LA DISTINCTION ENTRE DROIT PATRIMONIAL ET DROIT EXTRAPATRIMONIAL
La distinction entre droits patrimoniaux et extrapatrimoniaux est fondée sur la possibilité d’évaluation pécuniaire. Les droits patrimoniaux concernent les biens et droits ayant une valeur monétaire et pouvant être transmis, tandis que les droits extrapatrimoniaux protègent des intérêts liés à la personnalité et sont intransmissibles, insaisissables et inaliénables. Ces deux catégories de droits subjectifs coexistent pour garantir à la fois la protection des biens matériels et des aspects essentiels de la personne humaine.
I) Critère de distinction : l’évaluation pécuniaire
Cette distinction repose principalement sur la possibilité d’évaluation pécuniaire, garantissant la protection des biens matériels et des valeurs humaines essentielles.
Le critère principal pour distinguer les droits patrimoniaux des droits extrapatrimoniaux repose sur la possibilité ou non d’évaluer ces droits en argent :
- Les droits patrimoniaux peuvent être quantifiés financièrement et intégrés au patrimoine d’une personne. Ils sont transmissibles et peuvent faire l’objet de transactions économiques.
- Les droits extrapatrimoniaux, en revanche, sont personnels, ne peuvent pas être évalués en argent et sont essentiellement liés à l’identité ou à la dignité humaine. Ils ne peuvent pas être cédés ni transmis.
Prenons l’exemple du droit de propriété sur une voiture. Ce droit est un droit patrimoniaux car il peut être vendu, acheté ou transmis à une autre personne contre une somme d’argent. En revanche, le droit à l’image d’une personne est un droit extrapatrimonial, car il ne peut pas être vendu ni évalué financièrement. Chaque individu conserve un contrôle sur l’utilisation de son image, indépendamment de toute valeur économique.
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Résumé sur la distinction droits patrimoniaux et extrapatrimoniaux
Catégorie de droits | Définition | Exemples |
---|---|---|
Droits patrimoniaux | Droits ayant une valeur pécuniaire, transmissibles et intégrables au patrimoine. | Droit de propriété, créances, droits d’auteur |
Droits extrapatrimoniaux | Droits inaliénables, insaisissables, et imprescriptibles, liés à la personnalité et à la dignité humaine. | Droit à l’image, droit à l’honneur, droit au mariage |
II) Les droits extrapatrimoniaux
Les droits extrapatrimoniaux, quant à eux, sont des droits qui ne peuvent pas être évalués en argent et qui ne font pas partie du patrimoine d’une personne. Ces droits sont généralement inaliénables, insaisissables, et imprescriptibles (ils ne disparaissent pas avec le temps). Ils concernent des aspects essentiels de la personne humaine ou de sa dignité. Parmi les droits extrapatrimoniaux, on trouve :
- Le droit à l’image : toute personne a un droit sur l’utilisation de son image, et ce droit ne peut pas être vendu ou cédé.
- Les droits de la personnalité : comme le droit à la vie, le droit à l’intégrité physique, le droit au respect de la vie privée, ou le droit à l’honneur.
- Les droits familiaux : tels que le droit au mariage ou les droits parentaux, qui régissent les relations familiales et ne peuvent pas être transférés à d’autres personnes.
III) Les droits patrimoniaux
Les droits extrapatrimoniaux, quant à eux, sont des droits qui ne peuvent pas être évalués en argent et qui ne font pas partie du patrimoine d’une personne. Ces droits sont généralement inaliénables, insaisissables, et imprescriptibles (ils ne disparaissent pas avec le temps). Ils concernent des aspects essentiels de la personne humaine ou de sa dignité. Parmi les droits extrapatrimoniaux, on trouve :
A) Le droit réel
Le droit réel confère à une personne un pouvoir direct et immédiat sur une chose (du latin res signifiant « chose »). Ce droit est opposé aux droits personnels, car il concerne une relation entre une personne et un bien, plutôt qu’une relation entre deux personnes. Le droit réel comporte deux éléments essentiels :
- Une personne (physique ou morale) qui est titulaire du droit.
- Une chose qui est l’objet du droit. Cette chose peut être :
- Corporelle : un bien matériel, comme un meuble ou un immeuble.
- Incorporelle : un bien immatériel, comme des droits économiques (ex. : des actions).
