Les droits civiques et politiques de la Convention européenne

Quels sont les droits civiques et politiques protégés par la Conv. EDH ?

L’article premier de la Convention européenne des Droits de l’Homme énonce qu’est bénéficiaire des droits toute personne qui relève de la juridiction des états parties à la convention. La notion de juridiction s’entend au sens large des compétences étatiques, les faits incriminés peuvent avoir été commis sur le territoire national ou en territoire étranger occupé par un autre état. Par exemple: arrêt Loïzidou contre Turquie. Les actes à l’origine de la violation peuvent avoir été accomplis en application du droit interne mais aussi du droit international ou du droit de l’UE. Enfin, ce ne sont pas seulement les nationaux des états partis à la convention qui sont protégés, mais aussi les résidents ou même les personnes de passage. Les droits énoncés par la convention sont interprétés par la Cour européenne qui est l’interprète suprême de la convention, ses arrêts ont beaucoup contribué à l’enrichissement substantiel des droits énoncés par la convention. L’interprétation de la Cour s’impose aux autorités nationales et notamment aux juridictions nationales. Nous évoquerons ici les droits civiques et politiques comme le droit à des élections libres et démocratiques, la liberté d’expression ou la liberté d’association. Nous évoquerons aussi le droit à la non discrimination

convention européenne des droits de l'hommes

1/ Le premier droit est le droit à des élections libres et démocratiques prévu par l’article 3 du premier protocole additionnel à la Convention EDH.

En vertu de cette disposition, l’Etat a l’obligation positive d’organiser des élections démocratiques de façon régulière. Cette garantie concerne uniquement l’élection du corps législatif. L’arrêt Matthews c/ Royaume Uni du 18 février 1999. Mme Matthews était une ressortissante britannique qui résidait à Gibraltar. Le Royaume Uni n’avait pas organisé d’élections au Parlement européen à Gibraltar. Le Royaume Uni avait obtenu cette possibilité en vertu d’une disposition de traité communautaire. La requérante estimait que son droit à des élections avait été violé car le droit adoptée par le Parlement européen était applicable aux résidents de Gibraltar. La Cour a qualifié le Parlement européen de corps législatif et a admis l’applicabilité de cet article aux élections européennes et a condamné le Royaume Uni pour ne pas avoir organisé ce type d’élection à Gibraltar.

2/ Le droit protégé par l’article 10 de la Convention est le droit à la liberté d’expression.

Selon la Cour, la liberté d’expression est l’un des fondements essentiels d’une société démocratique. C’est l’une des conditions primordiales du progrès de la société démocratique et de l’épanouissement des individus. La société démocratique doit permettre le pluralisme qui suppose que soit protégé mêmes les idées qui inquiètent, qui choquent ou qui heurtent. La liberté d’expression est la liberté d’exprimer son opinion mais aussi la liberté de recevoir et de communiquer des informations. A ce titre, l’article 10 protège les entreprises de presse. La jurisprudence de la Cour européenne est très protectrice de la presse. Les Etats ont une marge d’appréciation très limitée quand il s’agit d’imposer des limites à la liberté de la presse. L’arrêt Colombani c/ France du 25 juin 2002 condamne l’entrave posée à la liberté de la presse par le délit « l’offense envers un chef d’Etat ou de gouvernement » du Code Pénal. La Cour européenne offre également une source de protection très élevée aux sources journalistiques et au secret de ces sources. L’article 10 a aussi été à l’origine de certaines affaires où il y avait un conflit entre la liberté de la presse, le droit du public à recevoir des informations, et le droit à l’image, qui est protégé par l’article 8 de la Convention, ou encore le droit à la réputation, ou le droit à la présomption d’innocence. Ce type de conflit est apprécié par la Cour au cas par cas en fonction des circonstances particulières. Souvent, cet exercice est difficile mais la Cour essaye de concilier la liberté d’information la plus large possible avec la sauvegarde du droit au respect de la vie privée.

L’article 10 protège également la substance des idées ou des informations communiquées, mais aussi leur mode de diffusion.

