Les États généraux et les assemblées de notables
L’origine des assemblées telles qu’on les rencontre sous l’ancien régime remonte à l’époque féodale.
Depuis le XIIIe le devoir de conseil qui incombait traditionnellement aux vassaux royaux s’est transformé en obligation faite au roi de demander l’avis de ses sujets, au moins à chaque fois que des questions délicates se posent.
A partir du début du XIVe ces assemblées ont joué un rôle particulièrement important et ont permis de montrer une certaine forme de représentation du royaume. A partir de pratiques anciennes et coutumières se sont imposées les règles de fonctionnement des états généraux et des assemblées de notables.
I – Les états généraux
Seconde moitié du XIIIe, ordres sociaux commencent à s’organiser. Ces ordres disposent d’un certain nombre de prérogatives propres à chaque ordre. Petit à petit le roi va avoir tendance de plus en plus souvent à réunir les représentants de ces ordres, appelés états, pour qu’ils lui apportent des conseils et du soutien. Les états généraux vont apparaître sous leur forme moderne en 1484 sous la régence de Charles VIII.
1. Le statut des états généraux
La royauté a toujours refusé d’établir une réglementation spécifique aux états généraux, craignant que ces règles ne donnent trop d’importance à ces assemblées qui devaient en théorie rester soumises au bon vouloir du roi.
La coutume a contribué à donner aux états généraux de grands principes et c’est cette coutume qui sera invoquée en 1789 pour la réunion des états généraux et pour régler le vote des états généraux.
a) Convocation et composition des états généraux
Seuls sont convoqués les hommes liés au roi par un lien de nature féodale. Très vite le développement de la notion de couronne va favoriser l’idée que ce sont les représentants des trois ordres de la nation qui doivent être convoqués par le roi pour donner l’avis de la nation. Chaque député représente son ordre et non la nation toute entière. Les modalités retenues pour la désignation des députés peuvent varier d’un ordre à un autre. Aucun représentant aux états généraux n’est membre de droit de ces assemblées donc c’est le principe électif qui a fini par s’imposer dès 1484.
Dès que le roi a pris la décision de convoquer les Etats, un ordre est donné aux agents locaux de déclencher le processus électoral au sein des circonscriptions locales (baillages et sénéchaussées). Un député est élu pour chaque ordre. Tous les sujets sont électeurs, aucune condition de cens ou de sexe. En pratique dans le troisième ordre (tiers état) les élections ne se déroulent pas à partir de listes électorales préétablies.
Une fois les députés élus, ces derniers se rendent dans la ville où le roi a décidé que se tiendraient les états généraux, et constituent l’assemblée des états généraux. Ils reçoivent une indemnité de la part de leurs électeurs.
Le nombre de députés varie en fonction des époques, de 80 à 1200.
Les députés ne forment pas un corps dans la mesure où les assemblées ne survivent pas à leurs membres. Le mode de composition des assemblées varie à chaque consultation. La procédure de désignation des députés ne sera jamais définitivement arrêtée mais c’est toujours le roi qui décide de la convocation des états généraux.
Un courant va essayer d’imposer les états généraux comme une limite à la toute puissance royale pendant les guerres de religion. Certains monarchomaques vont revendiquer la réunion des états généraux comme un ultime rempart contre la tyrannie royale. Cette proposition constitue une alternative à la violence et un moyen constitutionnellement acceptable de limiter l’arbitraire royal.
b) Le fonctionnement des états généraux
Les états généraux sont placés entièrement entre les mains du roi et disposent d’une marge de manœuvre extrêmement limitée dans la mesure où ils ne sont investis que d’un mandat impératif (ils ne peuvent pas se prononcer sur des sujets qui n’auraient pas été mentionnés par leurs électeurs dans les cahiers de doléances). Les députés défendent en outre les intérêts particuliers de leur ordre et n’ont pas pour vocation de défendre d’autres intérêts étant donné que la défense de l’intérêt général incombe au roi.
La royauté aurait aimé que les députés reçoivent des électeurs un mandat représentatif. Ce fonctionnement particulier des états généraux débouchait très souvent sur des blocages traduits bien souvent par une rupture de dialogue entre les états généraux et le pays. Pas de convocation des états généraux entre 1714 et 1789. Le mandat impératif traduit la nature profonde des états généraux qui n’ont aucune autonomie. Les états généraux sont en fait liés en amont par le roi et en aval par les électeurs.
