Les grands systèmes politiques contemporains

Au cours du dernier tiers du XIXe siècle et au début du XXe, les sociétés occidentales connaissent une transformation politique majeure. Les classes populaires, longtemps exclues, commencent à participer activement au fonctionnement des institutions. Ce changement marque la fin du monopole politique des élites aisées, qui avaient dominé la scène politique depuis les révolutions libérales du XVIIIe siècle.

En intégrant les masses populaires dans la vie politique, la démocratisation politique a permis des avancées majeures en termes de droits et de libertés. Cependant, ce processus s’est accompagné de tensions idéologiques et sociales, ouvrant la voie à des régimes autoritaires et fascistes, qui ont exploité la peur des élites et les divisions internes pour concentrer le pouvoir.

Les systèmes autoritaires et totalitaires se distinguent par leur rapport aux libertés et à la concentration des pouvoirs. Les régimes autoritaires visent l’ordre, tandis que les totalitaires cherchent à transformer la société par une idéologie unique. La séparation des pouvoirs, théorisée par Locke et Montesquieu, oppose le modèle présidentiel (séparation stricte) au parlementaire (souple). Ces principes fondent la structure des démocraties modernes, mais varient dans leur application selon les contextes.

Résumé : Comparaison des régimes et principes de gouvernance

Catégorie Caractéristiques clés Exemples et applications
Régimes autoritaires Concentration des pouvoirs, suppression de l’opposition, pluralisme limité. Monarchies absolues (Louis XIV), dictatures modernes (Cuba sous Castro).
Régimes totalitaires Idéologie unique, mobilisation des masses, répression extrême. Fascisme (Mussolini), régime marxiste-léniniste.
Séparation des pouvoirs Division des fonctions législatives, exécutives et judiciaires pour limiter l’arbitraire et garantir les libertés. Régime présidentiel (USA), régime parlementaire (Royaume-Uni).
Marxisme-léninisme Dictature du prolétariat, concentration des pouvoirs dans le Parti communiste, centralisme démocratique. URSS, régimes communistes post-révolutionnaires.
Régimes parlementaires Collaboration entre législatif et exécutif, possibilité de dissolution mutuelle. Troisième République française, monarchie britannique.


Section 1 : Les systèmes autoritaires et totalitaires

Les systèmes autoritaires et totalitaires reposent sur une confusion des pouvoirs, bien que leurs logiques diffèrent selon les structures de pouvoir, les idéologies, et les objectifs poursuivis. Ces régimes se caractérisent par une concentration du pouvoir et une limitation stricte des libertés individuelles et politiques.

Les systèmes autoritaires et totalitaires diffèrent par leur degré de concentration du pouvoir et leur rapport aux libertés individuelles :

  • Les régimes autoritaires cherchent avant tout à maintenir l’ordre en concentrant les pouvoirs, souvent au profit d’un chef ou d’un groupe restreint.
  • Les régimes totalitaires, eux, cherchent à remodeler la société en profondeur, en mobilisant les individus autour d’une idéologie unique et en anéantissant toute forme d’opposition.

1. Les régimes autoritaires

Les régimes autoritaires attribuent la totalité des fonctions législatives, exécutives et judiciaires à un seul pouvoir, souvent l’exécutif. Ce système limite ou supprime toute opposition politique et réduit au minimum la participation populaire dans la prise de décisions.

a) Historique : la monarchie absolue

  • Exemple : Dans les monarchies absolues, comme en France sous Louis XIV, le roi concentrait tous les pouvoirs : il faisait les lois, commandait leur exécution, et rendait la justice.
  • Cette structure est illustrée par l’absolutisme royal, où le souverain était considéré comme le seul détenteur légitime du pouvoir.

b) Les monocraties et dictatures modernes

  • Ces régimes se caractérisent par la confiscation du pouvoir par un individu ou un parti unique, sans séparation des pouvoirs ni contre-pouvoirs.
    • Exemple : Cuba sous Fidel Castro.
    • Caractéristiques :
      • Les parlements, s’ils existent, sont souvent inféodés à l’exécutif.
      • Le pluralisme politique est réduit ou inexistant.
      • Les opposants sont neutralisés, souvent par des moyens répressifs.

2. Les régimes conventionnels ou d’assemblée

Ces régimes reposent sur une confusion des pouvoirs au profit du législatif. Ils s’opposent aux régimes autoritaires en ce qu’ils donnent une importance centrale à une assemblée législative.

a) Caractéristiques

  • Monocamérisme : Une seule chambre législative détient la majorité des pouvoirs.
  • Exécutif réduit : L’exécutif est réduit au rôle d’agent du législatif, sans pouvoir réglementaire ni autonomie réelle.
  • Exemple :
    • Sous la Constitution française de l’An IV (1795), le pouvoir exécutif était confié à un Directoire de cinq membres, tous dépendants du législatif.

b) Les cas français : instabilité sous la IIIe et IVe Républiques

  • La France a connu plusieurs régimes d’assemblée, notamment sous la IIIe et IVe Républiques.
    • Ces régimes étaient marqués par une instabilité gouvernementale, due à la domination du parlement sur l’exécutif, entraînant des changements fréquents de gouvernement.

