Les droits du titulaire du brevet : le monopole d’exploitation du brevet
Le brevet est un titre juridique qui donne à son titulaire le droit d’interdire à un tiers l’exploitation d’une invention. Les systèmes de brevets ont été institués pour donner un cadre juridique à un compromis : alors que les idées sont de libre parcours, que chacun peut y accéder, les utiliser et les enrichir à sa guise en tant que biens communs inappropriables, la société dans son ensemble consent à céder un monopole temporaire à un inventeur pour exploiter l’industrialisation d’une idée innovante. En échange, l’inventeur accepte de divulguer son innovation qui, à l’expiration du monopole, reviendra au domaine public favorisant ainsi le progrès de la science
Un droit moral existe dans les prérogatives attachées au brevet au profit de l’inventeur qui a le droit d’apparaître en tant que tel dans le brevet. Pour le reste les prérogatives conférées par le brevet sont des prérogatives patrimoniales qui appartiennent au propriétaire du brevet.
Paragraphe 1 : La portée du monopole conférée par le brevet
- Le droit des brevets
- Les exclusions du domaine de la brevetabilité
- L’exigence d’une activité inventive, critère de brevetabilité
- L’exigence de nouveauté et du caractère industriel de l’invention
- Les personnes pouvant faire une demande de brevet
- Les conditions de forme de la demande de brevet
- Le rejet ou la délivrance du brevet (examen, publication, recours)
A. Les prérogatives du brevet
Le code de la propriété intellectuelle ne défini pas positivement les droits conférés par le brevet, il les défini de façon négative en définissant la contrefaçon. Ce sont les articles L613-3 et 4 du code de la propriété intellectuelle qui définissent la contrefaçon et donc la portée des prérogatives attachées au brevet.
1. La contrefaçon d’un produit breveté
La contrefaçon d’un produit breveté s’entend largement, il s’agit de :
• La fabrication du produit breveté : ici c’est un acte de contrefaçon autonome c’est-à-dire que le seul fait de fabriquer une contrefaçon est une contrefaçon même si on ne la commercialise pas après.
• La commercialisation du produit : l’offre ou la mise dans le commerce du produit breveté.
▪ L’offre : tout acte par lequel on propose à la clientèle d’avoir un accès effectif au produit breveté.
▪ La mise dans le commerce : « tout acte matériel qui permet de faire connaître le produit sur le marché. »
• L’utilisation du produit breveté : acte de contrefaçon autonome
• L’exportation, l’importation ou le transbordement du produit breveté : Ce sont des actes de contrefaçon autonomes, peu importe que le produit ait été commercialisé ou utilisé par la suite. Découle de la réforme du 11 mars 2014 : avant ce n’était pas des actes autonomes.
—> « L’importation est non seulement le fait de celui qui fait venir en France le produit mais également celui qui envoie le produit à destination de la France. » On peut penser qu’il faut analyser l’exportation de la même façon : celui qui envoie mais aussi celui qui passe commande du produit breveté.
Le transbordement : acte purement matériel —> transfert de marchandise d’un mode de transport à un autre. Les auteurs font valoir que puisque c’est un acte purement matériel cela ne modifie pas la situation juridique des marchandises.
• La détention du produit breveté : seul acte qui n’est pas un acte autonome. La détention n’est un acte de contrefaçon que si il est réalisé aux fins d’offre, de mise dans le commerce,..
2. La contrefaçon d’un procédé breveté
• : l’article L613-3 b) du CPI : sanctionne l’utilisation du procédé breveté.
• Les produits obtenus par le procédé : l’article L613-2*2 du CPI : la protection conférée par un brevet de procédé s’étend aux produits obtenus directement par ce procédé.
