Les effets de la cession du fond de commerce
La vente du fonds de commerce induit le transfert de sa propriété. Il s’agit d’un contrat consensuel ne nécessitant aucune formalité pour se former. Dès lors que les parties se sont entendues sur la chose et le prix, il y a rencontre des volontés et donc immédiatement le transfert de propriété même si le prix n’a pas été payé ni la chose livrée : article 1583 du Code Civil.
Il existe cependant des exceptions. Le transfert de certains éléments du fonds de commerce exigent néanmoins, pour être opposables aux tiers, que soient respectées les formalités propres à ces éléments. C’est le cas de tous les droits de propriété intellectuelle qui sont traditionnellement gérés au travers d’un registre spécial : exemple pour le brevet, pour la cession de celui-ci, il faut qu’elle soit reprise dans le registre prévu à cet effet et tenu par l’INPI. Le fait que ces biens soient insérés dans un fonds de commerce ne dispense pas de cette formalité.
Cela montre que les droits de propriété industrielle conservent une certaine individualité même au sein du fonds de commerce. La réflexion peut s’étendre à certains meubles corporels qui, faisant l’objet d’une cession, doivent faire l’objet d’une publicité. Le transfert du droit au bail ne sera opposable au bailleur qu’après la signification qui lui en aura été faite.
Le Cours complet de droit des affaires est divisé en plusieurs fiches :
- Cours de droit des affaires (L2)
- La loyauté et la transparence en droit de la concurrence
- Définition du droit commercial et du droit des affaires
- Résumé de l’histoire du droit des affaires
- Les sources textuelles du droit commercial
- Tribunaux de commerce : organisation et compétences
- L’arbitrage en droit des affaires : définition, recours…
- Cours de droit des affaires – Introduction au droit commercial – droit des affaires – Résumé de l’histoire du droit des affaires – Les sources textuelles du droit commercial – Usage, pratique, coutume : sources du droit commercial – La transparence en droit de la concurrence – Tribunaux de commerce : organisation et compétences – L’arbitrage en droit des affaires
- Conditions et effets du statut de commerçant – Qualité de commerçant : conditions tenant à la personne – Qualité de commerçant : faire des actes de commerce.
- Le régime des actes de commerce et actes mixtes – La théorie de l’accessoire commercial
- Le champ d’application du bail commercial – Obligations et droits des parties au bail commercial – Le renouvellement du bail commercial
- Les éléments constitutifs du fonds de commerce – Fonds de commerce : une universalité, un meuble incorporel – Les conditions de la vente du fonds de commerce – Les effets de la vente du fonds de commerce – Nantissement judiciaire ou conventionnel du fonds de commerce – Location-gérance du fonds de commerce : conditions, effets – Le crédit-bail de fonds de commerce – L’apport en société d’un fonds de commerce
1) Les obligations du vendeur
Tant que le vendeur ne s’est pas fait radier au R.C.S., il reste solidairement tenu des dettes souscrites par l’acheteur à l’occasion de l’exploitation du fonds. Cette disposition se justifie par le souhait du législateur de voir le vendeur transmettre un maximum d’informations à l’acquéreur.
Le vendeur doit aussi délivrer la chose. Celle-ci consiste pour le vendeur de mettre tous les éléments compris dans la vente à la disposition de l’acheteur du fonds.
Enfin, une obligation de garantie qui se dédouble. Tout d’abords le vendeur doit la garantie des vices cachés, il va garantir l’existence de la clientèle. Si elle est moindre que ce que prévoyait l’acte de vente, si les mentions obligatoires de l’acte étaient inexactes, l’acheteur pourra demander la résolution ou la diminution du prix. C’est ensuite la garantie du fait personnel du vendeur. Cette obligation se traduit par une obligation de non-concurrence. Le droit de l’acquéreur va s’amenuiser sinon. Le vendeur ne doit pas se rétablir dans des conditions qui le conduiraient à faire concurrence à son acheteur. Il ne doit pas non plus se mettre au service d’un concurrent. En pratique, l’obligation légale de non-concurrence va être précisée par une clause. La créance de non-concurrence dont dispose l’acquéreur fait partie du fonds de commerce et se transmet automatiquement avec lui de sorte que les acquéreurs successifs pourront la faire valoir à l’égard du vendeur initial.
2) Les obligation de l’acquéreur
La première est celle de payer le prix, payable au comptant en tout ou en partie. Il y a le droit d’opposition que la loi reconnaît au créancier du vendeur. Il est recommandé à l’acheteur de consigner la chose chez un intermédiaire (notaire en général), ce qui permettra d’éviter de payer deux fois le prix. Il faut évoquer deux avantages accordés au vendeur :
– Le privilège du vendeur : il montre l’obligation : article L 145-1 du Code de commerce, si la vente est à crédit, le vendeur se voit reconnaître un privilège, celui-ci doit être inscrit dans les 15 jours de la vente sur un registre spécial tenu par le greffe du TC. Le privilège ne porte généralement que sur les éléments incorporels du fonds de commerce qui fluctuent beaucoup moins que les biens meubles corporels. Ce privilège confère au vendeur un droit de préférence qui est un droit de priorité sur le prix, en cas de revente, par l’acquéreur ou par voie de justice. Il confère aussi un droit de suite, permettant de suivre le fonds en quelque main qu’il se trouve.
