LES INCAPACITÉS
La capacité juridique représente la faculté pour une personne d’acquérir, de détenir et d’exercer des droits. Elle est essentielle pour participer pleinement à la vie civile. Toutefois, certaines personnes se voient limitées dans cette aptitude en raison de leur âge, de leur état mental, ou pour d’autres raisons. Ces limitations sont appelées incapacités et elles peuvent restreindre l’exercice ou même la jouissance de certains droits.
- Les mineurs : incapacité jusqu’à la majorité
Les individus mineurs, soit les personnes âgées de moins de 18 ans, sont juridiquement incapables d’exercer la plupart de leurs droits de façon autonome. Cette incapacité s’étend jusqu’à ce qu’ils atteignent l’âge de la majorité, à moins de cas particuliers prévus par la loi, comme l’émancipation à partir de 16 ans dans certaines conditions.
- B. Les majeurs sous incapacité
Certaines personnes majeures peuvent également être déclarées incapables. La loi les protège en raison de leur vulnérabilité, qu’elle soit liée à un handicap mental, une altération des facultés mentales ou physiques, ou tout autre état pouvant affecter leur capacité à gérer leurs droits de manière autonome.
I) La capacité : règle générale et exceptions
En principe, toute personne dispose de la capacité juridique pour réaliser des actes de la vie courante : acheter, vendre, contracter, se marier, travailler, etc. Cependant, certaines personnes sont restreintes dans cette capacité, que ce soit pour la jouissance ou pour l’exercice de certains droits.
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1. L’incapacité de jouissance
L’incapacité de jouissance implique une privation du droit même de posséder ou de bénéficier de certains droits. Ces incapacités sont spécifiques et ne touchent que des droits particuliers. Parmi les exemples notables :
- Interdiction de recevoir des dons ou des legs pour les personnes condamnées à des peines perpétuelles ou afflictives.
- Incapacité pour les étrangers de voter aux élections nationales.
- Interdiction pour un mineur de moins de 16 ans de rédiger un testament.
2. L’incapacité d’exercice
L’incapacité d’exercice est plus courante et concerne souvent les individus incapables d’exercer leurs droits eux-mêmes, en particulier les mineurs et certains majeurs protégés. Contrairement à l’incapacité de jouissance, l’individu conserve ses droits mais ne peut les exercer sans assistance ou représentation. Dans ces cas, la loi impose un régime de tutelle, curatelle ou une autre mesure de protection, selon le degré de vulnérabilité de la personne concernée.
En somme, l’incapacité d’exercice répond à un besoin de protection renforcée et permet de garantir que les actes juridiques engagés au nom de la personne soient réalisés dans son intérêt, avec l’aide ou le contrôle d’un représentant légal ou d’un tuteur.
II – LE MINEUR
Un mineur, défini par l’article 338 du Code civil comme une personne n’ayant pas atteint l’âge de 18 ans, est juridiquement incapable d’exercer ses droits de manière indépendante. Toutefois, dans certains cas, une mesure d’émancipation peut être accordée dès l’âge de 16 ans, conférant au mineur une capacité juridique élargie proche de celle d’un majeur.
1) Le mineur non émancipé
Le mineur non émancipé est une personne de moins de 18 ans, juridiquement considérée comme incapable d’exercer seule ses droits. Toutefois, s’il possède un discernement suffisant, il peut accomplir certains actes courants sans l’intervention d’un représentant légal, tels que des petits achats du quotidien ou, à partir de 16 ans, la rédaction d’un testament. Afin de protéger les mineurs dans la gestion de leurs droits et de leurs biens, différents régimes de protection peuvent être appliqués selon la situation familiale.
A) L’administration légale
L’administration légale est le régime le plus courant pour encadrer les droits du mineur, avec des modalités adaptées en fonction de la situation des parents.
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Administration légale pure et simple : Ce régime s’applique lorsque les deux parents du mineur sont vivants, mariés ou non divorcés, et conservent leur autorité parentale. Dans ce cadre, les parents gèrent conjointement les biens de leur enfant, sans besoin d’intervention judiciaire pour les actes de gestion courante. Le juge des tutelles n’intervient que pour les actes de disposition d’une gravité particulière, par exemple la vente d’un bien immobilier.
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Administration légale sous contrôle judiciaire : Lorsque le mineur n’a plus qu’un seul parent en raison du décès, de la déchéance de l’autorité parentale ou d’une filiation naturelle (non reconnue par les deux parents), ce dernier assume seul la gestion des biens. Dans ce cas, le juge des tutelles exerce un contrôle pour toute opération patrimoniale importante, afin de garantir la sécurité des intérêts du mineur.
B) La tutelle
Le régime de tutelle s’applique dans des cas où le mineur se retrouve sans parent pour gérer ses biens, notamment lorsque :
- les deux parents sont décédés,
- les parents ont perdu leur autorité parentale,
- ou l’enfant n’a pas été reconnu.
