d’être librement consentis par quiconque dans le cadre des lois civiles et commerciales. Il n’est pas certain que la définition soit encore la bonne.

 La doctrine a présenté la clause exorbitante comme celle étant soit impossible au sens illicite en droit privé soit celle étant inhabituelle au sens d’une certaine inégalité. Cela n’explique pas grand chose car un contrat de droit privé peut contenir des clauses inégalitaires. C’est une difficulté qui est renforcée aujourd’hui et donc on a peu de jurisprudence. Il y a aussi un rapprochement de la substance entre droit privé et droit public. La clause exorbitante est censée relever quelque chose de particulier du droit public mais la convergence entre les deux droits fragilise la notion d’exorbitance. Le critère de définition se trouverait peut être dans la finalité de la clause qui dans ce cas ne peut pas être la même qu’en droit privé.

 Au delà ce ces difficultés, on a un esquisse assez satisfaisante du commissaire du gouvernement Rémi Schwaitz concernant TC. 14 février 2000 où il distingue trois types de clauses exorbitantes du droit commun :

  • les clauses qui traduisent une prérogative de puissance publique au sens propre du terme, notamment au sens du droit fiscal (ex : exonération fiscale) ou des prérogatives d’action d’office au bénéfice de l’administration (possibilité pour l’administration de délivrer un titre exécutoire)
  • les clauses qui autorisent une résiliation unilatérale du contrat hors de tout manquement contractuel
  • les clauses qui instituent un contrôle du cocontractant mais ce contrôle ne semble jamais suffisant par lui même selon la jurisprudence

 Il y a un bel exemple de difficulté de définition concernant le cas du contrôle : Tribunal des conflits. 15 mars 2010. Dumontet : le Tribunal des conflits se réfère à un contrôle dérogatoire au droit commun. Le contrat en l’espèce comportait plusieurs clauses traduisant l’organisation d’un contrôle dérogatoire du droit commun de la commune sur l’exploitation d’un restaurant tel que non seulement la communication à la commune du bilan comptable à la fin de chaque année mais aussi l’autorisation préalable de la commune pour l’installation par le cocontractant de tout matériel utile pour l’exercice de sa profession et pout toute installation nouvelle, même temporaire, comme pour l’organisation de toute manifestation en rapport avec l’activité professionnelle. Ce qui est intéressant est que le juge ne se contente pas d’établir une clause exorbitante mais dit qu’un ensemble de clauses créé un contrôle dérogatoire du droit commun. Cela témoigne de la volonté du juge, ou de sa tendance, à privilégier une sorte de faisceau de clauses exorbitantes. L’idée est en jurisprudence que c’est non pas telle clause prise à part mais leur addition qui fait échapper le contrat au droit commun et lui confère un caractère administratif. C’est donc l’économie générale du contrat qui relève d’une forme d’exorbitance.

                 2- Le régime exorbitant du droit commun

 Conseil d’Etat. Section. 1973. Société d’exploitation électrique de la rivière du Sant : un contrat peut être administratif en vertu du régime juridique qui est le sien. On cherche donc à qualifier le contrat par son régime et donc on inverse la logique normale. En l’espèce, le contrat est administratif car son régime est caractérisé par de fortes exigences à la fois législatives et réglementaires.

 

TITRE II  –  LE RÉGIME GÉNÉRAL DU CONTRAT ADMINISTRATIF

  Ce régime général est relativement restreint en réalité, ce qui manifeste l’absence d’un régime général. Notamment, les règles de passation sont plutôt dictées par les règles dictées pour chaque type de contrat. En revanche, il existe des règles juridiques applicables de manière générale.

 

CHAPITRE I  –  LA CONCLUSION DU CONTRAT ADMINISTRATIF

 Il ne s’agit pas de la passation concernant la transparence pour respecter la concurrence entre les candidats à un contrat public mais il s’agit des règles de conclusion relevant de la théorie générale du contrat : objet, cause, consentement réels. Il faut préciser que les règles de validité du contrat administratif sont largement prédéterminées par la réglementation existante, en matière de conclusion mais aussi d’exécution. Le but de cette réglementation est surtout de garantir les conditions d’une rencontre satisfaisante des volontés. Il s’agit de canaliser le consentement de la personne publique dans le sens où elle doit exprimer ses besoins en évitant des erreurs qui pourraient être invoquées par les parties adverses. Au delà de cette réserve, la jurisprudence administrative applique depuis longtemps des règles relatives à la validité du contrat. Cependant, elle le fait rarement et avec davantage de souplesse qu’en droit privé.

 Le juge administratif a pu formellement viser des articles du code civil ou prendre la jurisprudence judiciaire comme référence en laissant entendre que la théorie du droit privé est une source d’inspiration. Par exemple, mérite l’annulation un contrat entaché d’un défaut d’accord de volontés sur certaines de ses clauses essentielles : Ccnseil d’Etat. Section. 11 février 1972. Office public des HLM du Calvados. Le juge peut aussi considérer que le contrat est vicié par une erreur, notamment sur la marchandise, ou encore sur la personne : Conseil d’Etat. Domergue. 26 avril 1950.

 La doctrine va entre les deux extrêmes : une théorie purement administrative des contrats niant un point commun avec le droit privé & aucune différence entre le droit public et le droit privé. La réalité se situe entre les deux extrêmes. En particulier, il a été montré que la théorie des vices du consentement du droit public est conçue uniquement pour le bénéfice des exigences du service public. Le juge administratif interprète donc la théorie en fonction des finalités de l’action administrative. Ce n’est donc pas la protection de celui dont le consentement n’a pas été parfaitement éclairé qui est privilégiée mais la sécurité des conventions administratives.

 C’est une ambivalence que l’on retrouve dans l’office du juge qui a été renouvelé par les jurisprudences Commune de Bézier qui entend structurer des erreurs graves du Droit. L’objectif est de renforcer la stabilité des relations contractuelles par la redéfinition de l’office du juge qui lui permet de défendre la loyauté contractuelle. Si la moralité contractuelle est défendue, ce n’est pas seulement un objectif de justice mais aussi un enjeu en terme de continuité du service public et de l’action administrative. Inversement, la stabilité contractuelle n’a plus lieu d’être en matière d’irrégularité trop grave. Cette nouvelle souplesse ne s’applique pas sur les irrégularités tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d’une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement.

 Conseil d’Etat. 1er octobre 2013. Société espace habitat construction : contrat autorisant une personne privée à constituer des droits réels sur le domaine public d’une commune avant l’intervention législative de 1988 autorisant cela. Le juge a considéré que le contrat est illicite et dans ce contrat il y avait une clause de renonciation à l’exercice par l’administration de son pouvoir de résiliation unilatérale pour motif d’intérêt général. Le juge précise que c’est une clause illicite. Le juge en conclut que le recours en reprise des relations contractuelles doit être rejeté.

 Une cour administrative d’appel a refusé de faire application d’un contrat conclu en 2007 entre une société privée de conseil juridique et une personne publique car ce contrat avait pour objet la recherche d’économie. Ce contrat avait été passé en méconnaissance d’une loi de 1991 encadrant les consultations juridiques. En vert de cette méconnaissance, le contrat était vicié par une cause illicite selon le juge et donc il en tire la conséquence en application de Bézier I de se placer sur le terrain extra contractuel : Cour administrative d’appel de Lyon. 22 mars 2012. Société CTR.

 Un contrat a été écarté pour méconnaissance du principe d’inaliénabilité du domaine public. Il s’agissait d’un contrat de crédit bail permettant a une personne privée de devenir propriétaire de remontées mécaniques appartenant à la personne publique délégante et affectées aux personnes publique déléguées. Le juge a considéré que le contenu est illicite : CE. 4 mai 2011. Communauté de communes du Queyras.

 CHAPITRE II – L’EXÉCUTION DU CONTRAT ADMINISTRATIF

 C’est la réalisation par les parties au contrat des obligations prévues par celui ci. C’est l’expression ou la traduction de l’idée selon laquelle le contrat est la loi des parties ou du moins leur commune intention. Dans cette perspective, le droit administratif empreinte au droit privé des solutions fondées sur le consensualisme. Mais, le droit de l’exécution des contrats administratifs cherche à répondre à des exigences spécifiques. C’est ici que le droit public se démarque davantage du droit privé. Même dans les relations contractuelles, l’administration ne perd pas ses prérogatives de puissance publique. Il faut ajouter qu’aujourd’hui il y a un mouvement de subjectivisation du droit administratif qui touche le droit des contrats et donc peut être que le tiers cocontractant pourrait obtenir des prérogatives face à l’administration.

 Section 1- La stabilité contractuelle

 e contrat repose sur des prévisions qu’il faut respecter. Cela s’exprime par un principe de loyauté contractuelle qui présente un sens bien spécifique en matière de contrats administratifs. Il faut prendre en compte la théorie de l’imprévision et le droit de modification unilatérale des contrats administratifs.

 P1- La loyauté contractuelle

                A- L’ambivalence de la loyauté en matière administrative 

 D’un côté, les cocontractants doivent exécuter de bonne foi leurs obligations. Le cocontractant de l’administration a un droit acquis à l’exécution de ses obligations contractuelles par la personne publique. A défaut, la personne publique engage sa responsabilité contractuelle pour faute, sauf cas de fait du prince. Même en présence d’une inexécution fautive, l’exception d’inexécution par le cocontractant privé est exclue. Le cocontractant doit donc exécuter ses obligations : Conseil d’Etat. Commune de Ste Barbe. 28 mai 1962.

 De l’autre côté, le juge sollicite la commune intention des parties au lieu de s’arrêter au sens littéral des termes. Aussi, le juge administratif utilise les standards de la rationalité, les usages,… afin de rechercher à garantir la loyauté contractuelle. On a aussi, même dans le silence du contrat, la possibilité pour l’administration de mettre en œuvre un pouvoir de sanction. La sanction en droit des contrats administratifs a des spécificités car elle n’a pas pour seul objet de manquer des manquements contractuels car l’objet premier est d’assurer la continuité de l’action administrative et l’intérêt général. C’est l’expression d’une prérogative de puissance publique. On a essentiellement trois types de sanctions :

  • pécuniaires (peut résulter de la responsabilité contractuelle pour faute)
  • coercitives (ex : substitution possible d’un tiers par une troisième personne aux frais et risques du cocontractant défaillant)
  • juridiques (en particulier résolutoires donc qui mettent fin au contrat)

 On peut aussi retrouver des sanctions disciplinaires : Conseil d’Etat. Dame Veuve Trompier Gravier. 1944. Pour l’administration, le contrat ne doit pas lieu de loi intangible et donc elle ne saurait être liée par un contrat lorsque des circonstances nouvelles rendent l’exécution inutile ou dangereuses. Dans ce cas, il ne faut pas empêcher l’administration de se délier du contrat car sinon on en ferait un particulier.

 

                B- Le pouvoir de contrôle et de direction

 L’administration dispose d’un pouvoir de contrôle, voir de direction, de l’exécution du contrat et c’est un droit qui ne s’épuise pas dans le pouvoir de modification unilatérale. Là encore, malgré tout, il faut faire preuve de nuance car l’étendue de ce pouvoir dépend du type de contrat en cause, de son objet, de ses stipulations. Mais, de façon générale, il traduit une exigence de loyauté à l’égard du service public. Pour les délégations de service public, ces enjeux supposent un contrôle dont la manière est gérée par le service public par les tiers. Par définition, lorsque l’administration délégue un service public, cela fait que le service devient d’abord l’affaire du concessionnaire mais il reste un service public et donc est justifié par exemple dans le CGCT un article 1411-3 qui prévoit la remise par le délégataire au déléguant d’un rapport permettant à l’autorité délégante « d’apprécier les conditions d’exécution du service public ». Dans tous les contrats où l’administration est maitre d’ouvrage, le contrôle est obligatoire : Conseil d’Etat. 22 février 1952. Société pour l’exploitation des procédés Ingrand.

 Au minimum, ce pouvoir de contrôle permet à l’administration de s’assurer de la bonne exécution du contrat. Pour certains types de contrat, cela ira jusqu’à la direction de l’exécution. Ainsi, la loyauté contractuelle est spécifique en matière de contrats administratifs. Le juge administratif est plus exigent que le juge judiciaire. Ce sens particulier est très manifeste dans le cadre des contrats relatifs au service public car dans ce cas c’est une loyauté envers les services publics qui est mis en cause. Le Conseil d’Etat estime que le concessionnaire de service public est soumis à une obligation lui imposant de faire « tout ses efforts pour assurer la continuité et, en cas d’interruption, la reprise du service public » : Conseil d’Etat. 23 juin 1944. Ville de Toulon.

 

                C- L’équilibre financier du contrat

 En matière d’exécution des contrats administratifs, il existe un PGD selon lequel le cocontractant a le droit à l’équilibre financier du contrat : Conseil d’Etat. 2 février 1983. Union des transports publics urbains et régionaux. On peut interpréter cette exigence commune manifestation de la sécurité juridique attachée à l’équilibre économique d’un contrat. C’est aussi la contrepartie de la forte instabilité des contrats administratif, liée à l’exigence de mutabilité. L’idée générale est que dans des causes entrainant une rupture d’égalité du contrat, le cocontractant peut se prévaloir d’un véritable droit au rétablissement de cet équilibre, ce qui n’est pas de ce point de vue une assurance du cocontractant de ces déficits. Le cocontractant n’est donc pas assuré de tous les risques mais il s’agit de la recherche d’une équivalence honnête selon Léon Blum. Le cocontractant a calculé lui même ses risques et donc si les calculs sont déjoués ce droit jouera.

 Pour certains, ce droit s’applique de façon générale alors que pour d’autres il ne s’applique pas dans le cadre de l’imprévision mais uniquement lorsque l’équilibre financier est rompu du fait de l’administration elle même.

 

P2- La théorie de l’imprévision

 C’est une théorie du partage des pertes extra contractuelles survenant au cours de l’exécution d’un contrat administratif. Cette théorie s’applique de plein droit lorsque le cocontractant est face à un événement imprévisible, extérieur et qui a pour conséquence de bouleverser l’économie financière du contrat. Du fait d’une clause extra contractuelle, le cocontractant est dans l’impossibilité de faire face financièrement à ses obligations. Il peut bénéficier d’une compensation financière temporaire de la part de l’administration.

 Conseil d’Etat. Compagnie générale d’éclairage de Bordeaux. 30 mars 1916 : une concession de service avait été confrontée à une augmentation du prix du gaz qui est exceptionnelle et défiant tous les calculs selon le juge qui dépasse les limites extrêmes des majorations ayant pu être envisagées par les parties lors de la passation du contrat. L’économie du contrat était bouleversée selon le juge et donc le concessionnaire, temps que la situation dure, doit pouvoir bénéficier d’un droit à un rétablissement de l’équilibre financier du contrat.

 Cette théorie repose sur la notion de service public : Conseil d’Etat. 20 novembre 1982. Propétrol. L’objectif est de permettre l’exécution du service public. Lorsque le provisoire devient majeur, le juge peut requalifier et résilier le contrat : Conseil d’Etat. 9 décembre 1932. Compagnie des tramways de Cherbourg.

               

P3- La modification des relations contractuelles

                A- Le pouvoir de modification unilatérale

 L’administration bénéficie d’un pouvoir de modification unilatérale même en cas d’absence de stipulation en ce sens : Conseil d’Etat. 2 février 1983. Union des transports publics urbains et régionaux. En l’espèce, le contrat prévoyait que l’autorité administrative pourrait apporter unilatéralement des modifications à la consistance des services et à leurs modalités d’exploitation dans le respect du mode de gestion choisi.

 Ce pouvoir suppose pour l’administration de ne pas introduire des prestations étrangères à l’objet du contrat ni de changement de nature du contrat et donc un bouleversement de l’économie du contrat. Le Conseil d’Etat a récemment précisé qu’en vertu des règles générales applicables aux contrats administratifs, la personne publique peut apporter unilatéralement de modifications à ses contrats mais le juge précise que l’autorité organisatrice des transports peut en cours de contrat modifier la consistance des services et leurs modalités d’exploitation et que le cocontractant est tenu de respecter ces obligations contractuelles ainsi modifiées sous peine d’engager sa responsabilité pour faute et qu’il a le droit à l’équilibre financier de son contrat : Conseil d’Etat. 27 octobre 2012. Syndicat intercommunal des transports publics de Cannes.

 Ce pouvoir de modification unilatérale est lié à l’exigence de mutabilité de l’action administrative en fonction des nécessités sociales. C’est une jurisprudence ancienne : Conseil d’Etat. 1902. Compagnie nouvelle du gaz de Deville-lès-Rouen. Pour assurer la continuité du service public, on estime que la puissance publique doit intervenir pour modifier les conditions d’exécution du contrat.

 

                B- La contrepartie financière : la théorie du fait du Prince

 En contrepartie de ce pouvoir, il y a toujours cet équilibre financier des contrats et donc l’administration doit indemniser son cocontractant pour les charges supplémentaires dues à cette modification. Le cocontractant, lorsqu’il est confronté à une aggravation imprévisible de sa situation et résultant d’un agissement de la personne publique cocontractante, peut demander l’indemnisation de son préjudice : Conseil d’Etat. 11 mars 1910. Compagnie générale française des tramways.

 La théorie du fait du Prince (ou de l’aléa administratif) est souvent interprétée comme une responsabilité sans faute au profit du cocontractant. Il y a eu un débat sur les limites du fait du Prince et donc on se demandait s’il s’agissait de tous les faits de l’administration ou seulement des faits de l’administration contractante. Aujourd’hui, la réponse est claire : pour avoir application du fait du prince, il faut une mesure prise par l’administration contractant dans le cadre de ces prérogatives extra contractuelles. Si l’administration à l’origine du préjudice n’est pas l’administration contractante, la cause du bouleversement du contrat n’est plus interne et doit donc être requalifiée en imprévision. Laurent Richer dit que le fait du Prince « est le fait imprévisible consistant en une mesure licite prise par l’autorité contractante ».

 Concernant le préjudice, il doit être prouvé par le cocontractant, être repérable, être certain et surtout il doit être anormal et spécial. On retrouve ici la responsabilité pour rupture d’égalité devant les charges publiques. Le spécial veut dire que cela ne concerne qu’un groupe d’administrés. Seule la part anormale du préjudice sera réparée.

 

Section 2- La rupture des relations contractuelles

P1- La résiliation unilatérale par l’administration

 L’administration contractante dispose de deux types de pouvoirs unilatéraux de résiliation : la résiliation sanction & la résiliation au motif d’intérêt général.

