Le droit des fiançailles
Les fiançailles demeurent une réalité sociale et culturelle, bien qu’elles n’aient pas de cadre juridique spécifique dans le droit français. Ce statut particulier, qui les distingue du mariage, du PACS ou du concubinage, s’explique par leur nature essentiellement morale et symbolique. Ce sont principalement les décisions jurisprudentielles qui ont défini les règles applicables aux fiançailles.
Les fiançailles sont une promesse morale et réciproque de mariage qui n’a aucune valeur juridique contraignante. La jurisprudence, notamment à travers l’arrêt Bouvier (1838), a clarifié que les fiançailles ne créent aucune obligation civile, garantissant ainsi la liberté matrimoniale des parties. Cette nature non contraignante des fiançailles leur confère une place symbolique, plutôt que légale, dans les relations de couple.
I. Définition juridique des fiançailles
A. Une promesse réciproque de mariage
Les fiançailles consistent en une promesse mutuelle de mariage entre deux personnes. Elles marquent une étape préalable au mariage, exprimant l’intention publique des fiancés de se marier.
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- Début des fiançailles : elles commencent généralement par une demande en mariage.
- Durée : elles s’étendent jusqu’à la célébration du mariage ou leur rupture.
B. Un engagement moral et non contraignant
Les fiançailles n’ont pas de valeur juridique contraignante :
- Elles ne créent aucune obligation de se marier, ce qui permet à chacun des fiancés de les rompre librement.
- La période des fiançailles est totalement libre :
- Aucun devoir de cohabitation.
- Aucun devoir financier ou matériel (ex. : subvenir aux besoins de l’autre).
C. Rôle des fiançailles dans la société
- Les fiançailles permettent de donner une certaine publicité à la promesse de mariage.
- Elles marquent une étape de réflexion avant l’engagement définitif que représente le mariage.
II. La nature juridique des fiançailles
A. Absence de contrat juridique
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Historique : Dans l’ancien droit canonique, la promesse de mariage était considérée comme un véritable contrat, engageant les parties. Avec l’avènement du Code civil, cette conception a disparu.
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Arrêt Bouvier (Cass. civ., 30 mai 1838) : Cet arrêt de principe affirme que les fiançailles ne constituent pas un contrat juridiquement contraignant. La promesse de mariage ne produit donc aucun effet civil, seulement un devoir de conscience.
B. Conséquences juridiques
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Liberté de rompre les fiançailles : Les fiancés sont libres de renoncer à leur engagement, sans contrainte. Une décision judiciaire ne peut jamais contraindre un fiancé récalcitrant à donner son consentement devant l’officier d’état civil, en vertu du principe de liberté matrimoniale.
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Preuve des fiançailles : Les fiançailles étant considérées comme un fait juridique, leur preuve peut être apportée par tous moyens (témoignages, échanges écrits, etc.).
III – Les effets juridiques des fiançailles
Les fiançailles, bien qu’elles ne soient pas considérées comme un contrat, produisent certains effets juridiques, notamment en cas de rupture ou lorsqu’un projet de mariage est empêché par un événement imprévu. Ces effets sont liés à des considérations de responsabilité civile et au sort des biens échangés pendant cette période.
1) Les conséquences juridiques générales des fiançailles
A. Reconnaissance limitée des fiançailles
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Absence de nature contractuelle :
- Les fiançailles ne constituent pas un contrat juridiquement contraignant.
- La liberté de se marier ou non est protégée par l’ordre public, interdisant toute obligation de mariage.
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Exception : mariage posthume (article 171 du Code civil) :
- Si un projet de mariage officiel est interrompu par le décès de l’un des fiancés, un mariage posthume peut être autorisé par le Président de la République.
- Cette disposition est rare et vise à répondre à des situations particulières (notamment liées à des circonstances tragiques).
B. Disparition de l’article 340-2 du Code civil (1993)
- Cet article permettait autrefois d’intenter une action en recherche de paternité contre un homme ayant séduit une jeune femme sous promesse de mariage.
