Les irrégularités sur la formation du mariage
Le mariage, en tant qu’institution juridique, est encadré par des règles strictes visant à garantir sa validité et sa conformité à l’ordre public. Cependant, des irrégularités peuvent survenir lors de sa formation, justifiant des mécanismes de contrôle préventif et de sanction. L’opposition au mariage et la nullité du mariage sont deux procédures distinctes mais complémentaires, qui permettent de prévenir ou de sanctionner les unions irrégulières.
- L’opposition au mariage est une mesure préventive qui vise à empêcher la célébration d’un mariage en cas d’empêchement prohibitif ou dirimant. Elle repose sur des conditions de forme et de fond rigoureuses et peut émaner de diverses personnes, notamment les ascendants, le conjoint, les collatéraux, le tuteur ou le ministère public. Son objectif est de protéger les intérêts des parties et de garantir le respect des règles légales.
- La nullité du mariage, quant à elle, est une sanction rétroactive qui anéantit un mariage irrégulier, le considérant comme n’ayant jamais existé juridiquement. Elle distingue entre les nullités relatives, qui protègent les intérêts privés des parties, et les nullités absolues, qui visent à préserver l’ordre public. Les causes de nullité sont strictement encadrées par la loi, et leurs effets sont tempérés par des mécanismes comme le mariage putatif, qui protège les époux de bonne foi et les enfants issus de l’union.
Ces deux procédures illustrent l’équilibre entre la protection de l’ordre public, la stabilité des unions et la liberté matrimoniale. Elles soulignent également l’importance du respect des conditions légales dans la formation du mariage, tout en prévoyant des mesures pour limiter les conséquences des irrégularités.
I) L’opposition au mariage
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L’opposition au mariage est une procédure préventive permettant d’empêcher la célébration d’un mariage irrégulier. Elle permet à une personne ayant connaissance d’un empêchement prohibitif ou dirimant de signaler cette situation à l’officier d’état civil. Cette mesure vise à garantir le respect des règles légales entourant l’union matrimoniale.
A) Les conditions de l’opposition
L’opposition est une procédure préventive visant à empêcher la célébration d’un mariage qui pourrait être entaché d’irrégularité. Elle repose sur des motifs juridiques spécifiques, comme l’absence de consentement, la bigamie ou l’incapacité d’un futur époux.
1) Les conditions de forme
L’opposition doit respecter des règles formelles rigoureuses, faute de quoi elle sera déclarée irrecevable :
- Acte d’huissier : L’opposition doit être formalisée par un acte d’huissier. Cet acte doit mentionner, sous peine de nullité :
- L’identité et la qualité de l’opposant.
- Les motifs justifiant l’opposition.
- Le texte légal fondant cette opposition.
- Notification : L’acte d’opposition doit être signifié aux deux futurs époux et à l’officier d’état civil.
- Domiciliation : L’opposant doit élire domicile dans la commune où le mariage sera célébré, facilitant ainsi une éventuelle procédure de mainlevée devant le tribunal compétent, conformément à l’article 176 du Code civil.
2) Les conditions de fond
La légitimité de l’opposition dépend de la qualité de l’opposant et des motifs invoqués.
a) L’opposition des ascendants
Les parents, grands-parents et, à défaut, d’autres ascendants disposent d’un droit d’opposition.
- Motifs admissibles : L’opposition doit se fonder sur une condition légale du mariage, comme l’absence de consentement ou l’incapacité d’un futur époux. Des considérations personnelles (morales, religieuses ou familiales) ne suffisent pas.
- Responsabilité limitée : Les ascendants ne peuvent être tenus responsables de leur opposition, même si le motif invoqué s’avère inexact.
b) L’opposition du conjoint ou des collatéraux
- Conjoint non divorcé : Peut s’opposer au mariage pour motif de bigamie.
- Collatéraux (frères, sœurs, oncles, tantes) : Ils ne peuvent intervenir qu’en l’absence d’ascendants et pour deux motifs spécifiques :
- Défaut de consentement du conseil de famille lorsqu’un époux est mineur sans ascendant.
- Démence du futur époux liée à une maladie, une infirmité ou un affaiblissement dû à l’âge, pouvant justifier une mise sous tutelle.
c) L’opposition du tuteur
Conformément à l’article 575 du Code civil, le tuteur peut former une opposition pour les mêmes motifs que les collatéraux, mais il doit avoir été autorisé au préalable par le conseil de famille.
d) L’opposition du ministère public
Depuis la loi du 24 août 1993, le ministère public peut s’opposer à un mariage.