 
Concernant la résiliation sanction, il s’agit d’une résiliation pour manquement aux obligations et le juge contrôle la proportionnalité de la mesure. Sur le terme procédural, la sanction est prononcée par l’administration elle même au titre du privilège du préalable sauf pour les concessions. Au regard de l’étendue des investissements par le concessionnaire, c’est alors seul le juge qui pourra prononcer la déchéance du concessionnaire après avoir mis en demeure le concessionnaire par l’administration. Le juge contrôle que la déchéance est justifiée par un caractère de gravité suffisante :
Conseil d’Etat. 22 mars 1958. Brandt. Par ailleurs, le juge administratif s’estime compétent pour moduler la sanction infligée par un cocontractant à une personne publique.

 Concernant la résiliation pour motif d’intérêt général, c’est une des règles générales applicables aux contrats administratifs : Conseil d’Etat. Ass. 2 mai 1958. Distillerie de Magnac Laval. C’est une règle d’ordre public qui n’a pas besoin d’être prévue explicitement : Conseil d’Etat. 6 mai 1985. Eurolat. Ce pouvoir illustre la mutabilité des rapports contractuels de droit public. Il s’applique à tout contrat administratif, même entre deux personnes publiques : Conseil d’Etat. 24 novembre 2008. Syndicat mixte des eaux et de l’assainissement de la région du Pic-Saint-Loup. Ce droit s’applique aussi bien pour les marchés que pour les concessions même si dans le cas des concessions les enjeux financiers d’une résiliation sont plus importants. En matière de concession, selon le Conseil d’Etat, il appartient à l’autorité concédant en vertu des règles générales applicables aux contrats administratifs et sous réserve des droits d’indemnisation du concessionnaire, de mettre fin avant son terme à un contrat de concession dès lors qu’il existe des motifs d’intérêt général justifiant à la date à laquelle elle prend sa décision que l’exploitation du service concédé soit abandonné ou établi sur des bases nouvelles. : Conseil d’Etat. Ass. 2 février 1987. Société TV6.

 Parmi les motifs d’intérêt général on peut retrouver : la prise en compte de la médication de la réglementation applicable (contrat après la loi Sapin : Conseil d’Etat. Société auxiliaire des parcs de la région parisienne. 7 mai 2013), suppression du régime de la concession en matière de fréquence audiovisuelle : Conseil d’Etat. 2 février 1987. TV6), l’abandon d’un projet, prendre en charge un service public, réorganiser un service public existant (Conseil d’Etat. 19 janvier 2011. Commune de Limoges), tirer les conséquences de l’illégalité d’un acte détachable, prendre en compte la modification de la composition du capital social du cocontractant privé dès lors que cette modification est de nature à créer un conflit d’intérêt (Conseil d’Etat. 31 juillet 1996. Société des téléphériques du massif du Mont Blanc).

 Cela donne droit à une indemnisation totale du préjudice qui doit être prouvé est il peut s’agir d’un gain manqué ou/et une perte subie. On s’est demandé si ce droit à indemnisation peut être limité par le contrat : Conseil d’Etat. 21 décembre 2007. Région du Limousin : le droit est ouvert temps que le contrat n’y fait pas obstacle. Mais, si le contrat aménage l’indemnisation du cocontractant, le juge administratif vérifie d’une part que les stipulations n’entrainent pas au détriment d’une personne publique une disproportion manifeste entre l’indemnité fixée et le montant du préjudice résultant pour le concessionnaire des dépenses qu’il a exposé et du gain dont il a été privé. La personne publique n’a donc pas le droit de consentir des libéralités : Conseil d’Etat. 4 mai 2011. Chambre de commerce et d’industrie de Nîmes. Inversement, rien ne s’oppose à ce que les stipulations du contrat prévoient une indemnisation inférieure au montant du préjudice subit par le cocontractant privé de l’administration. Les principes généraux applicables aux contrats administratifs ne s’opposent pas selon le juge à ce que des stipulations contractuelles écartent tout droit à indemnisation en cas de résiliation du contrat par la personne publique : Conseil d’Etat. 19 décembre 2012. Société AB Trans.

 Il y a un cas particulier en cas d’occupation du domaine public en raison du principe d’inaliénabilité. Si les autorisations d’occupation du domaine public doivent être en principe délivrées pour une durée déterminée (L. 2122-2 du CGPPP), la seule circonstance qu’une convention ne conférant pas de droits réels à l’occupant du domaine public ne contenait aucune précision relative à sa durée n’est pas de nature à entacher celle ci de nullité. En effet, dans le silence sur ce point de la convention, le principe d’inaliénabilité du domaine public qui s’applique sauf texte législatif contraire, implique que l’autorité gestionnaire du domaine peut mettre fin à tout moment sous réserve de motiver par intérêt général à l’occupation qu’elle a consentie : Conseil d’Etat. 5 février 2009. Association société centrale d’agriculture d’horticulture et d’acclimatation de Nice et des Alpes Maritimes.

 

P2- La force majeure

 Elle affecte de manière substantielle les relations contractuelles lorsque survient un événement extérieur, imprévisible, irrésistible et qui bouleverse l’économie générale du contrat, mettant le cocontractant dans l’impossibilité d’exécuter ses obligations contractuelles : Conseil d’Etat. 29 janvier 1909. Compagnie des messageries maritimes. La logique est que l’exécution du contrat n’est plus obligatoire car la force majeure est exonératoire de la responsabilité. Sur le plan du contrôle, l’imprévisibilité est évaluée au jour de la conclusion du contrat. L’irrésistibilité est appréciée au jour de la survenance du fait. Conseil d’Etat. Commune de Staffelfdelden. 14 juin 2000 : au cas où des forces imprévisibles ont eu pour effet de bouleverser le contrat et que les conditions économiques nouvelles ont en outre créé une situation définitive qui ne permet plus au concessionnaire d’équilibrer ses dépenses avec les ressources dont il dispose, la situation nouvelle ainsi crée constitue un cas de force majeur. Le cas de force majeur autorise le concessionnaire et le concédant à défaut d’accord amiable sur une intention nouvelle à donner à l’exploitation à demander au juge la résiliation de la concession avec indemnité s’il y a lieu et en tenant compte tant des stipulations du contrat que de toutes les circonstances de l’affaire.

 

CHAPITRE III  –  LE CONTENTIEUX DES CONTRATS ADMINISTRATIFS

  Il faut distinguer différents recours et juges. Il y a d’abord les juges de référé, le juge de l’excès de pouvoir et le juge de plein contentieux. Il ne faut pas oublier la dimension judiciaire car le juge des contrats peut être un juge civil.

 

Section 1- Les référés

 Il ne faut pas oublier les référés créés par la loi du 30 juin 2000 qui peuvent être utilisés en matière contractuelle. C’est le cas du référé mesures utiles dans lequel le juge peut ordonner des mesures utiles. Il est fréquemment utilisé en matière de délégation du service public. Le référé est alors justifié par la continuité ou le bon fonctionnement du service public. Il y a aussi le référé suspension contre un acte détachable du contrat. Il accompagne le REP ou encore le recours Tropic ou le recours Béziers II. Le recours Tropic est un recours en plein contentieux.

 

P1- Le référé précontractuel

 C’est une voie de recours rapide destinée à permettre au juge de remédier par une décision au fond aux méconnaissances de la procédure de passation d’un contrat. L’idée est de permettre au juge d’intervenir rapidement avant la conclusion du contrat. Cette voie de recours tire sa source initiale du droit de l’Union européenne car le droit dérivé avait imposé cela en 1989 et 1992 par des directives. Mais le droit français a été plus loin que le droit de l’UE car il vise tous les contrats quelque soit le montant.

 En vertu des articles L. 551-1 et suivants du CJA, le juge du référé précontractuel ne peut sanctionner les manquements aux obligations de mise en concurrence et de publicité qu’avant la conclusion du contrat. Ainsi, si le contrat est déjà signé avant la saisine du juge, le référé n’est pas recevable. Aussi, le juge doit déclarer un non lieu à statuer si le contrat est signé entre sa saisine et sa décision. Malgré tout, le recours est suspensif pour une durée de 20 jours et le contrat ne peut donc être signé à compter de la saisine du tribunal administratif et jusqu’à la notification au pouvoir adjudicateur ou entité adjudicatrice de la décision juridictionnelle (L. 551-4 et L. 551-9 du CJA).

 On a prévu en plus des obligations de respecter un délai de suspension, de manière à figer l’action administrative, qui s’applique à un certain nombre de contrats : marchés publics passés selon une procédure formalisée (délai de 16 jours mais 11 jours en cas de transmission électronique des documents qui doit être respecté » entre la date d’envoie de la notification aux candidats évincés et la date de conclusion du contrat). La violation de ce délai est l’un des moyens permettant l’annulation d’un contrat. La même obligation s’applique pour les contrats de partenariat public-privé avec le même délai. En revanche, pour les DSP, il n’y a pas d’obligation équivalente et c’est seulement une possibilité prévue pour l’administration de rendre publique son intention de conclure le contrat et de respecter un délai de 11 jours (L. 551-15 du CJA). En  cas de non respect du délai posé par elle même, le référé contractuel est recevable de ce simple fait.

 Le requérant doit notifier son recours à l’entité adjudicatrice. L’absence de notification n’entraine pas l’irrecevabilité du référé précontractuel, mais, en revanche, si le pouvoir adjudicateur ne respecte pas la suspension prononcée dans le cadre du référé précontractuel non notifié ou s’il ne se conforme pas à la décision rendue par le juge du référé précontractuel, le demandeur ne pourra pas déposer ultérieurement un référé contractuel. Conseil d’Etat. 30 septembre 2011. Commune de Maizières-lès-Metz : n référé contractuel est irrecevable lorsque le référé précontractuel n’a pas été notifié.

 C’est le président du tribunal administratif qui statut en premier et dernier ressort avec une audience publique : CE. Commune de Khabour. 10 juin 1994. Seule la cassation est donc possible.

 Un des gros enjeux est de connaître les requérants possibles. Selon la loi, il s’agit de personnes qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d’être lésées par le manquement invoqué. Il y a aussi le représentant de l’Etat dans le cas où le contrat doit être conclu par une collectivité territoriale ou un établissement public local. L’Etat peut saisir aussi à la demande de la Commission européenne : L. 551-10 du CJA. 

 Ce sont essentiellement les concurrent évincés mais pas seulement : opérateurs économiques qui n’ont pas pu présenter une candidature, les opérateurs qui auraient vocation à exécuter « les prestations incluses dans m’objet du contrat litigieux » (Conseil d’Etat. Sect. 3 novembre 1995. District de l’agglomération nancéenne et Conseil d’Etat. 8 août 2008. Région de Bourogne pour la spécialité de l’entreprise).

 Concernant  le champ d’application, il s’agit de recours contre les manquements aux obligations de mise en concurrence et de publicité auxquels est soumis la passation pour les pouvoirs adjudicateurs de contrat administratif ayant pour objet l’exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d’exploitation ou d’une délégation de service public.

 Quant aux règles sanctionnées, la jurisprudence estime que sont recevables tous les moyens relatifs aux obligations de publicité et de mise en concurrence et seulement eux. La rupture d’une égalité entre les candidats est recevable : Conseil d’Etat. 2 juillet 1999. Bouygues.

 Pour éviter une utilisation abusive du recours, le juge vérifie que le recours soit utile au concurrent et que le manquement invoqué est eu une incidence sur ses intérêts. Ainsi, le juge doit rechercher si l’entreprise qui le saisit se prévaut devant lui de manquements qui eu égard à leur portée et au stade de la procédure à laquelle il se rapporte sont susceptibles de l’avoir lésé ou risquent de la léser, fusse de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente : Conseil d’Etat. 3 octobre 200. SMIRGEOMES. Cela implique que ne sont pas opérants les moyens qui ne sont utiles pour le requérant. Il faut examiner selon l’arrêt la portée du moyen est le stade de la procédure.

Par exemple, le juge peut annuler la procédure de passation alors même que le requérant ne demandait que la suspension de la procédure : Conseil d’Etat. 20 octobre 2006. Commune d’Andeville. Pour le détail de l’office du juge, il faut distinguer si le contrat est fait par un pouvoir adjudicateur ou par une entité adjudicatrice, les pouvoirs du premier étant plus restreints. Les pouvoirs adjudicateurs concernant les administrations de manière générale et les personnes sous influence publique et qui passent un contrat en étant soumise aux directives. C’est l’article L. 551-2 du CJA et alors le juge peut ordonner à l’auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l’exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat sauf s’il estime en considération de l’ensemble des intérêts susceptibles d’être lésés que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l’emporter sur ses avantages. Le juge peut aussi annuler les décisions se rapportant à la passation des contrats et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissant les dites obligations. Du côté des entités adjudicatrices, le juge peut ordonner de se conformer à ses obligations, enjoindre de suspendre l’exécution de toute obligation se rapportant à la passation, prononcer une astreinte.

 

P2- Le référé contractuel

 Il sanctionne les manquements aux obligations régissant la passation des contrats, en particulier les règles de publicité et de mise en concurrence, alors que le contrat a déjà été conclu. Il a été créé par l’ordonnance du 7 mai 2009. Sur le plan juridique, c’est un recours qui se veut efficace. Il est prévu pour les contrats administratifs relavant de la commande publique et aussi pour les contrats de droit privé relevant de la commande publique.

 Le recours doit être introduit dans un délai de 31 jours à compter de l’accomplissement des mesures de publicité, essentiellement à partir l’avis d’attribution du contrat ou à défaut de mesures de publicité dans les 6 mois à partir du lendemain du jour de la conclusion du contrat. Le juge ainsi saisi a un délai d’1 mois pour rendre une ordonnance en premier et dernier ressort.

 Concernant les personnes, ce sont les mêmes que pour le référé précontractuel avec l’idée qu’un référé contractuel ne peut plus être introduits un référé précontractuel a été engagé et si la décision a été respectée. Il s’agit également des mêmes contrats.

 L’office du juge est plus singulier. Le juge peut suspendre l’exécution du contrat pour la durée de l’instance sauf s’il estime que les inconvénients de la suspension l’emportent sur les avantages. Pour le reste, le principe est que le juge annule le contrat. Le juge peut décider de juste le résilier, réduire sa durée ou à défaut infliger une pénalité financière au pourvoir adjudicateur. Dans des 3 hypothèses, le juge doit considérer que le prononcé de la nullité du contrat se heurte à une raison impérieuse d’intérêt général. La nullité du contrat ne peut être prononcée que dans les hypothèses de l’article L. 551-18 du CJA (3 premiers cas) et L. 551-14 du CJA(1 cas).

 La première hypothèse est l’absence de mesures de publicité pour la passation. Il doit s’agir d’une irrégularité grave tenant à l’absence de toute publicité ou omission d’une publication au journal officiel de l’UE lorsque cela est nécessaire. La deuxième hypothèse est la méconnaissance des modalités de mise en concurrence de certains contrats. La troisième est la signature anticipée du contrat. Il s’agit d’une violation qui n’est pas automatiquement sanctionnée par l’annulation du contrat puisque le juge doit vérifier si la méconnaissance a empêché le requérant d’exercer un référé précontractuel et si ses chances d’obtenir le contrat ont été affectées par cette méconnaissance. Il s’agit de deux cas : méconnaissance du délai de suspension quand il existe & méconnaissance du délai de suspension prévu au titre du référé précontractuel. La quatrième est la violation de l’autorité de chose jugée en référé précontractuel : Conseil d’Etat. 19 janvier 2011. Grand port maritime du Havre.

 Le Conseil d’Etat vient de préciser qu’un contrat de délégation de service public ne peut être annulé que dans les cas de manquements prévus à l’article L. 551-18 alinéa 1 : Conseil d’Etat. 25 octobre 2013. Commune de la Seyne-Sur-Mer.

 Le recours en référé contractuel complète le recours Tropic mais ne le remplace pas car le recours Tropic donne plus de pouvoirs au juge. Surtout, il faut voir qu’en pratique le référé contractuel est très critiqué qu’en n’étant guerre efficace malgré ses ambitions.

 

Section 2- Le contentieux de l’excès de pouvoir

 Le juge de l’excès de pouvoir est censé ne statuer que sur la légalité objective des actes au jour de la prise de décision. Cependant, du fait de sa nature, le contrat administratif n’est pas seulement un acte relatif car il peut avoir des effets sur les tiers et donc ces derniers peuvent former des recours devant le juge administratif.

 

P1- Les hypothèses d’intervention du juge de l’excès de pouvoir

                A- Avant la signature du contrat

 Un acte détachable peut être soumis au juge de l’excès de pouvoir afin d’obtenir son annulation et éventuellement une suspension en référé (rarement accordé). Le délai est de 2 mois suivant la publicité de l’acte en question. L’enjeu est que le délai ne commence pas à courir si les mesures de publicité ne sont pas effectuées. Les moyens invoqués dans ce cadre peuvent être des vices propres à l’acte ou aussi des vices d’illégalité du contrat.

 

                B- Après la signature du contrat

 Les tiers au contrat peuvent saisir le juge de l’excès de pouvoir d’abord d’un acte détachable relatif à la passation du contrat, y compris la décision de signer le contrat. Il y a aussi les clauses réglementaires du contrat : Conseil d’Etat. Cayzeele. 10 juillet 1996 ; les contrats d’agents publics : Conseil d’Etat. Section. Ville de Lisieux. 30 octobre 1998 et les actes détachables de l’exécution du contrat.

 

P2- Les conséquences de l’annulation d’un acte détachable

 Le principe a longtemps été le possible caractère platonique de l’effet de l’annulation de l’acte détachable sur le contrat. Désormais, le juge de l’exécution peut être assez suffisamment saisi sur les conséquences sur le contrat.

 

                A- Le caractère essentiellement platonique de l’annulation de l’acte détachable

 L’annulation d’un acte détachable du contrat n’entraine pas automatiquement l’annulation du contrat lui même mais elle n’est plus platonique pour autant. A la fin du XIXe siècle, la doctrine considérait que les actes détachables et le contrat formaient un ensemble indivisible pouvant faire l’objet d’un REP. Rapidement, le juge a voulu une séparation entre le REP et le recors en plein contentieux. De ce point de vue, depuis la jurisprudence Martin, il est jugé par le Conseil d’Etat que le contrat demeure la loi des parties et son exécution dans l’intérêt du service peut en principe est poursuivie malgré l’annulation d’un acte détachable. La seule conséquence éventuelle tenait à la saisine par l’une des deux parties au contrat du juge du contrat afin d’obtenir la résiliation du contrat ou éventuellement une indemnisation. L’autre hypothèse la plus fréquente était la saisine du juge de contrats pour un conflit classique.

 Le juge du contrat a donc considéré qu’il lui revenait d’apprécier lui même les conséquences à titrer de l’annulation d’un acte détachable : Conseil d’Etat. 1er octobre 1993. Société le yacht club international de Bormes les mimosas où le Conseil d’Etat a regardé le contrat étant nul, le moyen tiré de l’annulation étant d’ordre public. Il appartient au juge des contrats saisi par l’un des contractant d’une demande tendant à la mise en jeu de la responsabilité de l’administration du fait de l’inexécution des stipulations conclues en vertu de l’acte détachable, de constater que le dit contrat était nul et n’avait donc pu faire naitre aucune obligation contractuelle.

