Les exclusions du droit des marchés publics

Les exclusions du droit des marchés publics

En droit français, on estimait que les mandats permettaient une exclusion du droit des marchés publics jusque : Conseil d’Etat. 5 mars 2003. Union nationale des SPIC. Il y a trois exceptions.

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P1- Le droit exclusif

Il s’agit de relations contractuelles uniquement de service entre deux pouvoirs adjudicateurs par lesquelles l’un des deux achète et l’autre dispose d’un droit exclusif pour offrir la prestation. Le droit de l’Union accepte cette dérogation en vertu de dispositions législatives, réglementaires ou administratives publiées à condition que le droit exclusif soit compatible avec le TFUE, donc qu’il respecte le droit de la concurrence.

Trois conditions sévères doivent être remplies :

  • ·Le droit exclusif ne peut concerner que des marchés de service. L’idée est que le droit de l’Union reconnaît une longue tradition de services entre les personnes publiques.
  • ·Le droit exclusif doit être établi en amont du contrat en raison d’un acte administratif unilatéral et ne doit pas résulter du contrat lui-même.
  • ·Le droit exclusif doit respecter le droit primaire donc qu’il réponde à un service d’intérêt général.

P2- Les prestations in house

La Cour de justice des communautés européennes devait répondre à un requérant qui s’appuyait sur la jurisprudence Unipain en estimant que les administrations peuvent s’approvisionner en recourant à leurs propres services. La jurisprudence répond deux choses :

  • Il existe en effet en droit de l’Union un principe selon lequel un pouvoir adjudicateur a la possibilité d’accomplir les tâches d’intérêt public qui lui incombe par ses propres moyens (administratif, techniques et autres) sans être obligé de faire appel à des entités externes n’appartenant pas à ses services.
  • Mais la jurisprudence européenne a fait le pas supplémentaire suggéré par le requérant en consacrant par analogie la possibilité pour l’administration de s’approvisionner en ayant recours à l’un de ses démembrements et non plus à un de ses services à proprement parler. On a donc une personne morale qui existe mais elle est étroitement liée à l’administration. L’activité reste donc gérée à l’intérieur de la sphère administrative.

Le contrat in house est un contrat assimilé à un contrat avec soi même, on assimile donc à l’absence de contrat : Cour de justice des communautés européennes. Teckal. 18 novembre 1999. Depuis, la jurisprudence a précisé que le in house ne peut concerner que les pouvoirs adjudicateurs et tout type de prestation. Il y a un double lien : structurel et fonctionnel. D’après la jurisprudence Teckal, la collectivité doit exercer sur la personne en cause un contrôle analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres services et réaliser l’essentiel de son activité avec la ou les collectivité(s) qui la détienne.

A- Le lien structurel

Le pouvoir adjudicateur doit exercer un contrôle analogue à celui sur ses services. On doit donc avoir un pouvoir quasi hiérarchique. Mais on se demande ce qu’est un contrôle analogue et la jurisprudence utilise la méthode du faisceau d’indices. Il y a des tendances :

  • Si l’entité détient des capitaux publics et privés, le contrôle analogue est impossible du fait de la présence de capitaux privés, même s’ils sont minoritaires : Cour de justice des communautés européennes. Stadt Halle. 11 novembre 2005. Tout placement de capital privé dans une entreprise obéit à des considérations propres aux intérêts privés et poursuit des objectifs de nature différente. Ce raisonnement à conduit à exclure les sociétés d’économie mixte de l’exception du in house et donc le législateur a créé les sociétés publiques locales détenues entièrement par des collectivités territoriales de manière à répondre à cette hypothèse de contrôle analogue.
  • Le problème est que même en cas de présence de capitaux publics seulement la Cour reste vigilante. Le contrôle analogue suppose que la personne publique soit en mesure d’influencer les décisions de l’entité tant pour ce qui concerne les objectifs stratégiques que les décisions importantes.
  • Dans la jurisprudence, échappent à l’exception in house une société totalement publique à l’origine mais dont il était prévu l’ouverture de son objet social et de son capital et donc des personnes privées vont pouvoir détenir cette entité : Cour de justice des communautés européennes. 13 octobre 2005. Parking Brixen ou Cour de justice des communautés européennes. 10 novembre 2005. Commission c/ Autriche : « le fait pour un pouvoir adjudicateur de confier une activité à une société entièrement détenue par lui et sans passer par le respect des procédures de marchés publics alors que 49% des parts de l’entité en question ont été cédées juste après la conclusion du contrat à une société tierce » doit faire prendre en compte les événements survenus après la date de conclusion du contrat.
  • Concernant les sociétés coopératives intercommunales chargées de la gestion du réseau de télédistribution de plusieurs autres personnes publiques, la Cour donne trois indices : 1. la détention du capital de l’entité soit par le pouvoir adjudicateur soit avec d’autres pouvoirs publics ; 2. la composition des organes de décision de l’entité ; 3. l’entendue des pouvoirs reconnus au conseil d’administration de l’entité : Cour de justice des communautés européennes. 13 novembre 2008. Coditel Brabant. Le contrôle doit être effectif et donc il ne doit pas être dilué, ce que le Conseil d’Etat affirmera aussi : Cour de justice de l’Union européenne. 22 novembre 2012. Econord.

