Les conditions de formes et preuves du mariage
Le mariage, acte juridique formaliste, ne repose pas uniquement sur le consentement mutuel, mais exige des formalités précises et une célébration solennelle. Bien que la laïcisation ait rendu le mariage religieux juridiquement sans effet juridique, la loi impose que la cérémonie civile précède celle religieuse. Le Code pénal sanctionne les ministres du culte bénissant des unions sans preuve de mariage civil. Subordonné à des formalités strictes, le mariage reste une institution formelle dotée de grande solennité.
I) Les formalités antérieures au mariage
Les formalités antérieures au mariage visent à informer l’officier d’état civil de la situation personnelle des futurs époux et à vérifier que les conditions de fond du mariage sont remplies. Ces démarches garantissent la légalité et la transparence de l’union, tout en permettant de prévenir d’éventuelles fraudes ou irrégularités.
- Lieu : Mairie où le mariage sera célébré + mairie du domicile ou de la résidence de chaque époux.
- Forme : Apposition d’une affiche à la porte de la mairie.
- Délai : Au plus tard 10 jours avant le mariage. Au plus tôt un an avant le mariage.
- Exceptions :
- Dispense d’affichage : Publication non publique avec maintien du délai de 10 jours.
- Dispense de publication : Permet de célébrer le mariage immédiatement.
1. La publication des bans
Objectifs : La publication des bans est une formalité essentielle régie par les articles 63 et suivants du Code civil. Elle consiste à informer le public du projet de mariage, afin de :
- Permettre aux tiers de signaler un empêchement légal (ex. : bigamie, lien de parenté prohibé).
- Imposer un délai d’attente aux futurs époux, favorisant une réflexion approfondie avant l’union.
Modalités de publication
- Résumé droit de la famille
- Comment contester la filiation ?
- Qu’est-ce que l’adoption plénière? conditions, effets
- L’établissement judiciaire de la maternité ou de la paternité
- La reconnaissance de la filiation
- L’établissement de la filiation par la loi
- Les présomptions et preuves en matière de filiation
- Lieu :
La publication se fait :- À la mairie où le mariage sera célébré.
- À la mairie du domicile ou de la résidence de chacun des époux.
- Forme :
Une affiche est apposée à la porte de chaque mairie concernée. - Délai :
- Elle doit être effectuée au plus tard 10 jours avant la célébration.
- Elle peut intervenir au plus tôt un an avant le mariage.
Dispenses : Dans des cas exceptionnels, le procureur de la République peut accorder :
- Dispense d’affichage :
La publication n’est pas rendue publique, mais le délai de 10 jours est maintenu.- Applicable notamment lorsque les futurs époux vivent en concubinage depuis longtemps et que l’union ne suscite aucune contestation probable.
- Dispense de publication :
Autorisée pour des motifs graves (ex. : maladie grave de l’un des époux), elle permet de célébrer le mariage immédiatement, sans attendre le délai habituel.
2. La remise de pièces obligatoires
Les futurs époux doivent fournir plusieurs documents pour vérifier leur aptitude à se marier. Ces pièces incluent :
Pièces générales
- Acte de naissance :
- Daté de moins de trois mois (six mois pour les actes établis à l’étranger).
- Vérifie l’identité, l’état civil (célibataire, divorcé, veuf) et l’absence de lien de parenté prohibé.
- Certificat de contrat de mariage :
Si un contrat a été établi devant notaire, un certificat doit être présenté à l’officier d’état civil. - Documents liés à un remariage :
Les époux doivent produire les pièces attestant la dissolution de toute union précédente (ex. : acte de décès, jugement de divorce définitif).
Cas particuliers
- Dispense d’âge :
Si un époux est mineur, une dispense du procureur est nécessaire. Elle s’accompagne du consentement écrit des représentants légaux (parents ou tuteur). - Dispense de parenté :
Accordée exceptionnellement par le Président de la République pour des mariages impliquant des liens de parenté prohibés.
3. L’entretien préalable avec l’officier d’état civil
Avant la publication des bans, un entretien obligatoire est réalisé entre les futurs époux et l’officier d’état civil. Cet entretien vise à :
- Détecter d’éventuelles fraudes ou mariages de complaisance (ex. : mariage blanc).
- Informer les futurs époux sur leurs droits et obligations, notamment :
- Les règles relatives aux noms des époux et de leurs enfants.
- Les droits et devoirs conjugaux, incluant les obligations alimentaires, les règles de la filiation, l’autorité parentale, et le régime fiscal.
- Les droits du conjoint survivant en cas de décès.
En résumé : Les formalités antérieures au mariage, principalement régies par les articles 63 et suivants du Code civil, assurent la légalité et la transparence de l’union. Elles incluent la publication des bans, la remise de documents essentiels, et un entretien préalable pour prévenir les fraudes et informer les époux de leurs droits et obligations. Ces démarches visent à protéger la sincérité et la validité de l’acte matrimonial.
