Les exclusions du domaine de la brevetabilité
- Article L611-10 du CPI : «Sont brevetables dans tous les domaines technologiques les inventions nouvelles impliquant une activité inventive et susceptible d’application industrielle».
- Pas de définition légale des inventions mais on trouve des textes qui listent ce que ne sont pas des inventions brevetables = deux séries d’exclusions du domaine de la brevetabilité :
- Article L611-10 du CPI : exclut un certain nombre de création au motif que ne sont pas des inventions mais des créations.
- Article L611-16 à L611-19 du CPI : exclut un certain nombre de création qui pourraient être des inventions mais qui sont exclues pour d’autres raisons (exemple motif de santé publique).
Paragraphe 1 : Les exclusions de l’article L611-10 du CPI
A. Les découvertes, théories scientifiques et méthodes mathématiques
- 1ère raison (pour les découvertes et théories scientifiques) : l’Homme ne fait que constater quelque chose qui existe déjà, il ne crée par lui-même or une invention se caractérise par la coordination volontaire par l’Homme de moyens matériels.
- 2ème raison : le brevet ne concerne pas la science pure (l’abstraction) mais il concerne la science appliquée (les réalisations concrètes). Ainsi les découvertes, théories ou méthodes sont purement théoriques : elles ne peuvent être des inventions car l’invention a toujours un aspect concret.
- Attention : Souvent une découverte n’est pas brevetable mais le produit issu de cette découverte est brevetable.
- –> Cass. Com. 31 mars 1954 : « est une découverte non brevetable l’affirmation générale selon laquelle il est possible d’améliorer l’acoustique d’une sale en utilisant des panneaux de toile d’amiante, sans faire connaître la nature du ou des procédés permettant d’utiliser cette propriété des toiles d’amiante ni les caractéristiques techniques des dispositifs employés. » ← On ne peut délivrer un brevet sur une simple affirmation.
- Le droit des brevets
- Les exclusions du domaine de la brevetabilité
- L’exigence d’une activité inventive, critère de brevetabilité
- L’exigence de nouveauté et du caractère industriel de l’invention
- Les personnes pouvant faire une demande de brevet
- Les conditions de forme de la demande de brevet
- Le rejet ou la délivrance du brevet (examen, publication, recours)
B. Les créations esthétiques
L’invention est quelque chose de technique et d’utile alors que la création esthétique est gratuite (a priori), arbitraire et ne vise que la satisfaction esthétique et non l’utilité.
= La protection des créations esthétiques ne relève pas des brevets d’inventions mais des droits d’auteurs et des dessins et modèles. Plusieurs hypothèses :
1. Un objet n’ayant qu’un caractère esthétique
Cet objet ne peut être protégé que par les droits d’auteurs ou par les dessins et modèles (cf ci-dessus).
2. Un objet n’ayant qu’un caractère utile
Il n’a pas de caractère esthétique : il peut être protégé par un brevet
3. Un objet à la fois esthétique et utile
Cet objet est à la fois esthétique mais il a également une utilité technique :
• Si l’aspect esthétique est dissociable de l’aspect technique : c’est-à-dire que l’aspect esthétique n’est pas exclusivement dicté par les caractéristiques techniques = l’objet peut être protégé pour l’aspect esthétique par le droit d’auteur et pour l’aspect technique par le brevet d’invention.
• Si l’aspect esthétique est indissociable de l’aspect technique : seule la protection par brevet est possible car l’aspect esthétique est imposé par les caractéristiques techniques.
C.Les plans, principes et méthodes dans l’exercice d’activités intellectuelles en matière de jeux ou dans le domaine des activités économiques ainsi que les programmes d’ordinateurs
Rappel : le brevet n’est pas fait pour des créations abstraites mais pour des réalisations concrètes de créations abstraites —> on distingue donc la méthode (non brevetable) du procédé (brevetable). En effet le procédé est la mise en œuvre concrète d’une méthode.
Exemple : On ne peut pas breveter une méthode de calcul. Par contre on peut brevet une machine à calculer qui met en œuvre cette méthode.
Exemple : Une nouvelle méthode comptable de gestion n’est pas brevetable mais un appareil qui met en œuvre cette méthode est brevetable.
—> Les programmes d’ordinateurs
Ils sont exclus pour des raisons historiques : avant les logiciels n’étaient pas distincts du matériel et quand le logiciel est devenu un marché autonome le choix a été fait de les exclure des brevets. Mais l’Office Européen des Brevets (OEB) et l’INPI ont réussi à délivrer des brevet pour des ligiciels. —> Un programme d’ordinateur peut être brevetable si il apporte un effet technique supplémentaire c’est-à-dire montrer un effet technique au delà d’un échange d’informations entre le logiciel et l’ordinateur. Les programmes d’ordinateur ne sont donc pas brevetables.