B- Le lien fonctionnel

On a des hypothèses où on a un contrôle analogue mais l’entreprise peut quand même être active sur le marché et donc entrer en concurrence avec d’autres entreprises. Une entreprise n’est pas nécessairement privée de liberté d’action du seul fait que les décisions la concernant son contrôlées par la collectivité qui la détient. Il faut que les prestations de l’entité soient substantiellement destinées au pouvoir adjudicateur, les autres activités devant être marginales.

Par exemple, si une entité est détenue à la fois par des collectivités publiques autonomes et par l’Etat et réalise plus de 55% de son activité avec les collectivités autonomes et près de 35% avec l’Etat, le juge estime que l’essentiel de l’activité de l’entité est réalisé avec les collectivités publiques et donc le critère fonctionnel est présent : Cour de justice des communautés européennes. 19 avril 2007. Asemfo. Cette jurisprudence vient d’être codifiée dans la nouvelle directive sur les marchés publics dans son article 12.

L’exception du in house en droit français

La liberté organisation des personnes publiques est traditionnellement forte et donc le droit français a été réticent à transposer l’exception in house dans toute sa rigueur. Conseil d’Etat. Avis Fondation Jean Moulin. 2003 : le Conseil d’Etat écarte toute obligation de mise en concurrence pour un contrat entre l’Etat et une fondation d’utilité publique. L’activité en cause exercée au bénéfice du ministère de l’intérieur consistait en la fourniture de prestations financées par des subventions et par les usagers. Cela ressemblait donc à un marché public voir une délégation de service public. Le Conseil d’Etat a considéré qu’il ne s’agissait pas de prestations économiques et a considéré que le ministère ici procède à une simple organisation du service qui ne nécessite donc pas une passation de marché public de services. L’entité privée est ici analysée comme un service du ministère lui-même et donc le Conseil d’Etat fait référence à la jurisprudence Unipain alors qu’elle suppose d’être au sein d’une même personne morale. Pour le Conseil d’Etat, on reste dans cette jurisprudence plutôt que dans la logique de l’exception du in house. Le Conseil d’Etat récuse nettement la qualification d’activité économique puisque l’avis Jean Moulin laisse entendre qu’un contrat conclu à titre onéreux pour les besoins d’une collectivité publique ne relève pas du droit des marchés publics au motif qu’il manque une activité économique. Il insiste donc moins sur la nature de l’activité que la façon dont elle est exercée, ce qui a notamment critiqué par Laurent Richer qui dénonce un moyen de conserver le principe de libre organisation des personnes publiques.

Cela a été repris dans Conseil d’Etat. Commune d’Aix en Provence. 2007 : le principe de transparence ne s’applique pas lorsque eu égard à la nature de l’activité et aux conditions dans lesquelles elle est exercée, le tiers auquel les personnes publiques s’adressent ne saurait être regardé comme un opérateur sur un marché concurrentiel. En l’espèce, il y avait deux subventions attribuées par de personnes publiques à une association de droit privé et le Conseil d’Etat applique l’hypothèse d’un contrat d’organisation du service public donc hors marché.

