Les libertés fondamentales et les droits de l’Homme sous la IIIe IVe et Vème République
Il n’y avait pas de consécration constitutionnelle des libertés dans les constitutions françaises du XIXè, ou alors exceptionnellement, comme dans la constitution de 1848. Face à ce silence, il y a des hésitations, des problèmes non résolus, des demi-choix et des demi-mesures.Avec la V° République, apparaît incontestablement une source constitutionnelle des libertés publiques, qui englobe une multiplicité de normes.
Section 1 : L’inauguration de la tradition républicaine sous la IIIe République : la stabilisation des Droits de l’Homme
A) Les évènements fondateurs de la tradition républicaine française
- Cours de Libertés Publiques et Droits de l’Homme
- La protection des libertés fondamentales par les juges
- La protection des droits de l’Homme par la CEDH
- Le droit au recours et au procès équitable
- Les AAI et le Défenseur des droits dans la protection des libertés
- HALDE, Médiateur de la République et AAI protectrices des droits
- Le rôle de l’administration dans la garantie des droits fondamentaux
Après la défaite de Sedan, on proclame la République en 1870. L’Assemblée Nationale va décider de la paix ou de la reprise de la guerre. Les royalistes eux sont partisans de la paix. Les républicains veulent reprendre les hostilités. Les français votent majoritairement royaliste. Au lieu de se dissoudre, l’Assemblée Nationale décide d’élaborer une nouvelle Constitution.
Cette constitution est composée des 3 lois constitutionnelles de 1875 qui ne font pas mention de la protection des droits et libertés. L’idée est que bien que les droits et libertés soient absents des lois constitutionnelles, le Parlement va prendre le relais en créant de nombreuses lois relatives à la protection des libertés publiques.
Affaire Dreyfus
Le capitaine Dreyfus, fin 1894, est condamné pour avoir prétendument livré des documents français à l’Empire allemand. Dreyfus est un français juif. L’affaire s’achève en 1906 car c’est un arrêt de la Cour de cassation qui l’innocente et le réhabilite. Cette affaire est exemplaire de la querelle existant en matière de Droits de l’Homme. Cette querelle va opposer ceux qui prônent des Droits de l’Homme individuels et subjectifs (lignée de 1789) et ceux qui se rallient à une conception conservatrice des droits, et qui vont donc les nier.
Cette affaire divise le pays entre dreyfusards, menés par Zola, qui vont affirmer que quelles que soient les origines d’un individu, il y a pour tout être humain des droits imprescriptibles et naturels, et parmi ces droits, il y a la liberté et la justice. Pour eux ces droits existent au-delà de l’État et appartiennent à l’homme (subjectifs et universels). Les anti-dreyfusards rassemblent des institutions importantes de la société, l’Eglise et l’armée. Ils vont s’exprimer dans « Le Figaro » en disant que la Nation est biologiquement constituée par une race, une langue, et le sang, et elle rend les individus composantes de l’État et solidaires. Pour eux, la justice n’a pas lieu d’être.
Dreyfus est finalement réhabilité, et la conception des dreyfusards l’emporte, ce qui va permettre à la IIIe République de se stabiliser et de trouver ses valeurs dans l’humanisme et l’individualisme. A partir de là, on a de nombreuses lois libérales qui vont être votées. On peut citer la liberté d’association en 1901, et la séparation des Eglises et de l’État en 1905.
B) L’ambivalence de la tradition républicaine en matière de protection des droits de l’homme
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Premier mouvement
Des combats idéologiques vont naître, surtout à partir de 1905, à propos de certaines lois, et ces combats vont montrer que la loi républicaine peut être plus offensive que protectrice à l’égard des Droits de l’Homme.
La Constitution de 1848 annonçait que l’enseignement était libre. Pourtant, à partir de 1850, la loi Falloux remet le contrôle de l’enseignement entre les mains de l’Eglise catholique (les évêques et les prêtres sont contents, ils ont plein de petits enfants). Après 1875, les républicains vont se diviser entre républicains opportunistes qui défendent la liberté d’enseignement, car elle est une liberté individuelle. Les radicaux, plus à gauche, ont une conception plus laïque de l’enseignement, la laïcité est un phénomène de mode sous la IIIe République. Les radicaux vont défendre une école publique et laïque, unifiant les ordres primaires et secondaires, dont le rôle est de combattre les établissements d’enseignement libre, c’est à dire les établissements confessionnels.
Au début du XXe et jusqu’au début de la IVe, la liberté d’enseignement sera donc appréciée de diverses manières, d’un côté les établissements confessionnels qui réclament la liberté d’enseignement, et de l’autre les radicaux, qui vont refuser aux congrégations religieuses le droit d’enseigner. Dans une loi de 1904, ils interdisent aux congrégations religieuses d’enseigner, au nom de la laïcité. Ce n’est qu’en 1931 que le législateur va dire que la liberté d’enseignement est un PFRLR (continuité, avant 1946, donc valeur supra-législative).
