L’indivisaire et les droits de partage, d’usage et de jouissance

Les droits des indivisaires

L’indivision est une situation juridique dans laquelle plusieurs personnes exercent des droits identiques sur un même bien. Elle peut résulter d’un événement subi (succession, divorce) ou d’un choix volontaire (acquisition à plusieurs).

Les indivisaires disposent de droits spécifiques, mais sont également soumis à certaines contraintes, notamment la nécessité d’unanimité pour certaines décisions.

A) Droits au partage

Le droit au partage est un principe permettant à chaque indivisaire de sortir de l’indivision à tout moment. Toutefois, des exceptions existent, notamment :

  • Maintien conventionnel de l’indivision pour 5 ans maximum (article 1873-2 du Code civil).
  • Maintien judiciaire pour 2 ans si le partage est inopportun (article 820 du Code civil).
  • Attribution préférentielle d’un bien à un indivisaire (article 824 du Code civil).

Enfin, avant tout partage, un compte de l’indivision doit être établi pour solder les dettes et créances des indivisaires.

1) Principe général du droit au partage

L’indivision est une situation provisoire en droit français. Conformément à l’article 815 alinéa 1er du Code civil, nul ne peut être contraint de demeurer dans l’indivision et tout indivisaire peut à tout moment demander le partage, sauf exceptions légales ou conventionnelles.

Les caractéristiques du droit au partage sont les suivantes :

📌 Un droit absolu et imprescriptible

  • Tout indivisaire peut demander le partage, qu’il agisse pour un motif légitime ou par simple volonté de sortir de l’indivision (Civ., 28 décembre 1866).
  • Le droit au partage est imprescriptible, c’est-à-dire que l’indivisaire peut l’exercer même si l’indivision dure depuis plus de 30 ans (Requête, 13 décembre 1937).

📌 Effet déclaratif du partage
Le partage a un effet déclaratif et non pas translatif de propriété (Ch. réunies, 5 décembre 1907).

Conséquences :

  • Les lots concrets sont substitués aux parts abstraites détenues dans l’indivision.
  • Chaque indivisaire est réputé propriétaire des biens attribués à son lot depuis l’origine de l’indivision.
  • Inversement, il est considéré comme n’ayant jamais été propriétaire des biens attribués aux autres indivisaires.

📌 Effet rétroactif du partage
L’indivision étant juridiquement effacée rétroactivement, les actes accomplis par un indivisaire sans l’accord des autres seront validés si le bien concerné lui est attribué. Dans le cas contraire, ces actes deviendront inopposables aux autres indivisaires.

2) Exceptions au droit au partage

Bien que le droit au partage soit un principe fondamental, certaines exceptions permettent de maintenir l’indivision.

A) Le maintien conventionnel de l’indivision

📌 Article 1873-2 du Code civil

  • Les indivisaires peuvent convenir par écrit de demeurer dans l’indivision pour une durée maximale de 5 ans, renouvelable par accord unanime.
  • Ce maintien est contractuel et volontaire, ce qui permet d’assurer la gestion stable du bien.

📌 Article 1873-3 du Code civil

  • Un indivisaire peut néanmoins demander le partage avant l’expiration du terme s’il justifie de justes motifs (ex. : besoin financier pressant).

B) Le maintien judiciaire de l’indivision

📌 Article 820 du Code civil
Le tribunal peut suspendre le partage pour une durée de 2 ans maximum dans les cas suivants :

  • Si le partage immédiat risque de diminuer la valeur des biens indivis.
  • Si un indivisaire ne peut reprendre une entreprise agricole, commerciale, artisanale ou libérale dépendant de l’indivision qu’à l’expiration du délai.
  • Si certains indivisaires souhaitent rester dans l’indivision et sont prêts à compenser l’indivisaire sortant.

📌 Article 824 du Code civil

  • Le tribunal peut ordonner une attribution préférentielle ou éliminatoire d’un bien indivis à un indivisaire, en contrepartie d’une compensation versée aux autres.
  • Cela permet de maintenir l’indivision pour certains tout en libérant un indivisaire.

3) L’avance en capital

📌 Article 815-11 alinéa 4 du Code civil
Les indivisaires peuvent accorder une avance en capital à l’un d’eux sur sa future part de l’indivision.

