Les effets du contrat

 LES EFFETS DU CONTRAT

 Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi. Le contrat s »impose aux parties mais aussi au juge qui doit appliquer le contrat tel qu’il est prévu.

Nous étudierons donc tout d’abord les conséquences du principe de la force obligatoire du contrat tant à l’égard des parties qu’à l’égard du juge et de la loi. Nous examinerons ensuite dans quelle mesure les contrats peuvent avoir des effets à l’égard des tiers.

 

I — Les effets du contrat entre les parties.

 

A – La force du contrat entre les parties.

 Le principe posé par l’article 1134 du Code civil entraîne plusieurs conséquences ; tout contrat doit être obligatoirement exécuté de bonne foi et est irrévocable.

 — Tout contrat doit être obligatoirement exécuté.

En effet, en matière d’obligations contractuelles le débiteur est obligé de faire ce qu’il a promis — ce qui signifie que celui envers lequel il s’est engagé peut exiger l’exécution de la prestation. Tout contrat non exécuté ou mal exécuté peut donc donner lieu à une action en responsabilité civile contractuelle destinée à permettre au créancier d’obtenir l’exécution forcée et, si c’est impossible, des dommages intérêts.

 — Tout contrat doit être obligatoirement exécuté de bonne foi.

Cela signifie qu’un débiteur doit exécuter ses obligations de manière fidèle et cela malgré les obstacles plus ou moins sérieux qui peuvent survenir au cours de l’exécution du contrat. Bien entendu, le débiteur doit s’abstenir de toute manœuvre frauduleuse (dol) dans l’exécution de ses prestations et qui aurait pour effet de priver l’autre partie de retirer un bénéfice normal du contrat.

Par ailleurs, le créancier est également tenu à une obligation de loyauté et doit s’abstenir de toute manœuvre qui aurait pour conséquence de rendre l’exécution du contrat plus difficile ou impossible. Par exemple, dans un contrat de transport, le créancier doit éviter au débiteur des dépenses inutiles et doit livrer les marchandises en utilisant l’itinéraire le plus court.

En cas de non-respect de cette obligation d’exécution de bonne foi, le juge prononce généralement l’annulation du contrat entraînant par la même l’effacement rétroactif des obligations réciproques qui avaient été fixées entre les parties.

 — Tout contrat est irrévocable.

Le lien contractuel est, en principe irrévocable jusqu’à ce qu’un nouvel accord entre les parties vienne détruire le premier. Il en résulte qu’une révocation unilatérale effectuée par une seule des parties est impossible sauf dans le cas où le contrat lui-même prévoirait cette possibilité ainsi que dans le cas où, exceptionnellement la loi autorise la révocation par la volonté d’un seul contractant (c’est le cas, notamment, en matière de contrat de dépôt — le dépôt peut cesser par la seule volonté du déposant).

 

B – Le juge doit interpréter le contrat et ne peut le modifier.

 En cas de litige entre les parties, le juge est lié par le contrat. Il résulte que le juge ne peut modifier le contrat — son rôle se limite donc à interpréter la volonté des parties au moment de la passation du contrat.

 — La modification du contrat par le juge est impossible. En effet, dans le cas où la volonté des parties a été clairement exprimée, le juge ne peut procéder à une modification du contrat sous prétexte qu’il serait contraire à l’ordre public (dans ce cas il ne peut qu’annuler le contrat et non le modifier) ou inéquitable.

 — L’interprétation du contrat par le juge est effectuée dans le cas où les termes du contrat seraient imprécis ou vagues. À ce sujet, deux méthodes d’interprétation s’opposent :

 *la méthode classique qui consiste à dire que le rôle du juge doit se borner à être le serviteur de la volonté des parties. De ce point de vue  » interpréter, c’est déterminer le contenu du contrat et le contenu c’est la volonté des parties qui l’a déterminé « . Cette méthode résulte d’une application pure et simple de l’article 1156 du Code civil qui précise : « On doit dans les conventions rechercher qu’elle a été la commune intention des parties contractantes plutôt que de l’arrêter au sens littéral des termes ».

*selon une doctrine plus récente il ne s’agit pas d’analyser la volonté car celle-ci est souvent hypothétique, obscure et confuse. Le rôle du juge doit donc consister à interpréter les conventions en fonction des usages, de l’équité et de la bonne foi.

