Le droit constitutionnel classique, fidèle à la théorie de la séparation des pouvoirs, a historiquement retenu trois grands types de régimes : le régime présidentiel, le régime d’assemblée, et le régime parlementaire. Parmi ces modèles, deux se distinguent car ils sont nés de la volonté explicite d’appliquer les principes de la théorie, bâtissant des systèmes politiques à partir de principes abstraits plutôt que d’évolutions historiques ou empiriques.
Le régime présidentiel, conçu à partir d’une séparation stricte des pouvoirs.
Ce modèle, incarné par la Constitution américaine de 1787, repose sur une séparation stricte des pouvoirs, où chaque organe est autonome dans son origine et son fonctionnement. L’exécutif et le législatif sont indépendants et ne peuvent se démettre mutuellement, ce qui engendre un équilibre dynamique fondé sur des mécanismes de checks and balances.
Le régime d’assemblée, qui repose sur une domination législative tout en respectant une distinction fonctionnelle entre les organes.
Ici, l’assemblée détient la prééminence, confiant l’exécutif à un comité ou un organe subordonné. Ce régime, historiquement rare, illustre une interprétation stricte de la souveraineté populaire. Les exemples historiques incluent la France sous la Convention (1792-1795) et le Directoire, ou encore la Suisse, bien que cette dernière ait évolué vers un parlementarisme consensuel.
Contrairement aux régimes présidentiel et d’assemblée, le régime parlementaire est issu d’une évolution empirique, marquée par des ajustements progressifs entre les pouvoirs. Il n’a pas été théorisé avant son application, mais s’est imposé comme une norme démocratique dominante, particulièrement en Europe.
En résumé, les régimes présidentiels et d’assemblée représentent deux types de mise en œuvre de la séparation des pouvoirs. Si le premier repose sur une séparation rigide et des contrepoids, le second abolit presque cette séparation, en subordonnant l’exécutif à l’assemblée. Ces deux systèmes sont rares, souvent transitoires ou adaptés à des contextes spécifiques, ce qui explique leur faible adoption en Europe et dans le monde.
Le régime présidentiel demeure une forme rare de séparation rigide des pouvoirs. S’il fonctionne efficacement dans le contexte américain, grâce à un équilibre institutionnel et une culture politique spécifique, il a rencontré des difficultés d’adaptation ailleurs. La coopération entre les pouvoirs et un système partisan souple sont essentiels pour prévenir les blocages institutionnels inhérents à ce modèle.
Le régime présidentiel trouve son prototype dans la Constitution des États-Unis de 1787, qui demeure le modèle le plus abouti et le plus stable de ce système. En France, la Seconde République (1848-1852) s’en est inspirée, bien que sa mise en pratique ait été perturbée par des crises politiques. Paradoxalement, certains aspects de la Constitution monarchique de 1791 peuvent être considérés comme des prémices de ce régime, bien qu’elle fût appliquée dans un contexte monarchique.
Le régime présidentiel repose sur une séparation rigide des pouvoirs, tant dans leur origine que dans leur fonctionnement.
Séparation dans l’origine des pouvoirs :
Indépendance fonctionnelle :
Système de « checks and balances » :
Forces :
Limites :
Le régime présidentiel est un système peu courant en dehors des États-Unis, en raison de ses exigences spécifiques :
Le régime d’assemblée, également appelé régime conventionnel ou directorial, trouve ses origines dans des périodes historiques particulières, comme la Convention nationale en France (1792-1795) ou le Directoire qui lui a succédé. En Suisse, ce terme est explicitement mentionné dans la Constitution, reflétant un système unique en son genre.
Ce type de régime était initialement rejeté par Montesquieu, qui estimait qu’une absence de séparation stricte entre les pouvoirs serait contraire à l’équilibre des institutions. Cependant, l’avènement du principe démocratique a conduit à une revalorisation de ce modèle, où l’assemblée, représentant la volonté populaire, détient l’intégralité du pouvoir.
