Les exceptions au principe de la légalité des délits et des peines

Les exceptions au principe de la légalité des délits et des peines 

En dépit de ce principe qui suppose que seule une loi puisse ériger des infractions pénales et les sanctions correspondantes, on remarque aujourd’hui que d’autres textes normatifs sont également sources de droit pénal tant au niveau interne qu’au niveau externe. 

1) Les sources internes du droit pénal 

Parmi les sources internes du droit pénal, on distingue traditionnellement le règlement qui édicte des incriminations de nature contraventionnelle ainsi que les ordonnances ou autres actes de l’administration. Pourtant, à l’heure actuelle, une nouvelle source interne se profile sous l’impulsion du Conseil Constitutionnel notamment par voie de QPC. 

  1. a) La source constitutionnelle

La Constitution qui est en tête de notre ordonnancement juridique renferme diverses normes pénales. Par ex, dès son article 1er, elle affirme assurer l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Cette règle va servir de fondement à certains articles du code pénal qui entendent incriminer des comportements à caractère discriminatoire. Le préambule de la Constitution renferme encore plus de normes pénales que la Constitution elle-même. Celui de la Constitution de 1958 présente pour particularité d’être assez bref car il se réfère au préambule de 1946 et surtout à la DDHC de 1789. Ces 2 derniers textes regorgent de règles intéressant la matière pénale. L’égalité devant la loi pénale, principe de légalité, la présomption d’innocence, non rétroactivité de la loi pénale. Le Conseil Constitutionnel est en train de devenir une juridiction à part entière. En effet, il est amené à se prononcer soit par un contrôle de Constitutionnalité à priori soit par un contrôle à posteriori. Au fil de sa jurisprudence, le Conseil Constitutionnel s’efforce de concilier l’inconciliable à savoir la prévention des atteintes à l’ordre public (protection de l’intérêt général) et l’exercice des libertés individuelles (protection des intérêts privés). La matière pénale renfermant de nombreuses règles attentatoires aux libertés individuelles, le Conseil Constitutionnel est amené à se prononcer souvent dans ce domaine à tel point que l’on assiste au phénomène de constitutionnalisation du droit pénal. 

  1. b) La source règlementaire

La source réglementaire ressort de l’article 111-3 in fine selon lequel « nul ne peut être puni pour une contravention dont les éléments ne sont pas définis par le règlement. La loi n’est donc pas seule source de Droit Pénal. Il faut prendre en considération la source réglementaire sachant que cette source s’est affirmé au fil des époques différemment. Sous le code pénal de 1810, le principe de légalité joue de manière absolue. Les contraventions y sont donc soumises au même titre que les délits et les crimes. Or, en octobre 1958, la Constitution de la Vème République revient sur la délimitation des compétences entre parlement et gouvernement afin de rééquilibrer les pouvoirs notamment en donnant plus de prérogatives au pouvoir exécutif. Appliqué à la matière pénale, cette répartition des compétences aboutit au résultat suivant : l’essentiel du Droit Pénal relève du domaine législatif. Première difficulté, un problème se pose ne Droit pénal général : comment doit-on interpréter le principe de la légalité des délits et des peines ? Au sens littéral, il ne viserait que les délits ce qui suppose que ce principe est susceptible de s’appliquer aux infractions pénales les plus graves. Plus globalement, cette expression pourrait désigner de manière générique l’ensemble des infractions pénales toute catégorie confondue. Si la plupart des pénalistes se rallient à cette dernière version, le constituant de 1958 a retenu la première solution. C’est ainsi que les contraventions sont passées dans le domaine réglementaire. Depuis la Constitution de la Vème, le gouvernement est compétent pour prévoir les différentes catégories de contraventions et les sanctions dont elles sont assorties.  

Deuxième problème, en 1958, si la répartition des compétences soulève de vives contestations, elle s’accompagne d’un phénomène de délégalisation en matière pénale. On assiste à la création de nouvelles catégories de contraventions qui correspondent aux contraventions de la 5ème classe correspondant à d’anciens petits délits. Le fait que de tels comportements délictueux échappent à la compétence du pouvoir législatif désormais est vivement critiqué. Il l’est d’autant plus qu’à cette époque, toutes les contraventions ne sont pas traitées de la même façon. En effet, à cette date, la réforme du Code Pénal n’est pas encore d’actualité et de nombreuses infractions de nature contraventionnelle emportent encore privation de liberté notamment pour la 5ème classe. Parallèlement, la plupart des contraventions sont sanctionnées par une mesure de nature pécuniaire à savoir une amende et non pas par de la prison. D’où la saisine du Conseil Constitutionnel qui se prononce dans 1 décision du 28 novembre 1973 à propos du Code rural dans laquelle il fait un parallèle malheureux entre le domaine législatif et réglementaire des infractions pénale afin de préciser que les contraventions et les peines applicables sont du domaine réglementaire lorsqu’elles ne comportent pas de mesures privatives de liberté. Suite à cette décision, on avance l’interprétation suivante ; les contraventions qui ne sont pas passibles d’emprisonnement peuvent être déterminées par le pouvoir réglementaire mais lorsqu’elles emportent privation de liberté, elles doivent être prévues par le législateur. Dès 1974, on se lance dans le projet de réforme du code pénal. Avec l’entrée en vigueur du nouveau Code Pénal en 1994, il est mis fin à cette polémique. Le nouveau entérine la distinction en domaine législatif des crimes et délits et le domaine des contraventions. Précisons que si les contraventions relèvent bien du domaine réglementaire, c’est toujours la loi qui prédéfinie dans quel domaine ou pour quelles infractions le P réglementaire peut édicter des contraventions. De plus, l’échelle des peines adoptée en 1994, confirme que les contraventions ne sont plus sanctionnées par de la privation de la liberté. Pour autant, le code semble avoir du mal à se détacher des polémiques passées. Il utilise 2 articles distincts pour consacrer d’abord le principe de légalité et l’appliquer à l’incrimination pénale (art. 111-2) puis dans une disposition consécutive, il applique le principe de légalité à la sanction pénale (111-3). 