 L’autorité de chose jugée du juge pour excès de pouvoir est donc limité car le juge des contrats annulera que sous conditions. Par la suite, le droit positif a réduit les frontières entre les deux recors en matière contractuelle. Cela a été grâce à l’intervention d’un juge intermédiaire doté de pouvoirs spécifiques

 

                B- La saisine du juge de l’exécution

 Plusieurs juges peuvent intervenir avec malgré tout le principe d’indépendance des contentieux qui demeurent : le juge de l’excès de pouvoir qui n’est pas juge de l’exécution qui peut être saisi par un tiers au contrats et enjoindre aux contractants de saisir le juge des contrats. Sur le plan procédural, on peut avoir un juge unique.

                 1- L’apport du pouvoir d’injonction

 Le pouvoir d’injonction créé en 1995 a été précédé par la possibilité pour le Conseil d’Etat d’exercer un pouvoir d’astreinte. Les pouvoirs d’injonction sont aux articles L. 911-1 à L. 911-4 du CJA. Cela a permis a juge de l’excès de pouvoir du fait de ce pouvoir d’injonction de prescrire des mesures permettant de tirer les conséquences nécessaires de l’annulation d’un acte détachable qu’il venait de prononcer. On a un exemple avec la jurisprudence Lopez.

 Dans un avis du 3 décembre 1997 du Conseil d’Etat, le juge a rappelé d’abord le principe de l’effet platonique de l’annulation de l’acte détachable. Mais, dans cet avis, il précise qu’il appartient au juge d’apprécier si eu égard aux motifs de  l’annulation de l’acte détachable, l’exécution du contrat peut être poursuivie jusque son terme ou si au contraire le contrat doit être résilié. Lorsque les motifs de l’annulation de l’acte détachable n’impliquent pas nécessairement que le juge du contrat soit saisi ou qu’il soit procédé à la résiliation du contrat, le Conseil d’Etat envisage la possibilité d’une renégociation pour l’avenir du contrat entre les parties avec la reprise d’un nouvel acte détachable. Dans l’avis, l’irrégularité ne tenait pas au contrat lui-même mais à un vice propre à la délibération attaquée. Donc, le Conseil d’Etat en conclut que la décision d’annulation de l’acte détachable doit être interprétée comme n’impliquant pas nécessairement que la commune saisisse le juge du contrat en vue d’en demander rétroactivement la nullité ou qu’elle procède elle même à cette résiliation.

 Le tiers au contrat est irrecevable à demander au juge de l’excès de pouvoir l’annulation d’un refus de l’administration de saisir le juge du contrat d’une action en nullité. Il s’agit là d’un acte non détachable du contrat selon le juge : Conseil d’Etat. 17 décembre 2008. Appel Association pour la protection de l’environnement de Lunellois.

                 2- L’évaluation du lien entre l’acte détachable et le contrat

 Tout cela dépend du lien de nullité, du lien avec l’acte détachable et des considérations d’actes détachables. Si l’acte détachable a été annulé en raison de l’illégalité des stipulations du contrat, le contrat sera annulé. Si cela est du à l’acte détachable lui-même, il n’y a pas de conséquence directe sur le contrat et alors la solution devra dépendre du degré de relation entre l’acte détachable et le contrat et envisager une alternative : si l’acte est celui de passation du contrat, la relation avec le contrat est si direct que la nullité devra le plus souvent être constatée. Dans le cas contraire donc en cas de lien indirect, l’annulation de l’acte détachable pourra fort bien demeurer sans incidence sur la validité du contrat lui même.

 En 2003, le Conseil d’Etat a systématisé sa jurisprudence en réaffirmant que l’annulation d’un acte détachable n’entraine pas l’annulation systématique du contrat mais il appartient au juge de l’exécution saisi d’une demande d’un tiers d’enjoindre à une partie au contrat de saisir le juge compétent donc le juge du contrat afin d’en constater la nullité. Le juge de l’exécution doit prendre en compte la nature de l’acte détachable annulé ainsi que le vice dont il est entaché et de vérifier que la nullité du contrat ne portera pas une atteinte excessive à l’intérêt général : Conseil d’Etat. 10 décembre 2003. Institut de recherche pour le développement.

Conseil d’Etat. 21 février 2011. Ophrys et Société Véolia propreté : il appartient au juge de l’exécution après avoir pris en considération la nature de l’illégalité commise de faire alternativement 3 choses :

  • décider que la poursuite de l’exécution du contrat est possible éventuellement sous réserves de mesures de régulation prise par le juge ou les parties
  • après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l’intérêt général, d’enjoindre à la personne publique de résilier le contrat le cas échéant avec un effet différé
  • eu égard à une inégalité d’une particulière gravité, d’inviter les parties à résoudre leurs relations contractuelles ou à défaut d’entente entre les parties sur cette résolution à saisir le juge du contrat afin qu’il en règle les modalités si le juge du contrat estime que la résolution du contrat peut être une solution appropriée

 En vertu de cette jurisprudence, il apparaît que la conséquence d’une injonction prononcée par le juge de l’exécution ne guide plus la nullité du contrat. Par ailleurs, dans la détermination des mesures rendues nécessaires par l’annulation d’actes détachables, le juge de l’exécution n’est pas tenu par les demandes du requérant. Dans cette jurisprudence, l’acte détachable étant annulé pour incompétence, le Conseil d’Etat dit que la gravité d’un tel vice justifie qu’il soit enjoint à la personne publique d’obtenir de son cocontractant la résolution du contrat ou à défaut d’entente de saisir le juge du contrat pour qu’il en règle les modalités. Autre exemple, lorsque l’acte détachable est annulé pour défaut d’information des candidats à un contrat sur les critères de sélection des offres, l’illégalité ne justifie pas une résolution du contrat selon le juge administratif. En revanche, cela justifie d’enjoindre aux parties de résilier le contrat avec effet différé pour permettre d’assurer la continuité du service public en cause : Conseil d’Etat. 10 décembre 2012. Société lyonnaise des eaux France.

 Eu égard à  la logique du juge de l’exécution, le Conseil d’Etat a précisé que celui ci est tenu de respecter l’autorité de chose jugée du juge de l’excès de pouvoir. Ne doit être pris en compte que l’illégalité relevée et condamnée par le juge de l’excès de pouvoir. Il ne peut donc pas ajouter ou prendre en compte un autre motif d’annulation de l’acte détachable : Conseil d’Etat. Société Véolia. 21 février 2011.

 

                3- Les conséquences pour le juge du contrat

 Cela suppose que le juge des contrats a été saisi d’une injonction par le juge de l’exécution. Il va devoir évaluer les effets que va avoir sur le contrat l’annulation de l’acte détachable. Il doit prononcer les mesures qui lui sembleraient appropriées. Cela signifie que le juge du contrat ne peut pas être contraint ou lié par l’appréciation du juge de l’exécution. La jurisprudence devient casuistique à ce sujet.

 

Section 3- Le contentieux de pleine juridiction

 Le juge de plein contentieux est celui qui est censé examiner une affaire de la façon la plus approfondie sans se limiter au contrôle objectif de la légalité administrative. Il est question ici du juge au contrat qui a pour vocation première de trancher les litiges entre les parties mais désormais il peut être saisi par des tiers au contrat.

 

P1- La saisine du juge des contrats par les parties

 Cela a fait l’objet de la jurisprudence de Conseil d’Etat. 28 décembre 2009. Commune de Béziers (Béziers I). Cette jurisprudence distingue les conditions d’un recours direct en invalidation d’un contrat (rare en pratique) et l’hypothèse où le juge est saisi par les parties d’un recours en exécution du contrat.

 Elle permet de renforcer la stabilité des relations contractuelles en considérant que l’annulation du contrat doit être la dernière hypothèse à envisager. L’hypothèse était un recours formé par une partie en invalidation du contrat. Il y a aussi l’hypothèse dans laquelle le juge doit procéder à la même analyse lorsqu’il est saisi d’un recours en exécution du contrat.

 

                A- Le recours en invalidation du contrat

 Les parties peuvent faire un recours en plein contentieux contestant la validité du contrat les liant. La logique générale est un objectif de stabilité des relations contractuelles qui imposera au juge de ne prononcer la disparition du contrat qu’en présence de vices empêchant radicalement son maintien. Dans la jurisprudence Béziers I, il appartient au juge, lorsqu’il constate l’existence d’irrégularités, d’en apprécier l’importance et les conséquences de ces irrégularités après avoir vérifié que les irrégularités dont se prévalent les parties sont de celles qu’elles peuvent eu égard à l’exigence de loyauté des relations contractuelles invoquée devant lui. Ainsi, certaines irrégularités ne peuvent pas être invoquées devant le juge des contrats.

 L’idée est que, pendant des années, une partie au contrat avait conclu et exécuté le contrat sans difficultés puis soudainement elle a décidé de contester la validité du contrat. Le juge répond que certaines irrégularités ne peuvent plus être invoquées en raison de l’exigence de loyauté des relations contractuelles. Il s’agit ici de la première réserve.

 Ensuite, il revient au juge, après avoir pris en considération la nature de l’irrégularité commise et en tenant compte de l’objectif de stabilité des relations contractuelles :

  • soit décider que la poursuite de l’exécution du contrat est possible, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation
  • soit de prononcer le cas échéant, avec un effet différé après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à la volonté générale, la résiliation du contrat
  • soit, en raison seulement d’une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d’office par le juge tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d’une particulière gravité relative notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, l’annulation du contrat

 

                B- Le recours en exécution du contrat

 Ce n’est pas sans lien avec la première hypothèse mais c’est une hypothèse indirecte car le juge fait la même chose dans un recours en exécution. Le juge se rend compte qu’en réalité le contrat est illégal ou présente un risque d’illégalité pendant un recours en exécution du contrat. C’est donc une nullité par voie d’exception. En pratique, les recours indirects sont plus fréquents que les recours directs.

 Le principe est que le litige doit être tranché sur le fondement du contrat. « Lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l’exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l’exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat » (jurisprudence Béziers I). Ce n’est qu’en cas d’une irrégularité grave que le contrat sera écarté d’office si besoin « dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou soulevée d’office par lui tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d’une particulière gravité tenant notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement », le juge doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel. Le contrat est donc simplement écarté et le juge ne sanctionne pas clairement le contrat. En pratique, cela est important car cela peut permettre de continuer d’appliquer le contrat ultérieurement dans un autre litige.

 Les hypothèses dans lesquelles le contrat sera écarte sont limitées :

  • Le caractère illicite du contenu du contrat. On peut distinguer trois hypothèses principales : absence de causes juridiques, cause juridique illicite (ex : méconnaissance du principe d’inaliénabilité du domaine public), stipulations illicites.
  • Un vice d’une particulière gravité. C’est notamment les vices du consentement (dol, erreur,…) ou encore des vices d’incompétence et à titre exceptionnel certaines violations des règles de passation des contrats (Conseil d’Etat. Manoukian. 12 janvier 2011 : par principe, les parties ne peuvent invoquer un manquement aux règles de passation ni le juge le relever d’office aux fins d’écarter le contrat pour le règlement du litige mais par exception il en va autrement lorsque, eu égard d’une part à la gravité de l’illégalité et d’autre part aux circonstances dans lesquelles elle a été commise, le litige ne peut être réglé sur le fondement de ce contrat). Les circonstances doivent être celles dans lesquelles l’irrégularité se rapprochera des vices du consentement selon les conclusions de l’arrêt.

 

                C- Le recours en reprise des relations contractuelles

 Conseil d’Etat. 21 mars 2011. Commune de Béziers (II) : l’objet initial du recours est un contentieux hors temps sur la contestation d’une mesure de résiliation du contrat administratif. C’est analysé par le juge comme un recours en reprise contractuelle car annuler la mesure de résiliation signifie reprise des relations contractuelles. Le juge précise deux choses : les voies de droit dont dispose une partie à un contrat administratif qui a fait l’objet d’une mesure de résiliation & l’office du juge saisi d’un recours en reprise des relations contractuelles.

 

                1- Les conséquences de principe de l’illégalité d’une mesure de résiliation

 Le juge rappelle une solution ancienne qui est qu’en principe le juge du contrat saisi par une partie n’est pas compétent pour annuler une mesure d’exécution d’un tel contrat et en particulier une mesure de résiliation. Il pouvait juste chercher à réparer le préjudice subit par le cocontractant du fait de la résiliation illégale. La justification de cette solution était procédurale et substantielle. Sur le plan procédural, l’idée est que le recours introduit par une partie au contrat contre une mesure d’exécution et donc de résiliation est un recours de plein contentieux dont l’objet n’est pas essentiellement un contrôle de légalité. La mesure d’exécution contestée est considérée comme n’étant pas détachable du contrat. Sur le plan substantiel, la justification est que cela ferait que le juge imposerait à l’administration de reprendre des relations contractuelles qu’elle ne souhaite plus.

 

« Le juge du contrat saisi par une partie d’un litige relatif à une mesure d’exécution du contrat peut seulement en principe rechercher si cette mesure est intervenue dans des conditions de nature à ouvrir droit à indemnité » (jurisprudence Béziers II). Le rapporteur public puis le Conseil d’Etat ont estimé que les justifications de ce principe sont au moins discutables. Plusieurs motifs les ont conduit à ne pas s’arrêter à ce principe. Le rapporteur public a montré qu’en réalité ce principe permettait à l’administration « de se défaire à sa convenance même de manière irrégulière ou pour des motifs illégaux d’un cocontractant dont elle ne veut plus, à condition qu’elle soit prête à en payer le prix ». Du fait de Béziers I qui élargie les pouvoirs du juge, le juge de Béziers II a estimé qu’il ne fallait pas s’en tenir au recours en indemnisation. L’idée est de donner davantage de pouvoirs au juge.

 La jurisprudence Béziers II élargie donc les exceptions. Cette extension des exceptions doit conduire le juge à exercer un office dont le cœur consiste à se prononcer sur le point de savoir si les relations contractuelles doivent ou non reprendre. C’est ce qui explique les indications de l’arrêt Béziers II : « toutefois, une partie à un contrat administratif peut, eu égard à la portée d’une telle mesure d’exécution, former devant le juge du contrat un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation du contrat ». Cela est assimilé à un recours en reprise des relations contractuelles. Le délai de recours est de 2 mois à compter de la date à laquelle la partie a été informé de la résiliation. Le juge précise que ce recours en reprise des relations contractuelles peut être assorti d’une demande tendant à la suspension de l’exécution de la résiliation.

 

                2- L’office du juge saisi d’un recours en reprise des relations contractuelles

 « Il incombe au juge du contrat saisi par une partie d’un recours en plein contentieux contestant la validité d’une mesure de résiliation et tendant à la reprise des relations contractuelles, lorsqu’il constate que cette mesure est entachée de vices relatifs à sa régularité ou son bien fondé, de déterminer s’il y a lieu de faire de droit dans la mesure où elle n’est pas sans objet à la demande de faire droit à la demande de reprise contractuelle à compter d’une date fixe ou de rejeter le recours en jugeant que les vices constatés sont seulement susceptibles d’ouvrir au profit du requérant un droit à indemnité ».

 De ce point de vue, soit le juge fait droit à la demande de reprise contractuelle soit il la rejette en reconnaissant seulement un  droit à indemnisation. S’il décide la reprise des relations contractuelles, il prononce en même temps l’annulation de la mesure de résiliation. Dans l’hypothèse où il fait droit à la demande, le juge peut décider, si des conclusions sont formulées en ce sens, que le requérant a droit à l’indemnisation du préjudice que lui a causé la résiliation, notamment du fait de la non exécution du contrat entre la date de sa résiliation et la date fixée par le juge de reprise des relations contractuelles.

 Le juge doit examiner s’il y a lieu de faire droit à cette demande de reprise des relations contractuelles sauf si cette demande est sans objet. L’idée est que la demande peut être devenue sans objet, notamment car le contrat peut être arrivé par son terme.

 Pour décider si une reprise des relations contractuelles est nécessaire sur le fond, le juge doit apprécier la gravité du vice qui entache la mesure de résiliation, les motifs de la résiliation prononcée (admet que ces motifs soient précisés devant lui pour la première fois) et l’ampleur des effets d’une reprise des relations contractuelles (effets sur l’intérêt général mais aussi sur les droits d’un éventuel nouveau cocontractant de l’administration qui aurait reprit l’exécution du contrat que l’administration a résilié).

 Conseil d’Etat. 1er octobre 2013. Société espace habitat construction. Le juge avait affirmé qu’un contrat qui autorise une personne privée à disposer de droits réels sur le domaine public d’une commune avant l’entrée en vigueur de la loi de 1988 est illicite. De plus, il a estimé qu’il y a dans le même contrat une clause par laquelle la commune renonçait à l’exercice de son pouvoir de résiliation unilatérale et que cette clause est illicite. Le juge précise qu’en l’espèce cette renonciation avait été déterminante pour la conclusion du contrat. On a donc une hypothèse de gravité particulière. Le juge a été saisi d’une demande de reprise des relations contractuelles mais du fait de l’irrégularité grave en l’espèce il refuse cette demande. On ne peut donc pas reprendre les relations contractuelles si le contrat est gravement illégal. Ainsi, le juge renonce à reprendre les relations contractuelles car en cas de recours Béziers I il aurait constaté cette illégalité importante. Il faut donc articuler le recours Béziers II avec la logique de Béziers I. Le juge doit donc se demander s’il existe des vices suffisamment graves pour éviter la reprise des relations contractuelles. On ne peut donc pas connaître l’issu à l’avance car tout dépend de l’analyse du juge.

 Ambiguité, on se demande si la jurisprudence Béziers II dans l’exception ne concerne que les mesures de résiliation ou si elle concerne également les mesures d’exécution. C’est une question en suspend qui fait l’objet de beaucoup de doctrines.

 

P2- La saisine du juge du contrat par des tiers

 C’est une hypothèse exceptionnelle et anormale du fait de la distinction des différents contentieux. Il y a aussi la distinction entre les parties et les tiers à un contrat. En principe, seules les parties ont le droit de saisir le juge de pleine juridiction. Cela ne signifie pas que la distinction entre tiers et parties est abandonnée car elle demeure. Notamment, le Conseil d’Etat a refusé d’admettre un recours Tropic au carré donc le fait qu’un tiers au contrat qui demande au juge du REP d’annuler le refus de l’administration de saisir le juge du contrat (Conseil d’Etat. APPEL. 17 décembre 2008). Autre exemple, le Conseil d’Etat a refusé de faire du juge du contrat le juge des droits tirés par les tiers d’un contrat car les tiers à un contrat administratif, hormis les clauses réglementaires, ne peuvent en principe se prévaloir des stipulations d’un contrat administratif (Conseil d’Etat. Mme Gilles. 11 juillet 2011).

