Les demandeurs à l’action civile

Les demandeurs à l’action civile peuvent être victimes ou non-victimes

Les demandeurs à l’action civile ne sont pas uniquement la victime. Les demandeurs peuvent être :

  • — La victime : la victime est soit une personne morale soit une personne physique. L’article 2 al. 1er du Code de procédure pénal dispose que « L’action civile en réparation d’un dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction » : il faut donc que le dommage soit personnel et direct.
  • — les autres personnes que la victime. ça peut être :

    a ) les créanciers de la victime. Ils peuvent exercer l’action civile pour une infraction ayant portée atteinte au patrimoine de leur débiteur si ce dernier néglige de l’exercer. Ils ne peuvent exercer l’action civile que par la voie civile (devant les juridictions civiles).
    b ) le cessionnaire. L’action civile peut faire l’objet d’une cession (art 1690 Code Civil). Toutefois, le cessionnaire ne peut exercer l’action que devant le tribunal civil.
    c ) les tiers subrogés dans les droits de la victime. Il s’agit des tiers ayant versé à la victime une indemnité couvrant le préjudice.
    d ) les héritiers de la victime. Ils peuvent exercer l’action civile au nom de la victime mais aussi à titre personnel

Que signifie « demandeurs à l’action civile »?

Que signifie action civile? Il ne faut pas confondre action civile et action publique : — L’action publique a pour objet la poursuite de l’auteur d’une infraction devant la juridiction répressive et l’application d’une peine à cet auteur.
— L’action civile a pour objet d’accorder des Dommages et Intérêts. à la victime de l’infraction. Elle désigne l’action en justice ouverte à la victime, personne publique ou privée, d’une infraction pénale pour demander réparation du préjudice qu’elle a subi, c’est-à-dire réclamer des dommages-intérêts. L’action civile est une action en responsabilité civile du droit civil, mais son fait générateur est une infraction pénale.

L’action civile n’est pas, au fond, de l’essence du procès pénal. L’action civile apparaît alors comme étant seulement l’accessoire possible de ce principal qu’est l’action publique. L’action civile a pour objectif d’effacer les conséquences de la commission de l’infraction par les victimes, et de les effacer par des mesures qui ne sont ni des peines ni des mesures de sûreté, par des mesures réparatrices comme des dommages et intérêts.

Que signifie « demandeur? Le demandeur à l’action civile est la partie civile. Le modèle de cette partie est la victime de l’infraction. La partie civile ne se limite pourtant pas à ce cas. Cette partie civile a la possibilité d’être présente devant la juridiction répressive. Cette présence n’a pu être acquise que par dérogation aux règles ordinaires de la compétence, le juge naturel de l’action civile étant le juge civil. Il y a donc dans la possibilité d’exercer l’action civile au pénal, la manifestation d’une règle exceptionnelle. À ce titre, et comme toute exception, elle est d’interprétation stricte. Disant cela, on ne fait que reprendre un principe de portée générale valant pour tout principe : toute exception est d’interprétation stricte. Cette logique juridique est renforcée par une mesure politique.

On retrouve cet aspect politique dans le cas suivant. La partie civile a, pour l’instant, le pouvoir de déclencher l’action publique au même titre que le ministère public. À l’évidence, ce pouvoir de déclencher l’action publique, de désigner publiquement quelqu’un comme étant l’auteur ou le complice d’une infraction est grave. Dans un État de droit, il n’est pas de plus grave que ce pouvoir. En effet, ce pouvoir qui peut présenter des vertus du côté des victimes, présente des inconvénients quant à ceux qui sont accusés. Le risque d’une atteinte aux libertés individuelles pour tous ceux qui risquent d’être injustement mis en cause par des initiatives intempestives est immense.

En conséquence de quoi, pour des raisons politiques, il ne faut accorder la qualité de partie civile qu’aux personnes qui le méritent, à un petit nombre. En effet, plus on reconnaît la qualité de partie civile à un nombre étendu d’individus, plus on permet à un nombre important de personnes de déclencher l’action publique. Cela impose politiquement que l’on ait une conception restrictive de la partie civile. Cette nécessaire conception restrictive de partie civile est à comprendre et assimiler car il s’agit d’une solution incomprise et souvent critiquée par des gens qui n’ont pas saisi cela, comme les civilistes qui critiquent la procédure pénale qui aurait une conception trop étroite de la partie civile.

