Les droits du patient : qualité des soins, information médicale

Les droits du patient

On rappelle souvent qu’initialement les patients n’avaient pas à proprement parler de droit face aux médecins. On avait, depuis l’existence des règles déontologiques des médecins, les obligations du médecin. Le droit des patients n’était que le reflet inversé des devoirs du médecin c’est-à-dire qu’en tant que patient il n’avait pas de droit propre à opposer à son médecin mais il était protégé par les principes pesant sur les médecins. Il s’agissait donc d’obligations pesant sur les médecins.

Chapitre I – Évolution du droit des patients

A partir des années 1970, on a commencé à avoir un mouvement qui avant d’être juridique était intellectuel et qui était favorable à la reconnaissance du droit des patients. Ce mouvement s’est traduit par des lois importantes. On avait d’abord une législation sociale qui reconnaissent des droits sociaux aux patients comme le droit d’être remboursé. Ensuite, il y avait certaines normes en matière bioéthique. Enfin, la loi du 4 mars 2002 est relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Ces mouvements ont déplacé l‘attention vers le patient. D’ailleurs, le code de la santé publique s’ouvre sur un chapitre préliminaire dont le 1er article L. 1110-1 parle du droit fondamental à la protection de la santé. L’article 3e L. 1110-2 contient la notion de respect de la dignité de la personne malade.

Léon Duguit a développé le premier la notion de droits créances de l’administré et même du citoyen. Léon Duguit parlait de droits sociaux qui signifiaient les droits dans la vie sociale et donc des droits issus de l’interdépendance sociale. Les droits créances sont attachés à la qualité de patient et sont opposables à l’institution médicale. Pour Léon Duguit, les droits sociaux sont un moyen de rappeler l’Etat à son rôle d’organisateur de la vie sociale. Pour lui, l’Etat n’est pas un Etat avec sa souveraineté qui se traduirait par des actes de puissance publique sur les administrés. Pour lui, l’Etat n’a pas de prérogatives de puissance publique sur les administrés car il considère que l’Etat doit remplir des fonctions qui sont commandées par la vie en société. Duguit dessine sa théorie de l’Etat à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, donc après les grands sociologues comme Durkheim. Pour Duguit, la sociologie permet d’observer des besoins sociaux. Pour lui, le seul rôle de l’Etat est d’assurer ces fonctions sociales et donc faire des services publics. L’Etat n’a donc que des devoirs. Les administrés sont donc bénéficiaires de droits opposables à l’Etat.

Il y a donc un changement total de perspective. La doctrine de Duguit est qualifiée de démocratique dans la mesure où elle vise à déposséder l’Etat de son pouvoir subjectif et potentiellement arbitraire ou autoritaire. Il a donc la volonté de retirer les droits de celui qui pourrait être autoritaire et lui imposer des obligations et donnant les droits aux administrés.

Dans notre droit de la santé, on a véritablement vu se réaliser cette pensée et logique de Duguit. L’idée n’est pas d’être généraux mais de donner des droits opposables à l’Etat. A l’époque où Duguit écrit, le Pouvoir c’est l’Etat et on réduit la notion de Pouvoir à une composante purement juridique car celui qui a le pouvoir est celui qui détient juridiquement le pouvoir. On est donc plus sous le règle de la force mais sous le règle du Droit.

Le mouvement intellectuel des années 1970 veut que le pouvoir ne soit pas juste un pouvoir juridique mais c’est celui du père de famille sur les familles, du médecin sur ses patients. C’est l’idée de Michel Foucault qui signifie que ce pouvoir n’est pas juridique mais pourtant il n’est pas neutre. Ce pouvoir a des composantes politiques, sociales, qu’il faut connaître et pouvoir contester sinon le pouvoir s’exerce dans des conditions non démocratiques. On passe d’une période où c’est le médecin qui décide seul de la fin de vie, du début de la vie, de procéder à des IVG et tous ces éléments sont intégrés dans le champ du débat public.

Ces deux hommes nous montrent bien la façon dont le patient a pu se voir reconnaître des droits créances contre l’Etat mais pas seulement car on a aussi des droits opposables aux médecins. Ce médecin est considéré comme un dépositaire d’un pouvoir qui ne doit pas être exclu de la démocratisation du pouvoir. Aujourd’hui encore, le médecin a un pouvoir rationnel qui est celui du sachant donc de celui qui a le monopole du savoir et aussi il a un pouvoir charismatique au sens où l’entendait Weber et donc un pouvoir fondé sur des caractères supposés exceptionnels. Ce pouvoir a été critiqué en considérant qu’il n’est pas justifié ? Du côté médical, on considère que l’on détruit le lien de confiance entre le médecin et le patient qui est cependant nécessaire.

