Les responsabilités du fait d’autrui (parent, instituteur, artisan…)

Les différents cas de responsabilité du fait d’autrui 

– les rédacteurs du Code civil. l’ont envisagé comme une série de cas particuliers de responsabilité prévue par l’article 1384 al. 3 à 8 => Responsabilité des parents du fait des enfants, des artisans du fait des apprentis, des commettants du fait des préposés, des instituteurs du fait des élèves  

– cas de Responsabilité fondés à l’origine sur la faute (excepté partiellement celle du commettant <= sa faute réside dans le choix du préposé)  

– jurisprudence fait évoluer ces responsabilités en les rendant progressivement objectives (sauf celle des instituteurs) : à partir de arrêt Blieck de 1991, l’article 1384 al. 1 utilisé de façon autonome non pas pour dégager un régime général de Responsabilité du fait d’autrui, mais pour découvrir d’autres cas de cette Responsabilité <= on peut cependant parler de principe général permettant d’engager la Responsabilité d’une personne en raison du fait d’une autre  

– les projets de réformes ne prévoient pas de régime général de responsabilité du fait d’autrui   

 

Quels sont les régimes prévus par les articles 1384 alinéa 4 à 8 ?  

1384 al. 4 => les parents « en tant qu’ils exercent le droit de garde sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux » à moins, al. 8, qu’ils ne « prouvent qu’ils n’ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité«   

 

– à partir de ce texte, jurisprudence a précisé les conditions de cette Responsabilité, et a même complètement modifié ses fondements en 1997 <= modifications importante des conditions.

 Section 1 => responsabilité des parents du fait des enfants 

 

Paragraphe 1 => évolution du fondement 

 

– responsabilité des parents fondée sur leur faute présumée => jurisprudence substitue en 1997 un autre fondement : l’autorité parentale <= avantage => objectivisation de cette responsabilité   

 

A/ Le fondement originaire de la faute  

 

  1. La présomption simple de la faute des parents

 

– pour engager leur Responsabilité, la victime n’avait pas à prouver la faute des parents <= présumée  

 

– le Fait Générateur de Responsabilité était le fait de l’enfant, mais la faute des parents était le fondement de la responsabilité, la raison pour laquelle on imputait le fait dommageable (FD) aux parents  

 

– présomption simple, les parents pouvant s’exonérer en prouvant qu’ils n’avaient pas commis de faute <= 1384 al. 8 prévoyant leur responsabilité à moins qu’il n’ait pu empêcher le fait dommageable <= en prouvant qu’ils avaient bien surveillé ou éduqué leur enfant  

 

  1. La condition de cohabitation avec les parents

 

– fondement de la faute => autre conséquence. => responsabilité fondée sur la présomption d’un défaut de surveillance ou d’éducation => jurisprudence écartait souvent la responsabilité lorsque l’enfant, au moment du dommage, n’était pas sous la surveillance des parents, mais confié à un tiers   

 

– jurisprudence interprétait strictement la condition de l’article 1384 al. 4 de « cohabitation » <= dès lors que l’enfant n’était pas avec ses parents, la surveillance/l’éducation ne pouvaient pas jouer => + l’enfant était âgé, – la Responsabilité des parents était retenue (- de surveillance) <= jusqu’en 1984, l’enfant ne pouvait pas engager sa Responsabilité pour faute personnelle s’il n’était pas doué de discernement => l’infans <= parfois, victime sans réparation  

 

B/ Le fondement de l’autorité parentale substitué à la faute en 1997  

 

Civ. 2e, 19 fév. 1997, arrêt Bertrand (incendie par un enfant séjournant chez son grand-père) => objectivisation de la Responsabilité des parents du fait des enfants <= ne repose plus sur la présomption de faute  

 

– Cassation affirme pour la 1re fois que les parents ne peuvent plus s’exonérer de leur Responsabilité en prouvant l’absence de faute <= leur Responsabilité ne repose plus sur l’idée d’une faute présumée mais sur l’autorité parentale dont ils sont titulaires et qu’ils exercent  

 

– Nouveau fondement confirmé par le législateur. => Modification du Code civil. par la réforme 2002 sur l’autorité parentale => pères et mères solidairement responsables, non pas en tant qu’ils exercent le droit de garde, mais dorénavant en tant qu’ils exercent l’autorité parentale <= ne pourront s’exonérer que du fait de la force majeure ou du fait du tiers/victime présentant les caractères similaires à la Force Majeure  

 

– la notion de cohabitation va être interprétée par la jurisprudence de façon beaucoup plus objective  

 

Paragraphe 2 => Les conditions actuelles de la responsabilité des parents 

 

– constantes (Fait Générateur / Lien de Causalité /Dommage) et condition particulières => statut des pers. responsables et notion de cohabitation  

 

  1. Les conditions relatives à la personne responsable

 

– qui peut être tenu responsable sur le fondement de l’article 1384 al. 4 ?  