Sous la IVe République, on va trouver d’un côté les chrétiens démocrates, qui sont pour la liberté d’enseignement, et de l’autre les partis de gauche, qui estiment que cette liberté ne fait pas partie de la tradition républicaine. On a décidé d’inscrire dans le préambule de la 4e République le « droit de l’enfant à être éduqué dans le respect total de sa personnalité » car on n’était pas d’accord.
La tradition républicaine est plutôt hostile à cette liberté, et est plutôt contre l’enseignement privé. C’est pour cette raison que sous la IIIe République vont se développer des écoles normales d’instituteurs qui portent « la bonne parole républicaine », qui est offensive à l’encontre des écoles confessionnelles.
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Deuxième mouvement
C’est le débat qui commence sur la portée juridique des déclarations et des préambules. Ce débat naît en 1875 puisque les Lois Constitutionnelles de la IIIe République ne se réfèrent pas à la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Elles organisent les rapports entre les pouvoirs publics, la suprématie du Parlement, mais ne songent pas à instaurer un contrôle de constitutionnalité de la loi. Un affrontement va naître sur la question de la portée juridique de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.
Carré de Malberg et Esmein vont remporter le combat d’idée, ils soutiennent la doctrine de 1789, et ne sont pas opposés aux Droits de l’Homme, mais estiment que la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen n’a pas de portée juridique positive dans les Lois Constitutionnelles de 1875. Pour eux, qui sont positivistes, une loi qui supprimerait une liberté ou un droit de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen serait regrettable mais valide. Carré de Malberg dit que la IIIe République tend à la suprématie du corps législatif sans que rien ne vienne garantir des droits individuels. Le législateur va pouvoir positiver un droit, ou le rayer de l’ordre juridique. Cette conception va prévaloir sous la IVe République, et c’est le Préambule de 1946 se réfère à la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen et ajoute les PFRL et ajoute les principes politiques économiques et sociaux particulièrement nécessaires à notre temps. La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen n’a pas de portée juridique positive parce que :
- La Constitution de 1946 ne prévoit pas de contrôle de constitutionnalité de la loi quant elle touche aux droits de l’homme
- Sous la 4ème République, apparaît cette suprématie parlementaire. Et c’est sous cette république que le législateur via des lois va accélérer la juridicisation des droits de l’homme : pour avoir une portée juridique il faut mettre cela dans des lois.
Le bilan relatif à la protection des libertés est plutôt positif même si bien évidemment la période de la Première Guerre Mondiale n’a pas été favorable à l’épanouissement des libertés de l’homme. D’autant plus qu’à partir de 1917, les régimes totalitaires naissent en Europe
La préparation à la Seconde Guerre Mondiale aggrave le sort des droits et libertés. A l’époque, l’Assemblée nationale saborde la 3ème République et donne les pleins pouvoirs à Pétain par l’acte du 10 juillet 1940 en essayant de sauver la République. Le régime de Vichy ne sauvera rien
Section 2 : L’ouverture des droits de l’homme sous la Ve République
Avec la Ve République, on va voir arriver un nouveau modèle républicain qui va consacrer sur le terrain juridique et particulièrement constitutionnel des droits qui vont progressivement devenir fondamentaux.
§ 1 : Les principaux facteurs d’ébranlement du modèle républicain traditionnel
A) De nouvelles valeurs fondatrices
L’idée est que la République est fondée sur des valeurs renouvelées, parce qu’on va remettre en cause Vichy. Pétain s’était octroyé les pleins pouvoirs, avait supprimé la présidence de la République, la Chambre des Députés et le Sénat, et c’est la fin de la démocratie. Dans ce cadre, Pétain devient le chef de l’État français, et Pétain est anti-libéral sur la question des Droits de l’Homme, il dit que « l’individu n’existe que par la famille, la société, la patrie, dont il reçoit tous les moyens de vivre ».