 Deux types de tiers peuvent saisir le juge de plein contentieux : les concurrents évincés et le préfet.

 

                A- Le recours des concurrents évincés : le recours Tropic Travaux Signalisation

 Conseil d’Etat. Ass. Tropic Travaux Signalisation Guadeloupe. 16 juillet 2007 : le juge créé de lui-même un véritable nouveau recours, le recours en contestation de la validité d’un contrat administratif par un tiers. Ce tiers doit être un concurrent évincé qui peut saisir le juge du contrat en demandant éventuellement aussi une indemnisation du fait du caractère illégal du contrat si cela lui a causé un préjudice et aussi une suspension de l’exécution du contrat (pas le référé suspension entendu par le Code de justice administrative).

 Tout concurrent évincé de la conclusion d’un contrat administratif est recevable à former devant le juge des contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses à condition que les clauses soient divisibles du reste du contrat, assorti le cas échéant de demandes indemnitaires.

 C’est une révolution car la doctrine pensait que le Conseil d’Etat allait finir par reconnaître un recours en annulation pour les tiers alors qu’au final il a reconnu un recours en plein contentieux. Cela se justifie par le fait que le concurrent évincé est dans une relation para contractuelle et donc il doit obtenir un recours spécifique. C’est le juge du contrat qui est le plus au courant et donc c’est lui que le Conseil d’Etat a choisi. Le juge a décidé que cette nouvelle voie de recours est ouverte pour le contrats dont la procédure de passation est postérieure à la date du 16 juillet 2007.

 A la qualité de concurrent évincé tout requérant qui aurait eu intérêt à conclure le contrat alors même qu’il n’aurait pas présenté sa candidature, qu’il n’aurait pas été admis à présenter une offre ou qu’il aurait présenté une offre inappropriée, irrégulière ou inacceptable.  En revanche, le Conseil d’Etat a précisé que le recours Tropic n’est pas soumis à la jurisprudence SMIRGEOMES de 2008 qui est donc applicable uniquement pour le référé précontractuel. Le caractère opérant des moyens n’est donc pas subordonné à la circonstance que les vices aient été susceptibles de léser le requérant.

 C’est un délai de 2 mois qui est applicable, à compter de l’accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d’un avis mentionnant la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation. A partir de la conclusion du contrat, le concurrent évincé n’est plus recevable à demander l’annulation pour excès de pouvoir des actes préalables qui en sont détachables car il détient désormais le recours Tropic.

 Le juge précise l’office du juge du recours Tropic qui doit procéder encore une fois à un bilan. En cas de vices, le juge doit apprécier les conséquences de ces vices et de l’invalidité du contrat. Il y a quatre hypothèses :

  • la poursuite de l’exécution du contrat (éventuellement sous réserve de mesures de régularisation)
  • accorder des indemnisations en réparation des droits lésés
  • prononcer la résiliation du contrat ou de modifier certaines de ses clauses
  • après avoir vérifié si l’annulation du contrat ne porterait pas une atteinte excessive à l’intérêt général ou aux droits des cocontractants, d’annuler totalement ou partiellement le cas échéant avec un effet différé le contrat

 Pour obtenir réparation de ce droit lésé, le concurrent évincé peut présenter devant le juge des conclusions indemnitaires à titre accessoire ou complémentaire du recours Tropic. Le recours en indemnisation peut même est introduit seul. Le concurrent évincé peut faire un recours tendant exclusivement à une indemnisation du préjudice subi à raison de l’illégalité de la conclusion du contrat dont il a été évincé.

 On se demande si ces recours sont encore intéressant du fait de l’existence du référé contractuel et du mauvais fonctionnement du recours Tropic.

 

                B- Le déféré préfectoral

 Das les rapports entre les collectivités territoriales et l’Etat, le préfet exerce un contrôle de légalité sur les actes pris par les collectivités. S’il estime que l’acte est illégal, il a le pouvoir de déférer l’acte au tribunal administratif dans un délai de 2 mois à compter de sa transmission. Ce contrôle s’effectue uniquement sur la légalité.

 Il faut distinguer trois hypothèses :

  • Les actes non obligatoirement transmis au préfet mais qui peuvent toujours l’être sont exécutoires dès qu’ils sont notifiés ou publiés. Les préfets peut demander la communication pour exercer ce contrôle.
  • Les actes qui sont transmis obligatoirement au préfet sont exécutoires une fois notifié/publié et transmis au préfet.
  • Les actes qui sont obligatoirement construits mais qui ne deviennent exécutoires qu’après un certain délai après transmission au préfet.

 Le contrôle de légalité est critiqué. En 2012, un rapport du Sénat dit que c’est une « passoire à géométrie variable ». Une circulaire du 25 juin 2012 demande aux préfets de renforcer leur contrôle dans des domaines prioritaires dont la commande publique au sens large donc englobant les délégations de service public.

 Il est tout de même attentif aux contrats passés par les collectivités territoriales et institue pour la plupart des contrats un régime de transmission obligatoire au préfet pour les conventions relatives aux emprunts, aux marchés et aux accords cadre à l’exception des conventions relatives aux marchés et accord cadre d’un montant inférieur à un seuil définit par décret (207 000€ hors taxes) & les conventions de concessions ou d’affermage de services publics locaux & les contrats de partenariat.

 Le préfet peut associer son déféré préfectoral d’une demande de suspension. Cette demande de suspension entraîne automatiquement la suspension en matière d’urbanisme et en matière de marchés et de délégations de servie public. Le juge regarde le déféré préfectoral en matière de contrat comme un recours de plein contentieux désormais : Conseil d’Etat. 23 décembre 2011. Ministre de l’intérieur, de l’Outre Mer, des collectivités territoriales et de l’immigration.

 En matière de déféré préfectoral, l’office du juge est quasi identique à celle du juge du recours Tropic avec deux différences :

  • le juge ne peut plus modifier certaines clauses du contrat
  • l’indemnisation n’est pas possible

 

PARTIE III  –  LES CONTRATS SPÉCIAUX

   Il est difficile de mettre en place une théorie générale en droit des contrats administratifs et donc les contrats spéciaux ont toujours eu une grande place. La théorie générale s’est construite à la base d’un contrat spécial : la convention de service public. Depuis quelques années, les contrats spéciaux reviennent en force et il s’agit essentiellement de contrats écrits économiques. Cette reconnaissance des contrats spéciaux répond à des besoins spécifiques de l’administration en particulier mais aussi des entreprises. Il ne faut pas négliger le fait que le logique est davantage économique que juridique. Cela est donc critique, comme le nombre des contrats spéciaux mais aussi le régime dégagé par le Conseil constitutionnel en réponse à ces nouvelles formes contractuelles qui sont très souvent dérogatoires. Il a souhaité encadrer des nouvelles formes contractuelles en dégageant en particulier un droit commun de la commande publique qu’il n’a pas précisé. Ce droit commun comprend l’égalité devant la commande publique, la protection des propriétés publiques et le bon usage des deniers publics.

 En droit de l’Union européenne, il y en a deux : les marchés publics et les concessions de travaux publics. Toutes les formes juridiques créées au fur et à mesure en droit interne doivent donc se rattacher à ces deux notions. Cependant, il est très difficile de classer les différents contrats du droit français dans ces deux catégories.

 

TITRE I  –  LES MARCHÉS PUBLICS

 Ils sont particulièrement importants pour deux raisons essentielles. Le premier est leur poids économique (10% du PIB français, 15% du PIB de l’Union européenne). La seconde est leur caractère de référence en droit des contrats administratifs qui est lié à l’histoire progressive du droit des contrats administratifs car les premiers contrats administratifs sont des contrats. Aussi, au recueil Lebon, la rubrique concernant le droit des contrats administratifs s’appel « marchés et contrats administratifs ». Pour une délégation de service public, la gestion du service public suppose une justification particulière, aussi pour les contrats de partenariats public-privé. En droit de l’Union européenne, la seule différence est le mode de rémunération entre les deux contrats de ce droit.

 En matière de droit des marchés publics, il existe un code des marchés public associés à une série de cahiers des charges qui déterminent les principales dispositions applicables aux grandes catégories de marchés publics. En droit français, la première codification de la réglementation des marchés publics date de 1964 et a eu pour objet de donner une réglementation cohérente qui au moins à l’origine est centré sur l’acteur public pour le protéger contre lui-même. C’est la grande idée que c’est un droit de la demande publique. Il s’agissait donc de préserver les intérêts de l’administration. En revanche, le droit de l’Union européenne est fondamentalement économique et centré sur les opérateurs économiques dans le but de maintenir un marché concurrentiel. C’est donc un droit de l’offre où l’aspect marchand l’emporte sur l’aspect public.

 Cela explique que le droit français a du faire un choix dans la transposition : reprendre simplement le droit de l’Union européenne ou le combiner avec le droit interne mais au prix de confusions. La seconde option a été choisie. Cela fait que le code des marchés publics est plus complet que la réglementation européenne car il vise la passation du contrat mais aussi l’exécution et le contrôle des marchés publics. Depuis 2001, le souhait a été de rapprocher de plus en plus. Il existe certaines souplesses. Les nouvelles directives de 2014 sur les marchés sont interprétées comme un rapprochement supplémentaire du droit de l’Union européenne avec le droit français. On a notamment une intention nouvelle de l’Union européenne sur les PME, volonté du gouvernement français.

 Il y a une ambiguité sur le champ d’application car le code des marchés publics ne vise que certaines personnes alors que la définition européenne du pouvoir adjudicateur et entité adjudicatrice est plus large et générale. L’ordonnance du 6 juin 2005 régit les marchés passés par les personnes publiques ou privées qui ne sont pas soumises au code. La question en matière de contentieux est celle de sécurité juridique car les règles entre le code et l’ordonnance sont quasi semblables et donc on se demande si les règles du code s’appliquent aux cas de l’ordonnance.

Section 1- La définition des marchés publics

 En cas de discordance entre le droit de l’Union européenne et le droit interne, le droit interne est en sursit sauf si on est en dessous des seuils prévus par le droit de l’Union européenne. Ces seuils viennent d’être révisés en droit français : règlement européen du 13 décembre 2013 qui a fait l’objet d’une révision de l’article 26 du code des marchés publics par un décret du 26 décembre 2013 qui distingue trois hypothèses : les marchés publics en matière de travaux (5 186 000€ hors taxe), les marchés publics en matière de services et fournitures de l’Etat (134 000€ hors taxe) et les marchés publics en matière de fournitures des collectivités territoriales (207 000€ hors taxe). Malgré des seuils, le droit de l’Union européenne peut tout de même se saisir du contrat qu’il intéresse le marché commun.

 

P1- Le critère organique

 C’est la même logique pour les marchés publics et les concessions en droit de l’Union européenne.

 

                A- Le cocontractant

 Le cocontractant concluant un marché avec l’administration est nécessairement un opérateur économique au sens fonctionnel du droit de l’Union européenne. C’est même désormais un élément de définition. Il a fallu attendre les directives de 1992-1993 pour qu’apparaissent les personnes publiques définies comme prestataires de service et donc soumises aux règles de passation. Auparavant, il y avait tendance à opposer le privé et le public. On considérait implicitement que le droit français des marchés publics insiste sur l’acheteur public et non pas sur l’opérateur économique et que donc ce n’est pas un opérateur économique comme les autres. Aujourd’hui, avec l’avis Jean Louis Bernard Consultants du 8 novembre 2000, le Conseil d’Etat admet qu’il n’existe aucun texte ou principe interdisant à une personne publique de se porter candidate à l’attribution d’un marché public à condition de préserver en toute hypothèse l’égalité entre les prestataires publics et privés. Depuis 2001, le code des marchés publics en son article 1er parle d’opérateurs publics et privés.

 

                B- L’acheteur public

 C’est celui qui passe commande est défini essentiellement en droit de l’Union par la notion de pouvoir adjudicateur et d’entité adjudicatrice.

                 1- Le pouvoir adjudicateur

 Cette notion vise deux types d’acheteurs publics :

                 a- Les collectivités publiques (le pouvoir adjudicateur par nature)

 En droit français, sont des personnes morales de droit public : l’Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics et certaines personnes publics sui généris. Le code des marchés publics français s’applique d’une part à l’Etat et ses établissements publics administratifs et aussi les collectivités territoriales et tous leurs établissements publics locaux.

                 b- Les organismes de droit public

 Ils ne relèvent pas de la catégorie de pouvoir adjudicateur par nature donc par leur statut mais au regard de l’influence publique qu’ils subissent. L’idée est que du fait de cette influence, ces organismes sont soupçonnés de ne pas acheter en respectant la rationalité économique. En cas d’influence publique, on considère ces organismes comme assimilables à des pouvoirs adjudicateurs pour éviter qu’ils ne méconnaissent la rationalité économique.

 La directive générale a précisé les quatre éléments de définition d’organisme public : tout organisme doté de la personnalité juridique créé pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel et commercial et dont soit l’activité est financée majoritairement par une personne publique (Etat, collectivités territoriales ou autres organismes de droit public) soit la gestion est soumise à un contrôle de la personne publique soit l’organe d’administration, de direction ou de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié est désignée par une personne publique.

 Concernant le critère d’influence publique, c’est une dépendance étroite et le droit de l’Union utilise des indices prenant trois formes émis dans la définition. La satisfaction de besoins d’intérêt général autre qu’industriel et commercial est importante car on cherche ici la finalité de l’organisme et donc cette définition des besoins d’intérêt général est autonome. Il s’agit que les besoins soient satisfaits d’une manière autre que par l’offre de biens ou de services sur le marché.

 L’appréciation est parfois délicate mais ce qui est certain c’est que le droit français raisonne d’un point de vue de l’activité alors que le droit européen réfléchie en terme de finalité, ce qui explique que la technique du faisceau d’indices est utilisée. La jurisprudence est très casuistique car elle examine les textes régissant l’organisme dont les statuts, la possibilité que l’administration apporte un soutien, peu importe que cette possibilité soit implicite ou s’il n’existe qu’un soupçon d’aide. Cour de justice des communautés européennes. 16 octobre 2003. Commission c/ Espagne : il était question d’une société immobilière de droit privé chargée de la construction d’établissements pénitentiaires dans une logique marchande. La Cour ne s’est pas contentée des apparences car si la société devait faire faillite l’administration viendrait à son soutien et reprendrait l’activité en question.

 Dernier critère, l’entité doit être créé spécifiquement pour satisfaire ces besoins. L’organisme doit donc être dédié à la satisfaction de ces besoins. Là encore, le caractère dédié est apprécié de manière très large et fonctionnelle, notamment en s’attachant à la finalité même. L’entité peut donc avoir à satisfaire des besoins marchands et non marchands mais elle sera qualifié comme organisme de droit public pour le tout. La Cour admet que l’entité ne soit pas nécessairement d’origine ou d’initiative publique. On peut avoir un organisme de droit public alors qu’il s’agit d’une initiative privée qui sera reconnue ultérieurement par l’administration. L’essentiel est que l’entité satisfasse un intérêt général autre qu’industriel et commercial, que cette mission soit confiée pendant sa création ou ultérieurement.

 Le droit dérivé de l’Union contient une annexe avec une liste d’organismes de droit public qui n’est pas exhaustive mais qui donne pour la France une large énumération : personnes publiques autres que les personnes publiques classiques, mais aussi des personnes morales de droit privé (société d’économie mixte locale,…).

 

                2- L’entité adjudicatrice

 Cela désigne l’équivalent du pouvoir adjudicateur dans 4 secteurs : transports, distribution d’énergie, eau, poste. Il s’agit des pouvoirs adjudicateurs au sens de la directive générale lorsqu’ils achètent pour revendre, des entreprises publiques dans ces différents secteurs en question (ordonnance du 7 juin 2004) mais aussi des entités privées détentrices de droits exclusifs ou spéciaux affectant substantiellement la capacité des autres entités. On rattache ces entités privées à la notion d’entité adjudicatrice car elle est dans une dépendance vis-à-vis de l’administration pour obtenir ces droits spéciaux exclusifs ou pour les préserver.

 

P2- Le critère matériel

 Il s’agit ici de l’intérêt du marché : satisfaire des besoins publics par des prestations.

                 A- Satisfaire des besoins publics

 Le pouvoir adjudicateur se donne les moyens nécessaires pour exercer son activité et pour cela il précise préalablement ses besoins. L’idée est la même en droit de l’Union et dans le code des marchés publics mais avec une discordance sur l’étendue de la notion de besoin.

 En droit français, cela permet de distinguer les marchés publics avec les contrats voisins. Cela permet de distinguer avec la délégation de service public car la personne publique ne reçoit pas de prestation mais assure une mission d’intérêt général au profit de tiers usagers. Elle permet aussi de distinguer avec le contrat de subvention puisque dans celui-ci la collectivité publique n’espère aucune prestation directe de la part du bénéficiaire.

 Du point de vue du droit de l’Union, le besoin n’a pas les mêmes conséquences car le marché public et la concession ont les mêmes parties, ils ont le même marché. La différence porte sur le mode de rémunération. On peut noter dans les nouvelles directives adoptées qu’elles étendent le champ d’application au delà de la finalité publique, ce qui marque davantage une indifférence du droit de l’Union à la notion de besoin.

 

                B- Par des prestations

 Il s’agit de l’objet du contrat : travaux, fournitures ou services. Chaque catégorie est largement entendue en droit de l’Union. La catégorisation selon le type de prestation est essentielle car elle gouverne la logique des seuils et la nature des règles de passation qui sont parfois différentes selon la nature des prestations.

 

                1- Le marché de travaux

 Il s’agit des prestations consistant en l’exécution de travaux. Il porte sur des biens immobiliers, ce qui exclue les travaux de rénovation ou de grands entretiens sachant qu’on distingue trois hypothèses :

  • la simple exécution de travaux
  • la conception et l’exécution de travaux (constructeur est associé au concepteur par le biais d’un contrat)
  • la réalisation par quelque moyen que ce soit d’un ouvrage répondant aux besoins précisés par le pouvoir adjudicateur (problème de concordance entre le droit français et le droit européen car la construction d’un ouvrage pour une personne publique se fait en principe avec une maitrise d’ouvrage du pouvoir adjudicateur en droit français)

 La maitrise est définie par trois conditions :

  • l’ouvrage est construit pour le compte de la personne publique et à son initiative
  • la personne publique dirige les travaux
  • la personne publique est propriétaire de l’ouvrage public dès son achèvement

 Cependant, il peut y avoir des cas d’absence de maitrise de l’ouvrage avec notamment une hypothèse où un promoteur va louer un ouvrage sur le plan avec la prise en compte de l’intérêt de la personne publique future propriétaire. Le droit de l’Union européenne couvre toutes les hypothèses, peu importe que la maitrise d’ouvrage soit publique ou non. Il suffit donc d’avoir le critère de satisfaction des besoins du pouvoir adjudicateur pour être dans le champ d’application des directives. La directive vise la réalisation d’un ouvrage répondant aux besoins précisés par le pouvoir adjudicateur. Il suffit juste que le pouvoir adjudicateur prenne des mesures ou exercer une influence déterminante quant à la conception de l’ouvrage : Cour de justice de l’Union européenne. 25 mars 2010. Helmut Müller.

