L’expression du suffrage et les systèmes électoraux
Par système électoral on entend l’ensemble des règles qui organisent l’expression du suffrage, le cadre dans lequel il s’exerce et aussi les modes de calcul du choix des représentants. Passer de 41 millions d’électeurs à 577 députés. Pour opérer cette formidable réduction, quelle est la meilleure méthode ? Par rapport à quels critères ? C’est tout le débat, loin d’être résolu.
Au départ, c’est tout simple. Est-ce que par le même vote on désigne un ou plusieurs représentants ?
Ainsi :
On ajoute une distinction moins utilisée : la différence entre les scrutins catégoriques (1) et les scrutins ordinaux (2) :
Vie politique co-sociative. Le scrutin de type ordinal est rare (Irlande, Australie). Ensuite on a la logique proportionnelle (Irlande) ou majoritaire (Australie). On représente celui qui a une majorité, ou alors en proportion de tout le monde. Certains pays sont farouchement majoritaires, d’autres proportionnels.
Le principe, c’est que le gagnant prend le poste : « The winner takes all ». Cela dégage en fait des partis forts, stables, donc des majorités au parlement, ce qui donne des gouvernements stables. En effet, ce système tend au regroupement en mêmes familles. C’est la loi de Maurice Duverger dans Les partis politiques, 1951.
S’il y a éparpillement d’une famille politique, il y a moins de chance d’être élu.
Il y a deux systèmes :
C’est le plus brutal et le plus simple. Celui en tête est élu même s’il n’a qu’une voix d’avance. C’est la majorité relative ou « plurality » en anglais.
Imaginons que dans une circonscription anglaise, le travailliste fasse 40000 voix et les 2 autres 30000 voix. Le travailliste est élu alors qu’il y a 2 conservateurs en face de lui qui ont plus de voix. Du coup, ce n’est pas le reflet exact de la société.
Cela amène au regroupement, donc au bipartisme
Il repose sur l’idée que pour être élu il faut plus de voix que tous les autres réunis. Si cette majorité est obtenue au premier tour, il est élu. Sinon, un second tour où soit cette majorité absolue est obtenue, ou alors la majorité relative suffira.
S’en suit entre les 2 tours des retraits (de candidats avec peu de voix) ou des désistements. En France au second tour de la présidentielle il n’y a que 2 candidats, les 2 en tête du 1er tour. Création de deux camps (coalition), se met en place de 1962 à nos jours.
On a donc une coalition de gauche et de droite. En général, on a un candidat de gauche et un candidat de droite.
Grande division entre une logique majoritaire et une logique proportionnelle
Le scrutin majoritaire connaît 2 versions principales :
Le scrutin à deux tours a été utilisé sous toute la cinquième République à la seule exception de 1986. Il existait aussi dans l’URSS de la grande époque, mais avec un seul candidat.
Que ce soit à un ou à deux tours, ce scrutin entraîne des distorsions fortes entre le pourcentage de voix et le pourcentage de sièges recueillis. Il entraîne des résultats tout à fait extrêmes. Un parti qui aurait 51% des voix pourrait avoir 100% des sièges. Si dans chaque circonscription, un parti a 51% des voix, il aura l’élu de toutes les circonscriptions, donc au total 100% des sièges. En fait ça ne se passe pas comme ça car les voix ne sont jamais également réparties.
Dans ce mode de scrutin, il y a un très fort effet de surreprésentation des parties : surreprésentation est la situation dans laquelle le % de sièges est supérieur au de % des voix. A l’inverse, la sous représentation, quand % siège < % voix.