Le roi fixe la durée de la session et établit l’ordre du jour. Il réunit le premier jour de l’ouverture de la session les députés tous ensemble. Chaque ordre vérifie les pouvoirs de ses députés séparément et chaque ordre désigne son bureau et son orateur officiel. L’orateur officiel est appelé à prendre la parole seul au nom du groupe. Les députés siègent par ordre et au sein de chaque ordre ils sont réunis de manière géographique en fonction de la circonscription qu’ils représentent.
Le roi rend la session inaugurale extrêmement fastueuse. Le chancelier prend la parole pour présenter l’ensemble des questions à traiter, puis les orateurs des trois ordres lancent le débat. Les députés doivent ensuite délibérer. Ces délibérations se font séparément par ordre. Cette séparation arrête toute dynamique de réflexion de groupe.
Chaque ordre ne dispose que d’une voix. Chaque scrutin totalise donc trois voix. La grande revendication du tiers état en 1789 sera le vote par tête. Le vote par tête est finalement prohibé parce qu’il supposerait une égalité de principes entre chacun des députés. Il supposerait également une égalité entre les ordres, ce qui est totalement exclu par la répartition trifonctionnelle de la société.
La notion de souveraineté va apporter un bémol à cette conception de la société car elle implique une égale soumission de tous les sujets au roi quel que soit l’ordre auquel ils appartiennent. La notion de souveraineté et ses conséquences seront assimilées par la plupart des députés du tiers état qui vont alors se servir de cette faille pour imposer le vote par tête.
Exception : La fiscalité incombe beaucoup plus au tiers état qu’au clergé et à la noblesse, donc le vote ne se fait pas à la majorité.
2. Les attributions des états généraux
Les monarchomaques sont en faveur d’une limitation du pouvoir monarchique par le biais des états généraux. Ceux ci doivent pouvoir partager l’exercice de la souveraineté avec le roi. Cette théorie va être reprise par les états généraux qui ne vont pas tarder à revendiquer le droit d’intervenir dans tous les domaines. Ils vont se présenter en véritables représentants de la nation.
a) Les prérogatives des états généraux
Elles dépendent des exigences de l’intérêt général qui est du ressort du roi. Il existe toute une série de domaines dans lesquels les états généraux interviennent de manière régulière, domaines qui sont liés aux attributions traditionnelles d’aide et de conseil.
Domaine fiscal : du XVIe au XVIIIe les états généraux vont prétendre que leur accord est toujours nécessaire à la levée de nouveaux impôts. Il ne sera pas rare à ce sujet de voir un bras de fer se mettre en place entre le roi et les états généraux pour la levée de nouveaux impôts.
En dehors de ces questions financières, devoir de conseil lors de problèmes politiques graves ou lorsque le roi a besoin de se tenir informé de l’opinion de ses sujets pour prendre une décision politique. Correction des abus donne lieu à la rédaction d’ordonnances appelées de réformation. Etats de Blois de 1575 : question discutées par les états se sont transformées en ordonnances promulguées en 1579.
Les états peuvent aussi se prononcer sur des questions de politique internationale, en faveur ou contre un traité de paix par exemple. Ils peuvent être associés aux décisions qui portent sur l’opportunité de continuer une guerre, et peuvent être amenés à se prononcer sur la succession royale. Ils ont donc un rôle à jouer dans la sauvegarde des lois fondamentales du royaume. Les états généraux se considèrent comme les spécialistes du droit public et la plupart des légistes royaux leur reconnaissent le droit de désigner une autre lignée en cas d’extinction de la lignée régnante. Cette prérogative découle de l’usage et la première intervention des états généraux dans une crise successorale remonte à l’intervention des barons et des prélats consultés pour essayer d’apporter une réponse à la crise successorale en cours. Les états généraux vont ainsi prétendre être les seuls dépositaires d’une juste interprétation des lois fondamentales.