 

Par ailleurs, la loi MOP du 12 juillet 1985 impose des restrictions pour les marchés de travaux visant l’hypothèse de conception et exécution de travaux. Elle pose le principe selon lequel pour la réalisation d’un ouvrage, la mission de maitrise d’oeuvre est distincte de celle d’entrepreneur (article 7). Il y a donc la conception et la réalisation qui doivent être dissociées pour permettre une meilleure qualité des ouvrages. Ce n’est qu’à titre dérogatoire que les deux peuvent faire partir d’un même contrat appelé contrat complexe (article 18) et repris à l’article 37 du code des marchés publics. Il faut cependant justifier le recours à cette conception réalisation combinée par une condition qui est que l’association de l’entrepreneur à la conception doit être rendue nécessaire par un engagement contractuel sur un niveau d’amélioration de l’efficacité énergétique ou des motifs d’ordre techniques. Cette dissociation de principe n’est pas contraire en soi au droit de l’Union car les deux contrats sont soumis à la concurrence donc les procédures de passation. Cela montre la réticence ancienne française vis-à-vis des contrats globaux.

 

L’autre problème de la loi MOP est le fait que l’administration pour qui l’ouvrage réalisé ne peut pas se démettre de sa fonction de maitre d’ouvrage. Si on a un marché dont l’objet est de réaliser un ouvrage, par définition il répond à des besoins d’une personne publique, et donc le droit français associe la notion de marché public de travaux avec la notion de maitrise d’ouvrage nécessairement publique. Les contrats avec maitrise d’ouvrage privée seront exclus du champ d’application des marchés publics en droit français et donc les contrats de vente d’immeuble à construire par exemple ne peuvent pas être des marchés publics.

 

Il y a donc un certain nombre de contraintes dans la loi MOP ce qui explique l’apparition de contrats avec maitrise privée pour l’écarter lorsque les besoins satisfaits ne présentaient pas de grandes spécificités et enjeux. Conseil d’Etat. Région Midi Pyrénées. 8 février 1991 : il clarifie la distinction entre le marché public de travaux et le contrat privé de vente d’immeuble à construire. Pour avoir marché public, trois conditions cumulatives sont nécessaires selon lui : la construction doit se faire pour le compte de la personne publique, l’immeuble doit être entièrement destiné à devenir la propriété de la personne publique et l’immeuble doit être conçu en fonction des besoins propres de la personne publique. Si une des conditions fait défaut, ce ne sera pas un contrat de marché public. Si la personne publique n’acquiert pas immédiatement la propriété d’ouvrage mais par exemple le loue pendant plusieurs années, chose courante dans les contrats domaniaux, ce n’est pas un marché public car cela ne répond pas à la définition mais cela répond tout de même à la définition européenne.

 

Il existe un problème par rapport au financement de travaux parce que si on admet un préfinancement privé donc un paiement public de l’ouvrage n’intervenant pas à l’achèvement de l’ouvrage, le risque est que ce soit contraire au principe posé dans le code des marchés publics interdisant le paiement différé (article 96 du code des marchés publics). Le législateur est intervenu pour créer des contrats ayant cet objet mais ce ne sont pas des marchés publics et donc soustrait à l’interdiction du paiement différé. Les baux emphytéotiques administratifs et les partenariats public privé sont aussi des manières d’échapper à cette interdiction applicable aux marchés publics.

 

                2- Le marché de fourniture

 Il porte sur les marchés ayant pour objet l’achat, le crédit bail, la location avec ou sans option d’achat de produits. La notion de produit est entend largement car cela peut être un produit existant, en fabrication ou à venir.

 

                3- Le marché de service

 Il s’agit des marchés publics hors les marchés publics de travaux et les marchés publics de fourniture. Cette définition négative permet au droit de l’Union de s’assurer que rien ne lui échappe. Il peut s’agir de services courants. C’est une définition difficile politiquement. Initialement, le droit de l’Union distinguait deux types de services : le régime normal ou service des services prioritaires (annexe A de la directive 2004-18 transposée à l’article 29 du code des marchés publics) et concernant les services mis en concurrence & le régime allégé (annexe B et transposition à l’article 30 du code des marchés publics) pour des services plus spécifiques considérés comme peu exposés à la concurrence (services sociaux et culturels) pour lesquels deux obligations sont imposées au pouvoir adjudicateur, une définition de la prestation de service à partir de spécifications techniques conformes au droit de l’Union et une publicité de l’avis sur le marché passé. Ce sont donc des règles peu contraignantes.

 

L’idée pour ce régime allégé est que ces services ne présentaient pas à l’égard de leur nature d’intérêts transfrontaliers suffisants. Cela n’intéressait donc pas l’Union européenne même si la Cour admettait parfois qu’il existait par exception un tel intérêt. L’objet était de permettre à la Commission de surveiller les services.

 

Cette grande distinction a été repensée et amendée dans la directive 2014 car par principe tous les marchés publics relèvent du droit commun fixé par la directive. Par exceptions limitées, il y a un régime de passation restreint qui est prévu. Cela vise notamment les services sanitaires, les services sociaux, les services de sécurité sociale obligatoires bénéficiant d’une certaine vigilance du droit de l’Union, sauf si ces services sont organisés par les Etats membres comme des services d’un intérêt non économique.

 

La transposition de cette logique ternaire a été respectée en droit français avec une ambiguité tenant à l’existence du marché de service public visant à confier la gestion même d’un service public et donc pas à satisfaire des besoins ponctuels. Les marchés de service public répondent à deux critères :

  • la gestion du service public doit faire l’objet d’un transfert exclusivement technique et matériel
  • la gestion du service public doit être limité : Conseil d’Etat. Avis. 16 juin 1994

 

Conseil d’Etat. 15 avril 1996. Préfet des Bouches du Rhone c/ Commune de Labsec : il s’agissait d’un contrat qui confiait l’activité de collecte et d’évacuation des ordres ménagères et la gestion de la décharge communale mais le Conseil d’Etat a relevé que la rémunération du cocontractant était assurée par un prix payé par la commune et donc le critère de la rémunération l’a emporté. C’était donc un marché de service public où la rémunération est essentiellement forfaitaire et donc va varier qu’à la marge. Ce sont des activités sociales ou pour lesquelles l’évaluation de l’économie générale du contrat est à priori délicate.

 

L’objet du marché public est une prestation simple et courte (2-3 ans) et la nomenclature PCV donne une liste permettant de clarifier la prestation à laquelle le marché public fait référence. Mais tous les problèmes ne sont pas prévus. Par exemple, nettoyer les fenêtre est considéré comme un service alors que le nettoyage de l’extérieur des bâtiments est un objet travaux.

 

                4- Les marchés publics à prestation mixte

 Souvent se pose la question de savoir comment faire lorsque les prestations sont diverses. Le droit de l’Union a adopté un double raisonnement reprit par le code des marchés publics :

  • le marché porte à la fois sur des travaux d’une part et des fournitures ou des services d’autre part et dans ce cas l’objet principal l’emporte et il est déterminé d’un point de vue qualitatif
  • le marché porte sur des fournitures et des services et dans ce cas le droit positif impose de tenir compte de la valeur respective des prestations et donc le critère est ici quantitatif.

 

Ils ont posé le problème de l’allotissement. Le code des marchés publics prévoit que l’administration doit justifier le regroupement des prestations dans un même marché. Cela est favorable à l’allotissement des marchés publics, ce qui est une façon pour le droit français de favoriser le PME, le principe étant qu’il faut autant de marché que de prestations. Seules les grandes entreprises peuvent assurer des contrats mêlant différentes prestations. De ce point de vue, la décision de faire exception à ce principe de l’allotissement des marchés est soumis à un plein contrôle du juge administratif. La directive de 2014 reprend cette incitation à l’allotissement.

 

                5- Les contrats ayant un double objet

 Ce sont des contrats ayant un objet de marché public et un autre objet. Cela a donné lieu en droit français à un problème de qualification de contrat de mobilier urbain (abris de bus, cabines téléphoniques, panneau d’infirmation,…). Avis du 14 octobre 1980. Conseil d’Etat : par ces contrats, les entreprises s’engagent à installer gratuitement sur le domaine public des abris et obtiennent en contrepartie l’autorisation d’exploiter à titre exclusif ces supports à des fins publicitaires. Cela ne peut pas être une délégation de service public car il y a pas de redevance des usagers en contrepartie des prestations qui leur sont fournis. Le Conseil d’Etat en conclut que c’est une variété de marché public, un marché de prestation de service assorti d’occupations du domaine public.

 

Conseil d’Etat. Ass. 4 novembre 2005. Société Jean Claude Decaux (2 arrêts) : sont en cause deux contrats de 15 ans passés par deux communes distinctes par lesquels les communes avaient autorisé la société à installer sur le domaine public des arrêts de bus avec une obligation de construction et d’entretien des ouvrages et des droits exclusifs d’affichage avec une exonération de la redevance domaniale. La société avait la possibilité de louer à des annonceurs des espaces publicitaires, une partie seulement étant réservée à l’affichage communal. On se demandait si c’était un contrat d’occupation du domaine public, d’un achat et donc sur quoi. Pour le Conseil d’Etat, le contrat répond à des besoins de la commune qu’il appelle des besoins locaux d’intérêt général en matière d’information municipale, de propreté et de protection des usagers des transports publics contre les intempéries. Il y a donc satisfaction des besoins par des prestations de service et il considère qu’il n’y a pas lieu à rechercher si la fourniture de prestations de service est un élément accessoire ou principal de l’objet du contrat. Il suffit qu’il y ait satisfaction d’un besoin public pour que ce soit reconnu un marché public.

 

Pour le commissaire de gouvernement, si les contrats signés avaient pour objet de permettre à la société de mener son activité commerciale sur le domaine public, il estimait que ces contrats ne pouvaient en aucun cas être réduit à cette dimension des choses. L’aspect domanial du contrat couplé avec une exonération de la redevance pour la société était ce qui constituait la contre partie, donc la prestation de service. Le problème est qu’en l’espèce la société était rémunérée par la location des espaces publicitaires et donc la redevance était marginale. Il y avait donc une forte ressemblance avec la délégation de service public. Le Conseil d’Etat passe donc sous silence le critère de la rémunération pour faire prévaloir l’objet.

 

Cette jurisprudence pose donc la question de l’articulation entre la rémunération et l’objet, sachant que l’Union différencie que par la rémunération. La rémunération, dans la concession, est le droit d’exploiter le service ou le droit assorti d’un prix qui ne peut pas être majoritaire.

 

Par cette jurisprudence, le Conseil d’Etat refuse de créer un nouveau type de contrat mais il aurait été possible de préserver la partie intime du contrat de mobilier urbain avec l’idée de respecter les mesures de publicité et de mise en concurrence. Depuis des années, l’Autorité de la concurrence dit que les contrats domaniaux devraient être soumis à l’obligation de publicité et de mise en concurrence.

 

P3- Le critère de la rémunération

 Il pose deux séries de problèmes différents : un problème général et principe de paiement non différé. La rémunération suppose un prix qui peut prendre des formes diverses.

 

                A- Le prix et ses dérivés

 L’un des critères du marché public est que le contrat doit être passé à titre onéreux. En cas de risque financier, c’est l’administration qui le supporte. La rémunération du cocontractant est en principe posée à la signature du contrat. En principe, le prix convenu ne peut être révisé que par des clauses de révision. Le risque du cocontractant est donc une mauvaise évaluation des coûts.

 

Il y a différentes hypothèses :

  • Le prix est le versement d’une somme en argent.
  • Le paiement en nature est possible comme la cession d’un terrain, de matériaux.
  • L’abandon par l’administration d’une créance qu’elle détient sur son cocontractant est possible aussi. L’hypothèse la plus évidente est la renonciation de la perception d’une taxe par l’administration. Cour de justice des communautés européennes. Ordre des architectes de la province de Milan. 2 juillet 2001. De manière générale, la jurisprudence insiste sur le fait que le marché public impose une contrepartie de la prestation fournie et donc le pouvoir adjudicateur doit avoir un intérêt économique direct dans l’opération. Le pouvoir adjudicataire peut notamment devenir propriétaire au terme du contrat ou disposer d’un titre juridique lui assurant la disponibilité des ouvrages pour une affectation publique.
  • Il y a l’abandon par l’administration de recettes tirées de l’exploitation. Dans ce cas, le cocontractant de l’administration prend lui même des risques alors que la notion de marché public suppose que le risque reste entre les mains de l’administration. Le versement du prix revient donc à transférer le risque au contractant. Le juge administratif a admis cette hypothèse dans le cas d’un marché de réalisation d’un bulletin d’information municipal où le cocontractant était rémunéré par les recettes des annonceurs publiés dans le bulletin. Cette hypothèse n’est pas la même chose que l’abandon à une taxe car la redevance domaniale n’est pas juridiquement une taxe parce que cette redevance est fixée à partir des recettes attendues de l’exploitation domaniale et plus largement en fonction des avantages de toute nature procurés par l’autorisation d’occupation domaniale. D’autre part, lorsque l’administration abandonne une taxe, il y a par définition une équivalence entre le cout de la prestation demandée et le montant exigé de la taxe. Dernier élément de distinction, la taxe aurait été perçue directement par l’administration et on a un contrat à titre onéreux car l’administration abandonne cette taxe et donc on a une relation bilatérale. Dans l’autre cas, la relation est tripartite car elle se joue entre l’administration, le gestionnaire du domaine et des tiers. En droit de l’Union, il est admis qu’existe un marché public alors même que le contrat ne se traduit pas par une charge pour l’administration : Cour de justice des communautés européennes. 15 juillet 2010. Commission c/ Allemagne : « il n’est pas indispensable que les pouvoirs adjudicateurs supportent en définitive eux-même le poids économique de la prestation ».

               

                B- L’interdiction du paiement différé en droit français

 Le principe en droit français des marchés publics est que le paiement doit être effectué après service fait. Chaque prestation doit avoir été payée à l’issue de son exécution. C’est une règle ancienne posée dans un souci de protection des deniers publics et de suivi par l’administration de ses engagements financiers réels. L’idée est d’interdire à l’administration de s’endetter auprès de personnes privées plutôt qu’auprès d’établissements financiers sachant que dans ce cas l’endettement est effectué dans des conditions plus favorables.

 

Pour les marchés publics de travaux, l’administration doit payer les travaux au plus tard au moment de la réception des travaux. Mais, cette obligation peut constituer un impératif lourd, surtout dans un contexte de crise économique et donc l’administration peut être tentée, et l’a été, de passer des marchés publics à prestation mixte c’est-à-dire portant à la fois sur des constructions mais aussi sur la gestion des ouvrages construits. L’intérêt de la prestation mixte est d’étaler le paiement du travaux sur la durée du contrat qui est ici plus long. L’administration peut attendre la perception des redevances de l’usager pour payer les travaux en décalé dans ce cas. C’est ce qu’on appelle le préfinancement privé car ce n’est pas l’administration qui paye dans un premier cas car la rémunération est assurée par l’exploitation. Ensuite, il y aura un paiement de la part de l’administration à la fin du contrat.

 

Les METP (marchés d’entreprises de travaux publics) sont des contrats de longue durée ayant pour objet la réalisation et l’exploitation d’ouvrages nécessitant des investissements importants dont l’amortissement doit être effectué pendant toute la durée de l’exploitation et comportant pour le cocontractant de l’administration des garanties analogues à celles accordées au concessionnaires de service public : Conseil d’Etat. 11 décembre 1963. Villes de Colombes.

 

Le problème est que l’administration n’a pas respecté cette logique initiale car cela permettait à l’administration des paiements différés par des contrats prévoyant la construction d’ouvrages accompagnés non pas de l’exploitation mais de l’entretien. Pour  éviter d’avoir un paiement immédiat, l’administration mettait systématiquement une mission d’entretien dans le contrat et donc elle échappait à la règle d’interdiction du paiement différé. Elle faisait même cela lorsque c’était artificiel, notamment pour la rénovation des lycées et collèges. C’était une manière pour l’administration de contourner le code des marchés publics. Le Conseil d’Etat a fini par admettre ce contournement tardivement, ce qui a expliqué la jurisprudence dans laquelle il a tenté de resserrer la notion de METP aux notions strictes d’exploitation : Conseil d’Etat. Avis du 18 juin 1991. La question était de savoir ce qu’il se passait pour les vrais METP, s’ils pouvaient échapper au code des marchés publics. Ici, le Conseil d’Etat a entendu la logique de 1991 aux vrais METP en considérant que par leur objet ils sont des marchés publics : Conseil d’Etat. 8 février 1999. Préfet des Bouches du Rhône c/ Commune de la Ciotat.

 

L’interdiction du paiement différé est en lien avec le principe selon lequel les contrats globaux ne son admis qu’à titre dérogatoire dans le code des marchés publics et à condition de justifier un tel recours à ces contrats globaux. L’idée est donc d’éviter les METP. Les partenariats public-privé visent à répondre à un problème de l’administration : comment faire réaliser des travaux d’équipement public sans en verser le prix une fois l’ouvrage achevé ? C’est ce qui explique des réponses offertes au fur et à mesure dans le droit positif. Ce sont des montages complexes permettant à une personne publique de prendre des immeubles à bail et d’en devenir propriétaire qu’à la fin du contrat. Ce sont les hypothèses du bail emphytéotique administratif.

 

Section 2- Les exclusions du droit des marchés publics

 

En droit français, on estimait que les mandats permettaient une exclusion du droit des marchés publics jusque : Conseil d’Etat. 5 mars 2003. Union nationale des SPIC. Il y a trois exceptions.

 

P1- Le droit exclusif

 Il s’agit de relations contractuelles uniquement de service entre deux pouvoirs adjudicateurs par lesquelles l’un des deux achète et l’autre dispose d’un droit exclusif pour offrir la prestation. Le droit de l’Union accepte cette dérogation en vertu de dispositions législatives, réglementaires ou administratives publiées à condition que le droit exclusif soit compatible avec le TFUE, donc qu’il respecte le droit de la concurrence.

 

Trois conditions sévères doivent être remplies :

  • Le droit exclusif ne peut concerner que des marchés de service. L’idée est que le droit de l’Union reconnaît une longue tradition de services entre les personnes publiques.
  • Le droit exclusif doit être établi en amont du contrat en raison d’un acte administratif unilatéral et ne doit pas résulter du contrat lui-même.
  • Le droit exclusif doit respecter le droit primaire donc qu’il réponde à un service d’intérêt général.