3. L’idéologie marxiste-léniniste

L’État marxiste-léniniste repose sur une vision particulière du rôle de l’État et du pouvoir. Cette idéologie rejette la séparation des pouvoirs au profit d’une concentration totale entre les mains du Parti communiste.

a) La théorie de Marx : dépérissement de l’État

  • Analyse de l’État :
    • Pour Marx, l’État est un instrument de domination des classes possédantes (bourgeoisie) sur les classes laborieuses (prolétariat).
    • La fonction principale de l’État dans un système capitaliste est l’oppression de classe.
  • Objectif final :
    • Supprimer les causes économiques de l’oppression (notamment la propriété privée des moyens de production) pour rendre l’État inutile.
    • Dépérissement de l’État : L’État, une fois privé de sa fonction politique, deviendrait une simple administration des choses.

b) La contribution de Lénine : dictature du prolétariat

  • Adaptation pragmatique :
    • Contrairement à Marx, Lénine considère que l’État ne peut disparaître immédiatement après la révolution prolétarienne.
    • Il propose une phase transitoire : la dictature du prolétariat, où l’État reste un instrument d’oppression, cette fois-ci au service des classes laborieuses.
  • Rôle du Parti communiste :
    • Lénine place le Parti communiste comme guide politique du prolétariat, en raison de sa prétendue supériorité idéologique.
    • Application du centralisme démocratique : un mélange de discipline interne et de contrôle centralisé des décisions.
  • Conséquences :
    • Refus de la séparation des pouvoirs.
    • Concentration du pouvoir d’État entre les mains du Parti communiste.
    • Subordination complète de l’administration au pouvoir politique.

4. Les régimes fascistes et autoritaires

a) Origine et développement

  • Dans les pays où les forces traditionnelles (noblesse, Église) sont encore puissantes, des régimes autoritaires sans idéologie spécifique émergent pour maintenir l’ordre établi.
    • Exemples : Régimes militaires ou monarchies autoritaires.
  • Dans les sociétés où le prolétariat est organisé et revendicateur, les classes traditionnelles recherchent le soutien des classes moyennes pour contrer les revendications prolétariennes, ce qui donne naissance au fascisme.

b) Le fascisme

  • Idéologie :
    • Contrairement aux régimes autoritaires classiques, les régimes fascistes développent une idéologie nationaliste et totalisante.
    • Ils prônent la supériorité de l’État sur l’individu : « Tout dans l’État, rien en dehors de l’État, rien contre l’État » (Mussolini).
  • Caractéristiques (selon Raymond Aron, Démocratie et Totalitarisme, 1965) :
    1. Parti unique disposant d’un monopole politique.
    2. Idéologie d’État imposée à toute la société.
    3. Usage de la terreur pour dissuader et réprimer les opposants.
    4. Subordination totale des activités économiques à l’État.
    5. Répression de toute dissidence idéologique.
  • Hannah Arendt (Les origines du totalitarisme) :
    • Les régimes totalitaires visent à isoler les individus en détruisant les structures sociales (famille, religion).
    • Mobilisation des individus dès l’enfance, notamment à travers des organisations de jeunesse.

Section 2 : Les régimes de séparation des pouvoirs

La théorie de la séparation des pouvoirs, en complément du système représentatif, constitue un fondement essentiel du droit constitutionnel classique. Ce principe, issu des évolutions historiques de l’Angleterre, vise à limiter le pouvoir pour garantir les libertés en répartissant ses fonctions entre différents organes.

La séparation des pouvoirs, inspirée de l’expérience anglaise et théorisée par Locke et Montesquieu, demeure un pilier des régimes démocratiques occidentaux. Sa mise en œuvre varie selon les modèles :

  • Le régime présidentiel privilégie une séparation stricte, favorisant la stabilité mais exposée aux blocages.
  • Le régime parlementaire repose sur une séparation souple, permettant collaboration et contrôle mutuel, mais parfois sujette à des instabilités.

1. Origines historiques et théoriques

a) L’émergence en Angleterre

  • Contexte historique : Dès le XVe siècle, le processus législatif en Angleterre nécessitait l’accord de trois entités :

    • La Chambre des Lords : représentant l’aristocratie.
    • La Chambre des communes : représentant les non-nobles.
    • Le Roi : titulaire du pouvoir exécutif.

    Chacun disposait du droit d’initiative et du droit de veto sur les lois. Ensemble, ils formaient le Parlement anglais.