Concentration du pouvoir législatif :
Absence de séparation des origines et des fonctions :
Inexistence de mécanismes de contrôle mutuel :
Risque d’inefficacité : La concentration des pouvoirs peut entraîner une lourdeur décisionnelle, voire une paralysie, en raison de l’absence d’un exécutif autonome capable de prendre des initiatives.
Faible autonomie de l’exécutif : L’exécutif se réduit à un simple organe subordonné, appliquant mécaniquement les décisions de l’assemblée, ce qui questionne sa véritable capacité d’action.
Évolutions possibles : Ce régime tend à évoluer soit vers un régime parlementaire, par autonomisation progressive de l’exécutif, soit vers un régime autoritaire, comme ce fut le cas avec la Convention thermidorienne ou les constitutions staliniennes.
France :
Suisse :
URSS et régimes autoritaires :
Résumé : Le régime d’assemblée est rare dans l’histoire constitutionnelle. Il a souvent servi de système transitoire, évoluant vers une dictature ou un régime parlementaire. Si l’idée d’un pouvoir issu exclusivement de la représentation populaire peut sembler séduisante, son application révèle des déséquilibres majeurs, rendant ce système peu viable à long terme.
Pour la plus grande partie de la doctrine, il y a là un 3eme type traditionnel fondé sur la séparation. Le professeur croit qu’il s’agit là d’une simple justification théorique assez discutable d’une forme juridique qui en réalité est le produit de l’histoire et non d’une construction consciente, et que finalement l’évolution historique amène à se poser la question de savoir si là aussi il y a vraiment séparation des pouvoirs.
Une observation préliminaire, souvent négligée, mérite d’être soulignée : le régime parlementaire ne découle pas directement d’une théorie préexistante, mais plutôt de la pratique historique des institutions. En effet, la théorie de la séparation des pouvoirs s’est construite a posteriori à partir de l’observation du système anglais. Le chapitre 6 du livre XI de L’Esprit des Lois de Montesquieu, intitulé « De la constitution d’Angleterre », illustre cette démarche. Ce n’est donc pas une idée abstraite qui a donné naissance au régime parlementaire, mais bien l’évolution pratique de ce « pré-régime » en Angleterre, qui a permis de théoriser les principes de séparation des pouvoirs.
L’histoire des régimes parlementaires peut être résumée comme une transition progressive de la légitimité monarchique vers une légitimité populaire incarnée par les assemblées.
Une origine marquée par la toute-puissance monarchique :
À l’origine, le roi concentrait l’intégralité de la légitimité politique, tandis que la légitimité populaire restait marginale.
Une évolution vers un équilibre :
Petit à petit, la légitimité monarchique décline, laissant place à une légitimité populaire croissante. En France, ce point d’équilibre transitoire est illustré par l’orléanisme, période où les deux légitimités coexistaient avec un poids relativement équivalent.
La disparition de la double légitimité :
Avec l’affaiblissement définitif du pouvoir royal, la double confiance et la double légitimité laissent place à une légitimité unique, celle des assemblées élues, marquant l’émergence des régimes parlementaires modernes.
Un héritage monarchique persistant :
Presque tous les régimes parlementaires modernes trouvent leur origine dans une monarchie, à l’exception des pays récents qui n’ont jamais connu de système monarchique. L’histoire de ces régimes est indissociable de l’affaiblissement progressif du pouvoir royal, comme en Grande-Bretagne, en Belgique ou en Scandinavie.
Le principe fondamental : la responsabilité du gouvernement
La dualité de l’exécutif :
La formation du gouvernement :
Le régime parlementaire est souvent associé à un système bicaméral, reflet de son évolution historique :
Deux configurations existent :
Bicamérisme intégral :
Bicamérisme inégalitaire :
L’instabilité gouvernementale :
La rationalisation du parlementarisme :
Renforcement du chef de l’État :
Les régimes bi-représentatifs :
Élections directes du Premier ministre :
Le régime parlementaire représente l’aboutissement d’une longue transition historique, passant d’une monarchie absolue à une monarchie limitée, puis à un monisme parlementaire, où le gouvernement ne tire sa légitimité que du parlement. Ce système reste majoritaire dans les démocraties modernes, bien que chaque pays l’adapte en fonction de son histoire et de son contexte politique.