 

P2- Les prestations in house

 La Cour de justice des communautés européennes devait répondre à un requérant qui s’appuyait sur la jurisprudence Unipain en estimant que les administrations peuvent s’approvisionner en recourant à leurs propres services. La jurisprudence répond deux choses :

  • Il existe en effet en droit de l’Union un principe selon lequel un pouvoir adjudicateur a la possibilité d’accomplir les tâches d’intérêt public qui lui incombe par ses propres moyens (administratif, techniques et autres) sans être obligé de faire appel à des entités externes n’appartenant pas à ses services.
  • Mais la jurisprudence européenne a fait le pas supplémentaire suggéré par le requérant en consacrant par analogie la possibilité pour l’administration de s’approvisionner en ayant recours à l’un de ses démembrements et non plus à un de ses services à proprement parler. On a donc une personne morale qui existe mais elle est étroitement liée à l’administration. L’activité reste donc gérée à l’intérieur de la sphère administrative.

 

Le contrat in house est un contrat assimilé à un contrat avec soi même, on assimile donc à l’absence de contrat : Cour de justice des communautés européennes. Teckal. 18 novembre 1999. Depuis, la jurisprudence a précisé que le in house ne peut concerner que les pouvoirs adjudicateurs et tout type de prestation. Il y a un double lien : structurel et fonctionnel. D’après la jurisprudence Teckal, la collectivité doit exercer sur la personne en cause un contrôle analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres services et réaliser l’essentiel de son activité avec la ou les collectivité(s) qui la détienne.

 

                A- Le lien structurel

 Le pouvoir adjudicateur doit exercer un contrôle analogue à celui sur ses services. On doit donc avoir un pouvoir quasi hiérarchique. Mais on se demande ce qu’est un contrôle analogue et la jurisprudence utilise la méthode du faisceau d’indices. Il y a des tendances :

  • Si l’entité détient des capitaux publics et privés, le contrôle analogue est impossible du fait de la présence de capitaux privés, même s’ils sont minoritaires : Cour de justice des communautés européennes. Stadt Halle. 11 novembre 2005. Tout placement de capital privé dans une entreprise obéit à des considérations propres aux intérêts privés et poursuit des objectifs de nature différente. Ce raisonnement à conduit à exclure les sociétés d’économie mixte de l’exception du in house et donc le législateur a créé les sociétés publiques locales détenues entièrement par des collectivités territoriales de manière à répondre à cette hypothèse de contrôle analogue.
  • Le problème est que même en cas de présence de capitaux publics seulement la Cour reste vigilante. Le contrôle analogue suppose que la personne publique soit en mesure d’influencer les décisions de l’entité tant pour ce qui concerne les objectifs stratégiques que les décisions importantes.
  • Dans la jurisprudence, échappent à l’exception in house une société totalement publique à l’origine mais dont il était prévu l’ouverture de son objet social et de son capital et donc des personnes privées vont pouvoir détenir cette entité : Cour de justice des communautés européennes. 13 octobre 2005. Parking Brixen ou Cour de justice des communautés européennes. 10 novembre 2005. Commission c/ Autriche : « le fait pour un pouvoir adjudicateur de confier une activité à une société entièrement détenue par lui et sans passer par le respect des procédures de marchés publics alors que 49% des parts de l’entité en question ont été cédées juste après la conclusion du contrat à une société tierce » doit faire prendre en compte les événements survenus après la date de conclusion du contrat.
  • Concernant les sociétés coopératives intercommunales chargées de la gestion du réseau de télédistribution de plusieurs autres personnes publiques, la Cour donne trois indices : 1. la détention du capital de l’entité soit par le pouvoir adjudicateur soit avec d’autres pouvoirs publics ; 2. la composition des organes de décision de l’entité ; 3. l’entendue des pouvoirs reconnus au conseil d’administration de l’entité : Cour de justice des communautés européennes. 13 novembre 2008. Coditel Brabant. Le contrôle doit être effectif et donc il ne doit pas être dilué, ce que le Conseil d’Etat affirmera aussi : Cour de justice de l’Union européenne. 22 novembre 2012. Econord.

 

                B- Le lien fonctionnel

 On a des hypothèses où on a un contrôle analogue mais l’entreprise peut quand même être active sur le marché et donc entrer en concurrence avec d’autres entreprises. Une entreprise n’est pas nécessairement privée de liberté d’action du seul fait que les décisions la concernant son contrôlées par la collectivité qui la détient. Il faut que les prestations de l’entité soient substantiellement destinées au pouvoir adjudicateur, les autres activités devant être marginales.

 

Par exemple, si une entité est détenue à la fois par des collectivités publiques autonomes et par l’Etat et réalise plus de 55% de son activité avec les collectivités autonomes et près de 35% avec l’Etat, le juge estime que l’essentiel de l’activité de l’entité est réalisé avec les collectivités publiques et donc le critère fonctionnel est présent : Cour de justice des communautés européennes. 19 avril 2007. Asemfo. Cette jurisprudence vient d’être codifiée dans la nouvelle directive sur les marchés publics dans son article 12. 

 

L’exception du in house en droit français

 La liberté organisation des personnes publiques est traditionnellement forte et donc le droit français a été réticent à transposer l’exception in house dans toute sa rigueur. Conseil d’Etat. Avis Fondation Jean Moulin. 2003 : le Conseil d’Etat  écarte toute obligation de mise en concurrence pour un contrat entre l’Etat et une fondation d’utilité publique. L’activité en cause exercée au bénéfice du ministère de l’intérieur consistait en la fourniture de prestations financées par des subventions et par les usagers. Cela ressemblait donc à un marché public voir une délégation de service public. Le Conseil d’Etat  a considéré qu’il ne s’agissait pas de prestations économiques et a considéré que le ministère ici procède à une simple organisation du service qui ne nécessite donc pas une passation de marché public de services. L’entité privée est ici analysée comme un service du ministère lui-même et donc le Conseil d’Etat  fait référence à la jurisprudence Unipain alors qu’elle suppose d’être au sein d’une même personne morale. Pour le Conseil d’Etat, on reste dans cette jurisprudence plutôt que dans la logique de l’exception du in house. Le Conseil d’Etat  récuse nettement la qualification d’activité économique puisque l’avis Jean Moulin laisse entendre qu’un contrat conclu à titre onéreux pour les besoins d’une collectivité publique ne relève pas du droit des marchés publics au motif qu’il manque une activité économique. Il insiste donc moins sur la nature de l’activité que la façon dont elle est exercée, ce qui a notamment critiqué par Laurent Richer qui dénonce un moyen de conserver le principe de libre organisation des personnes publiques.

 

Cela a été repris dans Conseil d’Etat. Commune d’Aix en Provence. 2007 : le principe de transparence ne s’applique pas lorsque eu égard à la nature de l’activité et aux conditions dans lesquelles elle est exercée, le tiers auquel les personnes publiques s’adressent ne saurait être regardé comme un opérateur sur un marché concurrentiel. En l’espèce, il y avait deux subventions attribuées par de personnes publiques à une association de droit privé et le Conseil d’Etat applique l’hypothèse d’un contrat d’organisation du service public donc hors marché.

 

Par ailleurs, le Conseil d’Etat reprend la jurisprudence Teckal : une personne publique doit être regardée comme gérant un service public si elle créé à cette fin  un organisme dont l’objet statutaire exclusif est, sous réserve d’une diversification accessoire, de gérer ce service et si elle exerce sur cet organisme un contrôle comparable à celui qu’elle exerce sur ses propres services, notamment les moyens de s’assurer du strict respect de son objet statutaire. Pour être regardé comme exerçant un contrôle analogue sur une société publique locale, conjointement avec la ou les autre(s) personne(s) publique(s) actionnaire(s), la collectivité publique concédante doit participer non seulement à son capital mais également aux organes de direction de cette société : Conseil d’Etat. 6 novembre 2013. Commune de Marsannay-la-Cote. Le fait de ne pas respecter les règles de publicité et de mise en concurrence qui n’affecte ni le consentement de la personne publique ni le contenu même de la convention ne justifie pas en l’absence de circonstances particulières que soit recherchée une résolution du contrat. Le vice en cause implique que le juge de l’exécution ordonne aux parties de résilier le contrat dans un délai de 3 mois et une saisine du juge des contrats à défaut d’entente.

 

P3- La collaboration entre personnes publiques

 Elle date de 2009 pour la coopération publique-publique : Cour de justice des communautés européennes. 9 juin 2009. Commission c/ Allemagne. En l’espèce, il s’agissait d’un contrat de services entre une commune et des circonscriptions administratives voisines pour une mission d’élimination des déchets permettant de rentabiliser une centrale. On avait un deuxième contrat qui confiait l’exploitation de cette installation à une personne privée. Ce tiers était rémunéré par le paiement d’un prix versé par les services de la ville de Hambourg, ce prix incluant des charges des circonscriptions administratives voisines. Pour l’avocat général, c’était un marché public de services. La Cour n’a pas suivi cela et elle reprend le principe selon lequel le droit communautaire n’impose nullement aux autorités publiques pour assurer en commun leur mission de service public de recourir à une forme juridique particulière.

 

On peut de ce point de vue admettre une coopération publique-publique qui échappe à la passation des marchés publics à condition de respect des conditions :

  • La coopération doit être uniquement régie par des considérations et des exigences propres à la poursuite d’objectifs d’intérêt public.
  • Il doit s’agir d’une mission de service public commune aux personnes publiques concernées. Il doit donc s’agir d’une véritable coopération.
  • Le principe d’égalité de traitement entre opérateurs économiques doit être garanti de sorte qu’aucune entité privée n’est placée dans une situation privilégiée par rapport à ses concurrents.

 

En l’espèce, la Cour estime que le contrat en cause n’a été conclu que par des autorités publiques sans la participation d’une personne privée et il ne prévoit ni ne préjuge la passation des marchés éventuellement nécessaires pour la construction et l’exploitation de l’installation de traitement de déchet. La Cour estime que la fourniture du service donne lieu au paiement d’un prix au seul exploitant de l’installation. Entre les collectivités publiques, il n’y a pas de rémunération. La Cour note qu’il ne ressort pas du dossier en l’espèce que les collectivités en cause se seraient livrées à un montage destiné à contourner les règles en matière de marché public.

 

Cette jurisprudence n’est donc pas claire car la Cour termine en disant qu’en l’espèce il n’y avait pas de volonté de détourner les règles de passation. On se demande aussi ce qu’est une coopération uniquement régies par un intérêt public. La Cour devra donc régler les choses cas par cas. Un arrêt du 19 décembre 2012 rappelle les critères et qui, renvoyant l’affaire au juge interne, ne manque pas d’insister sur la nécessité de ces critères. La nouvelle directive codifie cette jurisprudence à l’article 12 4°.

 

Conseil d’Etat. 3 février 2012. Commune de Veyrier-du-Lac : c’est une hypothèse d’une entente intercommunale par le biais d’un contrat. Le Conseil d’Etat  y a vu une convention publique-publique car il ne s’agit pas des conditions de celles du marché et la convention n’est donc pas soumise aux règles de la commande publique. Le problème est qu’il n’y avait pas vraiment de collaboration en l’espèce mais plutôt la rencontre d’une offre et d’une demande. On est donc pas dans le cadre du marché parce que l’activité est organisée de manière à ce qu’elle relève des pouvoirs publics alors qu’il s’agissait de la distribution d’eau, donc une activité marchande. Selon Laurent Richer, cela témoigne de la volonté de protéger la sphère économique publique contre le marché.

 

TITRE II  –  LES DÉLÉGATIONS DE SERVICE PUBLIC

 La délégation de service public permet aux collectivités publiques de bénéficier des compétences et du capital du secteur privé et donc c’est déjà une forme de partenariat entre les personnes privées et les personnes publiques. Le terme de concession renvoie au privé et la présence du service public suppose l’autorité de l’administration. La concession de service public veut donc organiser le service public et une activité purement commerciale.

 

On peut distinguer trois grande périodes :

  • Jusqu’au XVII e siècle : la forme de concession était présentée à travers la concession et le service dont l’objet était de confier entièrement au cocontractant un service public avec un financement propre.
  • XIXe-XXe siècle : la place essentielle des concessions de travaux nécessitant un concours financier de la part de l’Etat et un partage des risques, c’est ici que le cofinancement public est essentiel. Les concessions de service public sont un peu dans l’ordre mais elles se développeront au niveau local à la fin du XIXe siècle. Entre 1900-1930, les concessions de service reviennent en force au point qu’on s’en sert pour créer les grands principes de la théorie générale des contrats administratifs.
  • A partir 1930 : la concession de service public change de visage. Avant, elle était mise en place au profit de personnes privées. Il s’agissait essentiellement de SPIC mais la concession va rapidement faire intervenir, du fait des coûts importants, des sociétés d’économie mixte, des établissements publics ou encore des chambres de commerce et d’industrie. Le centre de gravité de la concession de service public se déplace. Il y a le noyau dur qui demeure, la protection de la mission de service public mais au delà il y a un éclatement des formules, donc des contrats utilisés pour la gestion de service public et on commence à distinguer les quatre types de contrats en service public : la concession de service public (gestion au risque du cocontractant avec souvent la construction des ouvrages nécessaires au service public), l’affermage (au risque du cocontractant mais sans dépense de premier établissement notamment et donc on confit la mission de service public sans que la personne ait besoin de construire les ouvrages nécessaires), la régie intéressée (permet de confier la gestion d’un service public dans un régime de maitrise publique étroite au point qu’on parle souvent de délégation partielle, la grosse différence est que le cocontractant bénéficie d’une double rémunération avec une base forfaitaire garantie par l’administration et un intéressement aux recettes calculé en vertu de critères de performance ou de qualités du service rendu), la gérance (elle permet de confier une mission de service public mais avec une rémunération purement forfaitaire, la collectivité assurant le risque financier et prenant toutes les décisions en matière de tarification du service).

 

La loi Sapin a repris et traduit le brouillage de la notion de contrat portant délégation d’un service public. Elle a qualifié le nouveau contrat en cause de délégation de service public en soumettant ce nouveau contrat à des règles de passation entendues de la manière la plus large possible. On a pas de définition de la délégation de service public dans la loi Sapin, ce qui explique la place de la jurisprudence.

 

En 1996, la loi Sapin est intégrée au CGCT et la loi MURCEF en 2001 a définit la délégation de service public  en codifiant la jurisprudence avec deux critères d’égale importance : objet du contrat & mode de rémunération. L’article L. 1411-1 du CGCT dit que la délégation de service public est un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d’un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé dont la rémunération est substantiellement lié aux résultats de l’exploitation du service.

 

Du côté du droit communautaire, la commission s’est rapidement montré vigilante à l’égard des concessions. Elle estimait que la concession est un instrument national susceptible de fausser la concurrence. Pendant toute la période de 1988-1994, la concession a été traitée de manière indirecte : l’idée est que le contrat de concession conclu avec une personne privée allait impliquer pour ce dernier la nécessité de conclure à son tour des contrats avec des fournisseurs sur les marchés concernés. La concession était donc à l’origine d’un milieu marchand, d’où une certaine vigilance. Il faut attendre 1989 pour qu’on parle pour la première fois de concession de travaux définie par rapport aux marchés publics de travaux. On a donc le même objet, les mêmes auteurs, la seule différence étant que la rémunération est tirée soit de l’exploitation soit d’un prix associés aux revenus de l’exploitation.

 

En 1992, la directive sur les marchés publics de service avait envisagé de mentionner la concession de service mais rapidement les institutions se sont rendus compte que c’était un terrain sensible car la concession de service pour certains Etats faisait appel à la concession de service public. La directive est donc restée muette à ce sujet. Il a fallu attendre d’abord la directive 2004-18 pour avoir une reprise de la notion de concession de travaux, un maintien du régime juridique de ses contrats mais aussi l’ajout d’une définition originale de la concession de service, non pas par rapport à l’objet service public mais par rapport à la notion publique de service. En dépit de cette définition, il n’y avait pas de régime juridique applicable pour les concessions de service car seule la concession de travaux était réglementée même si la jurisprudence Telaustria les reconnaissait tous. La directive 2004-23 réglemente les concessions de service notamment qui sont définis de la même manière : contrat conclu à titre onéreux par lequel un pouvoir adjudicataire confie la prestation et la gestion des services autres que l’exécution de travaux à un opérateur économique, la contrepartie consistant dans le droit d’exploiter les services ou dans ce droit accompagné d’un prix.

 

La loi du 3 janvier 1991 transpose le droit communautaire pour la concession de travaux sans faire référence à la notion française de concession et donc en reprenant purement la notion communautaire basée sur le critère de la rémunération. L’ordonnance du 15 juillet 2009 reprend la notion européenne de concession de travaux aussi sans se soucier des catégories françaises. Elle qualifie ces contrats de contrats administratifs et surtout elle les distingue des délégations de service public. Une délégation de service public au sens du droit français peut être au sens du droit de l’Union une concession de travaux ou de services en fonction de l’objet général du contrat. L’ordonnance de 2009 ne régie donc que les concessions de travaux au sens de l’Union européenne. Conseil d’Etat. Avis du 16 mars 2010 : il s’agissait de savoir si une modification du contrat de concession est soumise au régime de la concession de travaux ou à la fois à ce même régime et aux dispositions ressortants des délégations de service public. Le Conseil d’Etat considère qu’il faut faire application du critère de l’objet principal. Si l’objet principal est de réaliser des travaux, le régime de la modification sera celui du droit des concessions de travaux. Dans l’hypothèse inverse, ce sera le régime de la délégation de service public. La loi française dispose que la délégation de service public est un contrat, or elle peut être unilatérale.

 

Section 1- La définition de la délégation de service public

P1- Le critère organique

 Du point de vue du déléguant, on a une référence aux personnes publiques. La délégation de service public suppose un lien étroit entre le déléguant et l’organisation du service public.

 

Du point de vue du délégataire, la loi MURCEF vise aussi bien les personnes publiques que privées : avis Jean Louis Bernard Consultant. Les exceptions européennes applicables en matière de droit des marchés publics, sont également applicables en matière de concession : article 10 des directives de 2014.

 

P2- Le critère matériel

                A- Une mission de service public

                1- L’existence du service public

 Il n’y a pas de définition générale du service public mais des lois spéciales. A défaut de texte législatif, le service public est une activité assurée ou assumée par une personne publique (Conseil d’Etat. Section. Appreil. 22 février 2007 : sous réserve d’une loi, une activité d’intérêt général contrôlée par l’administration et exercée sous un régime de prérogative de puissance public est un service public). En l’absence de prérogative de puissance publique, on peut recourir à un faisceau d’indices : conditions de création, d’organisation, de fonctionnement de l’entité ; existence d’obligations de rendre des comptes ; vérification des objectifs qui ont été fixés.