L’archétype du droit réel : le droit de propriété
Le droit de propriété est le droit réel par excellence et le plus complet. Il confère au titulaire un pouvoir absolu sur une chose, en intégrant trois attributs fondamentaux qui se répartissent entre différents détenteurs selon les situations juridiques :
-
L’abusus
L’abusus est le droit de disposer de la chose, c’est-à-dire de la vendre, de la donner ou même de la détruire. Ce droit est réservé au propriétaire, mais pas à l’usufruitier. Il peut aussi être exercé par un possesseur légitime du bien, mais jamais par un détenteur d’un droit d’usage ou d’usufruit. -
L’usus
L’usus est le droit d’utiliser la chose. Par exemple, une personne peut habiter une maison dont elle est usufruitière sans en être propriétaire. Ce droit est attribué à celui qui détient le droit d’usage sur un bien, souvent l’usufruitier. -
Le fructus
Le fructus désigne le droit de jouir des fruits produits par la chose, qu’il s’agisse de fruits naturels (récoltes) ou fruits civils (loyers ou revenus générés par le bien). L’usufruitier en est souvent le bénéficiaire, bien que le propriétaire puisse également en jouir s’il exerce directement tous les attributs du droit de propriété.
Les démembrements du droit de propriété
Le droit de propriété peut être « démembré », c’est-à-dire que ses attributs peuvent être répartis entre différentes personnes. Voici quelques exemples de ces démembrements :
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L’usufruit : Il confère à l’usufruitier le droit d’usage (l’usus) et le droit de jouir des fruits (le fructus) d’un bien appartenant à une autre personne, le nu-propriétaire. Ce dernier conserve le droit de disposer du bien (l’abusus) mais doit respecter les droits de l’usufruitier jusqu’à l’extinction de l’usufruit.
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La servitude : C’est un droit réel qui confère à une personne le droit d’utiliser le bien d’une autre dans un but spécifique, généralement lié à un immeuble. Par exemple, une servitude de passage permet à un propriétaire d’un terrain enclavé de passer sur le terrain de son voisin pour accéder à la voie publique. Ce droit est accessoire au bien-fonds du bénéficiaire (le fonds dominant) et grève le bien-fonds du propriétaire qui en supporte la charge (le fonds servant).
Les types de droits réels
Les droits réels se divisent en deux catégories principales :
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Les droits réels principaux
Ce sont des droits qui portent directement sur la chose elle-même, tels que le droit de propriété et ses démembrements (ex. : l’usufruit, l’usage, la servitude). Ces droits permettent au titulaire d’exercer un contrôle sur le bien en question, qu’il s’agisse de l’utiliser, d’en tirer des revenus, ou de le disposer. -
Les droits réels accessoires (ou de garantie)
Ces droits portent sur la valeur économique de la chose et sont souvent utilisés comme garanties dans des relations financières. Par exemple :- L’hypothèque est un droit réel qui confère au créancier une garantie sur un immeuble en cas de non-paiement d’une dette. Si le débiteur ne rembourse pas, le créancier hypothécaire peut saisir le bien pour se faire payer.
- Le gage (ou le nantissement) est une autre forme de droit réel accessoire qui concerne des biens mobiliers.
Attributs fondamentaux des droits réels
Les droits réels, qu’ils soient principaux ou accessoires, possèdent deux caractéristiques fondamentales qui leur confèrent une force juridique particulière :
-
Le droit de suite
Le droit de suite permet au titulaire du droit réel d’exercer son droit sur le bien, peu importe entre quelles mains le bien se trouve. Par exemple, un propriétaire qui a vendu son bien sans en être payé peut le récupérer, même si ce bien a été transféré à un autre acquéreur, sous certaines conditions. De même, un créancier hypothécaire peut saisir le bien hypothéqué, quel que soit son détenteur actuel. -
Le droit de préférence
Le droit de préférence confère au titulaire du droit réel une priorité par rapport aux autres créanciers en cas de concurrence. Par exemple, un créancier hypothécaire sera prioritaire sur les autres créanciers chirographaires (ceux qui n’ont pas de garantie particulière) en cas de vente du bien hypothéqué pour régler les dettes du débiteur.
