Les discours fondateurs de la Constitution (Bayeux et Épinal)

Les discours fondateurs de la Vème République

La pensée de de Gaulle s’exprime à travers 2 grands discours :

– le discours de Bayeux le 16 juin 1946 ;

– le discours d’Epinal du 29 septembre 1946 lorsque le peuple a rejeté par référendum le projet de mai 1946. Son modèle constitutionnel est imagine en 1946 mais ne sera mis en application qu’en 1958.

le discours de Bayeux

Il reflète une vision du pouvoir politique et explique quelles sont les difficultés chroniques auxquelles se retrouve confronté l’Etat français. Il explique les causes du mauvais fonctionnement du régime parlementaire en France et propose des solutions pour y remédier à travers des outils juridiques qui permettront aux institutions de jouer pleinement leur rôle.

Ce discours identifie le problème majeur de la IIIème République : c’est le multipartisme, source d’instabilité politique —> il n’y a pas de partis qui domine les institutions, que des alliances, des coalitions et des trahisons permanentes —> la rivalité des parties. Avec cette rivalité, les gouvernants n’ont plus de cohésion, le Parlement ne parvient plus à voter des textes de lois, le prestige et l’autorité de l’Etat décroît. Cette dégénérescence de l’Etat ouvre à une dictature, un régime fort.

Il faut donc que les institutions compensent par elles-mêmes les effets négatifs de la perpétuelle effervescence politique. Les institutions ne doivent pas pâtir des querelles de partis mais doivent être au-dessus —> de Gaulle affirme que « les pouvoirs publics doivent être nettement séparés, fortement équilibré, et qu’au dessus des contingences politiques soit établi un arbitrage national qui fasse valoir la continuité et l’unité dans un contexte de combinaison ».

L’arbitre national sera le Président de la République.

Il faut un pouvoir législatif bicaméral et équilibré —> l’idée est d’éviter qu’il y ait une seconde chambre trop puissante comme sous la IIIème République avec un Sénat qui avait autant de pouvoirs que la chambre des députés —> frein supplémentaire à l’encontre de l’exécutif. La chambre basse devra désormais représenter la population et devra être élu par le suffrage universel. Elle sera limitée par une seconde chambre qui sera élue au suffrage universel indirect. —> Représentations variées de la population pour avoir 2 images ≠ de la nation française.

Le Général de Gaulle annonce que l’exécutif devra être dualiste et hiérarchisé —> 2 institutions qui devront partager le pouvoir —> un chef de l’Etat et un chef du gouvernement. Mais la pratique du pouvoir que l’on connaît sous la Vème République se trouve en substance en 1946.

Selon de Gaulle, le pouvoir exécutif ne peut « procéder du pouvoir législatif » —> il ne doit pas trouver son origine dans le pouvoir législatif. Sinon on arrive à une confusion des pouvoirs. Or sous la IIIème République, le Président de la République est élu par le Parlement. Il faut donc que le chef de l’Etat soit élu par un collège électoral plus large que le Parlement. En 1946, il ne parle pas encore de suffrage universel mais il estime que c’est une consultation populaire plus large qui doit élire le Président de la République.

Ce gouvernement devra jouer un rôle décisif dans sa composition —> pour le Général de Gaulle, le gouvernement ne peut pas être le mandataire d’un parti uniquement et il faut que le gouvernement puisse procéder du chef de l’Etat en accord avec le Parlement —> le Gouvernement devra être choisi par le Président de la République.

Cette idée de rénovation entre les rapports du législatif et de l’exécutif apparaît aussi dans le discours d’Epinal.

Le discours d’Epinal

De Gaulle est toujours à la recherche d’un Etat démocratique et efficace. Il faut arriver à une séparation des pouvoirs et un équilibre des pouvoirs.

Il résume l’objectif constitutionnel qu’il poursuit : « un Etat où les 3 pouvoirs sont séparés et limités et où chacun et seul mais pleinement responsable de son domaine » —> rapprochement avec le modèle d’un régime présidentiel mais le but est de pouvoir résister l’omnipotence du pouvoir législatif.

De Gaulle affirme la nécessité de former un cloisonnement avec un équilibre des pouvoirs.

Le chef de l’Etat doit assurer dans un pays divisé le fonctionnement régulier des institutions —> il doit faire prévaloir les intérêts de la nation —> il doit donc avoir des attributions réelles.

Le gouvernement doit pouvoir être une structure unie qui se fédère autour de convictions semblables et qui se retrouve rassemblée sous l’autorité d’un chef, une équipe solidairement responsable devant l’assemblée —> une unité par opposition au gouvernement de coalition de la IIIème République qui réunissait des ministres de partis opposés.

« Un parlement qui en soit un » —> il faut qu’il se focalise sur ses tâches essentielles —> élaborer la loi, le budget et contrôler le gouvernement. Mais il ne doit pas gouverner.