Dans ce régime, la gestion des intérêts du mineur est confiée à un tuteur, qui ne partage généralement pas le lien direct d’autorité et de proximité qu’auraient les parents. Pour cette raison, la supervision des actes de gestion par le tuteur est plus stricte, et un cadre de contrôle est mis en place par le biais d’organes de tutelle.
Les organes de la tutelle
Pour encadrer et surveiller l’activité du tuteur, plusieurs acteurs sont nommés :
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Le tuteur : Choisi par testament, désigné par la loi ou par le conseil de famille, le tuteur est responsable de la gestion du patrimoine et des intérêts du mineur. Si aucun tuteur n’est disponible, l’État prend en charge cette responsabilité.
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Le subrogé tuteur : Ce rôle, confié par le conseil de famille, consiste à assister et surveiller le tuteur dans la gestion des biens du mineur, garantissant ainsi une double vigilance.
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Le conseil de famille : Composé de quatre à six membres, ce conseil est formé par le juge des tutelles et inclut généralement des proches du mineur. Il se réunit pour désigner le tuteur et assurer un suivi régulier de ses actes de gestion.
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Le juge des tutelles : Le juge exerce une surveillance générale sur l’ensemble des décisions prises au nom du mineur, veillant au respect des intérêts de celui-ci.
Fonctionnement de la tutelle
Bien que le rôle de tuteur soit exercé de façon gratuite, la responsabilité de celui-ci peut être engagée en cas de mauvaise gestion ou de décision préjudiciable aux intérêts du mineur. Ce système de contrôle strict permet de garantir que les actes accomplis au nom du mineur répondent véritablement à ses besoins et à sa protection.
C) Sanctions liées à l’incapacité du mineur
Lorsqu’un mineur non émancipé ou son représentant réalise des actes en violation des règles de protection légale, ces actes peuvent être soumis à deux types de sanctions judiciaires : la nullité et la rescision pour lésion.
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La nullité : L’annulation d’un acte est une mesure dissuasive visant à protéger les mineurs contre les transactions qui pourraient leur porter préjudice. Si un tiers contracte avec un mineur sans respecter les formalités légales, l’acte peut être annulé par décision judiciaire. Cette nullité relative offre une protection au mineur tout en limitant les risques d’abus par des tiers.
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La rescision pour lésion : Même si un acte a été accompli dans le cadre légal par le représentant du mineur, une demande de rescision peut être faite si cet acte s’avère préjudiciable pour le mineur. Ce recours peut s’appliquer aux actes d’administration courante, à condition que ceux-ci aient entraîné une perte ou une lésion importante pour le patrimoine du mineur.
Ces sanctions jouent un rôle de garde-fou et dissuadent les parties de conclure des accords désavantageux avec les mineurs ou leurs représentants.
2) L’émancipation
L’émancipation est une procédure permettant à un mineur de devenir juridiquement autonome avant l’âge de 18 ans. En effet, l’émancipation confère à un mineur une capacité juridique presque identique à celle d’un majeur, lui permettant de prendre en main sa vie civile sous certaines conditions.
a) Les cas d’émancipation
L’émancipation peut se réaliser de deux manières principales :
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Émancipation légale par mariage : Lorsqu’un mineur se marie, il est automatiquement émancipé, quelle que soit son âge à partir de 16 ans. Ce mariage doit cependant obtenir une autorisation spéciale pour les mineurs, généralement accordée par les parents ou, à défaut, par le juge des tutelles.
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Émancipation judiciaire : Le mineur peut, dès 16 ans, solliciter son émancipation auprès du juge des tutelles. Cette demande peut être introduite par les parents ou par le représentant légal du mineur. Le juge évalue alors la situation personnelle, familiale et sociale du mineur pour décider si cette émancipation répond à un intérêt réel et concret pour lui. Il s’assure notamment que le mineur dispose de la maturité et de la stabilité nécessaires pour gérer ses affaires sans supervision.
b) Les conséquences de l’émancipation
Une fois émancipé, le mineur accède à une capacité juridique presque complète, lui permettant de réaliser la majorité des actes de la vie civile de manière autonome. Il peut ainsi :
- Signer des contrats sans l’autorisation d’un représentant légal.
- Gérer ses biens et son patrimoine, comme un majeur.
- Prendre des décisions de manière indépendante concernant sa santé, ses études, ou son travail.
Cependant, certaines restrictions demeurent :
- Un mineur émancipé ne peut exercer une activité commerciale ni agir en tant que dirigeant d’une entreprise, sauf autorisation spéciale du tribunal.
- Pour certains actes exceptionnels (par exemple, certains emprunts bancaires), le mineur émancipé peut encore être tenu d’obtenir une autorisation particulière, selon les dispositions légales en vigueur.
L’émancipation offre ainsi au mineur une autonomie anticipée, lui permettant d’assumer des responsabilités étendues, tout en maintenant une certaine prudence dans des domaines spécifiques pour éviter les engagements financiers ou professionnels trop risqués.