Il y a une surreprésentation des grands partis et une sous représentation des petits partis. Ceci ce montre très bien dans quelques cas :
En Grande-Bretagne, 7 juin 2001, les travaillistes qui gagnent les élections ont 40,1% des voix et 60,2% des sièges, soit 20 points de surreprésentation. Les conservateurs ont 37,?% des voix et ??% des sièges. Le troisième parti est pratiquement éliminé : 18,3% des voix et 7,9% des sièges. Ce phénomène s’est répété le 5 mai 2005 ou l’avance des travaillistes sur les conservateurs a beaucoup fondu. Travailliste : 35,2% des voix qui fabriquent 55,1% des sièges. Près de 20 points de surreprésentation. Pendant ce temps les conservateurs ont 32,3% des voix, et 30,5% des sièges : sous représentations mais beaucoup plus légère. Le troisième partie paye le tribu le plus lourd : 22% des voix mais 9,6% des sièges. Electoralement ils comptent, parlementairement ils ne comptent plus. Ce système a joué dans les années précédentes en faveur des conservateurs.
Ce phénomène que l’on trouve dans le scrutin à un tour, on le retrouve plus amplifié encore dans le scrutin à 2 tours.
Aux élections des 9 et 16 juin 2002 : UMP à 33,3% des voix au premier tour, et 65,2% des sièges : prime de surreprésentation de plus de 30 points. Le PS ne perd pas : 24,1% des voix et 25,5% des sièges finalement. Là aussi, comme toujours dans ces scrutins majoritaires, les petits partis trinquent : l’UDF 4,9% des voix, 4% des sièges. PC : 4,8 pour 3,6%. Est éliminé le Front National. 11,3% des voix et 0 siège, faute d’alliance.
Ceci dit, et contrairement à ce qu’on dit parfois, ce système électoral ne profite pas uniquement et forcément à la droite. Il a très largement profité au PS en 1988, plus encore en 1981, ou bien en 1997 pour prendre l’hypothèse la plus récente (Jospin premier ministre). A l’époque le PS et ses alliés ont au premier tour environ 29% des suffrages exprimés et se retrouvent avec 48% des sièges. Cette prime de 20pts est la moyenne que l’on retrouve dans les élections et est là au profit du PS, en l’occurrence, le parti le plus fort.
Dans les faits, ce système aide le gagnant et le premier parti, mais permet une grande facilité à gouverner. Au soir de l’élection on sait qui est le parti à gouverner, l’électeur a une part directe.
Une variété infinie avec des résultats et des effets différents.
Au départ, on part du principe inverse : représenter aussi exactement que possible la diversité des opinions : on emploi parfois l’image de la « photographie », ou « miniature » ou « réduction » de l’opinion publique. Chaque courant public doit être représenté en proportion de ses forces réelles. Evidemment cela repose sur une idée de justice a priori assez séduisante mais on voit bien que cela contient aussi un risque d’éparpillement, le risque d’avoir une assemblée extrêmement divisée, où il sera difficile de trouver une majorité pour gouverner, et donc cela risque d’entraîner une instabilité. La proportionnelle a été souvent accusée à tord ou à raison d’instaurer l’instabilité.
Dans cette idée de la proportionnelle, un seul tour suffit, si l’on n’introduit pas d’éléments de correction. Il suffit de prendre une seule photo. Pas d’exigence de majorité.
Le problème que l’on rencontre, c’est qu’en réduisant de 60M électeurs à 600 députés, (1 pour 100 000), on réduit forcément la diversité. La proportionnelle ne peut pas être forcément exacte : on élimine forcément les tout petits et elle a un minimum de distorsion même si celle-ci sont beaucoup moins nette que dans le scrutin majoritaire.
2 problèmes à ce sujet :
C’est le problème fondamental généralement oublié de l’amplitude de la circonscription (de la magnitude pour les anglo-saxon) : au fait de savoir s’il y a peu ou beaucoup de sièges à pourvoir dans la ou les circonscriptions du pays.
S’il y en a beaucoup on peut aller très loin dans la proportionnalité : on parle alors de proportionnelle intégrale.
Les deux exemples principaux sont :
Israël avec une seule circonscription pour 120 sièges. La répartition se fait au niveau du pays tout entier. Théoriquement on peut être représenté dès qu’on obtient 1/120ème des voix, soit 0,8%. En réalité il faut une part minimum de 1,5% des voix.