  • Révolutions anglaises :

    • 1640 et 1688 : Ces événements marquent une rupture dans la concentration des pouvoirs royaux. En 1689, le Bill of Rights limite les prérogatives du monarque en renforçant celles du Parlement.
    • À partir de cette date, la séparation entre les pouvoirs législatif et exécutif est affirmée en pratique, bien que le roi conserve un droit d’initiative et de veto en matière législative.

b) La théorisation par Locke et Montesquieu

  • John Locke (1690) :

    • Dans son « Traité du gouvernement civil », Locke distingue trois fonctions essentielles du pouvoir :
      • La fonction législative : élaborer les lois.
      • La fonction exécutive : exécuter les lois.
      • La fonction fédérative : gérer les relations extérieures et la diplomatie.
    • Locke justifie la séparation pour éviter l’arbitraire : si une même entité détient tous les pouvoirs, elle risque de légiférer en sa faveur et d’abuser de ses prérogatives.
  • Montesquieu (1748) :

    • Dans « L’esprit des lois », Montesquieu approfondit cette analyse en distinguant :
      • La puissance législative : faire les lois.
      • La puissance exécutrice : appliquer les lois, notamment en matière de guerre et de diplomatie.
      • La puissance de juger : trancher les litiges et punir les infractions.
    • Il considère que pour garantir la liberté, le pouvoir doit arrêter le pouvoir, en mettant en place un système de freins et contrepoids (checks and balances). Chaque pouvoir doit être détenu par un organe distinct et jouer un rôle de contrôle sur les autres.
    • Montesquieu, admirateur du régime anglais, en fait une présentation idéalisée, influencée par l’anglomanie de son époque.

2. Les modèles de séparation des pouvoirs

Les régimes politiques occidentaux, fondés sur ce principe, se déclinent en deux grandes catégories selon la nature de la séparation des pouvoirs.

a) Le régime présidentiel (séparation rigide)

  • Caractéristiques principales :

    • Indépendance des pouvoirs :
      • Le pouvoir exécutif est détenu par le président, élu pour un mandat fixe, et il est irresponsable devant le législatif.
      • Le pouvoir législatif (Congrès) est autonome et ne peut être dissous par l’exécutif.
    • Checks and balances :
      • Chaque pouvoir dispose de mécanismes de contrôle sur l’autre, sans pour autant empiéter sur ses prérogatives fondamentales.
      • Exemple : aux États-Unis, le président peut opposer son veto aux lois, mais le Congrès peut le surmonter par un vote à la majorité qualifiée des deux tiers.
  • Avantages et limites :

    • Assure une stabilité institutionnelle en évitant la concentration des pouvoirs.
    • Risque de blocage en cas de désaccord profond entre les branches, notamment lorsque l’exécutif et le législatif sont contrôlés par des partis différents.

b) Le régime parlementaire (séparation souple)

  • Caractéristiques principales :

    • Le pouvoir exécutif et législatif, bien que distincts, collaborent étroitement.
    • Le gouvernement est responsable politiquement devant le parlement, qui peut le renverser par une motion de censure ou un vote de défiance.
    • En contrepartie, l’exécutif peut dissoudre le parlement (chambre basse) et convoquer de nouvelles élections.
  • Variantes :

    1. Régime parlementaire dualiste :

      • Le gouvernement est responsable devant deux instances :
        • Le chef de l’État (monarque ou président).
        • Le parlement.
      • Exemple : les régimes parlementaires sous la monarchie de Juillet ou la Cinquième République française en période de cohabitation.
    2. Régime parlementaire moniste :

      • Le chef de l’État joue un rôle symbolique et le gouvernement est uniquement responsable devant le parlement.
      • Exemple : le régime britannique, où le Premier ministre est issu de la majorité parlementaire et le monarque n’a qu’un rôle protocolaire.
  • Avantages et limites :

    • Permet une adaptabilité et une meilleure collaboration entre les pouvoirs.
    • Peut conduire à une instabilité gouvernementale, surtout en l’absence de majorité claire (exemple : la Quatrième République française).

3. Bicéphalisme et séparation des pouvoirs

Le bicéphalisme désigne la coexistence de deux têtes à l’exécutif :

  • Un chef de l’État (monarque ou président).
  • Un chef de gouvernement (Premier ministre).

a) Bicéphalisme et dualisme

Dans un régime parlementaire dualiste, le chef de l’État joue un rôle actif dans la formation et la dissolution du gouvernement, notamment lorsqu’il existe une double responsabilité (chef de l’État et parlement).

b) Bicéphalisme et monisme

Dans un régime parlementaire moniste, le chef de l’État a un rôle essentiellement symbolique, tandis que le gouvernement est pleinement dépendant du parlement.

 

Le Cours complet de droit constitutionnel est divisé en plusieurs fiches (histoire, institutions, constitution, état, démocratie…) 

Cours de droit constitutionnel (histoire, institutions…) –  Histoire de la IVème et Vème République   –   L’État : Éléments constitutifs, caractère, origine, forme  –  La Constitution : définition, élaboration, révision    –    Le régime démocratique  –  Les grands systèmes politiques contemporains    –   Président de la République : statut, élection, pouvoirs, rôle       La révision de la Constitution  –    Démocratie, élections, scrutin et référendum    –   Président de la République et gouvernement sous la Vème République    –     Le parlement : organisation et dissolution –   Le Conseil Constitutionnel : composition, organisation, rôle

Isa Germain

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