 

– les parents => uniquement père et mère, voire parents du même sexe <= seuls titulaires de l’Action Publique (le tuteur n’en est pas titulaire)  

 

– responsabilité solidaire => pour déterminer le responsable, il faut déterminer qui exerce l’Action Publique => 2e condition => l’exercice de l’Action Publique  

 

=> parents mariés/en couple => exercice conjoint <= responsabilité solidaire sur fondement de l’article 1384 al. 4  

 

=> Parents séparés  

 

=> principe => exercice demeure conjoint => responsabilité solidaire en principe  

 

=> par exception, l’exercice de l’Action Publique peut être confiée à un seul parent <= seul responsable   

 

– principes relatif à la détention de l’Action Publique corrigés par la condition relative à la cohabitation   

 

  1. La condition relative à la cohabitation

 

– article 1384 al. 4 => l’enfant habite avec ses parents <= avant 1997, condition entendue de façon matérielle <= la faute résidait dans le défaut de surveillance/éducation => responsabilité concevable que si les parents étaient effectivement en mesure de surveiller leur enfant au moment du dommage => enfant habite avec ses parents au moment du dommage <= rupture de la cohabitation matérielle au moment du dommage empêchait la responsabilité des parents sur le fondement de l’article 1384 al. 4 (internat, colonie,…)  

 

– Arrêt Bertrand1997 => changement de fondement de la responsabilité => conception de la notion de cohabitation évolue : conception juridique de la cohabitation => Civ. 2e, 19 fév. 1997, arrêt Samda => cohabitation résulte de la « résidence habituelle de l’enfant au domicile des parents ou de l’un d’eux«   

 

– notion de « résidence habituelle » <= notion juridique et non matérielle liée à l’exercice de l’Action Publique   

 

=> Juridiquement fixée chez les deux parents vivants ensembles et exerçant l’Action Publique <= responsabilité retenue même si l’enfant est ailleurs pendant un temps (grands-parents, colonie…)    

 

=> Parents séparés peuvent continuer à exercer l’Action Publique ensemble, mais la résidence habituelle de l’enfant peut être fixée chez l’un d’eux seulement <= exercice conjoint mais notion de cohabitation à l’égard d’un seul <= responsabilité non retenue l’égard des deux  

 

=> enfant judiciairement confié à un tiers => décision judiciaire de placement exclut la responsabilité parentale alors même que la résidence habituelle serait maintenue chez eux  

 

  1. Conditions relatives à la minorité de l’enfant

 

– dès sa majorité, les parents ne sont plus responsables du fait de leur enfant   

 

– de même pour le mineur émancipé suite à une décision judiciaire  

 

  1. Conditions relatives au fait dommageable de l’enfant

 

– retour aux constantes de la responsabilité => pour engager la responsabilité des parents, il faut un fait dommageable de l’enfant <= un fait de l’enfant et non une faute de l’enfant  

 

– le fait de l’enfant doit être la cause du dommage <= la victime doit prouver la causalité  

 

– il n’est pas nécessaire de prouver une faute de l’enfant  

 

– un simple fait, même licite, peut causer le dommage  

 

Les évolutions jurisprudentielles  

 

– initialement, exigence d’une faute de l’enfant <= l’infans, privé de discernement, ne pouvait commettre de faute <= responsabilité des parents ne pouvait être engagée  

 

– exigence disparaît dès 1976 et en 1984, l’Assemblée plénière. confirme cette nouvelle position jurisprudence  

 

Assemblée plénière 9 mai 1984, arrêt Epoux Gabillet (enfant de 3 ans éborgnant, en tombant de sa balançoire, son camarade avec un bâton qu’il tenait à la main) => l’enfant ayant l’usage, la direction et le contrôle de la chose cause du dommage, peut voir sa responsabilité sans qu’il n’y ait à rechercher son discernement  

 

=> l’imputation d’une responsabilité ne nécessite plus la faculté de discernement  

 

Assemblée plénière, arrêt du 9 mai 1984, arrêt Fullenwarth (enfant de 7 ans éborgnant son camarade avec un arc confectionné par ses soins) => pour que soit présumer la Responsabilité des père et mère du mineur habitant avec eux, il suffit que celui-ci ait commis un acte qui soit la cause directe du dommage  

 

=> la doctrine a hésité sur le sens à donner à cet arrêt => suppression ou objectivisation de la faute de l’enfant ? <= arrêt Levert  