II ) Les droits personnels
Les droits personnels sont des droits subjectifs qui permettent à une personne, appelée créancier, d’exiger d’une autre personne, le débiteur, l’exécution d’une obligation, que ce soit une action ou une abstention. Ces droits créent une relation juridique entre deux personnes et concernent principalement des obligations.
Le droit de créance (ou d’obligation)
Le droit de créance est un droit personnel qui permet au créancier d’exiger du débiteur l’accomplissement d’une prestation, qui peut être de nature positive (faire quelque chose) ou négative (s’abstenir de faire quelque chose). Ce droit repose sur trois éléments principaux :
- Le créancier : le sujet actif, qui détient le droit d’exiger l’exécution de l’obligation.
- Le débiteur : le sujet passif, qui est tenu d’accomplir la prestation.
- La prestation : l’objet du droit, qui peut être une action (faire) ou une abstention (ne pas faire).
Les formes d’obligations
Les obligations du débiteur peuvent prendre différentes formes :
- Obligation de faire : le débiteur doit accomplir une action, comme réaliser une prestation de service.
- Obligation de ne pas faire : le débiteur s’engage à ne pas accomplir une certaine action, comme dans le cas d’une clause de non-concurrence.
- Obligation de donner : il s’agit de transférer la propriété d’un bien. Cette obligation est particulière, car en droit français, le transfert de propriété se réalise par le simple échange de consentements, sans qu’il soit nécessaire de remettre physiquement le bien ou de procéder au paiement préalable.
Le droit de gage général
Le droit personnel confère au créancier un droit sur le patrimoine du débiteur. Si le débiteur ne respecte pas son obligation, le créancier peut faire valoir son droit en sollicitant une exécution forcée, par exemple en demandant des dommages et intérêts. On dit d’un créancier titulaire d’un droit personnel qu’il est un créancier chirographaire, c’est-à-dire qu’il ne bénéficie que d’un droit de gage général sur l’ensemble du patrimoine du débiteur. Il ne dispose d’aucun droit sur un bien spécifique du débiteur, contrairement au créancier titulaire d’un droit réel accessoire (comme une hypothèque ou un gage), qui lui permet de se prémunir contre les variations du patrimoine du débiteur en ayant un droit direct sur un bien spécifique.
Les droits intellectuels (ou de propriété incorporelle)
Les droits intellectuels ou droits de propriété incorporelle constituent une autre catégorie de droits subjectifs. Ces droits confèrent à leurs titulaires un monopole d’exploitation sur des créations immatérielles. Ils concernent des biens non corporels et se divisent en deux grandes catégories principales :
-
Les droits sur les œuvres de l’esprit
Ce sont des droits reconnus aux auteurs sur leurs œuvres littéraires et artistiques. Ils englobent deux aspects :- Droit économique : il s’agit du droit pour l’auteur de tirer un profit financier de son œuvre, notamment par la vente, la reproduction ou la diffusion de celle-ci. Ce droit permet à l’auteur d’exploiter son œuvre de manière exclusive.
- Droit moral : ce droit est extrapatrimonial, c’est-à-dire qu’il ne peut pas être cédé ni vendu. Il permet à l’auteur de protéger l’intégrité de son œuvre et de maintenir un lien personnel avec celle-ci, par exemple en s’opposant à toute modification qui pourrait dénaturer l’œuvre.
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Les droits de la propriété industrielle
Ils concernent les inventions et les innovations techniques, régies par le droit des brevets. Ces droits offrent à l’inventeur un monopole sur l’exploitation de son invention, lui permettant de contrôler son usage commercial et de protéger ses créations contre la copie ou l’utilisation non autorisée.
Les droits de clientèle et les offices ministériels
Dans certains secteurs, des droits sont accordés aux professionnels sur leur clientèle. Par exemple, les notaires ou autres professions réglementées doivent acquérir une charge pour pouvoir exercer. Ces offices ministériels représentent des droits spécifiques liés à l’exercice de la profession. De la même manière, les fonds de commerce, qui incluent la clientèle d’un commerçant, sont considérés comme des droits intellectuels car ils reposent sur un monopole d’exploitation de cette clientèle.
En résumé, les droits patrimoniaux sont évaluables en argent et intégrés au patrimoine, comme le droit de propriété. Les droits extrapatrimoniaux, inaliénables et insaisissables, protègent des aspects liés à la dignité humaine, tels que le droit à l’image et les droits de la personnalité.