Les Pays-Bas, où il y a une circonscription nationale de 150 sièges. On peut être élu avec 1/150ème des voix, soit 0,66% et là il n’y a pas de part minimum.
Evidemment ce système est parfaitement juste, l’inconvénient c’est qu’il y a généralement 14 ou 15 partis représentés et qu’il faut en regrouper 5 ou 6 pour faire une majorité de gouvernement. La majorité est à la merci des caprices d’un des partis, etc. Souvent, même si l’on perd de la justice, pour éviter cela, les pays qui ont une forte amplitude applique une « barre », c’est-à-dire un seul mini qu’il faut franchir pour être représenté. Un parti aura le droit d’être représenté s’il franchi cette barre minimale qui est de 5% des suffrages en Allemagne ou 4% en Suède.
Il y a au contraire des proportionnelles à faible amplitude dans lesquelles il y a peu de sièges à pourvoir. Beaucoup de circonscription avec peu de siège à pourvoir (3 ou 4 environ).
Dans la France de 1986, 577 députés dans 100 unités, donc une amplitude moyenne de 5,7. Il y a eu beaucoup de département ou il y avait que 4 députés à la proportionnelle. On va répartir 100% des voix pour faire 4 sièges, donc un siège va représenter 25% des voix. C’est-à-dire qu’avec un nombre relativement important de voix on peut très bien ne pas être représenté. Ie : si quatre partis choppent 20,1% des voix et le cinquième totalise 19,6%. S’il y a 4 sièges, ils vont aux 4 premiers partis. On peut ne pas être représenté avec près de 20% des voix.
Ce facteur de l’amplitude est tout à fait fondamental.
L = [100%/(m+1)] – e
L est le pourcentage minimum à avoir pour être représenté.
En Espagne, le système électoral en Espagne est une proportionnelle à très faible circonscription, en général 3 ou 4 sièges. Un parti avec 3 ou 4% des voix n’a aucune chance d’avoir un siège, où il faut genre 25 ou 30% des voix.
L’amplitude ou la magnitude de la circonscription est un facteur tout à fait déterminant. On l’oublie souvent et il faut le rappeler.
A priori, la problématique est très simple. La proportionnalité, ça veut dire qu’on va essayer de donner à chacun en fonction de ses voix. Par exemple si dans une circonscription il y a 5 sièges à pouvoir et qu’il y a 100 voix qui sont imprimés, ça veut dire qu’un siège correspond à 20 voix. Chaque fois qu’un parti aura 20 fois, il aura un siège. Le problème c’est que les résultats ne tombent jamais juste. Que faire ? C’est là que le problème du mode de calcul prend toute son importance. La méthode traditionnelle consiste à dire qu’il y a deux temps :
Ces systèmes proportionnels sont très employés. Un peu partout dans le monde c’est surtout la plus forte moyenne que l’on retient, et non le « plus fort reste ». La théorie et la pratique montre que la plus forte moyenne avantage surtout les grands partis, et le plus fort reste surtout les petits. En combinant tout cela on peut arriver à une très grande proportionnalité.
Par exemple, les avants dernières élections suédoises du 15 septembre 2002 : les socio démocrates ont 39,1% des voix et 40,5% des sièges. Conservateurs : 15,1% et 15,8% : 0,7%. En fait des petits partis sont éliminés, ceux en dessous de la barre des 4%, d’où des différences.
Le système proportionnel est certainement très juste, favorise l’éparpillement des partis, et il est dans sa logique totalement opposé dans ses effets au scrutin majoritaire. De plus, dans le cas du scrutin majoritaire, il y a un lien direct entre l’électeur et l’élu alors que dans le cas de la proportionnel c’est plus dilué. D’où la recherche d’éléments de systèmes combinant les éléments de l’une ou l’autre famille.
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