- Cas d’intervention : L’article 175-1 du Code civil autorise le procureur à former opposition uniquement pour des causes susceptibles d’entraîner une nullité absolue du mariage, comme l’absence de consentement réel ou la bigamie.
- Procédure : Le procureur dispose de 15 jours pour statuer après avoir été saisi par l’officier d’état civil. Il peut :
- Laisser le mariage se dérouler.
- Former opposition.
- Décider de surseoir à la célébration en attendant les résultats d’une enquête (article 175-2).
B) Les effets de l’opposition
L’opposition oblige l’officier d’état civil à suspendre la célébration du mariage jusqu’à ce que la situation soit régularisée ou que l’opposition soit levée. Contrairement au divorce et à la nullité, elle intervient avant la formation de l’union.
Opposition régulière
Une opposition formulée conformément aux règles de forme et de fond constitue un véritable empêchement au mariage :
- Obligation pour l’officier d’état civil : L’officier doit surseoir à la célébration jusqu’à ce que l’opposition soit levée. À défaut, il s’expose à une amende.
- Non-jugement du motif : L’officier d’état civil ne peut pas apprécier la validité du motif. En cas de doute sérieux, il doit saisir le procureur, qui statue dans un délai de 15 jours.
Opposition irrégulière
Une opposition mal formée est en principe sans effet. Cependant, elle peut inciter l’officier d’état civil à procéder à des vérifications complémentaires. Par exemple, si des indices sérieux laissent penser que le mariage est fictif, l’officier peut saisir le procureur.
C) La disparition de l’opposition
La mainlevée de l’opposition
La mainlevée constitue le retrait de l’opposition, rendant possible la célébration du mariage. Elle peut être :
- Volontaire : L’opposant consent à retirer son opposition. Cela peut être fait :
- Oralement, lors de la célébration du mariage.
- Par acte d’huissier, dont une copie est remise à l’officier d’état civil.
- Judiciaire : L’époux concerné peut saisir le tribunal judiciaire (ancien TGI) pour obtenir la mainlevée. Le tribunal doit statuer dans un délai de 10 jours. Une fois prononcée, la mainlevée empêche toute nouvelle opposition.
La péremption de l’opposition
L’article 176-2 du Code civil prévoit que l’opposition cesse de produire effet après un an, sauf si elle est renouvelée. Ce délai ne s’applique pas aux oppositions formulées par le ministère public, qui restent valables jusqu’à une décision judiciaire.
En résumé : L’opposition au mariage est un mécanisme préventif visant à garantir la légalité des unions. Si elle peut émaner de diverses personnes en fonction de leur lien avec les futurs époux, son exercice est encadré par des règles strictes pour éviter les abus. Une fois levée ou périmée, l’opposition disparaît, permettant ainsi au mariage d’être célébré. Ce dispositif reflète l’équilibre entre la protection de l’ordre public et la liberté matrimoniale.
II) La nullité du mariage
La nullité du mariage est une notion fondamentale en droit civil, bien que son importance pratique soit relativement limitée. Elle constitue la sanction applicable lorsqu’une union a été contractée en violation des règles juridiques encadrant sa formation. Contrairement au divorce, qui dissout le mariage pour l’avenir en raison de faits postérieurs à sa célébration, la nullité consiste en un anéantissement rétroactif du mariage, qui est alors considéré comme n’ayant jamais existé juridiquement.
A) Qu’est-ce que la nullité du mariage ?
La nullité est définie comme la sanction d’un vice de forme ou d’une irrégularité de fond affectant un acte juridique. Elle peut être :
- Relative : destinée à protéger un intérêt privé, elle ne peut être invoquée que par la partie lésée et doit être exercée dans un délai de 5 ans.
- Absolue : sanctionne la violation d’une règle d’ordre public ou l’absence d’un élément essentiel à l’acte. Elle peut être demandée par tout intéressé dans un délai de 30 ans, conformément à la loi du 17 juin 2008 sur la réforme de la prescription civile, qui maintient cette durée spécifique, alors que le délai de droit commun est désormais de 5 ans.