D.Les présentations d’informations
= Caractère abstrait et non technique. Par contre on peut breveter un système qui présente des informations (exemple panneaux de signalisation).
Conclusion : Une invention n’est pas quelque chose de purement théorique, intellectuel, abstrait ni une création esthétique. C’est en revanche une création technique utile et utilisable en pratique. La doctrine retient comme définition de l’invention que c’est une solution technique à un problème technique.
L’article L611-10 du CPI pose un principe de brevetabilité (en principe toutes les créations sont brevetables) et énonce des exceptions qui sont d’interprétations strictes : « Les dispositions du (exclusions) du présent article n’excluent la brevetabilité des éléments énumérés aux dites dispositions que dans la mesure où la demande de brevet ou le brevet ne concerne que l’un de ces éléments en tant que tel » :
• En tant que tel : si une découverte en tant que telle n’est pas brevetable, une réalisation concrète qui met en œuvre cette découverte est brevetable
• Que dans la mesure où la demande de brevet ou le brevet ne concerne que l’un de ces éléments :
–> CA Paris, 15 juin 1981, Schlumberger : un procédé de détection de gisement pétrolier faisait appel entre autres à un programme d’ordinateur. Mais le procédé ne se réduisait pas au programme d’ordinateur. Il faisait appel à d’autres éléments qui eux étaient brevetables. Et donc ce procédé est brevetable —> si une création brevetable est associée à une création non brevetable, le brevet sera refusé à la création non brevetable et autorisé pour la création brevetable.
—> Les textes et la pratique ont dégagé de la définition positive d’invention plusieurs catégories d’inventions :
• Les inventions de produits : l’invention consiste en un produit ( : corps certain qui se distingue des autres par sa composition, sa structure ou sa forme) qui engendre un effet technique :
▪ Le produit peut être seulement en partie nouveau pour accéder au brevet
▪ On ne brevète que le produit et non le résultat du produit
▪ Le produit ne peut pas être un produit naturel (exemple un champignon)
• Les inventions de procédés (ou de moyens) : procédé déterminé de fabrication d’un produit ou d’obtention d’un résultat :
▪ Le procédé consiste soit dans des manières d’opérer soit dan l’emploi d’organes ou d’instruments
▪ On ne brevète que le procédé et non le résultat du procédé
▪ Les brevets de procédé étendent leurs effets aux produits issus du procédé
• Les inventions de dispositifs : produit spécialement conçu pour la mise en œuvre d’un procédé
• Les inventions d’application : consiste à donner à un produit ou un procédé connu une fonction nouvelle. Ex : l’aspirine servait à soulager les douleurs auj on l’utilise pour traiter le cancer.
• Les inventions de combinaison : consiste à combiner des moyens connus pour obtenir un résultat industriel nouveau (Attention : Il ne suffit pas de les juxtaposer).
Paragraphe 2 : Les exclusions de l’article L611-16 à L611-19 du CPI
= Exclusions qui relèvent d’une autre logique : les créations peuvent être des inventions mais elles sont exclues pour d’autres raisons (exemple santé publique).
A. Les méthodes de traitement chirurgical ou thérapeutique du corps humain ou animal et les méthodes de diagnostics appliquées au corps humain ou animal
= Méthodes de traitement ou de diagnostic
L’exclusion s’explique par des raisons d’ordre moral et de santé publique : personne ne doit avoir le monopole de ces méthodes aussi essentielles pour la santé publique et le médecin peut donc pratiquer le plus efficacement la médecine (libéralisation de la pratique médicale).
Ces exceptions doivent être interprétées de manière stricte :
• –> CA Paris, 8 janvier 1962 : refus de la brevetabilité d’une méthode de prélèvement de l’hypophyse animale mais reconnaît la brevetabilité des appareils nouveaux susceptibles de mettre en œuvre cette méthode.
• –> Une méthode de traitement hygiénique n’est pas exclue de la brevetabilité
• –> Une méthode cosmétique n’est pas exclue de la brevetabilité
• –> Une méthode de chirurgie esthétique n’est pas exclue de la brevetabilité
—> Quels sont les critères retenus pour savoir si on se trouve dans le champ de l’exclusion ?
• Si le destinataire de la méthode est le personnel de santé : exclusion de la brevetabilité
• Si le destinataire de la méthode est un industriel/commerçant : pas d’exclusions de brevetabilité
–> CA Paris 26 mars 1983 : admis la brevetabilité d’une méthode d’acquisition de données liées à l’hémodynamisme et prédécoupées à l’aide d’une horloge à partir desquels l’art du médecin sera d’établir un diagnostic car la méthode écrite pouvait être suivie par n’importe qui
—> Le cas des médicaments : l‘article L611-16 admet la brevetabilité des médicaments. Avant ils étaient exclus de la brevetabilité sur le fondement de la santé publique mais afin de financer l’industrie du médicament on a admis la brevetabilité selon certaines règles particulières aux médicaments :
• Loi du 4 août 2008 : admet la brevetabilité de la 2nde application thérapeutique
• Les brevets de médicaments sont accompagnés d’un CPP (Certificat Complémentaire de Protection) qui vient prolonger le brevet après son expiration.