Ce débat se retrouve quant aux demandeurs à l’action civile. Les difficultés sont plus simples concernant les défendeurs à l’action civile.

Les demandeurs à l’action civile sont des victimes mais aussi des non-victimes

Evoquer cette question, c’est se tourner vers un article important du Code de Procédure Pénale. Il s’agit de l’article 2 qui définit l’action civile exercée par les demandeurs comme «une action enréparation du dommage causé par une infraction, celle dont le juge est saisi ». Cette action civile, l’article 2 la réserve à un certain nombre de demandeurs qu’il désigne de la formule suivante : elle peut être exercée par la personne qui a « personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction ».

C’est une définition importante, mais dont il faut souligner qu’elle est, dans une large mesure imparfaite, puisqu’est désignée uniquement une certaine catégorie de demandeurs à l’action civile. Il désigne ainsi la victime de l’infraction, en tant que partie civile. Il existe en effet des parties civiles qui ne sont pas les victimes, et qui se retrouvent donc à la tête d’une action civile différente de celle dont parle l’article 2.


Il faut donc comprendre que les termes de « partie civile » et de « victime » ne sont pas synonymes. Il faut donc voir le cas où la victime est partie civile et le cas où la partie civile n’est pas victime.

Chapitre 1. La victime partie civile

Il est bien vrai qu’aux différentes parties civiles existantes, il faut attacher la priorité à la victime. La détermination des demandeurs à l’action civile renvoie à savoir qui est victime de l’infraction dont le juge est saisi. Cette notion de victime se retrouve aussi en procédure civile. Dans cette discipline, la notion de victime est simple que l’on détermine par simple référence au caractère du préjudice. On dit qu’il faut invoquer un dommage qui doit être actuel, direct, personnel et certain. Dès lors il y a ipso facto la qualité de victime.

On ne peut pas raisonner avec cette simplicité en procédure pénale. Il n’est pas acceptable de raisonner aussi simplement. Lorsque la victime veut demander au juge réparation du dommage qu’elle invoque, il n’est pas certain qu’elle désire seulement obtenir réparation de son dommage. Elle veut aussi, et parfois c’est même son objectif unique, déclencher l’action publique ; déclencher les poursuites contre l’auteur de l’infraction. Lorsque ce déclenchement a déjà eu lieu, elle peut vouloir se joindre à l’accusation, au ministère public, pour l’aider dans son travail.

Il s’agit de prétentions qui vont au-delà de la vulgaire question de savoir à combien s’élèveront les dommages et intérêts. Cette prétention n’est pas admissible d’emblée. Il n’y a rien de plus dangereux que de déclencher l’action publique pour les libertés individuelles. La position traditionnelle de la procédure a donc toujours été restrictive De ce fait, notre procédure a toujours considéré qu’elle n’était admissible que si le demandeur à l’action civile, la victime, poursuit un intérêt privé correspondant très exactement à l’intérêt général . On a ainsi toujours veillé à ce que la demande de la partie civile vienne épouser les contours de l’action civile. Si cette condition est remplie, la victime participera à la défense de l’intérêt général, en même temps que son intérêt privé.

A l’inverse, dès l’instant qu’un particulier va prétendre se prévaloir devant le juge répressif, d’un intérêt qui ne coïncide pas totalement et exactement à l’intérêt général, sa présence dans le procès pénal n’a plus aucune justification. Il y aurait là un facteur de désordre venant parasiter l’exercice normal de l’action publique. On ne refuserait pas que la réparation du dommage serait impossible, mais pas devant le juge répressif.

À l’inverse et en conséquence, dès lors qu’un particulier va prétendre se prévaloir d’un intérêt légitime mais ne coïncidant pas totalement avec celui poursuivi par le ministère public, à l’intérêt général, sa présence dans le procès pénal n’a plus de justification. Il y aurait là un facteur de désordre venant parasiter l’exercice normal de l’action publique. Si on l’exclut du prétoire pénal, on ne la prive pas cependant de sa réparation, mais elle doit la réclamer au juge civil. La qualité de victime en procédure pénale doit être étroitement appréciée au regard de ce qu’elle est en procédure civile. On retient alors l’appréciation de la qualité de victime, puis son intérêt à agir.