– L’action résolutoire : le vendeur non payé dispose d’une action en résolution de la vente : article 1184 du Code Civil. Cette action est soumise à l’accomplissement de deux formalités : le vendeur doit avoir régulièrement publié son privilège. Il faut ensuite que l’action en résolution ait été notifiée au créancier inscrit de l’acquéreur. Souvent, les créanciers inscrits vont préférer dédommager le vendeur afin d’éviter la résolution de la vente et donc la disparition du seul élément économique susceptible de les rembourser.
3) Les effets à l’égard des créanciers du vendeur
Le fonds de commerce constitue très souvent l’essentiel de la fortune du commerçant. Les créanciers chirographaires peuvent craindre une mutation occulte du fonds suivi de la dilapidation du prix encore plus rapide. Dans une telle situation, leur gage qui est leur seul fonds de commerce s’évanouirait. C’est pourquoi le législateur à assuré une publicité basée sur l’article L 141-12 du Code de commerce, qui permet de maintenir informés les créanciers du vendeur de l’évolution du fonds de commerce. Si toutefois les créanciers viennent à être prévenus, de la vente du fonds, ils peuvent faire opposition au paiement du prix par l’acheteur. Les articles L 1’1-12 et suivants du Code de commerce ont pour objectif la seule protection des créanciers chirographaires du vendeur. A contrario, ils ne protègent pas les créanciers du vendeur qui sont déjà titulaires d’une sûreté sur le fonds (garantie telle que l’hypothèque). Parce qu’ils bénéficient d’un privilège ou d’une nantissement dur le fonds de commerce, ils sont suffisamment protégés par le droit de suite attaché à leur sûreté.
Cette protection résulte de deux prérogatives particulières, le droit d’opposition et la surenchère du 6e.
S’agissant du droit d’opposition, il faut se reporter à l’article L 141-14 du Code de commerce : dans les 10 jours suivent la dernière en date des publications, qui est la publication du BODACC. Tout créancier du précédent propriétaire (y compris chirographaire), que sa créance soit exigible ou non, peut former par simple acte extrajudiciaire opposition au paiement du prix. L’opposition est adressée à l’acheteur car c’est lui qui va payer. L’opposition a un double effet.
– Si elle arrive à l’acquéreur, elle va immobiliser le prix entre les mains de l’acheteur ou du notaire, le vendeur ne peut plus en disposer et l’acheteur ne peut plus payer. Le prix est alors réparti entre les créanciers à l’amiable, et c’est pourquoi l’acheteur doit absolument se garder de payer le prix avant que les publications n’aient eu lieu puis pendant un délai de 10 jours. Il s’expose sinon à devoir payer deux fois, ledit prix. Très souvent, le prix de vente du fonds de commerce va être supérieur à l’ensemble des sommes réclamées par les créanciers. Le vendeur peut alors solliciter par une action en référé, de consigner une somme suffisante pour désintéresser les créanciers et ainsi de pouvoir disposer du surplus. L’opposition ne confère aucun droit de préférence au créancier à l’origine de celle-ci. L’ensemble des créanciers chirographaires se retrouve dans une situation d’égalité : l’opposition a un effet collectif et profite à tous.
– La surenchère du 6e. Il y a un problème pour les créanciers ayant fait opposition, ils peuvent alors obtenir une copie de l’acte de vente et ainsi prendre connaissance du prix convenu. Si un créancier estime que le prix de vente ne suffira pas à désintéresser les créanciers, il peut former, en application de l’article L 141-19 alinéa 2 du Code de commerce, une surenchère du 6e du prix. La surenchère va tout d’abords être signifiée à l’acheteur et au vendeur. Il va devoir assigner devant le Tribunal de Commerce ces deux parties afin que le tribunal vérifie la validité de la surenchère. Si tel est le cas, afin qu’il ordonne la mise aux enchères du fonds de commerce et désigne enfin le notaire chargé de la vente. On a généralement recours à cette procédure car le créancier a de bonnes raisons de considérer que le prix figurant dans l’acte de vente, n’est pas le prix réel. Les enchères publiques vont permettre de faire ressortir le prix réel et d’assurer une meilleure rémunération des créanciers. Il se peut aussi qu’une fois mis aux enchères, le fonds ne suscite aucun intérêt de qui que ce soit. Alors, ce sera le créancier ayant formé cette procédure qui devra acheter le fonds au prix prévu de base, augmenté du 6e.