- La suppression de cette disposition reflète l’évolution vers une reconnaissance accrue de l’autonomie personnelle et de la liberté matrimoniale.
2) La rupture des fiançailles
La rupture des fiançailles n’est pas fautive en soi, mais les circonstances de la rupture peuvent engager la responsabilité civile de celui ou celle qui en est à l’origine.
A. Principe d’absence de faute dans la rupture
- La liberté de ne pas se marier est une expression fondamentale de l’autonomie individuelle, empêchant que la simple décision de rompre soit considérée comme fautive.
B. Faute dans les circonstances de la rupture
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Responsabilité délictuelle (article 1240 du Code civil, anciennement article 1382) :
- Une faute peut être retenue si la rupture s’accompagne de comportements abusifs ou vexatoires :
- Caprice ou légèreté (rupture imprévisible et tardive).
- Grossièreté ou mépris manifeste envers le fiancé délaissé.
- Une faute peut être retenue si la rupture s’accompagne de comportements abusifs ou vexatoires :
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Exonération possible :
- Si la rupture est causée par une faute du fiancé délaissé, aucune faute ne peut être reprochée au fiancé à l’origine de la rupture.
C. Réparation des préjudices
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Préjudice matériel :
- Remboursement des dépenses engagées en vue du mariage (réservation de salle, tenue, frais de réception, etc.).
-
Préjudice moral :
- Dommages-intérêts pour troubles psychologiques ou atteinte à la réputation du fiancé délaissé.
- La preuve du préjudice repose sur la victime.
3) Le sort des cadeaux échangés pendant les fiançailles
Le droit distingue entre les présents d’usage et les cadeaux de valeur, et traite également spécifiquement la question de la bague de fiançailles.
A. Présents d’usage
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Définition : Ce sont des cadeaux offerts dans le cadre des fiançailles, mais sans valeur exceptionnelle (ex. : bouquet de fleurs, cadeaux d’anniversaire). Leur valeur dépend des revenus du donateur.
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Régime juridique : Ces présents sont irrévocables, même en cas de rupture des fiançailles, car ils témoignent simplement de l’affection.
B. Cadeaux de valeur
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Définition : Cadeaux exceptionnels, offerts en vue du mariage ou ayant une valeur élevée.
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Condition résolutoire tacite (article 1088 du Code civil) : Ces cadeaux doivent être restitués si le mariage n’a pas lieu, sauf si la rupture est imputable au donateur. La jurisprudence nuance cette règle pour introduire une notion d’équité, prenant en compte l’attitude des parties.
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Cas particuliers :
- Si la rupture est imputable au donateur fautif, le bénéficiaire conserve les cadeaux.
- Si la rupture est causée par la faute du bénéficiaire, les cadeaux doivent être restitués.
C. La bague de fiançailles
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Valeur symbolique : Symbole des promesses échangées, son sort dépend des circonstances de la rupture.
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Régime juridique :
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Bague achetée :
- Elle est restituée en cas de :
- Rupture due à la faute de la fiancée.
- Mésentente réciproque.
- Décès de la fiancée avant le mariage.
- Elle est conservée par la fiancée si :
- Elle est abandonnée par le fiancé.
- Le fiancé décède.
- Elle est restituée en cas de :
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Bague de famille (prêt à usage) : Elle est remise à la fiancée à titre temporaire. En cas de rupture ou de décès du fiancé, elle doit être restituée à la famille du donateur (Cass. civ. 1re, 20 juin 1951).
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En résumé : Les fiançailles, bien qu’elles ne soient pas un engagement juridiquement contraignant, peuvent produire des effets juridiques importants. Ces effets se manifestent principalement en cas de rupture ou lorsque le mariage n’a pas lieu pour des raisons indépendantes de la volonté des fiancés. Si la rupture est fautive dans ses circonstances, des dommages-intérêts peuvent être accordés. Le sort des cadeaux, notamment la bague de fiançailles, est traité avec des règles distinctes selon leur nature (présents d’usage, cadeaux de valeur) et les responsabilités respectives des fiancés.