La présentation définitive de la Constitution de la Vème République sur ces 2 grands fondements sera présentée par Michel Debré devant le Conseil Constitutionnel par un discours du 27 août 1958 —> Debré rend compte du modèle constitutionnel qui a été arrêté par le gouvernement. Il rappelle que le but poursuivi est de reconstruire le pouvoir, rénover l’outre-mer, et la Constitution ne doit pas être un obstacle mais au contraire l’instrument qui doit permettre d’atteindre ces 2 objectifs.

Le choix du régime politique est un régime parlementaire —> on ne peut que rejeter le régime d’assemblée qui est celui vécu par la France sous la IIIème République après la Guerre Mondiale qui, malgré les correctifs mis en place sous la IVème République n’a donné aucun résultat constructif.

Il dira aussi qu’il est impossible d’opter pour un régime présidentiel qui a été une « tentation » —> les constituants l’ont envisagé —> la conception présidentielle du pouvoir ne correspond pas à l’image présidentielle de la Rép en France. Le régime présidentiel en France a fini par le coup d’Etat de Napoléon —> mauvais souvenir —> rejet.

C’est donc par élimination que l’on a adopté un régime parlementaire : « il convient de préférer la collaboration des pouvoirs. Un chef de l’Etat et un parlement séparés encadrant un gouvernement issu du 1er et responsable devant le 2nd. Entre eux un partage des attributions donnant un chacun une semblable importance et assurant les moyens de résoudre les conflits » —> chacun peut s’auto neutraliser.

Mais ce régime parlementaire est un régime rationalisé —> abouti à l’équilibre entre exécutif / législatif. Sous la IIIème et IVème République, c’est le Parlement qui a le dessus —> les constituants vont assurer des procédures qui permettent de protéger l’exécutif et donc d’encadrer d’avantage le Parlement —> le Parlement est donc constitutionnellement discipliné et l’exécutif est revalorisé —> l’œuvre de rationalisation entreprise dès 1958 bouleverse la tradition parlementaire antérieure. On a donc un régime qui est dans la continuité mais qui a une originalité de par les moyens et les limites établis dans la Constitution.

Not, concernant la limitation des pouvoirs du Parlement, la Constitution de 1958 établit un régime de session strict —> historiquement, le Parlement siégeait toute l’année. Pour éviter cette omniprésence, le constituant établit des périodes de sessions —> 2 sessions (octobre-décembre et mars-juin) + sessions extraordinaires si nécessaire.

Autre moyen pour limiter le parlement —> la délimitation des domaines —> le Parlement ne perd donc pas son temps pour des questions purement conjoncturelles —> il doit s’attacher aux domaines essentiels présents à l’article 34. Le gouvernement dispose d’un pouvoir normatif qui lui est propre (art 37).

La procédure législative et budgétaire est contraignante —> le gouvernement y joue un rôle déterminant (ex : il fixe l’ordre du jour des Assemblées + le droit d’amendement des parlementaires devient restreint pour que les parlementaires ne transforment pas trop les projets de lois + la procédure législative est assujettie à la hiérarchie des normes —> le Parlement doit respecter les droits fondamentaux et les règles constitutionnelles).

Cet effort de limitation se double d’un effort de revalorisation exécutive —> il se repose sur un institution maîtresse qui est le Président de la République présenté comme « la clé de voûte des institutions » (Debré) —> tout est maintenu par le Président de la République. Debré met les parlementaire devant cette nouvelle idée qu’il faut passer outre les marques de l’histoire —> un Président de la République n’est pas forcément un futur dictateur, empereur. « faute d’un vrai chef de l’Etat, le gouvernement manque d’un soutien qui lui est indispensable dans l’équilibre des pouvoirs » —> si on impose un Président de la République, c’est dans le soucis de parvenir à un équilibre des pouvoirs.

Le Président de la République obtient alors la possibilité de demander une seconde lecture de la loi, de saisir le Conseil Constitutionnel, d’agir directement par la voie du référendum, d’avoir le droit de dissolution, des attributions réelles en matière de défense nationale et d’affaires étrangères. Il dispose de pouvoirs exceptionnels (ex : en cas de crise, il faut anticiper les scénarios en totalisant tous les pouvoirs —> dictature provisoire pour favoriser le retour à un équilibre).

—> Présentation qui promet une revalorisation du chef de l’Etat qui va être désigné de manière à pouvoir s’affranchir de la tutelle des parlementaires. Toute cette présentation est profondément dépendante de l’histoire immédiatement vécue —> les constituants ne veulent pas répéter des erreurs qui se sont lamentablement terminées par les changements de gouvernements —> ils veulent tirer les fruits de l’histoire constitutionnelle passée.