Les droits patrimoniaux

Les droit patrimoniaux

Les droits patrimoniaux sont les droits qui procurent un avantage économique mesurable en argent et qui entrent dans le patrimoine d’une personne. Ces droits constituent des valeurs économiques pour leur titulaire et peuvent inclure des biens matériels, des créances, ou d’autres types de droits ayant une valeur monétaire.

Section 1. La notion de patrimoine

En droit français, bien que la loi ne contienne pas de définition formelle du patrimoine, la conception moderne repose principalement sur les travaux d’Aubry et Rau, deux juristes du 19ᵉ siècle. Leur théorie, bien qu’ayant fait l’objet de critiques, reste la référence dominante. Selon cette conception :

  • Le patrimoine regroupe l’ensemble des biens et des obligations d’une personne, qui sont évaluables en argent. Cela inclut à la fois les actifs (biens et droits) et les passifs (dettes et obligations).
  • Le patrimoine présente 2 caractéristiques fondamentales :
    • Il est une universalité de droit : une entité indivisible regroupant tous les éléments présents et futurs.
    • Il est un attribut de la personnalité : chaque personne ne peut avoir qu’un seul patrimoine, qui lui est attaché tant qu’elle existe, et il ne se transmet qu’à sa mort ou à la dissolution dans le cas des personnes morales.

I ) Le patrimoine est une universalité de droit

Le patrimoine est défini en droit comme une universalité de droit, c’est-à-dire un ensemble indivisible comprenant tous les biens, droits et obligations d’une personne, à la fois présents et futurs. Cette conception le présente comme une entité abstraite, distincte de ses éléments constitutifs, et qui subsiste indépendamment de la fluctuation de ces éléments.

Caractéristiques principales du patrimoine comme universalité de droit

  • Enveloppe ouverte : Le patrimoine ne se limite pas aux biens détenus par une personne à un instant donné, mais inclut également ceux à venir. Il s’agit d’une entité en mouvement, qui évolue continuellement en fonction des entrées (nouveaux biens ou droits) et des sorties (dettes réglées ou biens vendus).
  • Unité entre actif et passif : Le patrimoine inclut à la fois l’actif (tous les droits et biens évaluables en argent) et le passif (toutes les dettes, y compris les obligations de fournir une prestation). Même si le passif excède l’actif, c’est-à-dire en cas de solde négatif, le patrimoine ne disparaît pas.

Transmission du patrimoine

La théorie de l’universalité permet d’expliquer la transmission du patrimoine au décès. Lorsqu’une personne décède, son patrimoine (actif et passif) est transféré à ses héritiers ou légataires universels, qui reçoivent l’ensemble des biens et des dettes. Cela signifie que les héritiers héritent non seulement des actifs (biens, créances), mais aussi des passifs (dettes, obligations). Le créancier du défunt peut donc se faire rembourser en saisissant les biens appartenant au patrimoine transmis.

Le droit de gage général des créanciers (article 2285 du Code civil)

Le patrimoine d’une personne sert de garantie générale à tous ses créanciers, qui ont un droit de gage sur l’ensemble des biens du débiteur. Ce droit est appelé droit de gage général et signifie qu’un créancier impayé peut saisir n’importe quel bien appartenant à son débiteur, le faire vendre et se faire rembourser sur le prix de la vente.

  • Droit non exclusif : Le créancier n’a pas de droit particulier sur un bien précis du débiteur. Son droit s’étend à tous les biens présents et futurs de ce dernier. Cela signifie que si plusieurs créanciers existent, ils se partagent tous les biens disponibles du débiteur selon la loi du concours, c’est-à-dire en fonction de la rapidité à faire valoir leur droit.
  • Créanciers chirographaires : Les créanciers qui ne disposent d’aucune garantie particulière sont appelés chirographaires. Ils n’ont qu’un droit de gage général sur les biens du débiteur et doivent concourir avec les autres créanciers pour obtenir paiement. Ils sont souvent en position de faiblesse, car si les biens du débiteur sont insuffisants pour rembourser toutes les dettes, ils risquent de ne pas être payés intégralement.

Créanciers privilégiés

Certains créanciers, plus avisés, demandent des garanties spécifiques (ou sûretés) lors de la conclusion d’un contrat. Ces garanties leur confèrent un droit particulier sur un bien déterminé du patrimoine du débiteur (ex. : hypothèque, gage). Ces créanciers sont dits privilégiés car, en cas de défaillance du débiteur, ils sont payés par préférence aux créanciers chirographaires. Leur droit porte spécifiquement sur le bien mis en garantie, et ils ont priorité sur le produit de la vente de ce bien.

II ) Le patrimoine est un attribut de la personnalité

Le patrimoine comme attribut de la personnalité est un concept central dans la théorie classique du droit français. Selon cette théorie, le patrimoine est intimement lié à la personnalité juridique de son titulaire, au même titre que son nom ou son domicile. Cela implique plusieurs conséquences majeures.

1. Intransmissibilité du patrimoine entre vifs

Le patrimoine est indissociable de la personne tant qu’elle est vivante. Il ne peut donc pas être transmis ou divisé entre vifs (de son vivant). La transmission du patrimoine ne se fait qu’à la mort de la personne physique ou à la dissolution de la personne morale (société, association, etc.). Par conséquent, un individu garde l’intégralité de son patrimoine jusqu’à son décès, moment où l’ensemble de ses biens et obligations sont transmis à ses héritiers.