II) Les formalités concomitantes du mariage
Les formalités concomitantes au mariage concernent les règles et conditions qui doivent être respectées au moment de la célébration du mariage. Ces formalités portent sur la compétence de l’officier d’état civil, le déroulement de la cérémonie, les conditions de lieu et de temps, ainsi que les exigences relatives aux témoins et aux autorisations nécessaires.
1. L’officier d’état civil compétent
Compétence territoriale
L’officier d’état civil compétent est celui de la commune où l’un des époux a son domicile ou une résidence continue d’au moins un mois avant la publication des bans (article 74 du Code civil). Cela offre jusqu’à quatre possibilités de lieu de célébration, incluant :
- La commune du domicile de l’un ou l’autre des époux ;
- Une résidence secondaire dans laquelle l’un des époux a résidé de façon continue pendant au moins un mois.
Cas exceptionnels
En cas de circonstances graves (maladie, incapacité physique, etc.), le mariage peut être célébré au domicile ou en tout autre lieu déterminé par l’officier d’état civil.
2. La publicité du mariage
Le mariage doit être public, afin de garantir sa transparence et permettre aux tiers de signaler des irrégularités éventuelles.
- Présence des témoins : La loi exige la présence de deux à quatre témoins, qui attestent de la régularité de la cérémonie.
- Portes ouvertes : La salle où se déroule la célébration (habituellement la mairie) doit être accessible au public. En cas de mariage dans un lieu particulier, comme une prison ou un domicile, les portes doivent également être ouvertes, sauf restrictions sécuritaires spécifiques.
3. Le rituel de célébration
L’article 75 du Code civil définit précisément le rituel de la célébration du mariage. Ce rituel, qui donne un caractère solennel à l’acte, repose sur plusieurs étapes importantes.
Étapes essentielles
-
Lecture des droits et obligations des époux : L’officier d’état civil donne lecture des articles 212, 213 (alinéa 1), et 215 (alinéa 1) du Code civil, qui rappellent les principales obligations conjugales :
- Respect mutuel ;
- Assistance et fidélité ;
- Contribution aux charges du mariage.
-
Déclaration sur le contrat de mariage : L’officier d’état civil demande aux futurs époux s’ils ont établi un contrat de mariage. Si tel est le cas, cette information est mentionnée dans l’acte de mariage.
-
Interrogation sur les autorisations nécessaires : Si des autorisations sont requises (par exemple pour les mineurs), l’officier vérifie leur existence ou interroge les personnes concernées, sauf si elles ont fourni une autorisation écrite.
-
Échange des consentements : L’officier d’état civil pose la question aux futurs époux : « Voulez-vous prendre pour époux/épouse ? » En cas de réponse affirmative des deux parties, l’union est déclarée.
-
Signature de l’acte de mariage : L’acte est rédigé immédiatement après la déclaration solennelle. Il est signé par : Les époux ; Les témoins ; Les personnes ayant donné leur autorisation, si nécessaire.
-
Mentions marginales : L’acte de mariage est complété ultérieurement par des mentions en marge, incluant : Divorce ; Séparation de corps ; Décès.
Question théorique sur le moment du mariage
Un débat théorique persiste quant au moment précis où le mariage est juridiquement formé :
- Certains estiment que c’est l’échange des consentements qui forme le mariage.
- D’autres considèrent que le mariage est constitué au moment de la déclaration solennelle de l’officier d’état civil.
L’intérêt pratique de cette question est limité, sauf en cas de rétractation avant la déclaration solennelle. Cependant, elle illustre le rôle de l’État et des volontés privées dans l’acte matrimonial.
4. La date et l’heure du mariage
- Date : Le jour du mariage est choisi librement par les futurs époux.
- Heure : L’horaire est fixé par l’officier d’état civil, en fonction des disponibilités.
5. La comparution personnelle des époux
La présence physique des époux est une condition impérative de la validité du mariage.
- Exclusion des mariages par procuration : Le mariage ne peut être célébré par procuration, même pour des Français se mariant à l’étranger. Cette exigence est une condition de fond du mariage.
- Exceptions :
- Mariage militaire en temps de guerre : Les militaires et marins peuvent se marier sans comparution personnelle en temps de conflit.
- Mariage posthume : Depuis la loi n° 59-1583 du 31 décembre 1959, le président de la République peut autoriser un mariage posthume en cas de motif grave, notamment pour conférer une légitimité aux enfants. Cependant, ce mariage n’a pas d’effet patrimonial (pas de droits successoraux).
6. La présence des témoins
- Nombre de témoins : La loi impose la présence d’au moins deux témoins et d’au plus quatre témoins.