• L’offre, la mise dans le commerce… : l’article L613-3 c) du CPI : « sont des actes de contrefaçon l’offre, la mise dans le commerce, l’utilisation, l’exportation, l’importation, le transbordement ou encore la détention à ces fins obtenu selon le procédé breveté. »
• L’offre de l’utilisation du procédé breveté : l’article L613-3 b) du CPI : sanctionne le fait
« d’offrir sur le territoire français l’utilisation du procédé breveté à condition toutefois que le tiers savait ou que les circonstances rendaient évidentes qui l’utilisation du procédé breveté était interdite sans le consentement du titulaire du brevet. »
• La fourniture de moyens : L’article L613-4 du CPI sanctionne la contrefaçon par fourniture de moyens : « C’est la livraison ou l’offre de livraison sur le territoire français à une personne autre que celles habilitées à exploiter l’invention brevetée des moyens de mise en œuvre sur ce territoire de cette invention se rapportant à un élément essentiel de celle-ci lorsque le tiers sait ou lorsque les circonstances rendent évidentes que ces moyens sont aptes et destinés à cette mise en œuvre.
Exemple : une personne ne se rend pas elle-même contrefactrice mais elle fourni à autrui un certain nombre de moyens lui permettant de réaliser une contrefaçon.
▪ Sur le territoire français : peu importe que ce soit une entreprise étrangère. Par contre le texte exige que les moyens en cause soient destinés à une mise en œuvre sur le territoire français.
▪ C’est un acte de contrefaçon autonome.
▪ Les personnes en cause : personne non habilitée à exploiter une invention —> « ne sont pas considérées comme des personnes habilitées à exploiter l’invention toutes celles qui accomplissent un certain nombre d’actes pour lesquels il existe une limite aux droits du breveté. »
▪ Les moyens visés : tout matériel, tout produit de nature à être utilisé dans la réalisation d’une contrefaçon du brevet. Le texte parle bien des moyens essentiels de l’invention. La contrefaçon est constituée lorsque l’on livre au moins un élément essentiel de l’invention.Ainsi échappe à la poursuite celui qui a livré ou offert de livrer des marchandises ou produits d’une telle banalité qu’ils pouvaient servir à de multiples usages. Exception : lorsqu’une personne qui livre des produits banals mais qui incite à utiliser le produit livré pour commettre une contrefaçon.
▪ L’élément psychologique : —> « il n’est pas nécessaire que l’on démontre que le tiers avait connaissance du brevet mais seulement qu’il avait conscience de l’utilisation technique possible de son produit. »
• —> La contrefaçon par équivalent : la contrefaçon est constituée lorsque l’objet contrefaisant est une copie servile de l’invention (reproduction de l’invention). On laisse donc la possibilité pour un contrefacteur subtil à éviter la contrefaçon si il met en œuvre des moyens différents mais équivalents à ceux revendiqués. Ainsi —> « sont équivalents deux moyens de forme différentes mais qui exerçant la même fonction, c’est-à-dire le même effet technique premier, procurent un résultat semblable. »
B. Les limites des prérogatives du brevet
L613-5 à L613-7 du CPI
1. Le droit de possession personnelle antérieure
L613-7 : le droit de possession personnelle antérieure c’est-à-dire lorsque deux personnes font la même invention de manière indépendante et le brevet est attribué au premier déposant. Pour le deuxième déposant on lui reconnaît un droit de possession, ainsi le breveté a le droit d’exploiter l’invention sans redevance et le titulaire du brevet ne peut le poursuivre.
2. Les brevets de préparation magistrale
Les brevets de préparation magistrale : fabriqués par le pharmacien sur ordonnance du médecin. Si le produit que le médecin donne ordre au pharmacien de fabriquer est un produit breveté, le breveté ne peut rien dire.
3. Les actes de l’article L613-5
a) Les actes à usage domestique
Les actes d’usage domestique : Ce sont des actes accomplis dans le cadre privé à des fins non commerciales (: professionnelles)
b) Les actes accomplis à titre expérimental
–> Le cas des génériques : médicaments protégés par un brevet tombés dans le domaine public : les obsessions des génériqueurs sont d’être le premier sur le marché à proposer les produits génériques.