📌 Faute d’accord, le président du tribunal judiciaire peut ordonner cette avance dans la limite des fonds disponibles.

  • L’avance ne peut pas excéder la part finale revenant à l’indivisaire au moment du partage (Civ. 1, 5 février 1980).
  • Cette disposition permet de débloquer des fonds sans procéder immédiatement au partage.

4) Le règlement des comptes entre indivisaires

Avant le partage, un solde doit être établi entre les indivisaires et l’indivision.

A) Créances de l’indivisaire sur l’indivision

Un indivisaire peut être créancier de l’indivision dans les cas suivants :

  • Il a réglé une dette commune de l’indivision (ex. impôts fonciers, charges).
  • Il a financé des améliorations ou réparations du bien indivis.
  • Il a géré activement l’indivision et peut prétendre à une rémunération.

B) Dettes de l’indivisaire envers l’indivision

Un indivisaire peut être débiteur envers l’indivision s’il a :

  • Perçu des revenus de l’indivision sans les reverser (ex. loyers perçus en totalité par un seul indivisaire).
  • Jouit privativement du bien indivis sans indemniser les autres.

📌 L’établissement d’un compte de l’indivision est une étape préalable obligatoire au partage pour répartir équitablement les charges et les bénéfices.

📌 Le solde créditeur ou débiteur de chaque indivisaire est réglé uniquement au moment de la clôture du compte.

B) Droits d’usage et de jouissance

1. Principe général

Chaque indivisaire a le droit d’user et de jouir personnellement du bien indivis. Toutefois, cet usage doit être compatible avec les droits des autres indivisaires (article 815-9 alinéa 1 du Code civil).

Obligations de l’indivisaire utilisateur :

  • Respecter la destination du bien (ne pas en modifier l’usage sans accord).
  • Ne pas empêcher les autres indivisaires d’en jouir.
  • Ne pas causer de préjudice aux autres coindivisaires.

En cas de désaccord sur l’usage du bien, le juge peut intervenir pour fixer une répartition provisoire de l’utilité du bien.

2. Usage exclusif et indemnité d’occupation

Lorsqu’un indivisaire jouit du bien à titre exclusif, il doit, sauf convention contraire, verser une indemnité d’occupation (article 815-9 alinéa 2 du Code civil).

📌 Caractéristiques de l’indemnité d’occupation :

  • Elle est due à l’indivision et non aux autres indivisaires individuellement.
  • Son montant correspond généralement à la valeur locative du bien, mais le juge peut l’évaluer différemment (Civ. 1, 14 novembre 1984).

Exemple :

  • Un indivisaire occupe seul un appartement indivis.
  • Il doit verser une indemnité mensuelle, calculée en fonction du loyer estimé sur le marché.

C) La cession des droits indivis

1. Nature des droits indivis

Dans une indivision, chaque indivisaire détient une quote-part exprimée en fractions (moitié, tiers, quart…).

📌 Particularités des droits indivis :

  • La quote-part est abstraite tant que l’indivision existe.
  • Lors du partage, elle devient concrète, chaque indivisaire recevant un bien précis ou une somme d’argent.
  • Les droits indivis sont librement cessibles, sauf restriction légale (ex. : droit de préemption des autres indivisaires).

2. Possibilité de céder ses droits indivis

Tout indivisaire peut vendre ou donner sa quote-part.

📌 Deux types de cession :

  • Cession de l’ensemble des droits indivis : le cessionnaire remplace l’indivisaire dans l’indivision.
  • Cession portant sur un bien précis : cette cession est aléatoire, car le bien pourrait ne pas être attribué à l’indivisaire lors du partage.

Distinction importante :

  • L’indivisaire peut céder ses droits dans l’indivision, mais il ne peut pas céder seul un bien indivis sans l’accord des autres.
  • Un créancier personnel ne peut pas saisir un bien indivis, mais peut provoquer le partage pour récupérer la part de son débiteur.

Exemple :

  • Un indivisaire cède sa part de 25 % dans une maison indivise.
  • L’acquéreur ne devient pas propriétaire d’une partie déterminée de la maison, mais obtient des droits dans l’indivision.

En conclusion, les indivisaires disposent de droits d’usage, de jouissance et de cession, mais ces droits sont encadrés par des règles strictes pour protéger l’indivision et éviter les abus.

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