Depuis longtemps, on entend des médecins critiquer le fait que des juges interviennent en droit de la santé sans connaissance de cause. Cet argument s’est notamment trouvé dans l’affaire Vincent Lambert. Cependant, le juriste est habitué à exercer des droits dans tous les domaines et donc il fait du droit appliqué à une matière. Mais, persiste l’idée d’un pré carré médical où le Droit n’aurait pas son mot à dire. Mais, nier que le Droit puisse intervenir c’est aussi nier le caractère public des débats en matière de santé.

Chapitre II – droit à la qualité de soins et à l’information médicale

Section 1 – Le droit à la qualité de soins

C’est un droit qui a été affirmé par le préambule de la Constitution de 1946 et qui a des implications pour l’Etat dans la constitution d’un certain nombre de missions de service public. En tout hypothèse, ce droit implique que l’Etat mette en place un système de soins garantissant l’égal accès aux soins. Il existe des implications de ce droit dans la relation entre le patient et le professionnel de santé.

A- Le droit aux soins

La question qui se pose est celle de savoir s’il existe pour les patients un droit d’être soigné, d’être pris en charge de telle sorte qu’un professionnel de santé est ou serait obligé de soigner tout patient qui se présente à lui. La réponse du droit positif est relativement nuancée. Cela dépend de la gravité de l’état du patient. En toute hypothèse, le médecin ne peut pas laisser un patient sans assistance médicale dès lors qu’il y a un péril pour sa santé ou sa vie. Si le médecin ne peut pas traiter le patient, il doit lui indiquer un autre praticien qui sera en mesure de le traiter.

Mais, le refus de soin ne peut être motivé par une discrimination à l’égard du patient, au sens large. La loi du 4 mars 2002 a consacré cette interdiction de la discrimination à l’article L. 1110-3 du Code de la Santé Publique. Cet article énonce qu’aucune personne ne peut faire l’objet de discriminations dans l’accès aux soins. La loi HPST de 2009 a enrichi le dispositif anti discrimination et notamment en l’élargissant aux bénéficiaires de la CMU en raison d’un nombre croissant de médecins refusant de prendre en charge ces personnes. Cet article précise que le médecin ne peut refuser de soigner une personne et énumère ensuite les fondements interdits donc discriminatoires. En a), il reprend toutes les discriminations interdites par l’article L. 225-1 du Code pénal donc sexe, religion, race,… En b), il évoque expressément les bénéficiaires de la CMU et de l’aide médicale d’Etat.

L’article pose ensuite une procédure pour les patients se sentant victimes d’une discrimination. Toute personne s’estimant victime d’un refus de soins illégitime peut saisir le directeur de l’organisme local d’assurance maladie ou le président du conseil territorialement compétent de l’ordre des faits qui permettent d’en prouver l’existence. Le médecin peut également être sanctionné disciplinairement. Il y a la possibilité de saisir l’assurance maladie car elle a une possibilité de sanction financière du médecin.

Mais il y a des dispositions autorisant le médecin à refuser certains soins ou la mise en œuvre de certains traitements :

  • L’article L. 2212-8 établit une clause de conscience que le médecin peut faire valoir en matière d’interruption volontaire de grossesse. Un médecin ou un auxiliaire médical ne sont donc jamais obligés de recourir à une IVG.
  • L’article L. 1110-3 dispose que le refus de soins peut être fondé sur une exigence personnelle ou professionnelle, essentielle et déterminante de la qualité de la sécurité ou de l’efficacité des soins. C’est assez vague mais on en revient à l(hypothèse d’un médecin qui pourrait ne pas avoir les moyens matériels de traiter un patient.
  • Le médecin peut refuser des soins dès lors que le patient est par exemple un membre de sa famille ou une personne suffisamment proche pour qu’il ne puisse pas exercer son art en toute indépendance. Dans ce cas, le médecin est obligé d’adresser le patient à une confrère.