 

Quoi qu’il en soit, l’interprétation des contrats par le juge impose la prise en compte de plusieurs éléments :

* Tout d’abord, à partir du moment où la clause d’un contrat a été acceptée valablement par les deux parties en présence et qu’elle se manifeste de manière précise est claire, elle doit être appliquée telle qu’elle a moins, bien sûr, qu’elle ne soit illicite — dans ce cas le juge prononcera l’annulation pure et simple du contrat.

* Ensuite, dans le cas où les parties n’ont pas manifesté leur volonté d’une manière suffisamment claire, le rôle du juge doit consister à rechercher l’intention réelle des parties et à procéder éventuellement à des rectifications.

* Enfin, lorsque le juge ne peut connaître la commune intention, on dit que le contrat est « incomplet ». Dans ce cas, on ne peut nier que le juge crée réellement du droit et se supplée éventuellement à la volonté présumée des parties — en fait, dans ce cas, le contrat sera son oeuvre

 

II – Les effets des contrats à l’égard des tiers.

 Les tiers sont d’une part les « ayants cause des parties » (un ayant cause est une personne qui tient son droit d’une autre personne appelée son auteur ) et d’autre part les tiers étrangers ou contrat.

En principe, d’après l’article 1165 du Code civil, les contrats ne peuvent ni nuire, ni profiter aux tiers c’est-à-dire qu’ils sont impuissants à rendre une tierce personne créancière ou débitrice — c’est le principe de la relativité des contrats. Toutefois, ce principe (ainsi que tous les autres principes d’ailleurs) supporte de nombreuses exceptions dans la mesure où certains contrats peuvent parfois comporter des effets à l’égard de tierces personnes.

 A — Effets des contrats à l’égard des ayants cause.

 On distingue deux catégories d’ayant cause :  les ayants cause à titre universel et les ayants cause à titre particulier.

Les ayants causes à titre universel sont les héritiers qui recueillent l’universalité des biens d’une personne. Les ayants cause à titre particulier sont ceux qui ont acquis d’une personne non pas l’ensemble de ses droits mais un ou plusieurs biens ou droits déterminés.

Essayons d’éclaircir un peu cette question à l’aide de quelques exemples :

 — Concernant les ayants cause à titre universel.

 Ce sont les héritiers qui recueillent l’ensemble des biens d’une personne. Les héritiers ont vocation à la totalité de la succession. Habituellement, on les distingue des légataires universels qui, quant à eux, n’ont vocation qu’à une part de la succession.

Il est clair que tous les contrats passés par le défunt continuent à produire des effets en la personne des héritiers. Par exemple, si un commerçant décède en laissant des dettes relatives à l’exploitation de son affaire, ses héritiers (à condition toutefois d’accepter la succession) deviennent propriétaires du fonds de commerce mais sont également tenus de rembourser les dettes contractées par le défunt.

A partir de cet exemple, il est possible de dégager les principes suivants :

— Tous les contrats passés par un défunt continue à produire des effets en la personne des héritiers. Les héritiers deviennent donc créanciers ou débiteurs là où le défunt était lui-même créancier ou débiteur. L’article 1122 du Code civil est, à cet égard sans équivoque : « On est censé avoir stipulé pour soi et pour ses héritiers ou ayants cause à moins que le contraire soit exprimé ou ne résulte de la nature de la convention » – notons donc que les parties à un contrat peuvent tout à fait préciser que celui-ci n’engagera pas les héritiers. Notons également que certains contrats, en raison de leur nature particulière, n’engagent pas les héritiers — il s’agit en particulier des contrats conclus «intuitu personae » c’est-à-dire où la considération de la personne est essentielle (par exemple, la mort d’un architecte met fin au contrat — les héritiers de celui-ci ne sont pas tenus de poursuivre les engagements. Il en va de même pour un contrat passé avec un artiste, etc..)

 

— Concernant les ayants cause à titre particulier.

 Comme il a été souligné plus haut, les ayants cause à titre particulier sont ceux qui ont acquis d’une personne un ou plusieurs biens ou droits déterminés.