III – LES MAJEURS PROTÉGÉS
L’article 488 du Code civil fixe la majorité légale à 18 ans, âge à partir duquel toute personne est présumée capable d’accomplir tous les actes de la vie civile. Cependant, la loi prévoit des mesures de protection spécifiques pour les personnes majeures dont les capacités mentales, physiques ou comportementales sont altérées, les rendant incapables de gérer leurs intérêts seuls.
Cette protection concerne aussi bien les personnes souffrant d’une altération durable de leurs facultés (comme les troubles mentaux ou des handicaps physiques), que celles dont les comportements de prodigalité, d’intempérance ou d’oisiveté mettent en péril leur patrimoine, leur subsistance, ou leurs obligations familiales. Ainsi, un système de protection gradué s’adapte aux besoins de chacun, afin de prévenir les abus, les erreurs de gestion et les actes préjudiciables.
a) Types de protection des majeurs vulnérables
La diversité des situations de vulnérabilité chez les majeurs a conduit à la mise en place de plusieurs types de régimes de protection, qui varient selon le degré et la nature de l’incapacité. Ces mesures peuvent être provisoires ou permanentes et sont destinées à assurer la protection patrimoniale et personnelle de l’individu en fonction de ses besoins.
Ces incapacités concernent généralement des limitations dites d’exercice des droits et se déclinent en plusieurs catégories d’actes :
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Actes conservatoires : Ce sont des actes visant à préserver le patrimoine d’une personne. Ce type d’acte, comme la souscription d’un contrat d’assurance, représente le niveau le plus bas d’engagement. Ils ont pour but de protéger les biens sans engager de décision majeure sur le fond.
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Actes d’administration : Il s’agit de la gestion ordinaire du patrimoine pour le maintenir ou le valoriser, tels que les contrats de location immobilière. Ces actes permettent au patrimoine d’être productif et d’assurer une gestion courante.
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Actes de disposition : Ce sont les actes les plus graves, car ils peuvent affecter la structure même du patrimoine en impliquant des opérations de vente, d’emprunt ou de placement. Ces actes présentent un risque de diminution du patrimoine et nécessitent donc une attention et une supervision accrues lorsqu’une personne est sous régime de protection.
b) Protection des biens et annulation des actes
Pour les personnes majeures incapables, la protection des biens peut inclure l’annulation de certains actes. Cette annulation peut intervenir si la personne a signé un contrat ou réalisé un acte juridique dans un état de trouble mental. En prouvant cet état, l’acte peut être invalidé, garantissant ainsi la sécurité de son patrimoine. Ce type de protection s’applique a posteriori, c’est-à-dire après que l’acte a été accompli.
c) Les régimes de protection déclarés
L’incapacité est également déclarée pour les majeurs nécessitant une surveillance continue. Dans ce cadre, des régimes de protection sont mis en place de manière formelle, visant une gestion adaptée de leurs biens et actes civils.
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La sauvegarde de justice : une protection temporaire
La sauvegarde de justice est une mesure temporaire, souvent appliquée lorsqu’un adulte est momentanément incapable de gérer ses affaires, par exemple en raison d’un accident entraînant un coma ou un épisode mental temporaire. Ce régime, facile à mettre en place et relativement léger, repose sur :
- Une déclaration médicale émanant d’un professionnel de santé,
- Ou une décision judiciaire prononcée par le juge des tutelles.
Pendant la durée de la sauvegarde de justice, les actes accomplis par le majeur peuvent être annulés ou révisés si des preuves démontrent qu’ils lui ont causé un préjudice.
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La tutelle et la curatelle : protection durable et renforcée
Ces deux régimes de protection sont appliqués lorsqu’une personne souffre d’une incapacité permanente l’empêchant de gérer seule ses affaires. La procédure d’instauration de la tutelle et de la curatelle est similaire dans les deux cas et repose sur une évaluation approfondie de la capacité de la personne à se gérer de manière autonome. Toutefois, ces régimes se distinguent par le degré d’assistance et de représentation nécessaire.
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La tutelle : La tutelle est le régime le plus strict. Elle s’adresse aux majeurs ayant besoin d’être représentés de manière permanente dans tous les actes de la vie civile. Cette mesure signifie que le majeur ne peut plus réaliser aucun acte civil seul. Tous ses actes nécessitent la représentation complète par un tuteur, et tout acte accompli sans cette représentation est susceptible d’être annulé.
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La curatelle : Ce régime est plus souple et concerne les personnes nécessitant une assistance pour certains actes, mais restant capables de gérer les actes courants de la vie quotidienne de manière autonome. En curatelle, le majeur peut accomplir seul les actes de gestion courante (par exemple, faire des achats ou gérer des dépenses quotidiennes), mais doit obtenir l’autorisation de son curateur pour des actes plus graves, comme la vente d’un bien immobilier ou la souscription d’un emprunt. En l’absence de cette autorisation, les actes peuvent être annulés en fonction des circonstances et si leur réalisation porte préjudice au majeur protégé.
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