Il restera enfin quelques mots à dire quant à la qualité que doit avoir cette victime pour exercer l’action civile, puisque la qualité s’apprécie au jour où la personne agit.

Les demandeurs peuvent donc être la partie lésée par l’infraction = victime. La victime peut-etre une personne physique ou morale.

— la personne physique. Le demandeur doit avoir intérêt à agir et il doit avoir capacité. Le préjudice doit être actuel, personnel à la victime et doit toucher un intérêt légitime.
L’incapable ne peut se porter partie civile.

— la personne morale. Peuvent exercer l’action civile les groupements professionnels et les associations.
=> L’action civile des groupements professionnels : les syndicats peuvent exercer l’action civile pour défendre l’intérêt collectif de la profession.
=> Pour les associations, la jurisprudence admet plus respectivement la recevabilité de l’action civile émanant des associations. Elle distingue selon que le but de l’association est intéressé ou désintéressé. Ces dernières peuvent toujours se porter partie civile, les autres doivent justifier un préjudice personnel et directe.

Chapitre 2. Les parties civiles non victimes

Il existe des hypothèses dans lesquelles des personnes vont se retrouver partie civile alors qu’elles ne sont pas concernées par l’article 2 du Code de Procédure Pénale. Ce sont donc des parties civiles non victimes. Parmi elles se trouvent des parties civiles qui ont une forte spécificité car elles défendent un intérêt collectif : des personnes morales . Il s’agit ensuite de voir le cas des autres.

Section 1 : Les parties civiles défendant un intérêt collectif

C’est la question de l’action civile exercée par une personne morale de droit privé ou de droit public. C’est une question délicate, de telle sorte qu’on expose les données de la difficulté pour voir la résolution par le droit.

  • 1. Les difficultés

S’agissant des données de la difficulté, il faut d’abord soigneusement distinguer des hypothèses différentes. Il est certain qu’une personne morale est parfois victime d’une infraction, comme une personne physique. La jurisprudence accepte qu’une personne morale soit victime d’une infraction alors qu’elle représente uniquement des intérêts moraux. C’est le cas dans l’hypothèse de diffamation.

Il se peut que cette personne morale agisse devant une juridiction répressive non pour défendre ses intérêts, mais pour représenter la victime. Cette personne morale se retrouve devant le juge répressif, un peu dans la situation d’un mandataire, comme si elle représentait et défendait ses intérêts devant la victime. On parle de « mandat ad litem ». Par exemple, le Code du travail autorise à un employé de se faire représenter par un syndicat. Il en est de même pour les associations de consommateurs. En ce cas, il n’y a pas de difficulté particulière.

Il faut se placer dans un troisième cas pour avoir une difficulté. Il s’agit, pour une personne morale, de défendre un intérêt collectif, qu’elle prétend incarner, comme un syndicat professionnel représente l’intérêt de la profession qu’il défend. Cela pose un problème car cet intérêt collectif est un intermédiaire entre l’intérêt général et l’intérêt individuel. Le risque possible serait que, sous couvert de cette protection de l’intérêt collectif, cette personne morale se substitue au ministère public dans la défense de l’intérêt général, ou se substitue à la victime dans son intérêt particulier.

Le problème prend une acuité particulière. Si l’on accorde à une personne morale d’être partie civile devant une juridiction répressive, on lui accorde de participer à l’accusation ou de lancer l’action publique, qui est une prérogative dangereuse pour les libertés individuelles. En présence de cette difficulté, la jurisprudence a admis qu’il fallait que cet intérêt collectif que la personne morale prétend incarner, soit un intérêt autonome, distinct de l’intérêt général et de l’intérêt de la victime.

On considère alors qu’un syndicat professionnel est l’incarnation d’un intérêt collectif autonome, l’intérêt de la profession ne se confondant pas avec un intérêt particulier, ni général. L’affirmation devient plus délicate lorsque l’on est en présence d’une association, ou du moins d’une association fondée pour défendre une cause d’intérêt public. Imaginons une association de lutte contre la toxicomanie ou de défense des victimes du proxénétisme etc. L’intérêt collectif dont se prévaut l’association est en réalité l’intérêt général. C’est l’intérêt général qu’elle prétend incarner, mais personne ne doit le confisquer à son profit et il a le ministère public comme défenseur.