 

Civ. 2e, 10 mai 2001, arrêt Levert => la responsabilité de plein droit encourue par les père et mère du fait des dommageables causés par leur enfant mineur habitant avec eux n’est pas subordonnée à l’existence d’une faute de l’enfant <= suppression de la faute => responsabilité complètement objective  

 

=> la responsabilité des parents devient autonome par rapport à celle de l’enfant  

 

Paragraphe 3 => Les causes d’exonération et le cumul des responsabilités 

 

A/ Les causes d’exonération de la responsabilité des parents   

 

– causes habituelles => suppression des causes spécifiques par l’arrêt Bertrand de 1997 

 

– exonération totale => force majeure ou fait d’un tiers/victime présentant les caractères de la Force Majeure  

 

– exonération partielle => faute de la victime    

 

B/ Les cumuls de responsabilité possibles  

 

– responsabilité fondé sur 1384 al. 4 n’exclut pas la responsabilité de l’article 1382/1383 (faute de surveillance/éducation…) ou celle de l’article 1384 al. 1 (responsabilité en qualité de gardien)  

 

– responsabilité des parents peut se cumuler avec la responsabilité d’autres pers. sur d’autres fondements : responsabilité de l’enfant, responsabilité de l’enfant gardien (arrêt Gabillet1984), responsabilité d’un tiers à qui l’enfant a été confié,…  

 

cumul interdit => responsabilité du fait d’autrui <= responsabilité des parents fondée sur l’article 1384 al. 4 ne peut se cumuler avec une autre responsabilité du fait d’autrui  

 

Section 2 => La responsabilité des artisans du fait de l ‘apprenti 

 

– responsabilité des artisans du fait de l’apprenti posée sur le même fondement que celle des parents  

 

– au temps du Code civil, placement d’un enfant comme apprenti chez un artisan emportait une sorte de transfert d’autorité <= cohabitation  

 

– condition changées => apprentissage régi par l’article L.115-1 et s. Code du travail <= présomption de responsabilité si l’apprenti vit chez son patron ; s’il loge à l’extérieur, pendant les heures où il est sous surveillance  

 

– le régime ne pose plus problème => peu de Contentieux = aucune évolution  

 

Section 3 => La responsabilité des instituteurs du fait des accidents scolaires 

 

– responsabilité prévue par 1384 <= cas particulier de la responsabilité du fait d’autrui <= dommage causés par un élève dans l’enceinte d’un établissement scolaire à un élève ou à un tiers   

 

– davantage liée à la faute qu’à l’origine <= devient plus subjective  

 

Paragraphe 1 => L’évolution de la responsabilité 

 

– à l’origine, situation des instituteurs similaire à celles des parents/artisans => responsable sur fondement d’une faute présumée et exonération en prouvant l’absence de faute  

 

– fait d’un élève cause du dommage suffisait à engager la responsabilité   

 

– responsabilité jugée trop lourde (suicide d’un instituteur après une condamnation, 1892)   

 

– intervention du législateur => loi 29 juillet 1899 => substitue la responsabilité de l’Etat à celle des instituteurs  

 

loi 5 avril 1937 exige une faute prouvée pour engager la responsabilité   

 

Paragraphe 2 => La distinction de la responsabilité de l’instituteur dans l’enseignement privé et dans l’enseignement public 

 

A/ Dans l’enseignement privé   

 

– instituteur Personnellement responsable que si la victime prouve une faute de surveillance de l’élève qui a, par son fait, causé le dommage <= enseignant répond personnellement du dommage (ou son assureur responsabilité civile)  

 

– le dommage doit être causé lorsque l’élève (auteur du dommage) est sous la surveillance de l’instituteur  

 

– si l’établissement d’enseignement est sous contrat avec l’État, application du régime des enseignants publics   

 

B/ Dans l’enseignement public   

 

– si les conditions de la responsabilité du fait d’autrui de l’enseignant sont réunies, la responsabilité de l’État est substituée => immunité de l’enseignant <= mais limites => faute grave de l’enseignant détachable de ses fonctions <= recours récursoire de l’Etat contre l’enseignant  

 

Section 4 => La responsabilité des commettants du fait des préposés   

 

– Article 1384 al. 5 => commettants responsables des dommages causés par leur domestiques/préposés dans leur fonction   

 

Paragraphe 1 => Les conditions de la responsabilité des commettants  

 

– responsabilité objective du point de vue du commettant <= ne repose pas sur une faute présumée du commettant (<= impossibilité d’exonération en prouvant une absence de faute) mais sur l’existence d’un lien de subordination commettant/préposé  

