Les droits de l’associé à l’égard de la société

Les droits de l’associé à l’égard de la société

Il faut s’intéresser au droit extra patrimonial de l’associé, l’associé à un droit d’intervention dans la vie sociale, ce droit c’est d’abord et surtout, le droit de participer aux décisions collectives, mais il est complété par un autre droit, l’associé à un droit d’information à l’égard de la société.

§1 – Le droit d’information

C’est un droit qu’on retrouve dans toutes les formes sociales, mais on va trouver une règlementation variable selon le type de société, la société en nom collectif c’est le type même de la société de personne et la SA qui est le type même de la société de capitaux.

La société en nom collectif, article L 221-8 les associés ont le droit d‘obtenir communication des livres et documents sociaux. Article R 221-8 l’associé non gérant a le droit d éprendre connaissance des contrats, des factures, de tous documents établis par la société ou reçus par elle. Cet associé en nom, non gérant a le droit de mettre son nez dans les affaires sociales sans aucune limite.

La SA, est souvent une PME ou une affaire familiale, ou parfois une société cotée en bourse, la solution ne va pas être la même, on ne peut pas laisser au premier actionnaire venu voir les affaires de la société. On a des textes qui énumèrent de manière limitative les documents auxquels l’actionnaire aura accès. On nous indique aussi selon quelles conditions l’actionnaire a communication de ces documents. Ce droit d’information est important car les actionnaires n’ont pas de contacte direct avec la direction, de ce fait la loi prévoit d’autres sources d’information, qui seront fournis par des tiers supposés compétents et impartiaux. Le commissaire au compte est un professionnel qui audit les comptes de la société de façon à en garantir la fiabilité. L’actionnaire peut aussi faire désigner par le juge un expert de gestion missionné pour enquêter sur telle ou telle opération de gestion qui parait suspecte.

§2 – Le droit de participer aux décisions collectives

Ce droit est déjà connu : c’est un principe d’ordre public article 1844 al 1, c’est une prérogative essentielle de la société, on sait aussi que cette prérogative recouvre plusieurs réalités, c’est voter, mais aussi participer aux assemblées générales. On ne peut pas supprimer le droit de participer aux décisions collectives pour un associé dans le cas du démembrement.

Droit qui s’exerce selon des formalités différents selon les formes sociales, on a des sociétés ou les associés se prononcent à l’unanimité SNC, dans les autres c’est la loi de la majorité (SA, SARL). Cette majorité peut être ordinaire, ou qualifiée.

Il a y certains nombre de principes communs qui sont valables quelque soit la forme sociale considérée, trois règles communes :

– Il y aura une gradation des exigences légales selon l’importance des décisions.

– La règle de la majorité peut être atténuée par une théorie du droit civil, celle de l’abus de droit, en l’occurrence l’abus de majorité.

– Les décisions collectives en cas d’irrégularité obéissent à un régime de nullité spécifique.

L’article 1836 traite de la modification des statuts, l’alinéa 2 dit qu’on ne peut pas augmenter l’engagement des associés sans son consentement. Donc il faudra l’unanimité ici, toute décision qui augmente l’engagement des associés requiert l’unanimité. L’article L 225-85 dit la même chose que l’article 1836. On sera rarement confronté à cette règle.

Parfois on va rencontrer un problème de périmètre: qu’est ce qu’une augmentation de l’engagement des associés? Il y a souvent des difficultés d’interprétation, on veut intégrer dans les statuts une clause d’agrément qui n’y figurait pas par exemple. La cour de cassation a dit que cette innovation n’était pas une augmentation des engagements des associés, on réduit leurs droits, on n’augmente pas leurs engagements. On peut dire aussi qu’il y a une charge supplémentaire à la charge des associés, mais on est en présence d’une règle d’exception, donc d’interprétation stricte.

On trouve 2 types de décisions: extraordinaire et ordinaire.

Une décision extraordinaire est une décision qui modifie les statuts, si on procède à une augmentation de capital, le siège socialce sera une décision extraordinaire. Les décisions ordinaires sont celles ne modifiant pas les statuts. On a des décisions ordinaires qui sont exceptionnels (révocation d’un dirigeant en place, cession d’un actif important…).

La loi est plus exigeante s’agissant des décisions extraordinaires, elles modifient le pacte social(majorité qualifiée ou unanimité). Les décisions ordinaires sont souvent prises à la majorité.

&3 – La théorie de l’abus de droit

La règle de la majorité est atténuée par la règle de l’abus de droit, elle a un rôle dans les décisions collectives.

L’exercice d’un droit peut dégénérer en abus, auquel cas on est en présence d’une faute, laquelle est génératrice de responsabilité civile si elle cause un dommage à autrui.

Exemple affaire Bayard.

Les décisions collectives laissent apparaître le droit pour les associés majoritaires d’imposer leurs décisions aux minoritaires. Cela va consister à dire que la décision des majoritaires peut être jugé abusive, et si elle constitue un abus de droit, les victimes peuvent obtenir réparation (mécanisme de la responsabilité civile).

La sanction en matière de responsabilité civile est la réparation adéquate, par le versement de dommages et intérêts.

Mais la réparation sera l’annulation de la décision pour les décisions collectives.

