Les provisions (pour charges, pertes, dépréciations…)

Les provisions le plus souvent pratiquées par les entreprises

  On distingue les vraies provisions et les « fausses ».  Une provision est une déduction opérée sur les résultats d’un exercice en vue de faire face ultérieurement à une perte ou à une charge dont l’objet est nettement précisé. La réalisation incertaine de cette perte ou de cette charge est rendue probable en raison d’événements survenus au cours de l’exercice et qui existent toujours à sa clôture.

  1. A) Les vraies provisions

 Elles correspondent à la définition donnée dans le régime général.

 1) Les provisions pour dépréciation

Le bilan de l’entreprise doit donner de celle-ci une image fidèle et sincère. Par conséquent, si des éléments inscrits au bilan subissent une dépréciation, il va falloir la constater au moyen d’une provision. Comme toute provision, la dépréciation doit être nettement calculée, ou tout du moins avec une approximation suffisante. L’entreprise doit la déterminer immobilisation par immobilisation.

Ces éléments qui peuvent se déprécier sont soit des immobilisations, soit des stocks, soit des créances.

 

  1. a) Les immobilisations

 L’entreprise doit passer une provision dès lors qu’une immobilisation a perdu de sa valeur. Mais, une même immobilisation peut être évaluée à raison de plusieurs valeurs différentes.

 La valeur des immobilisations :

On en distingue plusieurs :

          La valeur d’origine : coût d’acquisition du bien ou coût de fabrication de celui-ci si l’entreprise l’a élaboré elle-même.

          La valeur nette comptable : valeur d’origine moins les amortissements pratiqués sur les immobilisations.

          La valeur vénale : prix que l’entreprise aurait pu obtenir si elle vendait le bien.

          La valeur d’usage : montant des gains que l’entreprise pourra réaliser en utilisant l’immobilisation. Ainsi, une immobilisation peut avoir une valeur vénale très faible alors que sa valeur d’usage est élevée (la machine est « unique » car elle ne sert qu’à cette entreprise : personne d’autre n’en voudrait).

          La valeur actuelle : lorsque l’on compare la valeur vénale et la valeur d’usage, la valeur actuelle correspond à la plus élevée des 2.

 A la clôture de chaque exercice, pour les besoins de l’inventaire, l’entreprise doit vérifier si la valeur actuelle de chaque bien n’est pas devenue inférieure à sa VNC. Si c’est le cas, elle doit constater la dépréciation du bien sous la forme d’une provision. En effet, la valeur actuelle pourrait être appelée également valeur réelle. Il faut donc la corriger afin que le bilan corresponde à la réalité. Cependant, l’écart doit être significatif (pas besoin de passer une provision pour quelques euros).

 Les immobilisations pouvant être provisionnées :

Le mode normal de prise en compte de la dépréciation des immobilisations est l’amortissement. Seule une immobilisation qui se déprécie peut être amortie. Une immobilisation amortissable ne peut par principe faire l’objet d’une provision puisqu’avec l’amortissement, on a déjà tenu compte de sa dépréciation. Pourtant, dans certaines situations exceptionnelles, on peut valablement pratiquer une provision en plus d’un amortissement (ex : une entreprise produit des films. Le coût de revient des films doit être amorti car il se déprécie avec le temps. En plus de cet amortissement, l’entreprise va pouvoir passer une provision si l’exploitation de l’œuvre est particulièrement décevante. Ce fut le cas avec le remake de Fanfan la Tulipe…).

 Une immobilisation n’est pas amortissable lorsqu’elle ne peut pas perdre de sa valeur. Par conséquent, on ne peut pas faire de provisions car il n’y a pas de dépréciation, sauf circonstances exceptionnelles (ex : un terrain qui s’affaisse car la carrière n’a pas été remblayée. Dans cette hypothèse, le propriétaire du terrain est fondé à pratiquer une provision du fait de la perte de valeur liée aux effondrements).

  1. b) Les stocks

 Sont particulièrement exposés au risque de dépréciation des stocks les entreprises de vente de matières 1ères (ex : une entreprise commerciale va acheter du fer pour le revendre). Ces matières 1ères, pour l’essentiel, font l’objet d’une cotation. Si le cours du jour est inférieur au coût de revient, il est fort probable que l’entreprise va réaliser une perte. Par conséquent, elle doit passer une provision en prévision de cette perte. Cette perte n’est pas certaine, elle n’est que probable : le cours peut remonter. Si tel est le cas, il faudra réajuster la provision en fonction de l’évolution du cours. Le calcul doit ainsi être refait à la clôture de chaque exercice : reprise de la provision de l’exercice précédent et passation d’une autre écriture de provision.