Conclusion : Les autres sources règlementaires : 

– Les ordonnances : elles dérogent à la répartition des compétences prévues par les articles 34 et 37 de la C. Ce sont des actes pris par le gouvernement dans des domaines traditionnellement dévolus au législateur. Ce procédé consiste en fait à ce que le gouvernement demande au législateur l’autorisation de procéder par voie d’ordonnance afin de produire des textes qui relèvent initialement de la compétence législative. C’est un peu comme si le parlement déléguait la fonction de légiférer au gouvernement. Qualifiée de décret-loi sous la 3ème République, ce procédé est à nouveau consacré par la Constitution de 1958 en son article 38. Ordonnance de 1952 

– Les autres actes administratifs : il faut savoir qu’en matière pénale, il est reconnu à certaines administrations le pouvoir d’édicter des règlements et de prévoir la sanction applicable en cas de transgression de ces règlements. C’est le cas par exemple de l’administration fiscale, des douanes, …. (Ces administrations ont le pouvoir de faire poursuivre, juger, et condamner les règlements édictés). 

2) Les sources externes du Droit Pénal 

Les sources externes ont une valeur infra constitutionnelle mais supra législative.  

  1. a) La source communautaire

Il s’agit du droit de l’UE qui se compose de : 

               –  Le droit communautaire conventionnel qui se fonde sur les 5 traités constitutifs (Rome, Maastricht, Amsterdam, Nice, Lisbonne)  

                          –  Le droit communautaire dérivé (CJUE)  

Si ces éléments ont une influence croissante sur l’évolution du droit français en général notamment en raison de leur caractère « self executing » qui les rend obligatoire, en matière pénale, il convient de prendre quelques précautions. En effet, dans ce domaine, c’est l’Etat et l’Etat seul qui détient le monopole de l’incrimination mais surtout le monopole du droit de poursuivre et du droit de punir. Conformément au principe de légalité, seul un texte national peut ériger un comportement antisocial en infraction et prévoir la sanction correspondante à cet effet. Ce qui suppose qu’en dépit des prescriptions du droit de l’UE, il faut raisonner de la manière suivante : 

               –  Pour la définition des infractions, c’est à l’Etat que revient le droit de définir les infractions pénales afin d’adapter sa législation interne au droit de l’UE.  

               –  Pour la définition des sanctions, il en va de même. L’Etat est le seul compétent pour définir et prévoir la sanction applicable au comportement incriminé en respectant le principe de la personnalité des peines mais aussi le principe de proportionnalité. En conclusion, vers un espace commun européen ? A l’heure actuelle, l’UE se conçoit exclusivement comme un espace juridique où les règles civiles et commerciales doivent se correspondre. Pourtant, devant la montée de certaines catégories d’infractions notamment ce qui concerne la délinquance transfrontalière sans oublier le terrorisme, un espace pénal européen est envisagé. Pour l’heure, il se conçoit surtout au niveau de la mise en place d’une coopération tant policière que judiciaire. Mais la création d’un parquet européen est à l’étude mais pour des questions financières exclusivement.  

  1. b) La source européenne

On retrouve la même symétrie que précédemment dans le droit européen des droits de l’Homme à savoir d’abord le droit européen conventionnel résultant de la convention des droits de l’homme de 1950 puis l’abondante jurisprudence de la CEDH ce qu’on appelle aussi droit européen dérivé. Cette dernière joue un rôle bien plus important en droit interne que le droit communautaire. La convention et la jurisprudence de la cour sont en effet directement applicables en droit interne se qui emporte 2 conséquences : 

               –  Le juge national doit statuer en se référant au droit européen voire même en le respectant  

               –  Le justiciable peut également se prévaloir du DE devant le juge interne ce qui peut occasionner des difficultés des juridiques quand il existe des discordances entre les 2 systèmes juridiques De ce qui précède, on en déduit l’influence grandissante du DE des droits de l’homme sur le Droit Pénal français. A ce titre, on peut distinguer d’un côté une effectivité directe qui découle de l’application de la jurisprudence européenne à une espèce donnée mais il ne faut pas occulter l’effectivité indirecte qui génère une réforme de la législation interne. Sur ce point, les exemples sont de plus en plus nombreux. Exemple : la réforme de la garde à vue. Brusco c/ France. En conclusion, d’une manière plus générale, au titre des sources externes, il faut aujourd’hui tenir compte des conventions internationales signées par la France mais alors on sort du cadre classique du droit pénal et on déborde sur celui du droit pénal international.  

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