 

En matière de reconnaissance d’une délégation de service public, il ne faut pas négliger la place importante de la technique téléologique que le juge lui donne. Le juge administratif est très souple. L’existence d’un service public pose des problèmes de délimitation. Le Conseil d’Etat a définit jusque 1999 la délégation de service public non pas grâce à l’objet du contrat mais grâce à la rémunération. Ainsi, le contentieux se faisait dans des affaires distinguant délégation de service public et marché public. Depuis 1999, le Conseil d’Etat a davantage eu à distinguer la délégation de service public d’autres contrats comme les occupations du domaine public, les contrats accordant des subventions. Ainsi, le critère de l’objet a trouvé toute son importance.

 

                a- Distinction délégation de service public/Convention d’occupation du domaine public

 Un contrat d’occupation du domaine public répond pour le titulaire à des considérations purement commerciales. L’occupation privative lui permet d’exercer une activité privée, la seule réserve étant un régime de compatibilité de l’activité avec le bien. L’autorisation d’occupation peut être accompagnée d’obligations répondant à des besoins de la personnes publique ou d’obligations en matière d’exercice de certaines missions de service public. Si le contrat permet d’identifier clairement un délégation de service public, l’occupation du domaine public n’empêche pas la qualification de délégation de service public car ce n’est qu’un moyen d’exercice du service public.

 

Mais, il est souvent difficile de distinguer les deux car les différences sont moins nettes. Il faut être en mesure de distinguer les obligations imposées à l’occupant du domaine en vertu des pouvoirs de la personne chargée de gérer le service public et les obligations imposées à un délégataire de service public.

 

Par exemple, une convention d’exploitation d’un restaurant dans le bois de Boulogne a comme enjeu de savoir si c’est une délégation de service public et donc s’il fallait respecter la loi Sapin. Le Conseil d’Etat répond que si l’activité du restaurant contribue à l’accueil de touristes dans la capitale et concourt ainsi au rayonnement et au développement de son attrait touristique, cette seule circonstance, compte tenu des modalités d’exploitation de l’établissement et de son inintérêt propre, ne suffit pas à lui conférer le caractère d’un service public. C’est donc une simple concession domaniale échappant au champ d’application de la loi Sapin : Conseil d’Etat. 12 mars 1999. Ville de Paris c/ Société Stella Maillot L’orée du Bois.

 

La solution a été inverse pour les concessions de plage car tout en étant des concessions domaniales elles relèvent du champ d’application des délégations de service public du fait de l’étendue des obligations imposées au titulaire de l’autorisation domaniale : Conseil d’Etat. 21 juin 2000. SARL Plage chez Joseph.

 

La question de la distinction entre la délégation de service public et la convention d’occupation du domaine public a posé problème dans le cas de la jurisprudence Jean Bouin. La Cour administrative d’appel avait retenu la qualification de délégation de service public en insistant notamment sur le faible montant de la redevance domaniale qui était la contrepartie d’une obligation de service public selon la Cour administrative d’appel. Le Conseil d’Etat estime qu’il s’agit d’une convention d’occupation du domaine public parce que l’association ne faisait pas l’objet d’un droit de regard de la part de la ville de Paris, étant donné que les obligations sont normales pour une convention d’occupation du domaine public. Il s’agit d’assurer une meilleure utilisation du domaine mais cela ne va pas jusque déceler une mission de service public.

 

                b- Les délégation de service public et les contrats de subventions

 Sous certaines réserves, les collectivités publiques peuvent attribuer des subventions à des associations présentant un intérêt public direct pour elles. Dans ce cas, l’article 10 de la loi du 12 avril 2000 prévoit la conclusion de contrats pour toute subvention pour un montant de 23 000€ qui précisent l’objet, le montant et les conditions d’utilisation de la subvention. Aucune mesure de publicité et de mise en concurrence n’est nécessaire pour ce contrat.

 

Or, on a ici tous les ingrédients d’un service public car l’activité de l’association est d’intérêt général, la personne publique est présente dans l’activité, la subvention est encadrée par la loi avec un droit de regard de la part de la collectivité qui octroie cette convention. Les modalités de gestion de l’activité peuvent conduire assez naturellement à reconnaître un véritable service public. Lorsque les conditions sont remplies, le contrat de subventionnement pourra être requalifié en délégation de service public.

 

La jurisprudence intervient régulièrement pour essayer d’éclairer les choses. Conseil d’Etat. Avis Cinémathèque. 18 mai 2004 : concernant une association bénéficiant d’une subvention de la part de l’Etat, le Conseil d’Etat estime que la mission de la cinémathèque ne correspond pas à une dévolution de la part de la puissance publique d’un service public mais qu’il s’agit uniquement d’une reconnaissance par l’Etat du caractère général de la mission menée par l’association assortie d’un droit de regard étendu sur ces activités et d’une contribution financière importante accordée par l’Etat. L’avis semblait insister sur l’initiative de l’activité.

 

Conseil d’Etat. Section. Commune d’Aix en Provence. 6 novembre 2007 : une association gérant un festival d’art lyrique avait conclu une délégation de service public selon la Cour administrative d’appel de Marseille. Le Conseil d’Etat a censuré ce raisonnement en reprenant la logique de l’avis Cinémathèque et en confirmant l’hypothèse de cette reconnaissance à postériori d’un service public, ce qui n’était pas claire dans l’avis Cinémathèque. Une activité d’initiative privée peut se voir reconnaître un caractère de service public alors même qu’elle n’a fait l’objet d’aucun contrat de délégation de service public procédant à sa dévolution si une personne publique, en raison de l’intérêt général qui s’y attache et de l’importance qu’elle revêt à ses yeux, exerce un droit de regard sur son organisation et le cas échéant lui accorde, si aucune règle ou principe n’y fait obstacle, des financements. Le service public doit être reconnu postérieurement à la création de l’association qui prend l’activité en cause.

 

La directive de 2014 précise en son article 12 que « le simple financement d’une activité, en particulier au moyen de subventions, auquel est fréquemment liée l’obligation de rembourser les montants perçus lorsqu’ils ne sont pas utilisés aux fins prévues, ne relèvent pas du champ d’application de la présente directive ».

 

                2- La possibilité de déléguer le service public

 Il faut aussi que le service public soit susceptible de délégation. On retrouve la question des services publics constitutionnels, les missions de souveraineté. Ce sont plutôt les SPIC qui font l’objet de délégations, ce qui explique en matière de SPA de larges subventions de la part de la puissance publique et l’administration préfère utiliser la technique des marchés publics de service public, notamment pour les activités sociales ou encore en matière de santé.

 

                B- Un véritable transfert de la gestion du service public

 La loi fait directement référence au terme de délégation. La gestion est retenue pour un marché public alors qu’elle est déléguée et donc on assimile la délégation de service public à une privatisation de l’activité de service public même si cela est illégal. Dans le marché public, la gestion sera technique et matérielle. Dans la délégation de service public, c’est un transfert juridique de la gestion et uniquement de la gestion car les compétences sont publiques et doivent le respecter (principe d’indisponibilité des compétences). Laurent Richer dit que la rationalité de la concession est de conférer le droit de mettre en valeur des biens à la place de la collectivité publique, laquelle accepte de se retirer. On trouve la même logique dans l’idée selon laquelle un délégataire d’un service public n’agit jamais pour le compte de la personne publique mais à son propre compte, raison pour laquelle l’administration surveille et contrôle.

 

La jurisprudence s’est peu intéressée à l’acte de délégation. Le Conseil d’Etat fait référence à l’idée d’une prise en charge effective mais au delà l’autonomie du cocontractant peut être très variable. Elle sera forte en cas  de maitrise d’ouvrage privée des travaux ou des services. Il y a une globalisation des obligations transférées. Inversement, une délégation sous la forme de gérance a peu de change de constituer une délégation de service public car il n’y a pas de véritable délégation. Le gérant exerce l’activité en tant que mandataire de la personne publique dans ce cas : Conseil d’Etat. 7 avril 1999. Guilherand Granges.

 

La prise en charge d’un service public s’oppose à la simple gestion de quelques éléments d’un service public. La mission confiée doit porter sur le noyau dur du service public par opposition à des éléments périphériques. En pratique, cette idée peut être difficile à mettre en oeuvre car un noyau dur d’un service public va être difficile à déléguer.

 

Conseil d’Etat. 19 janvier 2011. Chambre de commerce et d’industrie de Pointe-à-Pite : il s’agissait d’une convention relative à l’exploitation d’une zone commerciale hors taxe dans l’enceinte d’un aéroport. Le Conseil d’Etat a considéré qu’il s’agissait d’une simple convention d’occupation du domaine public et non pas d’une délégation de service public. Le rapporteur public considérait que l’activité était liée au développement économique du service public. Il y avait aussi des obligations imposées par la personne publique. Mais, il n’y avait pas de véritable délégation. La décision du Conseil d’Etat reflète l’idée d’un raisonnement en fonction de degré.

 

P3- Le critère financier

 Il est souvent discuté par une partie de la doctrine qui a estimé qu’il ne devait pas avoir une place si importante car il est lié au critère matériel. Le mode de rémunération permet d’identifier le risque transféré au cocontractant qui est l’expression d’un véritable transfert du service public.

 

La rémunération doit être liée au résultat de l’exploitation du service public. Les résultats d’exploitation sont liés au droit d »exploiter qui apparaît dans Conseil d’Etat. 15 avril 1996. Préfet des Bouches du Rhône.

 

L’adverbe substantiellement n’est pas fixe quantitativement car le Conseil d’Etat n’y est jamais arrivé. C’est la notion de risque financier qui est utilisée. La concession suppose qu’un aléa financier soit à la charge du concessionnaire. Conseil d’Etat. SMITOM. 30 juin 1999 : ce qui est déterminant est que le rééquilibre financier du contrat dépende des recettes engendrées par l’exploitation du service. Le cocontractant n’a pas de maitrise de ces risques, le résultat est incertain. La rémunération est donc variable en principe. Cela ne veut pas dire qu’il y a une grande incertitude concernant les recettes apportées par les tiers.

 

Concernant la possibilité d’un certain paiement public, il s’agit du régime des aides publiques notamment qui peut interdire ou du moins restreindre. On se demande si les aides ne dénaturent pas la service public, notamment lorsque l’aide porte sur les travaux. L’idée générale est que malgré cette aide le risque financier doit substituer : Cour de justice des communautés européennes. Parking Brixen. 13 octobre 2005.

 

Section 2- Le régime des biens en délégation de service public

 Une délégation de service public pose des problèmes particuliers concernant les biens utilisés, notamment en cas de fin de contrat, ce qui pose des enjeux en matière de continuité du service public. On distingue trois types de biens dans le cadre d’une délégation de service public : les biens propres (appartenant au délégataire), les biens de retour (appartenant à la puissance publique et qui sont destinés à revenir automatiquement et en principe gratuitement à la collectivité publique à l’issue du contrat dès lors qu’il s’agit de biens nécessaires au fonctionnement du service public), les biens de reprise (peuvent être rachetés par la personne publique à l’issue du contrat si elle estime que ces biens sont utiles au service public, sans être indispensable).

 

Conseil d’Etat. Ass. 21 décembre 2012. Commune de Douai : cet arrêt prend position sur le statut des biens à la fois dans le cadre d’une délégation de service public et dans le cadre d’une concession de travaux au sens du droit de l’Union à condition que le contrat mette à la charge du cocontractant les investissements correspondants à la création et à l’acquisition des biens nécessaires au fonctionnement du service public. Cela exclue donc notamment l’affermage. Sur les biens de retour, le principe selon le Conseil d’Etat est que l’ensemble des biens nécessaires au service public appartient dans le silence du contrat à  la personne publique dès leur réalisation ou leur acquisition. Toutefois, il existe des dérogations, notamment pour permettre un financement par crédit bail on peut donner des droits réels au concessionnaire pour les biens édifiés sur la propriété du concédant sous réserve que ces droits réels n’affectent pas la continuité du service public. Par ailleurs, il est possible d’avoir des biens nécessaires au service public mais qui ne sont pas établis sur la propriété publique du concédant et donc cela est envisageable que pour préserver la continuité du service public et donc c’est une condition. Le Conseil d’Etat précise qu’à l’expiration de la concession de service public tous les biens entrés dans la propriété de la personne publique et qui ont été amortis au cours de l’exécution du contrat font nécessairement retour à celle-ci gratuitement, y compris s’il s’agit de biens non édifiés sur la propriété de la personne publique. Par ailleurs, pour les biens de reprise, l’administration peut racheter les biens du délégataire sachant que le contrat peut aussi prévoir le retour gratuit à la personne publique en fin de concession. Si l’administration résilie le contrat avant son terme normal, les biens n’ont pas été forcément totalement amortis et donc il y a quand même retour à la collectivité publique mais le Conseil d’Etat précise que la personne privée a droit à une indemnisation.

 

TITRE III  –  LES CONTRATS DE PARTENARIAT

  Ce sont tous les hypothèses d’élargissement des financements, notamment les contrats de partenariat public-privé. L’expression partenariat public privé n’a aucune conséquence précise car ce n’est pas une catégorie juridique. Cela recouvre un grand nombre de types de relations contractuelles donc différents types de contrats ne présentant pas d’unité au delà de l’expression de partenariat public privé. Le meilleur élément est l’idée qu’il est admis depuis longtemps d’une collectivité publique puisse s’engager dans un partenariat avec une personne privée. Dans ce cas, elle souhaite bénéficier de l’atout de la personne privée. Cela étend, l’idée de partenariat public privé exprime quelque chose d’assez récent en droit public car cela vise désormais des hypothèses où des investissements importants sont en jeu. La décentralisation et la LOLF ont fortement contribué à la reconnaissance des investissements.

 

Dans ce contexte, on distingue quatre caractéristiques fondamentales :

  • Il s’agit d’un contrat de type global avec une obligation de résultat et de performance pour le cocontractant.
  • L’opération suppose un financement privé des investissements. Il peut certes exister un paiement public infine mais le privé doit assurer un préfinancement.
  • On reconnaît un rôle accru à l’opérateur économique dans l’opération car il peut apporter son savoir faire, son financement et son initiative.
  • Le montage partenariat public privé cherche à opérer un partage équilibré des risques de l’opération.

 

Au regard de ces grandes caractéristiques, on constate en Droit un foisonnement de contrats spéciaux, parfois extrêmement spécialisés, qui date des années 1990 et a connu un essor en 2002-2004 jusque l’unification avec l’ordonnance du 17 juin 2004. Le droit de l’Union n’a pas jugé nécessaire d’en faire une catégorie à part entière.  Il faut donc rattacher ces contrats français à la catégorie européenne de marché public ou celle de concession. L’ordonnance de 2004 créé les contrats de partenariat public privé qui sont en réalité l’aboutissement de décennies d’évolutions juridiques.

 

CHAPITRE I – LES ANTÉCÉDENTS DU CONTRAT DE PARTENARIAT

Section 1- Les contrats d’occupation du domaine public

 L’objectif fondamental de ce contrat est de permettre de confier à l’occupant du domaine public la construction d’un ouvrage répondant aux besoins de l’administration avec mise à disposition de l’ouvrage à l’administration pour permettre l’étalement du paiement sur une longue durée. L’idée est issue des montages de l’occupation du domaine privé.

 

P1- Les atouts de l’occupation du domaine privé

 En matière d’occupation du domaine privé des personnes publiques, l’administration loue un terrain contre une redevance domaniale due par le repreneur, celui ci faisant fructifier le terrain, notamment grâce à des constructions réalisées sous sa responsabilité et donc sous maitrise d’ouvrage privée. Deux types de contrat de longue durée de 18 à 99 ans ont été utilisés : le bail à construction et le bail emphytéotique.

 

Le bail a construction de l’article L. 251-1 du code de construction et de l’habitation est une situation dans laquelle le preneur s’engage à édifier des constructions sur le terrain du bailleur et à les conserver en bon état d’entretien pendant toute la durée du bail. L’idée générale est qu’ici le preneur a à titre principal une obligation de construire.

 

Le bail emphytéotique est prévu à l’article L. 451-1 du code rural. C’est un contrat qui confère à son titulaire un droit réel sur la chose donnée à bail, à charge pour lui d’améliorer le fond et de verser un loyer.

 

Dans les deux contrats, les constructions deviennent en principe gratuitement la propriété du bailleur à l’expiration du bail. Pendant le contrat, les ouvrages construits sont de la propriété du preneur. Ces types de montage sont attractifs car ils présentent des garanties. Ils permettent la constitution sur les terrains de droits réels immobiliers avec tous les attributs de la propriété. L’opération peut devenir une opération croisée par lequel l’administration loue le terrain à l’investisseur privé qui à son tour loue à bail l’ouvrage construit dans le domaine, c’est ce qu’on appelle un montage aller retour ou appelé parfois contrat réplique. Dans ce cas, cela permet à l’administration de disposer d’un immeuble en ne versant qu’un loyer, sachant qu’en principe l’administration devient propriétaire dans indemnité à la fin du bail.

 

P2- Les limites initiales de l’occupation du domaine public

 La limite principale était que ce type de montage était possible que pour des immeubles exploités par l’administration à titre purement patrimonial. Or, parce que ces montages sont attractifs, dès les années 1980, l’administration a cherché à transposer ces techniques au domaine public, en particulier la technique du montage aller retour. Elle déclassait certains terrains nus appartenant au domaine public afin d’en faire des dépendances du domaine privé. Ainsi, cela permettait la conclusion de contrats de droit privé et donc de montages particuliers dans le but de permettre des constructions avec location des ouvrages construits pour la gestion d’un service public. Une fois l’opération accomplie, l’administration réintégrait les ouvrages construits dans son domaine public.

 

Le Conseil d’Etat a eu à trancher une affaire de ce type : Conseil d’Etat. 6 mai 1985. Association Eurolat : le Conseil d’Etat met fin à de telles manœuvres en créant la domanialité publique virtuelle qui permet de considérer qu’un bien appartient par anticipation au domaine public lorsqu’il est destiné à devenir un bien nécessaire au service public ou affecté à l’usage du public. En l’espèce, le Conseil d’Etat a refusé que l’administration utilise la technique d’un montage confiant à une personne privée la construction d’une résidence sur le terrain d’une commune et la gestion de cette résidence. Depuis cet arrêt, les investisseurs se sont montrés méfiants.

 

La question était de savoir depuis comment adapter le montage aller retour aux opérations ayant leur siège sur le domaine public et non plus sur le domaine privé. Le problème est que le contrat d’occupation privative du domaine public est marqué par une forte précarité qui défit complètement la confiance nécessaire aux financements. Pour adapter le montage, il fallait donc résoudre deux difficultés : donner des garanties suffisantes aux investisseurs & autoriser la construction sur le domaine public d’ouvrages à destination publique. Or, les contrats ordinaires d’occupation du domaine public ne permettent pas de répondre à ces enjeux car ils n’offrent pas de droits réels à leurs occupants car le domaine public est inaliénable et insaisissable. De plus, les ouvrages construits par les occupants du domaine public ne peuvent être utilisés à titre du sûreté donc pas d’hypothèque ou crédit bail.