En France, le correctif présidentiel introduit sous la Cinquième République demeure une exception européenne. Cependant, en période de cohabitation, la France rejoint les régimes parlementaires classiques, où le parlement redevient l’unique source de légitimité pour le gouvernement.
Pour les auteurs classiques, le régime parlementaire français respectait la séparation des pouvoirs, telle qu’ils l’observaient dans les années 1920. Ils s’appuyaient sur l’exemple de la monarchie de Juillet (1830-1848), un régime marqué par une double légitimité, celle du roi et du parlement. Dans ce système, le roi formait le gouvernement, le parlement en assurait le contrôle, votait les lois, tandis que l’exécutif se contentait de les appliquer.
Cependant, cette conception a progressivement évolué. Aujourd’hui, le régime parlementaire se distingue par l’effacement quasi-total du chef de l’État, qui, bien qu’indépendant du gouvernement, exerce peu ou pas de pouvoir effectif. Sa contribution à la séparation des pouvoirs est donc négligeable, ce qui modifie fondamentalement l’équilibre théorique initial.
Dans les régimes parlementaires contemporains, la séparation des pouvoirs dépend étroitement de l’organisation des partis politiques. Deux modèles principaux se distinguent :
Le parlementarisme majoritaire : la concentration des pouvoirs
Dans ce modèle, caractérisé par une majorité stable tout au long de la législature, le chef du parti majoritaire devient automatiquement chef du gouvernement.
Le parlementarisme non majoritaire : une séparation relative
Lorsque les forces politiques sont fragmentées, les majorités parlementaires instables nécessitent des coalitions fragiles, susceptibles de se désolidariser.
Les régimes parlementaires sont souvent qualifiés de régimes à séparation souple, en opposition à la séparation rigide des pouvoirs aux États-Unis. Dans les régimes parlementaires modernes :
Les régimes parlementaires dualistes, où le chef de l’État jouait un rôle actif, respectaient davantage la séparation des pouvoirs. Aujourd’hui, dans les régimes parlementaires monistes, cette séparation est moins marquée en raison de la prééminence d’un pouvoir sur l’autre.
La séparation des pouvoirs est souvent associée à l’idée même de démocratie. Cette vision découle de l’article 16 de la DDHC : « Toute société dans laquelle la séparation des pouvoirs n’est pas déterminée n’a point de Constitution. »
Selon cette logique, si la démocratie nécessite la séparation des pouvoirs, et si le régime parlementaire est considéré comme démocratique, il doit nécessairement respecter cette séparation.
Cependant, cette assertion est de plus en plus discutée dans les régimes parlementaires modernes, où la tendance est davantage à la réunion des pouvoirs. Cette concentration, notamment visible dans les systèmes majoritaires, soulève des questions sur la pertinence de la théorie classique.
Dans les 15 États membres de l’Union européenne avant l’élargissement de 2004, 10 à 11 pratiquaient un modèle proche du système britannique :
Dans les régimes parlementaires contemporains, la réunion des pouvoirs devient une caractéristique dominante.
Le régime parlementaire, bien qu’ancré dans l’idée de séparation souple des pouvoirs, évolue vers des configurations où l’un des pouvoirs tend à prédominer. Dans les systèmes majoritaires, l’exécutif exerce une influence déterminante, tandis que dans les systèmes instables, le législatif peut réduire l’exécutif à un rôle subordonné.
Si la théorie continue d’affirmer que séparation des pouvoirs et démocratie sont indissociables, la réalité pratique des régimes parlementaires suggère une concentration pragmatique des pouvoirs, répondant davantage aux exigences de stabilité et d’efficacité gouvernementale qu’à un idéal de répartition équilibrée des fonctions.
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