B.Les inventions dont l’exploitation commerciale serait contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs (article L611-17 du CPI)
—> Analyse in concreto
Sanction : peut intervenir à deux étapes
• Au moment du traitement administratif de la demande de brevet par l’INPI : celui-ci peut refuser de délivrer le brevet
• Après le traitement administratif de la demande : toute personne intéressée peut engager une action en nullité devant les tribunaux judiciaires
Attention : La contrariété à l’ordre public et aux bonnes mœurs ne peut pas résulter du seul fait que cette exploitation est interdite par une disposition législative ou règlementaire. –> La CA de Paris a refusé d’annuler un brevet concernant un système escamotable de remorque alors que la réglementation routière interdisait l’exploitation commerciale de ce système.
C. Le corps humain et ses éléments (article L611-18 du CPI)
Article L611-18*1 du CPI : « Le corps humain, aux différents stades de sa constitution et de son développement, ainsi que la simple découverte d’un de ces éléments, y compris la séquence totale ou partielle d’un gène, ne peuvent constituer des créations brevetables ».
—> On exclut la brevetabilité du corps humain mais aussi la découverte d’un élément du corps humain. Par contre, l’application technique d’un élément du corps humain est brevetable.
Article L611-18*2 du CPI : « Est brevetable l’application technique d’une fonction d’un élément du corps humain, cet élément du corps humain n’étant couvert par le brevet que dans la mesure nécessaire à la réalisation et à l’exploitation de cette application particulière » —> Rédaction différente de la directive.
La directive explique qu’un élément isolé du corps humain ou autrement produit par un procédé technique, y compris la séquence totale ou partielle d’un gène peut constituer une invention brevetable. Dans le droit français, on n’admet que des inventions d’application.
L’article L611-18 du CPI énonce quelques exemples non brevetables :
• Procédé de clonage des êtres humains
• Procédé de modification de l’identité génétique de l’être humain
• Utilisations d’embryons humains à des fins industrielles ou commerciales
• Séquences totales ou partielles d’un gène prises en tant que telles
D. Les races animales (article L611-19 du CPI)
= exclusion due à la tradition car pendant longtemps on pensait qu’on ne pouvait pas obtenir de brevets sur les races animales ( : groupes d’animaux caractérisés par un patrimoine génétique distinct des autres races et qui sont aptes à se reproduire) car on était en présence d’un procédé naturel.
Aujourd’hui grâce aux manipulations génétiques il est possible de prédire telle ou telle chose d’un animal. Cependant les races animales ne sont pas brevetables pour des raisons morales. Attention : Cela n’exclu pas la brevetabilité non pas sur une race animale mais sur un animal isolé dont on a modifié le patrimoine génétique.
–> Affaire de la souris Harvard : manipulation du patrimoine génétique d’une souris afin qu’elle développe les symptômes du cancer humain. Cette manipulation a été brevetée aux USA et toutes les actions contre ont échoué car il s’agissait d’un animal isolé et non d’une race animale. OEB : Les avantages de la lutte contre le cancer surmontent les inconvénients de la moralité.
Condition : les inventions portant sur les animaux sont brevetables si la faisabilité technique de l’invention n’est pas limitée à une race animale déterminée + ne sont pas brevetables les procédés de modification de l’identité des animaux de nature à provoquer des souffrances sans utilité médicale substantielle pour l’Homme ou l’Animal.
Attention : Ne sont pas brevetables les procédés essentiellement biologiques ( : phénomènes naturels comme le croisement ou la sélection) pour l’obtention des animaux car l’Homme n’en maîtrise pas le procédé + la microbiologie est quant à elle brevetable.
E. Les variétés végétales
Règlement de 1994 qui instaure un régime de protection communautaire des variétés végétales : Une variété végétale est du point de vue botanique le plus petit ensemble végétal possible qui regroupe des végétaux qui partagent un patrimoine génétique commun et donc de très nombreux caractères exprimés communs qui les définissent mais aussi qui les distinguent des autres groupes de végétaux.
Attention : L’exclusion ne signifie pas qu’on ne peut pas breveter des végétaux : si l’on crée un végétal on peut obtenir le brevet dès lors qu’il ne constitue pas une variété végétale.
Comme pour les races animales ne sont pas brevetables les procédés essentiellement biologiques pour l’obtention des végétaux, sauf concernant la microbiologie.
• Végétal : brevet possible
• Variété végétale : certificat d’obtention végétale sur la variété