En fait, en 1588, les états généraux ont été réunis à Blois sous la pression de la ligue catholique pour imposer à Henri III de prêter serment à l’édit d’union promulgué en juillet (roi de religion catholique). Le roi octroie lui même aux états la possibilité d’avoir son mot à dire dans l’interprétation des lois fondamentales. La décision d’incorporer l’édit d’union dans les lois fondamentales devient irrévocable.
En 1593 les états généraux vont être à nouveau convoqués à Paris pour se prononcer sur la succession au trône de France et pour savoir s’il fallait accepter Henri de Navarre comme roi alors qu’il était protestant. Les états généraux furent embarrassés par la difficulté de leur tache et leur refus de répondre dans ce cas précis va être fatale dans leur ambition d’être les interprètes exclusifs des lois fondamentales. Ils vont se limiter eux mêmes dans l’exercice du pouvoir d’interprétation qu’ils s’étaient eux mêmes attribués.
b) Les prétentions des états généraux
En général assez éloignées de leurs prérogatives réelles.
Les états généraux ont un rôle politique à jouer et ont parfois la satisfaction de formuler un certain nombre d’avis donnant lieu à des ordonnances de réformation. Une certaine ambition s’est développée. Elle se manifeste en général quand la monarchie est en proie à une crise.
Les assemblées des états généraux vont essayer de limiter les prérogatives royales, faisant souvent virer leurs revendications vers une véritable action révolutionnaire. Au XVIe la plupart des revendications des états généraux porte sur leur statut et sur le fait que selon eux leurs délibérations sont l’expression de la souveraineté populaire. Problème car dans ce cas le roi ne peut pas faire la loi ou lever l’impôt sans le consentement des états généraux.
La royauté nourrit à l’égard des états généraux des soupçons de révolte hiérarchique. Les états généraux ne sont que le porte-parole d’intérêts particuliers par opposition au roi qui est censé être le gardien de l’intérêt générale.
La méfiance du roi à l’égard des états généraux s’est accentuée.
Division entre les trois ordres.
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II – Assemblées de notables
Réunies à partir du début du XVIIe, elles se présentent comme un conseil du roi élargi. Ces assemblées réunissent beaucoup moins de personnes que les états généraux. Pas d’élection, les notables sont directement convoqués par le roi. Il les choisit en fonction de leur capacité, de leur dévouement à la chose publique.
Le tiers état ne semble pas appelé à y siéger mais une partie des notables qui y siègent sont des officiers anoblis par le roi. Le tiers état participe donc d’une certaine manière à ces assemblées de notables. On a parfois parlé de quatrième état pour ces gens anoblis de gens de justice.
Le roi est maitre de la convocation des assemblées de notables, il fixe l’ordre du jour et c’est à lui que revient l’initiative des propositions discutées au sein de l’assemblée. Les délibérations se font en commun et le vote a lieu par tête. Aucune règle stable n’a été instituée en ce qui concerne la convocation et la mission des assemblées. Une institutionnalisation trop stricte nuirait à leur bon fonctionnement et à leur souplesse.
Le principe de ces assemblées est d’apporter au roi des conseils sur des questions spécifiques ; le souci d’efficacité ressort de leur composition. Le roi doit pouvoir compter sur des conseils permettant d’apporter une réponse rapide aux circonstances. Les assemblées ne sont pas habilitées à adresser des doléances au roi, elles ne donnent qu’un avis. Ces avis servent à établir la législation royale. Les assemblées ne sont convoquées que pour répondre aux circonstances : elles peuvent donc se prononcer à peu près sur toutes les questions. Les assemblées se caractérisent par une composition ad hoc. Les assemblées peuvent se prononcer sur des questions relevant de la politique interne ou internationale, sur les problèmes financiers rencontrés par l’Etat, sur des questions ayant trait à la justice.
En 1626 une assemblée de notables est convoquée pour se prononcer notamment sur la justice du royaume. En 1627 une grande ordonnance va porter réformation de la justice du royaume (code Michau) et notamment la procédure judiciaire.
Ces assemblées n’existent que par et pour les problèmes qu’elles ont à résoudre.
Fin XVIIe début XVIII : réunions des assemblées de notables vont se raréfier. La rationalisation de l’administration n’est plus compatible avec la convocation de ces assemblées.
Début XVIIIe le roi ne souhaite plus avoir recours à la consultation des forces vives du royaume.