  1. c) Les créances

 Il est fréquent qu’une entreprise détienne une créance douteuse (en ce sens qu’elle n’est pas certaine d’être payée). Ce terme est trompeur car ce n’est pas la créance qui est douteuse. Au contraire, elle est certaine dans son principe comme dans son montant. Ce qui est douteux, c’est la solvabilité du débiteur.

Si c’est la créance en elle-même qui est douteuse dans son principe, au sens propre, elle ne peut pas être comptabilisée tant que l’incertitude n’est pas levée. Elle n’est pas probable mais juste éventuelle (ex : l’entreprise saisit le juge pour demander une condamnation à payer des dommages-intérêts. La provision pourra être passée lors de la condamnation. Elle sera reprise quand la partie condamnée ne pourra plus faire appel et passée en produit).

Si au contraire c’est la solvabilité du débiteur qui est en cause, on peut passer une provision sur une créance dès qu’on doute de pouvoir la recouvrer. Il n’est même pas besoin d’engager de poursuites. Il suffit de retenir des faits démontrant que la situation du débiteur rend le paiement improbable (ex : le dépôt de bilan d’une entreprise démontre une pareille difficulté. Il sera difficile de recouvrer la créance. De même, s’agissant de la procédure de sauvegarde qui permet à l’entreprise qui va mal de se mettre sous la protection de cette sauvegarde qui va suspendre l’exigibilité des dettes).

Une créance certaine dans son principe, mais douteuse dans son montant, est une créance litigieuse. Elle doit être provisionnée parce qu’elle est probable (ex : un client soutient que la marchandise reçue est défectueuse. Le fournisseur reconnaît les faits mais conteste le montant de l’indemnité réclamée par le client). La provision doit être passée à raison de cette incertitude : on ignore le montant de l’indemnisation. Elle sera reprise lorsque le juge se sera prononcé après épuisement des voies de recours.

 2) Les provisions pour charges

 Ces provisions peuvent être diverses. 2 illustrations seront prises.

          Les provisions pour frais de personnel : elles constituent généralement des charges certaines. Pourtant, elles peuvent donner lieu à des provisions lorsqu’on est en présence d’une charge probable, soit dans son principe, soit dans son montant. Il peut s’agir notamment d’une prime de fin d’année qui correspond à un travail effectué pendant l’exercice N. Or, elle ne sera payée qu’en N+1. Si à la fin de l’exercice N le montant de la prime n’est pas connu, l’entreprise devra passer une provision et la reprendre en N+1.

          Les provisions pour impôts : elles résultent des impositions dues par l’entreprise lorsqu’il existe un décalage entre le fait générateur et l’exigibilité de celles-ci. Lorsqu’à la clôture d’un exercice le fait générateur de l’impôt est intervenu mais non son exigibilité, il faut passer une provision dès lors que l’on ignore le montant certain de l’imposition.

Attention, dans une entreprise individuelle, l’IR n’est pas une charge déductible car cet impôt doit être payé par l’exploitant, et non l’entreprise. Si néanmoins l’entreprise choisit de payer l’IR à la place de l’exploitant, elle devra provisionner son montant à la fin de l’exercice. En effet, le montant de l’impôt généré par les résultats de l’exercice N ne sera connu qu’en N+1. Cette provision ne sera pas déductible, la charge ne l’étant pas. Il faudra donc la réintégrer fiscalement (puisque comptablement elle aura été passée).

 Il faut réserver le cas particulier des charges qui ont une contrepartie. Elles ne peuvent donner lieu à une provision que si elles ont généré des produits. Il s’agit là encore de respecter le principe d’indépendance des exercices comptables puisque toutes les charges et tous les produits doivent être rattachés à l’exercice au cours duquel elles ont pris naissance (ex : à la fin de l’exercice N, une entreprise décide d’engager un commissionnaire pour rechercher de nouveaux clients. Toujours sur cet exercice, elle voudrait provisionner les commissions qu’elle aura à lui payer au titre de l’année N+1. Or, elle n’est pas en droit de passer cette provision sur l’exercice N car elle n’a pas encore perçu les produits portant sur cette provision).

 3) Les provisions pour perte

 On les appelle aussi des provisions pour risque. Souvent, elles se rapportent à un contrat à long terme, contrat à raison duquel on craint de dégager une perte (ex : comme vu précédemment, lorsque l’entreprise creuse un tunnel et ne rencontre que des roches dures). On parle aussi de provisions pour perte à terminaison.