Classiquement, on dit que le problème ne se pose pas de la même façon pour des syndicats professionnels et des associations. Si l’on est devant un intérêt collectif autonome, tous les problèmes ne sont pas surmontés. Ledit problème est que l’on ne voit pas pourquoi ce syndicat serait dispensé de respecter les conditions posées à la recevabilité de l’action civile. On ne voit pas au nom de quoi il serait dispensé d’établir en quoi il a été personnellement victime d’une infraction.

Sans doute ce raisonnement est-il tentant, mais l’on conçoit que poser le problème ainsi c’est le rendre insoluble. Il est difficile de juger du caractère personnel du dommage dès lors que ce caractère personnel est appréciable en référence à un intérêt collectif qui n’est pas propre au syndicat considéré. Les exigences de l’article 2 sont vouées à porter à faux.

Cette action reconnue au syndicat est à distinguer de l’action civile pure. Cette action syndicale ne peut pas être construite comme l’action civile pure. Lorsqu’un syndicat agit en justice, il le fait en représentation de la véritable victime qu’est la profession. Il n’est pas personnellement touché par l’infraction. Il n’est touché que par l’intermédiaire de l’intérêt collectif qu’il représente et défend. Il faut que l’action syndicale soit consacrée par un texte spécifique. Si un texte de cette nature existe, par lequel le législateur viendrait reconnaître au syndicat le droit d’agir, on comprendrait que le législateur accorde à ces syndicats un privilège qui consiste à agir en matière pénale alors que ledit syndicat n’est pas victime, et donc de déclencher l’action publique sans disposer de cette qualité de victime. Ce privilège de concurrencer le ministère public sans avoir la qualité pour le faire a conduit certains auteurs à penser que c’est une action publique camouflée.

  • 2. Les solutions du droit positif

Il s’agit ici de distinguer la question de l’action des syndicats et celle de l’action des associations.

  1. La solution de l’action des syndicats et des ordres professionnels

On y associe des groupes comparables comme les ordres professionnels. La loi leur reconnaît le droit d’agir devant les juridictions répressives. La loi avait été devancée par une décision de la Cour de cassation rendue « en chambres réunies » en 1913 (qui a perdu de son importance). La loi reconnaît aux syndicats professionnels le droit « devant toutes les juridictions, [d’]exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent. » (Article L.2132-3 du Code du travail).

Ils peuvent exercer l’action syndicale même si le dommage subi par la profession n’est qu’une répercussion de l’infraction. Si un salarié est blessé à cause, par exemple, d’une corde mal attachée ou un échafaudage mal construit, le salarié et le syndicat pourront agir, puisqu’il y a une atteinte à la sécurité de la profession, que des règles de sécurité veulent protéger.

Mais dans d’autres hypothèses, a été déclarée irrecevable l’action d’un syndicat de l’administration fiscale pour des dégradations à un immeuble, que des contribuables avaient entendu détruire. Il fut jugé que le préjudice était trop indirect pour que soit accepté l’action civile. Idem, Il est aussi admis que dans le cas d’abus de biens sociaux, soit refusé la recevabilité d’un syndicat représentant la société car l’atteinte à l’intérêt collectif ne se distingue pas de l’intérêt des salariés de l’entreprise, l’intérêt du syndicat n’étant pas autonome. Est également irrecevable l’action d’un syndicat de chauffeurs de taxi après assassinat d’un chauffeur.

Lorsque le rapport entre l’infraction et l’intérêt collectif est immédiat, comme lors de l’entrave à la réunion au comité d’entreprise, on admet que l’action syndicale est immédiatement recevable. Si une personne exerce illégalement une profession, on estime que l’action syndicale de la profession intéressée est recevable.


C’est la même chose pour les ordres représentant une profession comme l’ordre des avocats ou des médecins. En théorie, leur action n’est recevable que dans les conditions de l’art 2 du Code de Procédure Pénale. Il y a pourtant le même sentiment de jurisprudence que des syndicats professionnels, avec une acceptation ou un refus de la constitution de partie civile, selon le bon vouloir de la chambre criminelle.