3/ Le droit à la liberté de réunion et d’association est énoncé par l’article 11 de la Convention

Il garantit le droit individuel de rejoindre les autres pour mieux défendre avec eux ses intérêts ou ses idéaux. Dans le même temps, il a une dimension collective puisque la liberté de réunion et d’association est un élément essentiel de la vie politique d’un pays. L’arrêt « Ezeline c/ France » du 26 avril 1991. Un barreau français avait infligé une sanction disciplinaire à un avocat qui avait participé à une manifestation organisée pour protester contre une décision de justice relative à des indépendantistes en Guadeloupe. La France a été condamnée pour violation de la liberté de réunion. L’article 11 protège les personnes physiques mais aussi les partis politiques. Selon la Cour, ceux-ci apportent une contribution irremplaçable au débat politique. L’article 11 a donc été invoqué souvent dans des affaires de dissolution de partis politiques. L’arrêt du 13 février 2003, Parti de la postérité c/ Turquie : le programme politique de ce parti était d’instaurer en Turquie la loi islamique. Les autorités turques ont pris la décision de dissoudre ce parti qui a invoqué l’article 11 de la Convention EDH. La Cour a considéré que la dissolution de ce parti n’était pas contraire à l’article 11 car son programme était incompatible avec l’idéal démocratique sous jacent avec la Convention. L’article 11 offre également le droit de fonder une association pour la défense, par exemple, des personnes qui appartiennent à une minorité nationale, ethnique ou religieuse. L’article 11 offre aussi le droit de fonder un syndicat ainsi que le droit d’adhérer à un syndicat. Il protège également le droit de l’individu de ne pas intégrer un syndicat. Enfin, l’article 11 intègre le droit de grève depuis une jurisprudence très récente. Ce droit est considéré comme un moyen d’assurer l’exercice effectif du droit de négociation collective.

4) Le droit à la non discrimination

Ce droit est prévu par l’article 14 qui dit que la jouissance de droits reconnus dans la Convention doit être assurée sans aucune distinction. Cet article donne ensuite une liste indicative des motifs de discriminations interdites. Ces motifs sont le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune et la naissance. La Cour a ajouté un autre motif: l’orientation sexuelle. Le droit à la non discrimination n’a pas une portée autonome mais dépend de l’exercice d’un autre droit prévu par la Convention. La définition de la discrimination selon l’article 14 est donnée par la Cour EDH dans l’affaire linguistique belge du 23 juillet 1968. La discrimination est « une différence de traitement des individus placée dans des situations analogues, différence qui manque de justifications objectives et raisonnables ». Par un arrêt « Thlimmenos vs Grèce » du 6 avril 2000, la Cour européenne a affirmé que la discrimination pouvait aussi avoir une deuxième facette: le même traitement de personnes dont les situations sont sensiblement différentes est considéré comme discriminatoire lorsqu’il manque de justifications objectives et raisonnables. La Cour européenne condamne les discriminations indirectes c’est à dire les mesures en apparence neutres mais qui peuvent avoir des effets préjudiciables disproportionnés sur un groupe particulier de personnes. Le concept de discrimination indirecte a été consacré dans un arrêt du 13 novembre 2007 Droits de l’Homme contre République Tchèque. Les autorités tchèques placées les enfants d’origine ROM dans des écoles spéciales destinées à des enfants avec des déficiences intellectuelles, cette mesure avait des effets préjudiciables sur un groupe particulier de personnes. La Cour européenne a estimé que l’on était en présence d’une discrimination indirecte dans la jouissance du droit à l’éducation. Cette discrimination était fondée sur l’appartenance des enfants d’origine ROM à une minorité ethnique. Concernant la non discrimination, il faut aussi mentionner le protocole n°12 de la Convention européenne élaboré en 2000 et entré en vigueur en 2004. Ce protocole garantit le droit à la non discrimination dans la jouissance de tout droit accordé à l’individu par le droit national. La France ne l’a pas encore ratifié car elle craint des requêtes devant la Cour européenne. Ce protocole consacre un droit autonome contrairement à l’article 14.