Attention :Pour les produits de santé il faut obtenir les autorisations administratives de mise sur le marché. Situation : être prêt au lendemain de l’expiration du brevet mais avant cela il faut commencer à préparer l’exploitation du générique avant même qu’il ne soit tombé dans le domaine public et notamment dans le cadre des autorisations AMM il faut réaliser des essais cliniques, le brevet existe encore.
—> Ces essais sont-ils des actes expérimental ? L613-5 : le breveté ne peut pas s’opposer aux études et essais requis en vue de l’obtention d’une autorisation de mise sur le marché pour un médicament ainsi qu’aux actes nécessaires à leur réalisation et à l’obtention de leur réalisation.
Même cas : la loi du 19 décembre 2011 a ajouté un d) bis à L613-5 pour soustraire au brevet les actes nécessaires à l’obtention du visa de publicité.
c) L’introduction sur le territoire français d’objets destinés à être lancés dans l’espace extra- atmosphérique
Le breveté ne peut pas s’opposer à l’introduction sur le territoire français d’objets destinés à être lancés dans l’espace extra-atmosphérique : préserver l’action de l’industrie française.
d) Le privilège de l’agriculteur
Le privilège de l’agriculteur ou du fermier ou encore la pratique des semences de ferme est une limite au droit du titulaire du brevet : hypothèse où un végétal est couvert pas un brevet, si un fermier acquiert licitement le matériel de reproduction de ce végétal alors l’agriculteur a ce privilège est qu’il peut utiliser le produit de sa récolte pour réensemencer ses champs.
N.B. : La même chose est prévu au profit de l’éleveur au détriment d’un titulaire d’un brevet sur un animal d’élevage.
e) Le privilège de l’obtenteur
Le privilège de l’obtenteur : le breveté ne peut pas faire valoir son droit à l’encontre de l’obtenteur qui utilise son matériel breveté comme matériel de départ pour la création d’une variété nouvelle.
f) L’épuisement du droit du breveté
L’épuisement du droit du breveté : à partir du moment où le produit breveté a été commercialisé par le breveté lui-même, ou par un tiers avec son consentement sur le territoire de l’EEE le breveté ne peut plus avoir de droit de regard sur l’usage que l’acheteur va faire ensuite de son produit.
Paragraphe 2 : L’exploitation contractuelle du monopole
A. Les principaux contrats
Parmi les principaux contrats dont le brevet peut faire l’objet il existe la cession ou la licence.
• Cession : le cédant se désaisi de la propriété du brevet
• Licence : l’inventeur conserve la propriété du brevet, il se contente de conférer au licencié un droit d’exploitation. Deux types de licence :
▪ Licence non exclusive ou licence simple : le titulaire du brevet conserve la possibilité de concéder d’autres licences.
▪ Licence exclusive : le titulaire du brevet s’engage à ne concéder aucune autre licence concurrente. Parfois il s’interdit la possibilité d’exploiter lui-même le brevet.
Les licences peuvent être conventionnelles ou imposées (par la loi ou l’État). Dans tous les cas, il existe des règles communes à ces cessions et licences.
B. Les règles communes aux cessions et aux licences (L613-8 à L613-9)
• La cession ou la licence peuvent concerner non seulement le brevet délivré mais aussi la simple demande de brevet.
• Ces contrats de vente ou de licence sont des contrats solennels c’est-à-dire qu’à peine de nullité ils doivent être passés par écrit.
• Tous les actes transmettant ou modifiant les droits attachés à une demande de brevet ou un brevet, doivent pour être opposables aux tiers être inscrits sur le registre national des brevets tenu par l’INPI = document public qui recueille et diffuse les informations sur la vie du brevet. C’est une condition d’opposabilité aux tiers. —> La jurisprudence a fait de cette inscription au RNB une condition de l’action en contrefaçon ou de la saisie-contrefaçon.