Par ailleurs, le Conseil d’Etat reprend la jurisprudence Teckal : une personne publique doit être regardée comme gérant un service public si elle créé à cette fin un organisme dont l’objet statutaire exclusif est, sous réserve d’une diversification accessoire, de gérer ce service et si elle exerce sur cet organisme un contrôle comparable à celui qu’elle exerce sur ses propres services, notamment les moyens de s’assurer du strict respect de son objet statutaire. Pour être regardé comme exerçant un contrôle analogue sur une société publique locale, conjointement avec la ou les autre(s) personne(s) publique(s) actionnaire(s), la collectivité publique concédante doit participer non seulement à son capital mais également aux organes de direction de cette société : Conseil d’Etat. 6 novembre 2013. Commune de Marsannay-la-Cote. Le fait de ne pas respecter les règles de publicité et de mise en concurrence qui n’affecte ni le consentement de la personne publique ni le contenu même de la convention ne justifie pas en l’absence de circonstances particulières que soit recherchée une résolution du contrat. Le vice en cause implique que le juge de l’exécution ordonne aux parties de résilier le contrat dans un délai de 3 mois et une saisine du juge des contrats à défaut d’entente.

P3- La collaboration entre personnes publiques

Elle date de 2009 pour la coopération publique-publique : Cour de justice des communautés européennes. 9 juin 2009. Commission c/ Allemagne. En l’espèce, il s’agissait d’un contrat de services entre une commune et des circonscriptions administratives voisines pour une mission d’élimination des déchets permettant de rentabiliser une centrale. On avait un deuxième contrat qui confiait l’exploitation de cette installation à une personne privée. Ce tiers était rémunéré par le paiement d’un prix versé par les services de la ville de Hambourg, ce prix incluant des charges des circonscriptions administratives voisines. Pour l’avocat général, c’était un marché public de services. La Cour n’a pas suivi cela et elle reprend le principe selon lequel le droit communautaire n’impose nullement aux autorités publiques pour assurer en commun leur mission de service public de recourir à une forme juridique particulière.

On peut de ce point de vue admettre une coopération publique-publique qui échappe à la passation des marchés publics à condition de respect des conditions :

  • La coopération doit être uniquement régie par des considérations et des exigences propres à la poursuite d’objectifs d’intérêt public.
  • Il doit s’agir d’une mission de service public commune aux personnes publiques concernées. Il doit donc s’agir d’une véritable coopération.
  • Le principe d’égalité de traitement entre opérateurs économiques doit être garanti de sorte qu’aucune entité privée n’est placée dans une situation privilégiée par rapport à ses concurrents.

En l’espèce, la Cour estime que le contrat en cause n’a été conclu que par des autorités publiques sans la participation d’une personne privée et il ne prévoit ni ne préjuge la passation des marchés éventuellement nécessaires pour la construction et l’exploitation de l’installation de traitement de déchet. La Cour estime que la fourniture du service donne lieu au paiement d’un prix au seul exploitant de l’installation. Entre les collectivités publiques, il n’y a pas de rémunération. La Cour note qu’il ne ressort pas du dossier en l’espèce que les collectivités en cause se seraient livrées à un montage destiné à contourner les règles en matière de marché public.

Cette jurisprudence n’est donc pas claire car la Cour termine en disant qu’en l’espèce il n’y avait pas de volonté de détourner les règles de passation. On se demande aussi ce qu’est une coopération uniquement régies par un intérêt public. La Cour devra donc régler les choses cas par cas. Un arrêt du 19 décembre 2012 rappelle les critères et qui, renvoyant l’affaire au juge interne, ne manque pas d’insister sur la nécessité de ces critères. La nouvelle directive codifie cette jurisprudence à l’article 12 4°.

Conseil d’Etat. 3 février 2012. Commune de Veyrier-du-Lac : c’est une hypothèse d’une entente intercommunale par le biais d’un contrat. Le Conseil d’Etat y a vu une convention publique-publique car il ne s’agit pas des conditions de celles du marché et la convention n’est donc pas soumise aux règles de la commande publique. Le problème est qu’il n’y avait pas vraiment de collaboration en l’espèce mais plutôt la rencontre d’une offre et d’une demande. On est donc pas dans le cadre du marché parce que l’activité est organisée de manière à ce qu’elle relève des pouvoirs publics alors qu’il s’agissait de la distribution d’eau, donc une activité marchande. Selon Laurent Richer, cela témoigne de la volonté de protéger la sphère économique publique contre le marché.