2. Principe d’unicité du patrimoine

Chaque personne ne peut avoir qu’un seul patrimoine, ce qui signifie que toutes les richesses (biens, droits, créances) et toutes les dettes (obligations, passifs) d’une personne sont regroupées dans un seul ensemble indivisible. Ce principe interdit la division de son patrimoine en plusieurs blocs distincts pour différents usages ou finalités.

  • Patrimoine d’affectation : Cette théorie, inspirée du droit anglo-saxon, propose que la même personne puisse avoir plusieurs patrimoines séparés, chacun affecté à un objectif particulier. Par exemple, une personne pourrait dédier une partie de ses biens à une activité professionnelle et une autre partie à des usages personnels. Cette approche n’a cependant pas été adoptée en droit français de manière générale, même si certaines évolutions permettent de contourner en partie ce principe.

3. Contournements du principe d’unicité

Plusieurs dispositifs modernes permettent cependant d’échapper en partie au principe d’unicité du patrimoine, notamment par la création de structures juridiques distinctes :

  • Les personnes morales (sociétés, fondations) : Lorsqu’une personne crée une société ou une fondation, cette entité juridique distincte possède son propre patrimoine, séparé de celui de son créateur. Cela permet à une personne d’isoler ses responsabilités financières personnelles de celles de son entreprise.
  • L’Entreprise Unipersonnelle à Responsabilité Limitée (EURL) : Créée par la loi du 11 juillet 1985, cette forme juridique permet à un entrepreneur de créer une société à responsabilité limitée avec un patrimoine distinct de son patrimoine personnel, même s’il est l’unique actionnaire. Cette entité juridique sépare les biens affectés à l’entreprise de ceux détenus à titre personnel.
  • L’Entrepreneur Individuel à Responsabilité Limitée (EIRL) : La loi du 15 juin 2010 a permis aux entrepreneurs individuels de créer un patrimoine affecté à leur activité professionnelle, distinct de leur patrimoine personnel, sans avoir à constituer une société. Ce mécanisme permet à l’entrepreneur de protéger ses biens personnels, en limitant les créances professionnelles au seul patrimoine affecté. Ainsi, les créanciers professionnels n’ont de recours que sur le patrimoine professionnel, sans pouvoir saisir les biens personnels de l’entrepreneur.

4. Dimension morale du patrimoine

Malgré ces dérogations, le principe d’unicité du patrimoine continue d’être un pilier du droit français. Ce principe est perçu par certains comme une garantie de responsabilité, en ce sens qu’il empêche une personne d’échapper à ses obligations en fractionnant son patrimoine pour isoler ses biens personnels des dettes. L’unicité assure que l’ensemble des biens d’une personne reste engagé pour répondre de ses dettes, et évite des stratégies d’insolvabilité artificielle.

 

Conclusion : Le patrimoine, en tant qu’universalité de droit, constitue à la fois une protection pour les créanciers, qui disposent d’un droit de gage général sur tous les biens du débiteur, et une entité juridique en mouvement, regroupant les actifs et les passifs d’une personne. Les créanciers privilégiés bénéficient d’un avantage supplémentaire grâce aux sûretés, tandis que les créanciers chirographaires doivent compter sur la rapidité pour obtenir leur paiement.

SECTION II : LES ÉLÉMENTS DU PATRIMOINE : LES DROITS RÉELS ET LES DROITS PERSONNELS

Le patrimoine se compose de deux grandes catégories de droits : les droits réels et les droits personnels.

  • Paragraphe 1 : Les droits réels

Les droits réels confèrent à leur titulaire un pouvoir direct sur un bien. Cela signifie que la personne qui possède un droit réel a la capacité d’utiliser le bien, d’en jouir ou de le disposer, selon le type de droit qu’elle détient. Les droits réels incluent :

  • Le droit de propriété, qui est le droit réel par excellence, donnant à son titulaire un pouvoir complet sur la chose.
  • Les démembrements du droit de propriété comme l’usufruit, où le titulaire a le droit d’usage et de jouissance d’un bien sans en détenir la pleine propriété.
  • Les droits réels accessoires, comme l’hypothèque ou le gage, qui servent à garantir une créance sur un bien, mais ne confèrent pas directement l’usage du bien. Voici une fiche sur les droits réels :

Les droits réels : définition, catégories, caractéristiques

  • Paragraphe 2 : Les droits personnels (ou droits de créance) et différence avec les droits réels

Les droits personnels, ou droits de créance, permettent à une personne, le créancier, d’exiger d’une autre personne, le débiteur, l’exécution d’une prestation (paiement d’une somme, fourniture d’un service, etc.). Contrairement aux droits réels, qui portent sur des biens, les droits personnels créent une relation juridique entre deux personnes. Par exemple :

  • Le créancier peut exiger le paiement d’une dette ou la réalisation d’un service par le débiteur.
  • Le droit personnel est relatif : il ne s’applique qu’entre les parties concernées, à la différence des droits réels qui sont opposables à tous.

Ainsi, les droits patrimoniaux, qu’ils soient réels ou personnels, composent le patrimoine d’une personne et représentent des valeurs économiques sur lesquelles elle peut exercer des prérogatives ou des droits à l’encontre d’autres personnes. Voici une fiche plus complète sur les droits personnels (et la différence avec les droits réels)

Les droits réels et les droits personnels