  1. Le cas des associations

L’intérêt collectif dont ces associations se prétendent l’incarnation, peut se confondre avec l’intérêt général. Lorsque le cas se présente, la jurisprudence écarte l’action de ces associations car personne ne peut s’approprier l’intérêt général et se constituer ministère public. Pour autant, les difficultés ne sont pas écartées.

Comme elle l’a fait pour les syndicats, la loi est intervenue pour reconnaître aux associations, la possibilité d’agir en cas d’infraction. Cela est ancien pour les associations antialcooliques, ou les fédérations départementales de chasse et de pêche. Les associations de protection de l’environnement se sont aussi vu reconnaître ce pouvoir pour les infractions au code de l’urbanisme notamment.

Comme tout ceci est très politique, on a l’explication de l’invraisemblable série d’articles 2 (de l’article 2 à l’article 2 -21) du Code de procédure pénale, à cause de lobbys qui veulent le droit d’exercer l’action civile. Cela concerne les associations de lutte contre l’enfance en danger ou encore la défense contre les agressions sexuelles etc. En elles-mêmes, ces investitures officielles ne devraient pas modifier les exigences habituelles de l’article 2 du Code de Procédure Pénale. Mais assez souvent, ces mêmes textes donnent à la recevabilité de l’action de ces associations, des conditions beaucoup plus généreuses. Par exemple, le législateur peut indiquer les infractions pour lesquelles l’association envisagée peut se constituer partie civile.

Le législateur peut aussi poser des conditions tenant à la légitimité de ces associations. Il faudrait ainsi un label ou une certaine ancienneté ou qu’elles soient agrées…

Section 2 : Les autres parties civiles non victimes

En application de l’article 2, les personnes qui n’ont pas personnellement souffert de l’infraction, ne peuvent pas exercer l’action civile au pénal. Ce principe peut être écarté au profit de deux catégories : les victimes par ricochet et les cessionnaires de l’action civile.

  • 1. Le cas des victimes par ricochet

Cette notion n’est pas propre à la procédure pénale. Ce sont les victimes qui subissent un préjudice par répercussion d’un préjudice premier subi par quelqu’un d’autre. L’exemple type est le cas d’un préjudice d’affection. Si une personne est grièvement blessée dans un accident de la circulation, par ricochet, ce dommage engendre un préjudice d’affection à sa femme et ses enfants.

En réalité, il y a plusieurs types de victimes par ricochet et de situations dans lesquelles une personne va souffrir d’une situation dont souffre originellement un tiers. Il peut y avoir les proches de la victime, mais aussi d’autres. On pense notamment aux créanciers d’une personne volée. On peut distinguer le cas des proches et des créanciers.


  1. Les créanciers

Ils sont en général écartés du prétoire pénal car ils n’ont pas souffert directement du dommage causé par l’infraction. Ils ne remplissent pas les conditions de l’article 2.

  1. Les proches de la victime

Les solutions dans ce cas ont évolué. Un arrêt a été rendu à propos d’une victime par ricochet. Un homme était devenu tétraplégique à vie, et les enfants ainsi que la femme souffraient de ne pouvoir jouir d’une vie familiale normale. Le mari avait agi contre l’auteur de l’infraction. C’est à propos de la femme et des enfants que l’assemblée plénière a déclaré en 1979 , l’action civile irrecevable puisqu’elle était introduite par d’autres que la victime . Il s’agissait de dire qu’ils n’étaient pas victimes de l’infraction selon l’article 2, et qu’il fallait s’adresser à la juridiction civile.

Le 9 février 1989, la chambre criminelle de la Cour de cassation a opéré, à propos des proches de la victime, un revirement de jurisprudence. Elle est venue dire que l’action de l’épouse était recevable, dans cette hypothèse . Ce revirement s’est effectué sous le double visa de l’article 2 et 3 du Code de Procédure Pénale, procédant d’une erreur d’analyse radicale. Pour rendre l’action civile de l’épouse recevable, la Cour fait observer que l’article 3 du Code de Procédure Pénale autorise le juge pénal à réparer tous les préjudices, tant matériels que moraux. L’article 3 n’a pas ce rôle. Il faut d’abord voir si le demandeur a la qualité puis regarder comment appliquer. Or la cour fait l’inverse, puisque elle analyse dans un premier temps le préjudice moral de l’article 3 afin de déclarer la demanderesse victime (article 2). Cet article 3 est pourtant là pour résoudre l’étendue de la réparation et non la question de la qualité.