 

Conseil d’Etat. Ass. Avis TGV. 30 mars 1989 : le Conseil d’Etat s’est montré sévère et avait condamné la technique du crédit bail pour financer un immeuble affecté à un service public. En l’espèce, le gouvernement envisageait un montage en crédit bail par lequel une personne publique autoriserait l’occupation de terrains lui appartenant par une société de financement, celle-ci assurant le financement des constructions, les infrastructures construites restant la propriété de la société de financement pendant la durée du contrat. Mais, ces ouvrages étaient loués à l’administration. Pour le Conseil d’Etat, les infrastructures faisant partie du domaine public ne peuvent être financés selon la technique du crédit bail qui impliquerait que les biens ainsi financés demeurent jusqu’au terme du contrat dans le patrimoine de l’organisme du crédit.

 

Il faudrait une loi pour autoriser ce montage. Notamment, une loi du 13 juillet 1992 en matière de déchets a permis un financement par crédit bail d’ouvrages de récupération appartenant par définition au domaine public. Les contrats ordinaires ne permettent donc pas le montage aller-retour sur le domaine public car ces principes sont conclus à des fins privatives et commerciales dans le but de favoriser le domaine public. Ils ne pouvaient pas être utilisés pour des constructions répondant à des besoins publics.

 

P3- Les innovations législatives en réponse à ces limites

 On a eu deux grandes lois importantes : la loi de 1988 et la loi de 1994 permettant la construction sous maitrise d’ouvrage privée d’ouvrages répondant à des besoins publics avec un préfinancement privé des travaux.

 

                A- La loi de 1988 : le bail emphytéotique administratif

 C’est la loi du 5 janvier 1988 qui créé le bail emphytéotique administratif inspiré du bail emphytéotique mais qui est administratif car il présente des spécificités de droit public : articles L. 1311-2 et L. 1311-3 du CGCT.

 

D’abord, le bail emphytéotique administratif n’est pas possible s’il intervient dans le champ d’application de la contravention de voirie donc les voies publiques, les voies ferrées et le domaine public fluvial. Pour le reste, le bail emphytéotique administratif est un contrat administratif par détermination de la loi : article L. 1311-2 du CGCT. Initialement, il ne concernait que les collectivités territoriales et leurs établissements publics mais aujourd’hui il concerne aussi l’Etat en matière de logements sociaux par exemple ou le bail emphytéotique administratif valorisation créé par la loi du 23 juillet 2010 prévu à l’article 2341-1 du CGPPP.

 

Il y a aussi des beaux emphytéotiques administratifs spécifiques comme le bail emphytéotique administratif cultuel, le bail emphytéotique administratif sportif, le bail emphytéotique administratif sécurité, le bail emphytéotique administratif secours, le bail emphytéotique administratif valorisation.

 

Le bail emphytéotique administratif est une réponse aux limites du contrat ordinaire. Il doit être utilisé pour des finalités publiques : « un bien immobilier appartenant à une collectivité territoriale peut faire l’objet d’un bail emphytéotique administratif soit en vue de l’accomplissement pour le compte de cette collectivité territoriale d’une mission de service public soit en vue de la réalisation d’une opération d’intérêt général relevant de sa compétence » : article L. 1311-2 du CGCT. La jurisprudence est assez souple concernant le second critère car il suffit qu’il existe un lien suffisant avec l’intérêt général. L’opération peut être notamment que partiellement destinée à une mission d’intérêt général et donc un surdimensionnement des ouvrages n’est donc pas exclu.

 

La loi de 1988 prévoit que l’hypothèque du bien est possible mais sous réserve de l’autorisation de l’administration et uniquement pour la garantie des emprunts contractés par le preneur en vue de financer la réalisation ou l’amélioration des ouvrages situés sur le bien loué. Par ailleurs, le crédit bail était initialement exclu mais il est désormais possible sous réserve d’introduire dans le contrat de bail des clauses permettant de conserver les exigences du service public.

 

Le bail emphytéotique administratif a donc des limites mais c’est tout de même un grand progrès. S’est posée la question de la qualification du bail emphytéotique administratif. Le Conseil d’Etat a jugé qu’il ne s’agit pas d’un marché public au sens du droit interne car l’administration n’est pas maitre d’ouvrage et le montant des loyers versés n’égale pas le coût de l’ouvrage. Cela signifie que la réglementation du code des marchés publics ne s’applique pas. Selon le mode de rémunération, ce sera un marché public au sens du droit de l’Union ou une concession de travaux (Conseil d’Etat. Ass. 10 juin 1994. Commune de Carboure).

 

Il y a une obligation de publicité et de mise en concurrence pour le bail emphytéotique administratif au cas par cas : article 96 de la loi du 14 mars 2011.

 

                B- La loi de 1994 : l’autorisation d’occupation temporaire 

 C’est la loi du 25 juillet 1994 qui créé l’autorisation d’occupation temporaire pour le domaine de l’Etat. Elle concerne tout le domaine public artificiel. Ce n’est pas un contrat en lui-même mais un élément pouvant accompagner un contrat.

 

La loi concerne la construction d’ouvrages privés pour la satisfaction des intérêts privés du constructeur titulaire de l’autorisation initialement. Pour se faire, le dispositif confère des droits réels immobiliers qui sont d’ailleurs présumés pour l’Etat. Par ailleurs, le crédit bail immobilier est autorisé. Le montant de la redevance due est assis sur les revenus tirés de l’exploitation de l’activité sur le domaine public. Ensuite, la loi cherche à favoriser la construction d’ouvrages à finalités publiques. La loi considère que sont indissociables le droit réel portant sur les ouvrages construits sur le domaine public et le droit réel portant sur le domaine public lui-même. Une hypothèque est possible, le crédit bail est autorisé pour garantir les emprunts du titulaire pour le financement des ouvrages et dans ce cas il faut encore avoir des clauses permettant d’assurer et préserver les exigences du service public.

 

Tout cela est codifié aux articles L. 2122-6 et suivants du CGPPP. La loi précise que pour les concessions de service public, le cahier des charges détermine l’étendu du droit réel de l’investisseur. On peut avoir une appropriation privée des installations nécessaires au service public sous réserve de préserver les exigences du service public mais cette possibilité n’est permise que dans le cadre des dérogations législatives : Conseil d’Etat. Commune de Douai. 2009.

 

Dans le cadre de l’autorisation d’occupation temporaire, s’est posé la question de savoir si on peut adopter le montage aller retour et donc permettre une autorisation d’occupation temporaire pour la construction d’ouvrage à finalité publique avec une location de l’ouvrage à la collectivité publique. Le Conseil d’Etat n’y a vu aucune difficulté : Conseil d’Etat. Avis. 31 janvier 1995 : le droit réel dans le cadre d’une autorisation d’occupation temporaire peut être utilisé pour la construction d’un ouvrage loué à bail et la collectivité publique peut définir un programme pour l’utilisation de l’ouvrage construit. Dans ce même avis, le Conseil d’Etat a admit le contrat de location avec option d’achat dont il estime qu’il peut être associé à une autorisation d’occupation temporaire constitutive de droits réels. L’idée est que l’ouvrage construit par l’investisseur sous maitrise d’ouvrage privée est mis à la disposition de la collectivité publique mais elle n’en devient pas directement propriétaire car il y a une location par l’investisseur avec option d’achat pour la collectivité publique qui permet de prévoir que le montant des loyers versés pendant le contrat sera totalement ou partiellement déduit du prix de vente de l’ouvrage construit.

 

Depuis l’ordonnance de 2006 portant CGPPP, les autorisations d’occupation temporaire sont également possibles pour les collectivités territoriales : article L. 1311-5 du CGPPP. Mais cela se fait uniquement dans un but d’intérêt général alors que la loi de 1994 prévoyait un but d’intérêt privé pour l’Etat.

 

A travers ces deux lois, le Législateur a transformé la logique initiale des occupations du domaine public. Initialement, il s’agissait d’une occupation privative à des fins privées mais aujourd’hui la finalité publique est permise. Les deux dispositifs sont destinés à permettre un pré financement privé d’ouvrages publics ou répondant à des finalités publiques. Le Législateur a poursuivi son action par une voie ponctuelle et sectorielle     avec des lois spéciales entre 2002-2004. La loi LOPPSI I était destinée à permettre la construction de commissariats, gendarmeries et palais de justice notamment. La loi du 9 septembre 2002 pour la justice permet la construction d’établissements pénitentiaires. La loi du 27 janvier 2003 dans le domaine militaire et l’ordonnance du 4 septembre 2003 sur les établissements de santé sont aussi à signaler. A chaque fois, la mécanique générale est maintenue.

 Section 2- Les marchés publics dérogatoires

 Ce sont les lois du 29 août 2002 et du 9 septembre 2002 permettant la conclusion de marchés publics dérogatoires par rapport à l’interdiction du cumul des prestations de conception d’une part et de réalisation d’autre part. Ce sont donc des contrats globaux par dérogation au code des marchés publics. L’interdiction du paiement différé demeure dans ces marchés. Les lois prévoient que ces contrats font l’objet d’une mise en concurrence.

CHAPITRE II

LE CONTRAT DE PARTENARIAT PUBLIC PRIVÉ

La principale source d’inspiration est le système anglais lancé en 1992 avec l’ambition de construire des ouvrages à finalité publique sans alourdissement des finances publiques. L’autorité publique passe un contrat pour l’ouvrage et de prestations de services dont l’ouvrage est le support. Le cocontractant perçoit un prix payé régulièrement par l’administration, ce prix étant lui-même indexé sur des indicateurs de performance et de bonne disponibilité des ouvrages. Dans ce montage, trois parties sont en cause : la collectivité publique, une société de projet assurant la construction et la gestion des services, un établissement de crédit. Il y a trois contrats entre ces trois personnes. Le bilan en droit anglais est mitigé. On a relevé un gain de temps pour la construction des ouvrages mais une qualité des constructions médiocre avec un prix généralement plus élevé que dans le cadre des marchés publics.

 

Section 1- Les conditions du partenariat public privé en droit français

 

C’est l’ordonnance du 17 juin 2004 à la suite d’une loi d’habilitation du 2 juillet 2002. Le Conseil constitutionnel est intervenue le 26 juin 2003 pour encadrer l’intervention à venir de l’ordonnance. Le Conseil d’Etat a contrôlé l’ordonnance : Conseil d’Etat. Sueur. 29 octobre 2004. Le Conseil constitutionnel est à nouveau intervenu sur la loi ratifiant l’ordonnance.

 

Le Conseil constitutionnel a estimé important d’être prudent face à ce nouveau contrat notamment au regard de son objet de généraliser des ambitions jusque là sectorielles. Il a posé une série de limites constitutionnelles en raisonnant en deux temps. D’abord il dit que rien n’impose de confier à des personnes distinctes la conception, la réalisation, la transformation, l’exploitation et le financement des équipements publics ou des services. De même, le recours au crédit bail ou à l’option d’achat anticipé pour pré financer un ouvrage public ne se heurte dans son principe à aucun impératif constitutionnel. Ensuite, la généralisation de telles dérogations au droit commun de la commande publique ou de la domanialité publique serait susceptible de priver de garanties légales les exigences constitutionnelles inhérentes à l’égalité devant la commande publique, à la protection des propriétés publiques et au bon usage des deniers publics.

 

Par rapport à ce raisonnement, le Conseil constitutionnel précise que les ordonnances prises sur le fondement de l’article 6 de la loi d’habilitation devront réserver de semblables dérogations à des situations répondant à des motifs d’intérêt général tels que l’urgence qui s’attache en raison de circonstances particulières ou locales à rattraper un retard préjudiciable ou bien la nécessité de tenir compte des caractéristiques techniques, fonctionnelles ou économiques d’un équipement ou d’un service déterminé.

 

C’est ce qui explique le fait que les partenariats public privé sont strictement encadrées dans leurs conditions d’usage car ils doivent faire l’objet d’une évaluation préalable pour répondre aux exigences et conditions fixées dans l’ordonnance pour répondre à la décision du Conseil constitutionnel de 2003. Les quelques décisions du juge administratif sont très rigoureuses. Cette évaluation fait l’objet d’une mission d’appui à la réalisation des contrats de partenariat public privé qui est un service de l’Etat créé par la voie d’actes réglementaires avec recours devant le Conseil d’Etat pour concurrence déloyale de la part d’un avocat. Conseil d’Etat. Ass. 31 mai 2006. Ordre des avocats au barreau de Paris : le Conseil d’Etat rattache la mission d’appui à celle de légalité administrative.

 

Initialement, il n’y avait que deux conditions : l’urgence ou la complexité du projet. C’est l’article 2 de l’ordonnance. Si le projet présente un caractère d’urgence lorsqu’il s’agit de rattraper un retard préjudiciable à l’intérêt général affectant la réalisation d’équipements collectifs ou l’exercice d’une mission de service public, quelque soit les causes de ce retard, ou de faire face à une situation imprévisible. Pour la complexité, le recours au partenariat public privé est possible lorsque compte tenu de la complexité du projet la personne publique n’est pas objectivement en mesure de définir seule et en avance les moyens techniques répondant à ses besoins ou n’est pas en mesure d’établir le montage financer ou juridique du projet.

 

En 2008, le Législateur a voulu étendre les conditions en présumant l’urgence à titre temporaire pour des projets spécifiques, notamment en matière de logements étudiants, de police ou de défense, à laquelle le Conseil constitutionnel a répondu par la négative : Conseil constitutionnel. 24 juillet 2008. Cette décision laisse subsister une seule condition supplémentaire : si compte tenu soit des caractéristiques du projet soit des exigences du service public dont la personne publique est chargée soit des insuffisances et difficultés observées dans la réalisation de projets semblables, le recours à un tel contrat présente un bilan entre les avantages et les inconvénients plus favorable qu’aux bilans d’autres contrats de la commande publique. La loi précise que le critère du paiement différé ne peut constituer à lui seul un avantage.

 

Sur le critère de l’urgence, Conseil d’Etat. 29 octobre 2004. Sueur : le Conseil d’Etat précise que cette condition doit être entendue objectivement. Elle doit résulter dans un secteur ou une zone géographique déterminée de la nécessité de rattraper un retard affectant particulièrement la réalisation des équipements publics. Le critère de l’objectivité de l’urgence ne permet donc pas de recourir au partenariat public privé par simple priorité politique. Or, la question de la définition de l’urgence se pose.

 

On se demande s’il faut nécessairement un événement extérieur à l’administration. Il n’y a pas de réponse claire à cette question. En 2005, pour le ministère de l’économie, il fallait nécessairement un évènement extérieur à l’administration. La loi de 2008 a ajouté donc « quelqu’en soit les causes » de ce retard. Mais cela ne concerne que le partenariat public privé de l’Etat et pas le partenariat public privé des collectivités territoriales. Cette difficulté d’interpréter l’urgence rend le recours partenariat public privé fragile juridiquement. Le Conseil d’Etat y a partiellement répondu : Conseil d’Etat. 23 juillet 2010. Lenoir : cela concernait un collège et le Conseil d’Etat précise que le retard doit exister objectivement peu importe la cause du retard mais il ne faut pas relever seulement des difficultés ou inconvénients. En l’espèce, il s’agissait d’augmenter la capacité d’accueil du collège.

 

Pour la condition de complexité, Cour administrative d’appel de Lyon. 2 janvier 2014 : un contrat de partenariat public privé a été fait pour la construction et la maintenance d’une piscine. La commune invoquait pour le recours au partenariat public privé le respect de normes techniques importantes et la modicité de ses moyens humains. Pour la cour administrative d’appel, cela ne suffit pas car cela permettait une extension démesurée de la dérogation que constitue le partenariat public privé.

 

Cour administrative d’appel de Paris. 3 avril 2014. La justice dans la Cité : concernant le recours au partenariat public privé dans le cadre du futur palais de justice de Paris à Clichy Batignol. Le projet est de transférer une partie du palais de justice à cet endroit. La Cour administrative d’appel admet le recours à la partenariat public privé en insistant sur l’urgence et la complexité. Pour l’urgence, elle explique que la dispersion géographique du TGI sur 9 sites différents ainsi que la configuration du palais ne permettant pas un fonctionnement normal de cette juridiction s’agissant tant des conditions matérielle dans lesquelles les professionnels du Droit sont amenés à y exercer leurs fonctions que l’exigence d’accessibilité, de sûreté et de sécurité des personnes et des biens dans les locaux. Le recours au partenariat public privé est donc justifié par l’urgence ici car il faut agir dans le cadre du service public de la justice à Paris. Concernant la complexité, elle est également remplie car il est démontré que la personne publique est dans l’impossibilité de définir seul et à l’avance les moyens techniques du projet qui est d’une particulière complexité car il y a une forte fréquentation journalière du bâtiment, les installations sont d’une nature spécifique, l’immeuble est destiné à être d’une très grande hauteur dans une zone en cours d’aménagement sur d’anciens emprises ferroviaires non viabilisées.

 

Section 2- La définition du partenariat public privé

 

C’est un contrat administratif par détermination de la loi et est dérogatoire vis-à-vis des contrats de droit commun et par rapport aux contrats domaniaux.

 

P1- Le critère organique

 

L’autorité publique contractante peut être l’Etat ou un établissement public de l’Etat, une collectivité territoriale ou un établissement public local ou des personnes sui generis. Les personnes privées en charge d’un service public sont exclues.

 

Le titulaire du contrat est désigné par l’ordonnance comme un tiers, ce sont généralement des personnes privées mais il peut s’agir de personnes publiques. La personne privée peut être à l’initiative du partenariat public privé.

               

                P2- Le critère matériel

 

C’est une mission globale avec une distinction entre des prestations impératives et facultatives.

 

                A- La prestation impérative, la mission de base

 

L’objectif ressemble beaucoup aux marchés publics car il s’agit de satisfaire des besoins publics. Il y a une énumération de clauses obligatoires dans le partenariat public privé. Le contrat doit être prévu pour une durée déterminée en fonction de la durée d’amortissement du financement ou des modalités de financement prévues. Le cocontractant assure la maitrise d’ouvrage des travaux à réaliser même si la collectivité publique exerce un contrôle étroit à travers notamment des obligations de performance et une surveillance.

 

Il y a trois grandes prestations ici : le financement (peut être partiellement confié au cocontractant depuis 2008), la construction ou la transformation avec une autorisation du crédit bail, l’entretien/la maintenance/l’exploitation/la gestion.

 

                B- La prestation complémentaire facultative

 

L’ordonnance prévoit de confier d’autres prestations de service concourant à l’exercice par la personne publique de la gestion d’un service public dont elle a la charge.

 

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