Par exemple, supposons qu’un commerçant décide de vendre son affaire — on comprend tout à fait que certains contrats conclus par le vendeur ne puissent pas engager l’acheteur — par exemple, l’acheteur du fonds de commerce ne sera pas tenu de rembourser les emprunts qui avaient été passés par le vendeur à titre d’investissements.

En revanche, certains contrats passés par le vendeur peuvent engager l’acheteur — par exemple l’acheteur d’un fonds de commerce bénéficie toujours du contrat de bail commercial qui avait été passé par le vendeur avec le propriétaire des locaux (voir cours sur le fonds de commerce — droit au renouvellement du bail).

 D’une manière générale on admet qu’un ayant cause à titre particulier doit exécuter les obligations de l’auteur si les a accepté implicitement ou explicitement.

 

B – Effets des contrats à l’égard des tiers étrangers.

 Les tiers complètement étrangers à un contrat ne peuvent, en principe en subir les effets. Il s’agit encore une fois d’appliquer ici le principe de la relativité les contrats posés par l’article 1165 du Code civil (précité).

Donc, un tiers ne peut devenir créancier ou débiteur en vertu d’un contrat dans lequel il n’a pas été partie. Mais, ce contrat peut toutefois produire à son égard des effets indirects. De nombreux exemples peuvent être cités.

 — Un contrat peut créer une situation juridique opposable à tous :

 A titre d’exemple nous pouvons citer le contrat de mariage (mariage sous le régime de la séparation de biens par exemple) dont l’effet et de créer entre les époux une situation juridique qu’ils pourront opposer à tout le monde et notamment à leurs créanciers. La loi précise elle-même qu’un tel contrat s’imposera non seulement dans les rapports entre les époux mais également dans les rapports des époux avec les tiers à dater de leur mariage. Ainsi, lorsqu’un époux commerçant est mis en liquidation, les créanciers ne pourront se saisir de l’intégralité des biens du ménage et devront se contenter de saisir les biens appartenant en propre à l’époux propriétaire de l’affaire. Il s’agit là d’un exemple très caractéristique des effets que peut comporter un contrat de mariage à l’égard des tiers créanciers du ménage.

 — Autre exemple : un tiers qui subit un préjudice en raison de la mauvaise exécution d’un contrat a une action responsabilité contre le contractant fautif. Par exemple, si une personne est blessée par un ascenseur, elle peut réclamer des dommages intérêts aux constructeurs de l’ascenseur pour mauvaise exécution du contrat passé avec le propriétaire de l’immeuble.

 — Le cas de la « stipulation pour autrui » représente également un exemple intéressant d’effets des contrats à l’égard des tiers étrangers.

Il y a stipulation pour autrui lorsque, dans un contrat, une des parties (le stipulant) stipule que l’autre (le promettant) fera ou donnera quelque chose au profit d’une tierce personne (le bénéficiaire).

Le contrat d’assurance vie est l’exemple même de la stipulation pour autrui. Une personne (le stipulant) conclut un contrat d’assurance vie avec un assureur (le promettant) au profit d’une tierce personne (le bénéficiaire) qui percevra une somme d’argent en cas de réalisation d’un événement déterminé (décès du stipulant par exemple).

La stipulation pour autrui est en principe interdite par le Code civil qui n’en admet la validité que dans dix cas exceptionnels. Mais, l’évolution historique a abouti, en droit moderne, à une liberté quasi totale dans ce domaine.

III – La force du contrat pour le législateur

 Le législateur doit en principe respecter les contrats en cours. Autrement dit, le législateur ne devrait pas normalement remettre en cause la volonté exprimée par les parties conformément à la loi précédente. L’étude du droit positif montre cependant que dans certaines hypothèses le législateur s’est affranchi de ce principe en adoptant une loi qui modifie les contrats en cours. Par exemple, par la loi du 9 juillet 1975, le législateur a appliqué aux contrats en cours les nouvelles dispositions relatives à la révision par les juges des clauses pénales. Le législateur est intervenu par diverses lois dans la durée des contrats en cours, parfois en prolongeant les effets du contrat, parfois en abrégeant la durée de vie du contrat. Par exemple, en 1948 le législateur a prolongé la durée des contrats de bail.

 

Laisser un commentaire