B- Le droit à la qualité des soins

Sur le fondement des obligations déontologiques, le médecin acceptant de soigner un patient doit lui prodiguer des soins de qualité. Il doit donc traiter le patient conformément à ses connaissances, l’évolution de la médecine, des médicaments disponibles. Le médecin a par ailleurs une obligation de formation. La question qui se pose en pratique est celle de la responsabilité pour faute du médecin. Le médecin est dans l’obligation de disposer des soins de qualités donc des soins consciencieux, des soins dévoués et fondés sur les données acquises de la science : article R. 4127-32 du Code de la Santé Publique. C’est un minimum qualitatif. On retrouve un détail à l’article L. 1110-5 du Code de la Santé Publique qui dit que toute personne a, compte tenu de con acte de santé et de l’urgence de l’intervention que celui requiert, le droit a) de recevoir les soins les plus appropriés, b) de bénéficier des thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées et c) le médecin ne doit faire courir aucun risque disproportionné par rapport aux bénéfices escomptés.

En pratique, ces dispositions se traduisent par une casuistique de la jurisprudence, judiciaire ou administrative, en matière de responsabilité médicale et des établissements publics de santé.

Section 2- La question de l’information médicale

On retrouve ici la même évolution du droit de la santé que s’agissant de la liberté ou de la dignité du patient. L’évolution est centrée sur les droits du patient. Pendant longtemps, l’information médicale n’était vu que sous l’angle du secret médical auquel est astreint le professionnel. Depuis quelques années, dans la législation et la jurisprudence, on met l’accent sur le droit qu’a le patient d’être informé de son état de santé.

A- L’information des patients

Le patient a désormais droit à une information sur son état de santé mais aussi sur le traitement qu’il va recevoir ainsi que ses conséquences. C’est l’article R. 4127-35 du Code de la Santé Publique, qui a longtemps été considéré comme secondaire, qui donne au patient le droit d’être éclairé sur sa situation. Cette disposition est devenue principale car elle liée au consentement qui est devenu un principe fondamental de la relation patient-médecin car on ne peut avoir de consentement éclairé sans infirmation claire et exhaustive sur l’état de la personne.

C’est la loi du 4 mars 2002 qui a codifié ce principe à l’article L. 1111-2 du Code de la Santé Publique qui dit d’abord que toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé. Il précise ensuite que cette information repose sur les différentes investigations, traitements ou actons de prévention qui sont proposées. Cette information doit être délivrée au fur et à mesure du traitement ou de la maladie, mais aussi en fonction de l’évolution de la science.

Les personnes concernées par ce droit concernant d’abord le patient lui-même. Mais, c’est aussi la personne de confiance désignée par le patient si celui-ci n’est plus en état de comprendre. Les mineurs et majeurs sous tutelle ont un droit à l’information. Là encore, le médecin doit vulgariser son information pour qu’elle soit comprise par un mineur ou majeur sous tutelle. Dans certains cas, le représentant légal du mineur est informé, en fonction du degré de l’autonomie de l’enfant et donc cela est à l’appréciation du médecin.

L’information est délivré au cours d’un entretien individuel avec le médecin donc la consultation. L’article a pour vocation de permettre un dialogue patient-médecin pour s’assurer que la formation est comprise et que le patient peut répondre à des éléments qu’on lui donne sur sa santé. En pratique, le médecin doit faire la preuve qu’il a délivré une information claire et exhaustive au patient.

Il y a tout de même des limités au droit de l’information du patient. On a des limites assez pragmatiques :

  • Dans les cas d’urgence, le professionnel de santé intervient sans avoir nécessairement informé le patient du traitement qu’il va mettre en oeuvre.
  • L’article R. 4127-35 dit que dans l’intérêt du malade et pour des raisons légitimes, un malade peut être tenu dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic grave. Ce sont donc des situations dans lesquelles le diagnostic sur une maladie très grave pourrait être de nature à nuire au patient lui-même, psychologiquement ou physiquement. Le problème est celui des termes vagues employés par cette disposition. Le texte renvoie à une notion vague que seul le médecin apprécie. On risque donc de retomber dans un paternalisme médical qui tendrait à dire qu’un patient ne peut faire face à une information très grave et que donc seul le médecin peut lui-même prendre en charge cela. Le deuxième élément est que la gravité du diagnostic ou pronostic est vague et donc à la libre appréciation du médecin. La loi est venue quand même borner la libre appréciation du médecin en rappelant qe le patient est le seul juge de son propre intérêt. On a donc ne contradiction avec l’appréciation des raisons légitimes de ne pas donner l’information qui appartient seule au médecin.