- Rôle des témoins : Ils attestent de la régularité de la cérémonie et signent l’acte de mariage.
En résumé : Les formalités concomitantes au mariage encadrent sa célébration et garantissent sa validité juridique. Elles incluent des règles strictes concernant la compétence territoriale de l’officier d’état civil, la publicité de la cérémonie, le déroulement du rituel, et la présence des époux et des témoins. Ces formalités, définies principalement par les articles 74, 75, et 76 du Code civil, visent à assurer la transparence, la solennité et la conformité légale du mariage.
3) La preuve du mariage
La preuve du mariage est essentielle pour différentes parties, notamment les époux, les enfants (pour établir leur qualité d’enfants légitimes), et les tiers (dans des relations patrimoniales ou juridiques). Deux modes principaux de preuve permettent d’établir l’existence d’un mariage : la preuve par acte de mariage et celle par possession d’état.
1. Les modes de preuve du mariage
a) La preuve par l’acte de mariage
L’acte de mariage, un document officiel dressé par un officier d’état civil lors de la célébration du mariage, constitue la preuve principale et la plus fiable du mariage.
- Nature juridique : L’acte de mariage est un acte d’état civil, doté d’une force probante particulière. Il est considéré comme une preuve préconstituée, car il est établi dès la célébration, avant tout éventuel litige.
- Modalités : La preuve est apportée par une copie intégrale ou un extrait de l’acte de mariage, délivré par l’état civil.
- Caractéristiques : Bien qu’elle soit très convaincante, cette preuve est qualifiée de « bureaucratique » en raison de sa rigidité et de son formalisme.
b) La preuve par possession d’état
La possession d’état consiste à établir l’existence d’un mariage à travers l’apparence qu’il a auprès des tiers et du comportement des individus concernés.
- Éléments constitutifs :
- Nomen : Le nom utilisé par les époux, reflétant leur statut marital.
- Tractatus : Les comportements des parties, qui se traitent et agissent comme des époux.
- Fama : La réputation d’être mari et femme auprès des tiers.
- Caractéristiques : La possession d’état repose sur un faisceau d’indices et est qualifiée de preuve naturelle et spontanée. Cependant, elle présente des risques, car elle pourrait permettre à des concubins de se prétendre mariés en l’absence d’acte officiel.
2. Le principe général de la preuve
En matière de preuve du mariage, le principe est clair : l’acte de mariage est le seul mode de preuve recevable pour les époux et leurs enfants. La possession d’état, à elle seule, ne peut suffire à établir l’existence d’un mariage.
3. Les exceptions au principe
Deux grandes séries d’exceptions permettent de déroger au principe de l’acte de mariage comme unique preuve.
a) La preuve par tout moyen
La preuve du mariage peut être rapportée par tout moyen lorsque les registres d’état civil sont indisponibles ou compromis.
- Absence de registres : Si les registres de l’état civil n’ont pas été tenus ou ont été détruits, l’article 46 du Code civil permet de recourir à des moyens de preuve alternatifs, tels que des témoignages ou des documents indirects.
- Procédure pénale : En cas de destruction ou de falsification de l’acte de mariage, la preuve du mariage peut être rapportée dans le cadre d’une enquête pénale contre l’auteur de l’infraction.
b) La preuve par possession d’état
Deux cas spécifiques permettent de recourir à la possession d’état pour prouver un mariage.
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Article 197 du Code civil :
Cet article s’applique lorsqu’un enfant cherche à établir la légitimité de sa filiation, alors que ses parents présumés sont décédés et qu’aucun acte de mariage ne peut être retrouvé. Si l’enfant peut démontrer que ses parents avaient la possession d’état d’époux, il peut établir leur mariage.- Conséquence indirecte : Cette règle peut entraîner une reconnaissance rétroactive de mariages non formalisés, notamment dans le cas de concubinages ou de mariages célébrés de manière informelle. Ce mécanisme a historiquement trouvé son origine dans la reconnaissance des mariages protestants en France.
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Article 196 du Code civil :
Lorsqu’un acte de mariage est irrégulier en raison de l’incompétence de l’officier d’état civil, le mariage peut être considéré comme prouvé si cet acte est corroboré par la possession d’état des époux. Cette situation vise à régulariser les unions affectées par des vices administratifs, mais dont la réalité sociale et familiale est avérée.
En résumé : La preuve du mariage repose principalement sur l’acte de mariage, qui constitue un document officiel et probant. La possession d’état, bien qu’utilisée comme complément ou exception dans des situations spécifiques, reste une preuve moins fiable en raison des risques d’interprétation et de fraude. Les articles 46, 196, et 197 du Code civil prévoient des dérogations permettant d’établir l’existence d’un mariage lorsque les actes officiels font défaut ou sont irréguliers.