L’idée est pour lui que la communauté peut sacrifier les libertés qui étaient jusqu’alors reconnues aux individus. Dans cette perspective, c’est la prééminence de la société sur l’individu, cela se manifeste par la devise « travail, famille, patrie ». On a plusieurs libertés qui sont supprimées :
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Liberté de la presse (autorisation avant de créer un journal)
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Liberté de commerce et d’industrie
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Droit à la sûreté (en 1941, une loi institue des juridictions d’exception)
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Liberté de réunion (loi de 1941)
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Liberté syndicale (charte du travail de 1941)
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Liberté d’aller et venir (restrictions, une loi de 1943 soumet le changement de domicile à des déclarations à la police)
Il y a un principe fortement remis en cause : L’égalité. Par exemple :
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Lois de 1940 interdisant les emplois public aux français nés de pères étrangers, aux francs-maçons (sauf dans la maçonnerie, car les portugais n’avaient pas encore été découverts, on pensait que c’était des masses de poils), et aux français nés considérés comme juifs
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Loi « statut des juifs » du 2 juin 1941
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Loi du 3 juin 1941 permettant l’internement administratif des juifs sur simple décision du préfet
La Libération marque le retour à la République, car avec une ordonnance du 9 aout 1944, le GPRF dispose que les actes de Vichy sont nuls et de nul effet.
La nullité a valeur rétroactive, et ces actes sont sensés n’avoir jamais existé, le problème c’est qu’un contentieux s’est créé, et des héritiers de victimes de déportation ont demandé réparation du préjudice, mais les actes ayant ordonné la déportation n’ayant jamais existé, comment faire ? Première évolution lorsqu’on a considéré qu’on ne pouvait pas nier ce qui s’était passé, on a mis en œuvre des régimes de réparation. Le Conseil d’État, avec un arrêt de 2012, a considéré qu’il reconnaissait tous ces actes, et que l’État reconnaissait sa faute sous Vichy, mais estime qu’il a déjà tout réparé. L’autre question est de savoir si la SNCF participé aussi à la déportation des juifs ? Le juge judiciaire se déclare incompétent, le juge administratif n’a pas réglé la question.
C’est le retour de la République donc, mais les droits et libertés ne sont pas pour autant rétablis. Le gouvernement va maintenir un certain nombre de mesures restrictives, par exemple en matière de liberté de la presse, ou avec les tribunaux d’exception pour juger les exactions de la guerre.
Est mis en place un projet de déclaration en avril 1946, avec l’idée d’une assemblée constituante, qui à terme va rédiger une nouvelle constitution. Le projet de déclaration proclame son attachement aux principes de 1789 et de 1848. Ce projet ajoute aussi des libertés nouvelles, par exemple le droit de grève, ou le droit de défiler sur la voie publique (ce qui sera très utile aux majorettes et à la fanfare municipale notamment). Des droits et libertés sont menacés, car il n’est pas fait mention de liberté d’expression, de liberté d’association, ou de droit de propriété. Ce projet de déclaration proclame des droits-créance sur la société. Le projet consacre au profit des individus des droits économiques et sociaux.
Le premier projet sera rejeté par référendum en mai 1946, car la propriété n’apparaît pas dans ce projet. Le peuple va adopter le préambule de la Constitution, et la Constitution, en octobre 1946, car le contenu du préambule marque clairement l’attachement de la France à la protection des droits et libertés. On a l’attachement à la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, des droits économiques et sociaux qui apparaissent sous la forme de principes particulièrement nécessaires à notre temps. Notamment droit à la santé, et le droit pour tout travailleur de participer par l’intermédiaire de ses délégués à la vie de l’entreprise. Les PFRLR ont été inscrits dans le préambule au dernier moment.
B) Un nouveau schéma institutionnel sous la Ve République
Le préambule de la Constitution de 1958 proclame « l’attachement du peuple français aux droits définis par la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen et par le préambule de 1946 ». Cette Constitution possède des droits et libertés, et l’article 34 de la Constitution qui réserve à la loi la fixation des garanties fondamentales accordées pour l’exercice des libertés publiques, et le titre VII créé un Conseil Constitutionnel.
Sous la 4e il existait un comité constitutionnel qui examinait le rapport entre les lois et la Constitution, mais s’il découvrait une discordance entre la loi et la Constitution, il devait proposer au Parlement de modifier la Constitution, et non pas la loi,.
La question de savoir si le contrôle de constitutionnalité était efficace s’est posée. On avait le souvenir de 1946, et pour que le contrôle soit efficace, il fallait s’interroger sur la portée juridique du préambule de la Constitution de 1958. On a eu deux étapes.
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1958 – 1971
La réponse était négative, le préambule n’avait pas de valeur juridique positive, et le Conseil Constitutionnel ne pouvait pas contrôler la conformité d’une loi au préambule de la Constitution. On justifie cette période par une raison politique, le Conseil Constitutionnel était faible jusqu’au départ du Général De Gaulle.
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A partir du 16 juillet 1971 : Décision « Liberté d’association »
Le Conseil Constitutionnel vient contrôler la conformité de la loi au bloc de constitutionnalité, c’est à dire :
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Constitution
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Préambules de 1958 et 1946
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Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen
Dans cette décision, le Conseil Constitutionnel découvre le PFRLR de la liberté d’association.