NB : Cas de la maladie contagieuse

Dans ce cas, le médecin est en toute hypothèse dans l’obligation d’informer le patient de sa pathologie. Il s’agit notamment du diagnostic du VIH. Cela s’explique par la volonté de protéger les tiers.

B- Le droit à la communication du dossier médical

dans ce dossier, les médecins doivent noter des informations sur la santé et le traitement mais aussi des éléments personnels concernant l’appréciation du patient par le médecin. On a une innovation importante de la loi du 4 mars 2002. Auparavant, on avait un droit d’accès au dossier médical qui était indirect c’est-à-dire que le patient avait l’obligation de passer par un médecin tiers pour accéder à son dossier. La réforme a fait que le patient peut avoir un accès direct à son dossier médical.

La loi précise le contenu du dossier médical communicable : l’ensemble des information sur la santé de la personne détenu par des professionnels de santé à quelque titre que ce soit qui sont formalisées ou ont fait l’objet d’échanges écrits entre professionnels de santé. On a donc une définition très large du contenu du dossier médical applicable. Le texte donne une liste non limitative des informations visées. Notamment, le patient peut avoir accès au résultats d’examens, compte rendu des consultations. En principe, le dossier est communicable entre 48h et 8 jours après la demande.

Il y a un problème assez important en matière de psychiatrie car le dossier médical contient alors des informations que le patient ne doit pas lire car cela pourrait provoquer chez lui un trouble majeur. Toute une partie de la psychiatrie est fondée sur un respect de la psychologie du patient. La communication du dossier peut donc être violente pour le patient et la loi n’a pas prévu ici d’exceptions. Ainsi, en pratique, il y a la multiplication de refus de communiquer les dossiers dans l’intérêt du patient ou alors un procédé qui est celui de la constitution d’un double dossier, donc un dossier réel où on met tout et un dossier et un autre avec rien.

C- Le secret médical

1- Le principe du secret médical

Le secret médical est l’interdiction pénalement sanctionnée de divulguer des informations à des tiers sur l’état de santé d’un patient. Le secret médical trouve son fondement dans l’article 4 du code de déontologie médical. Il a d’abord été conçu comme une obligation du médecin. Aujourd’hui, on le considère plutôt comme une protection du patient mais aussi la protection générale de la relation patient-médecin.

C’est une obligation qui est pénalement sanctionnée et qui concerne toutes les personnes qui ont accès à un titre ou à un autre à une information relative à la santé d’un patient. La loi va même plus loin car elle fait obligation à tous les professionnels intervenant dans le système de santé de garder le secret médical. C’est une information très large car du coup même les personnes ne faisant pas partie du système de soins sont soumises à cette obligation.

2- Les limites au secret médical

On a une limite qui est le secret partagé : article L. 1110-4 du Code de la Santé Publique qui dit que lorsque la personne est prise en charge par une équipe de soins dans un établissement de santé, les informations la concernant sont réputées confiées par le malade à l’ensemble de l’équipe. Cette règle s’applique dans les établissements privés et publics. En revanche, dans les autres établissements de soins type maison de santé, c’est le principe inverse et donc le patient doit donner son consentement pour que l’équipe entière soit au courant d’éléments sur sa santé.

Dans le cas du secret partagé entre deux médecins qui ont eu à connaître en même temps ou successivement une même personne, le secret médical n’est pas opposable dans ce cas entre les deux médecins.

Il y a ensuite des dérogations express. On a d’abord des dérogations prévues par le Code pénal, en particulier l’article 226-14 qui permet la levée du secret professionnel lorsque certains faits peuvent entrainer une sanction pénale ou disciplinaire. C’est le cas par exemple du médecin qui porte à la connaissance du procureur de la République certains faits pouvant être qualifiés pénalement. Ensuite, il peut y avoir une dérogation quand, en cas de diagnostic ou pronostic grave, le médecin est invité à informer les proches pour un soutien psychologique. Dans ce cas là néanmoins, le patient peut refuser que l’on prévienne ses proches. Dernière dérogation, les ayants droits peuvent être informés des causes de la mort de la personne décédée. Cela concerne les causes du décès dans le cadre d’un procès ou pour défendre la mémoire de la personne. Là encore, la personne décédée, de son vivant, peut s’y opposer.