 

– responsabilité reste reliée à la faute => faute du préposé <= responsabilité du commettant engagée si condition d’une responsabilité perso du préposé réunies  

 

  1. L’existence d’un lien de préposition

 

– préposé subordonné aux ordres du commettant => agit toujours pour le compte du commettant   

 

– commettant donne des ordres sur la façon d’accomplir la mission/trav., et contrôle le préposé  

 

– lien de préposition expresse ou tacite (contrat de travail ou tâche occasionnelle)   

 

– ce qui importe c’est le lien de subordination  

 

  1. L’existence d’un fait fautif dommageable du préposé

 

– Fait Générateur de Responsabilité => fait fautif du préposé <= démontrer que cette faute est la cause du dommage  

 

– le fait du préposé doit être fautif <= jamais remis en cause par la jurisprudence malgré certaines considération de la doctrine  

 

– le fait fautif du préposé doit avoir été commis dans l’exercice des fonctions <= prévue par l’article 1384 al. 5 => maîtres/commettants responsables « dans les fonctions auxquelles ils les ont employés » <= jurisprudence n’a pas définit l’exercice des fonctions mais « l’abus de fonction  => difficultés => position vs Criminel /Civil  

 

– Civil. => préposé agissant à des fins étrangères à ses attributions => abus de fonction (même si pendant les heures de travaux. ou avec des moyens mis à sa disposition par l’employeur) => but étranger aux fonctions 

 

– Criminel. => abus de fonctions exclu si utilisation au moment du dommage d’un moyen mis à la disposition du préposé par le commettant   

 

– abus de fonction consacré en 1960 et Assemblée plénière de 1983 confirme la position de la chambre Civile (critère du but poursuivi et non des moyens) => « le préposé qui agit sans autorisation à des fins étrangères à ses attributions se place en dehors des fonctions pour lesquelles il est employé«   

 

  1. L’incidence de la faute du préposé sur la situation personnelle du préposé

 

– faute du préposé, cause du dommage, engage la responsabilité du commettant mais également, en principe, la responsabilité personnelle pour faute du préposé => 2 responsables => commettant/ préposé   

 

– solution remise en cause par Assemblée plénière, 25 fév. 2000, Costedoat, très critiquée  

 

=> crée « l’immunité du préposé » <= responsabilité du commettant retenue mais interdiction d’engager celle du préposé bien que les conditions d’une responsabilité pour faute soient réunies   

 

=> Immunité si le préposé a agi sans « excéder les limites de sa mission » (≠ de l’abus de fonction)  

 

=> Responsabilité écartée même si faute dans l’accomplissement normal de ses fonctions  

 

Cousin, 14 déc. 2001 écarte l’immunité si le préposé a commis une infractions pénales intentionnelles, sauf s’il a agi dans limites de ses fonctions ; et Chambre civile 2e, 20 déc. 2007 écarte l’immunité en cas d’infraction pénale ou intentionnelle commise même dans le cadre des fonctions   

 

Paragraphe 2 => Les effets de la responsabilité 

 

– 2 question => cumul et recours du commettant   

 

  1. Les causes d’exonération

 

– causes classiques   

 

– abus de fonctions <= lié aujourd’hui au but poursuivi  

 

  1. Le recours du commettant contre le préposé

 

– question posée depuis arrêt Costedoat 2000 <= avant, deux responsables => obligation de réparation in solidum <= commettant pouvait demander un partage de responsabilité avec préposé  

 

– recours toujours possible depuis arrêt Costedoat de 2000 ? <= pose expressément l’immunité qu’à l’égard de la victime => interdit au commettant de se retourner vs le préposé ? <= arrêt 20 décembre 2007 exclut le recours récursoire du commettant vs le préposé  

 

  1. Les cumuls de responsabilité

 

Entre le commettant et le préposé  

 

– depuis Costedoat2000, commettant poursuivi seul (seul à répondre du dom) si le préposé a commis la faute, cause du dommage, en restant dans les limites de sa mission, et si cette faute n’est ni une faute pénale intentionnelle, ni une faute civile intentionnelle  

 

– le cas échéant, commettant/préposé solidairement responsables  

 

– préposé poursuivi seul (sur fondement 1382) s’il a abusé de ses fonctions (agi sans autorisation à des fins étrangères à ses attributions)  

 

Les autres cumuls possibles   

 

– on ne peut agir contre le préposé que sur le fondement de la responsabilité pour faute (sauf immunité)  

 

– on peut engager la responsabilité du commettant ou d’un tiers sur un autre fondement (1382)  

 

– les différents régimes de responsabilité du fait d’autrui sont non cumulables  

 

 

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