Au plan comptable, une entreprise doit provisionner les éventuelles pertes avec l’approximation la plus exacte possible. De peur de provisions trop importantes, la loi fiscale limite la charge déductible correspondant à la provision. En effet, fiscalement n’est déductible que la provision qui correspond à la différence entre le coût des travaux à la clôture de l’exercice et les travaux facturés à cette même date. Autrement dit, la perte provisionnée est représentée par ce que les travaux ont coûté par rapport à ce qu’ils ont rapporté.

Par conséquent, cette provision ne peut être déduite qu’exercice par exercice, en fonction des seuls résultats enregistrés durant ce même exercice. L’entreprise ne peut donc pas provisionner la perte à venir qu’elle risque de réaliser sur les exercices suivants.

Ex :

          Prix du chantier : 150.

          Coût du chantier : 100.

          Bénéfice : 50.

Le chantier doit se dérouler sur 3 ans et à la fin de chacune de ces 3 années, le prix est payé par tiers. Dès le début, le chantier se présente mal, les roches étant dures. Pour tenir les délais, il faut travailler beaucoup plus que prévu.

A la fin du premier exercice N d’exécution du contrat, l’entreprise estime que le coût total du tunnel va s’élever à 180. L’entreprise risque donc de réaliser une perte de 180 – 150 = 30. Elle va alors passer une provision comptable de 30.

Au plan fiscal, cette provision n’est déductible qu’à concurrence de la perte réalisée sur l’exercice. Soit, un coût de revient sur l’exercice N égal à 180 / 3 ans = 60. Le bénéfice étant de 50 sur l’exercice N, la provision fiscale sera de 10.

Sur le tableau 2058 A, il faudra réintégrer la différence, soit 20.

 En N+1, les roches rencontrées sont plus tendres et l’entreprise peut ainsi mieux travailler. Le coût total du chantier est alors évalué à 168. Soit une perte de 168 – 150 = 18. Il faut reprendre la provision de N puisque 30 ont été comptabilisés. L’entreprise va par conséquent devoir passer un produit de 30 et passer une charge correspondant à la nouvelle provision de 18.

Au plan fiscal, le coût de revient sur l’exercice N+1 est égal à 168 / 3 ans = 56. Au titre de l’exercice N, le prix payé par le client sera toujours de 50. La provision fiscale sera donc de 56 – 50 = 6.

Sur le tableau 2058 A, il faudra réintégrer la différence, soit 18 – 6 = 12.

 En N+2, fin du chantier : on quitte le provisoire pour aboutir au définitif.

  1. B) Les fausses provisions ou provisions réglementées

 Pourquoi s’agit-il de fausses provisions ? Parce que leur finalité n’est pas de faire face à des charges ou pertes probables. En effet, leur but réel est de constituer des aides fiscales : le droit fiscal les réglemente de manière à ce que l’entreprise puisse temporairement déduire une somme que l’on appelle à tort une provision.

Cette provision, même si elle est fausse, est déductible et diminue d’autant le résultat imposable.

Toutes les provisions, vraies ou fausses, suivent les mêmes conditions de forme. Il faut les comptabiliser et les inscrire sur le relevé spécial des provisions. De cette façon, l’Administration va pouvoir les surveiller comme les vraies provisions.

La régularité de ces provisions est douteuse au regard du droit communautaire. En effet, la Commission les critique et les soupçonne de constituer des aides d’Etat qui faussent la concurrence… La France a déjà du supprimer une provision que l’Union Européenne a considéré comme étant une aide d’Etat, à savoir la provision pour implantation à l’étranger. En réalité, elle cachait une subvention fiscale puisque l’on aidait les entreprises françaises à s’établir à l’étranger. Il est également contestable que certaines provisions réglementées ne profitent qu’à certaines professions et pas à d’autres (ex : provision réglementée pour dépréciation des stocks des libraires).

La provision pour hausse des prix est celle la plus utilisée par les entreprises. Elle peut intervenir à propos des stocks. La situation rencontrée ici est lorsque la valeur des stocks augmente car le cours monte. En réalité, le principal souci d’une entreprise n’est pas la valeur de son stock mais la nécessité de le renouveler. Or, lorsque le prix d’acquisition du stock augmente, il va s’agir d’une charge importante pour l’entreprise. La provision pour hausse des prix a donc pour objet d’alléger le coût de réapprovisionnement des stocks en période de cours élevé. Ces derniers temps, les entreprises pétrolières ont profité de cette provision du fait de l’augmentation des cours.

L’entreprise peut profiter de cette provision durant 6 ans. Au terme des 6 ans, l’entreprise doit reprendre la provision.

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