La Cour de cassation a, depuis cette date persisté dans ses erreurs de raisonnement. Elle a donc admis la recevabilité de la constitution de partie civile par les proches de la victime à des infractions diverses. On a un sentiment désagréable d’une jurisprudence totalement erratique, sans fil conducteur, puisqu’elle dit parfois que les proches sont recevables, parfois le contraire sans définir en vertu de quel critère. Les proches peuvent donc déclencher l’action.

Qu’est-ce qu’un proche de la victime… ? Ce sont les termes de la Cour de cassation, mais que cela signifie-t-il pour un juriste ? L’enfant, la femme, le cousin, l’ami ? Aucune définition n’est clairement dégagée.

  • 2. Les cessionnaires de l’action civile

Ce sont ceux à qui est cédée la capacité, par un mécanisme juridique ou un autre, à exercer l’action civile. On trouve par exemple les héritiers de la victime . Ils peuvent se prévaloir d’être des victimes par ricochet, mais sont vus comme personnes succédant au défunt, ils sont son continuateur. Il en résulte une transmission du patrimoine du défunt à son héritier, qui est donc un cessionnaire p.ex d’une action civile.

Les droits de l’héritier sont, par principe, calqués sur ceux qui appartenaient à son auteur, au défunt. On veut dire qu’ils sont calqués s’agissant de l’étendue de la réparation. Cette question a été résolue, de savoir si l’héritier pouvait demander réparation de tous les préjudices du défunt, alors que ces préjudices ont été personnels. La question a longtemps été débattue de savoir si l’héritier pouvait arguer de tous les préjudices subis par le défunt, y compris ceux très personnels, p.ex le pretium doloris, c’est-à-dire la douleur que le défunt aurait subie.

Aujourd’hui, l’héritier peut exercer l’action civile pour tous les chefs de préjudice que le défunt aurait pu invoquer. Les droits de l’héritier ne sont toutefois pas intégralement calqués sur ceux du défunt. Si ce dernier était victime de l’infraction, il avait le pouvoir de déclencher l’action publique, de son vivant. La question est de savoir si ce pouvoir se transmet à l’héritier. Il y a eu des hésitations jurisprudentielles.

Récemment, la Chambre criminelle dont la position a été confirmée par l’assemblée plénière le 9 mai 2008, a opéré un revirement de jurisprudence.Elle considère quel’héritier ne peut déclencher lui-même l’action publique si le défunt ne l’avait pas fait de son vivant. C’est donc une prérogative qui ne se transmet pas. L’héritier ne peut alors que se joindre aux poursuites préalablement déclenchées par le défunt de son vivant ou par le ministère public.

On peut aussi envisager le cas des autres cessionnaires de l’action civile. Les positions de la jurisprudence sont fermes, et n’ont jamais beaucoup varié. Pour les autres cessionnaires, elle considère que si le droit à réparation leur est transmis, la qualité de partie civile ne l’est pas. Ces cessionnaires de l’action civile ne peuvent ainsi pas l’exercer devant la juridiction pénale, mais sont renvoyés devant la juridiction civile. On pense alors aux créanciers subrogés, suite à un paiement avec subrogation : une personne paye une dette à une autre. Elle se subroge alors à ce créancier. L’ayant payé, elle se retrouve dans la situation où était le créancier lui-même. Cette personne qui aurait p.ex désintéressé la victime ne peut exercer l’action civile au pénal.

On peut envisager que la victime d’une infraction bénéficie d’une assurance, l’assureur l’indemnisant. Cet assureur sera alors subrogé dans ses droits. Sur intervention du législateur en 1983, l’assureur pourra se retrouver devant les juridictions répressives. L’assureur de la victime, subrogé dans ses droits, peut exceptionnellement, par intervention d’un texte particulier, intervenir devant cette juridiction. Cela signifie qu’il agit par voie d’intervention et ne peut déclencher l’action publique, alors qu’il peut y prendre part. Il peut réciproquement être mis en cause, concernant les homicides ou les blessures par imprudence.