La cour de cassation a reconnu l’abus de droit dans l’arrêt du 18 avril 1961: c’était un cas de rétention de bénéfice, où on a 2 groupes d’actionnaires, avec les uns majoritaires et les autres minoritaires. Cette société met en réserve ses bénéfices, elle ne distribue pas, cela engendre un contentieux, les minoritaires se plaignent, c’est un abus. La cour de cassation a considéré qu’il n’y avait pas d’abus mais elle a admis qu’il y aurait pu avoir un abus, avec comme critère de l’absence d’intérêt général de la société avec l’unique objectif de favoriser les majoritaires sur les minoritaires.

Il résulte de cette décision que l’abus de droit obéit à un double critère: un élément objectif et subjectif:

L’élément objectif est la rupture d’égalité, la décision doit faire apparaître une rupture d’égalité entre les majoritaires et les minoritaires, au profit des majoritaires.

L’élément subjectif est qu’on est en présence d’une décision intentionnelle, délibérée.

Concrètement les exemples de la jurisprudence:

D’abord l’hypothèse de 196 qu’on a vu, et l’abus a été admis dans une histoire récurrente: la rétention de bénéfice ne sera pas considéré comme un abus en général car on ne trouve aucun des 2 éléments. Il n’y a pas de rupture d’égalité entre majoritaires et minoritaires car tous sont privés de bénéfices et cette décision est conforme à l’intérêt social. Cela étant, il y a eu un exemple de jurisprudence qui a admis que cette décision de rétention de bénéfice peut considérer un abus de majorité, dans les années 80: les deux éléments constitutifs étaient remplis: la rupture d’égalité a été établie car une majorité d’actionnaires sont dirigeants et les minoritaires ne peuvent rien dire, donc le fait de ne pas distribuer les bénéfices peut être considéré comme une rupture d’égalité. Ceux qui appartiennent à la majorité s’en moquent de ne pas toucher les bénéfices car ils ont une rémunération donnée par leur salaire alors que les minoritaires n’ont pas de place dans la société. Mais il faut aussi que la décision soit non conforme à l’intérêt social, et là on a ce cas de figure. Dans les années 80, on est à une époque de grande inflation. On a jugé que le comportement des dirigeants n’était pas conforme à l’intérêt social du coup.

– Exemple la prise en charge de la prise en charge du passif d’une filiale par la société mère.

– Exemple d’une société vidée de sa substance par ses actionnaires majoritaires.

Cette théorie de l’abus de majorité dans les décisions collectives a connu une évolution dans les années 90: la jurisprudence a fini par admettre qu’il pouvait y avoir un abus de minorité.

Dans certaines sociétés, pour certaines décisions, certains minoritaires auront un pouvoir (minorité de blocage): le minoritaire peut abuser de son pouvoir de blocage, hypothèse où le minoritaire s’oppose à une décision absolument essentielle dans l’intérêt de la société et ceci dans un but purement égoïste: c’est l’inverse de l’abus de majorité. Le minoritaire va à l’encontre de l’intérêt social.

Exemple une société a fait des pertes énormes, on envisage de la recapitaliser avec des apports nouveaux avec un partenaire extérieur. L’actionnaire minoritaire va être dilué, il n’aura plus de minorité de blocage du fait de l’arrivée du nouvel actionnaire, peut être même qu’il perdra tout.

L’abus de minorité peut être retenu ici.

Quelle va être la conséquence? La solution ne peut pas être la même, le préjudice provenant d’une absence de décision. La réparation adéquate est d’imposer la décision. On aurait pu demander au juge de rendre une décision valant délibération d’assemblée générale. La cour de cassation ne l’a jamais admis. La solution adoptée par la cour de cassation est qu’il y aura la désignation d’un mandataire ad hoc qui va être chargé de voter à la place du minoritaire qui ne remplit pas sa fonction sociale. Une 2e assemblée générale aura lieu, ce mandataire votera en prenant la décision la plus conforme de l’intérêt social.

C – Le régime des nullités

On a 2 textes qui se recoupent en partie, l’article 1844-10 alinéa 3 Code civil et l’article L 235-1 code de commerce.

L’article 1844-10 alinéa 3, on retrouve cette détermination limitative des causes de nullité. Il y a 2 séries de cause de nullité pour les décisions collectives qui pourront se rencontrer dans toutes les formes sociales:

· Les causes de nullité des contrats en général(erreur, dol violence). On a aussi le cas de l’abus de droit.

· L’hypothèse d’une violation d’une disposition impérative du titre 9 du code civil: l’article 1844 est un texte d’ordre public, donc la décision qui priverait le droit de vote par exemple.

– L’article L 235-1 du code de commerce, les 2 alinéas visent des situations différentes: le 1er avec les décisions extraordinaires et le 2ème avec les décisions ordinaires. Pour les 2 situations, on nous renvoie aux principes généraux du droit des contrats. Cet article nous dit que la nullité peut résulter d’une disposition expresse du présent livre (alinéa 1) et s’agissant des décisions ordinaires, la violation peut résulter d’une disposition impérative du présent livre. Le niveau d’exigence est différent, à l’alinéa 1 il faut une disposition expresse (pas de nullité sans texte pour les décisions extraordinaires) alors que pour les décisions ordinaires il suffit qu’il y ait violation d’une disposition impérative.