Les empêchements à mariage

Les empêchements à mariage (les conditions au mariage d’ordre morales ou sociologiques)

Les empêchement au mariage fondés sur des considérations de moralité ou d’utilité sociale ont évolué au fil du temps. Certains de ces empêchement, autrefois inscrits dans le Code civil, ont disparu. Voici une présentation actualisée des dispositions en vigueur en 2024.

Empêchement disparus du Code civil

Certains empêchement historiques n’existent plus aujourd’hui, témoignant de l’évolution des normes sociales et juridiques :

  • Le complice d’adultère : Cette interdiction a été supprimée pour refléter une société moins axée sur des considérations morales strictes.
  • Le remariage entre époux divorcés : Les divorcés peuvent librement se remarier entre eux.
  • La mort civile dissolvant le mariage : Cette notion obsolète n’a plus cours.
  • Le délai de viduité : Supprimé par la loi du 26 mai 2004, ce délai imposait une attente à une femme avant de pouvoir se remarier (article 228 du Code civil).

Empêchement au mariage encore en vigueur

  • Bigamie  : La bigamie, c’est-à-dire le fait de contracter un second mariage sans que le premier soit dissous, demeure interdite en vertu du principe de monogamie inscrit à l’article 147 du Code civil.
  • Lien de parenté ou d’alliance : Le mariage est interdit entre certaines personnes en raison de liens de parenté ou d’alliance, pour des motifs moraux et sociologiques.

1) La bigamie et la polygamie

Le droit français consacre le principe de la monogamie, ce qui interdit à toute personne de contracter un second mariage avant la dissolution du premier. Cette règle repose sur des considérations liées à l’ordre public et se manifeste par des interdictions strictes.

A) La bigamie : un empêchement absolu

  1. Le principe juridique :

    • En vertu de l’article 147 du Code civil, il est interdit de contracter un second mariage tant que le précédent n’est pas dissous par divorce ou décès.
    • Ce principe est renforcé par l’article 433-20 du Code pénal, qui qualifie la bigamie d’infraction punie d’un an d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende.
  2. Les complications pratiques :

    • Des difficultés peuvent survenir en cas d’erreur ou de falsification dans les actes de mariage, notamment lorsque l’un des conjoints est étranger et que les autorités françaises ont peu de contrôle sur l’état civil des pays concernés.

B) La polygamie et ses implications juridiques

  1. L’interdiction de la polygamie en droit français :

    • Le mariage polygamique est interdit en France au nom de l’ordre public, conformément au principe de monogamie.
    • Depuis la loi du 24 août 1993, un étranger vivant en état de polygamie ne peut obtenir une carte de résident en France. Cette interdiction s’applique également à son conjoint (article 15 bis de l’ordonnance du 20 novembre 1945).
    • De plus, les dispositions permettant le regroupement familial polygamique ont été supprimées, reflétant la volonté de limiter les effets de la polygamie sur le territoire français.
  2. Les mariages polygamiques célébrés à l’étranger :

    • Bien que le droit français interdise la célébration d’un mariage polygamique sur son territoire, il reconnaît parfois les effets juridiques de mariages polygamiques contractés à l’étranger.
    • Ce principe repose sur la doctrine de l’ordre public atténué, établie par l’arrêt Chemini de la Cour de cassation (1958). Selon cette jurisprudence, un mariage polygamique valablement célébré à l’étranger selon le statut personnel des époux peut produire certains effets en France (par exemple, en matière de filiation ou de protection patrimoniale).

En résumé, la bigamie et la polygamie constituent des empêchements majeurs au mariage en France, en raison du principe de monogamie et des exigences de l’ordre public. Cependant, le droit français peut accepter des situations polygamiques issues de mariages célébrés à l’étranger, témoignant d’un équilibre entre respect des valeurs nationales et reconnaissance des règles étrangères sous le régime de l’ordre public atténué.

 

2) L’existence d’un lien de parenté ou d’alliance

L’existence d’un lien de parenté ou d’alliance à un degré prohibé constitue une des limites au droit de se marier. Cette interdiction repose sur des considérations sociologiques, comme le maintien de l’ordre familial, et morales, comme le rejet de l’inceste. Le droit français distingue deux types d’empêchements : les empêchements absolus et les empêchements susceptibles de dispense.

A) Les empêchements absolus au mariage

Ces empêchements, fixés par le Code civil, interdisent catégoriquement le mariage entre certaines personnes, sans possibilité de dérogation. Ils concernent :

  1. Les liens de parenté en ligne directe :

    • Le mariage est prohibé entre ascendants et descendants, quel que soit le degré de parenté ou la nature de la filiation (article 161 du Code civil). Cette interdiction constitue une règle fondamentale du droit de la famille et vise à prévenir l’inceste.
  2. Les liens en ligne collatérale proche :

    • Le mariage est interdit entre frères et sœurs (article 162 du Code civil).
  3. Les relations issues de l’adoption :

    • Dans la famille adoptive, le mariage est interdit entre l’adoptant et l’adopté ainsi qu’avec les descendants de l’adopté.
    • Dans la famille d’origine, l’adopté ne peut se marier avec ses parents biologiques ou leurs alliés en ligne directe, ni avec ses frères et sœurs (articles 356 et 364 du Code civil).

Ces empêchements sont absolus et aucune dispense ne peut être accordée dans ces situations.

B) Les empêchements relatifs ou susceptibles de dispense

Certains empêchements, bien que stricts, peuvent faire l’objet d’une exception ou d’une dispense pour cause grave :

  1. Les alliances en ligne directe : Le mariage est interdit entre un beau-père et sa belle-fille, ou une belle-mère et son beau-fils (article 161 du Code civil). Cependant, une dispense peut être accordée si la personne créant le lien d’alliance est décédée (articles 164-1 et 366 du Code civil).

  2. Les empêchements supprimés : Depuis la loi du 11 juillet 1975, l’interdiction du mariage entre beau-frère et belle-sœur a été levée. Aucune dispense n’est désormais nécessaire pour ce type d’union.

  3. Les mariages entre cousins germains : Ces unions sont autorisées sans restriction.

Le rôle des autorités compétentes et le contrôle juridictionnel

Les dispenses pour cause grave sont accordées par le Président de la République dans le cadre des empêchements relatifs. Cette décision échappe au contrôle des juridictions administratives et n’est pas clairement attribuée aux juridictions judiciaires, comme le rappelle un arrêt du Conseil d’État (2ème et 7ème sections réunies, 12 octobre 2005).

L’apport de la jurisprudence européenne

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH),  dans son arrêt BLC contre Royaume-Uni du 13 septembre 2005, la CEDH a jugé que l’interdiction absolue du mariage entre un beau-père et sa belle-fille constituait une atteinte disproportionnée au droit au mariage garanti par l’article 12 de la Convention européenne des droits de l’homme. Cette décision pourrait encourager une réévaluation de certaines interdictions en droit interne.

En résumé, le droit français distingue entre empêchements absolus et relatifs au mariage, les premiers étant insurmontables, tandis que les seconds peuvent faire l’objet de dispenses dans des circonstances exceptionnelles. Les évolutions jurisprudentielles, notamment européennes, montrent une tendance à assouplir certaines interdictions pour préserver le droit au mariage.

 

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