Différences avec les nullités en droit des contrats : La nullité absolue du mariage se distingue des nullités en droit des contrats par sa gravité. En effet, le mariage est une institution régie par des principes fondamentaux d’ordre public, ce qui justifie une approche plus stricte. La théorie des nullités, empruntée au droit canonique, confère une importance particulière au respect des conditions légales lors de la formation du mariage.
Différence entre nullité et divorce :
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Le divorce
- Objet : Le divorce met fin à une union légale et valide pour des raisons survenues après la célébration du mariage (exemple : adultère, désaccords persistants, violences conjugales).
- Effets : Le divorce a un effet non rétroactif, il dissout le mariage uniquement pour l’avenir. Les droits et obligations nés pendant le mariage, comme la filiation des enfants ou les régimes matrimoniaux, restent valides pour la période antérieure.
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La nullité du mariage
- Objet : La nullité sanctionne un vice ou une irrégularité présente au moment de la formation du mariage (par exemple : absence de consentement, bigamie, inceste). Elle vise à rétablir la légalité en considérant que le mariage n’aurait jamais dû exister.
- Effets : Contrairement au divorce, la nullité a un effet rétroactif. En principe, elle efface tous les effets du mariage comme s’il n’avait jamais été célébré, sauf exceptions (mariage putatif, protection des enfants).
B) Les causes de nullité du mariage
En droit français, la nullité du mariage vise à sanctionner les unions célébrées en violation des conditions prévues par la loi. Ce mécanisme entraîne la disparition rétroactive du mariage comme s’il n’avait jamais existé, mais son application est encadrée par un principe de faveur pour la validité du mariage. Ce principe découle de la liberté matrimoniale et garantit la stabilité des unions, sauf en cas de manquements graves.
Deux grands principes encadrent les nullités matrimoniales :
- Pas de nullité sans texte : une cause d’annulation ne peut être invoquée que si elle est expressément prévue par la loi.
- Distinction entre empêchements prohibitifs et dirimants :
- Les empêchements prohibitifs sont des irrégularités formelles qui n’affectent pas les éléments essentiels du mariage. Par exemple, le défaut de publication des bans avant la célébration du mariage n’est pas une cause de nullité.
- Les empêchements dirimants, en revanche, concernent des conditions fondamentales du mariage, comme le consentement ou la capacité des époux. Ils rendent l’union nulle.
1) Les nullités relatives : protection des intérêts privés
Les nullités relatives sont destinées à protéger une partie au mariage qui a subi un préjudice lors de sa conclusion. Elles concernent principalement les situations où l’un des époux n’a pas donné son consentement libre ou où le consentement requis d’un tiers n’a pas été obtenu.
Vice du consentement d’un époux
Le consentement au mariage doit être libre et éclairé. Si l’un des époux a été victime d’une erreur, d’un dol ou d’une violence, il peut demander l’annulation du mariage.
- Action personnelle : Seul l’époux dont le consentement a été vicié peut exercer cette action. Cette restriction vise à garantir que seuls les véritables intéressés peuvent contester l’union.
- Prescription de 5 ans : Le délai pour agir est prévu par l’article 181 du Code civil. Il court à partir de la date de célébration du mariage. Si l’époux n’engage pas d’action dans ce délai, la loi considère qu’il a accepté la situation.
Exemple : Un époux qui découvre après le mariage que l’autre lui a menti sur un élément déterminant, comme son identité, peut demander l’annulation s’il prouve que cela a influencé son consentement.
Défaut de consentement pour un incapable
Le mariage d’un incapable (mineur ou majeur sous tutelle ou curatelle) nécessite le consentement d’un tiers, tel qu’un parent ou un tuteur légal. En l’absence de ce consentement, le mariage peut être annulé :
- Titulaires de l’action : L’incapable lui-même ou les personnes dont le consentement était requis (parents, tuteurs).
- Prescription de 5 ans :
- Pour un mineur, le délai commence à courir lorsqu’il atteint la majorité.
- Pour un majeur sous tutelle ou curatelle, le délai débute lorsqu’il recouvre sa capacité (mainlevée de la tutelle).
Confirmation du mariage :
L’article 183 du Code civil permet aux personnes ayant omis de donner leur consentement initial de confirmer le mariage a posteriori, empêchant ainsi toute action en nullité. Cette confirmation peut être expresse (acte authentique ou sous seing privé) ou tacite (par exemple, une attitude montrant une acceptation). Une confirmation par un seul ascendant s’impose à tous les autres.
2) Les nullités absolues : protection de l’ordre public
Les nullités absolues concernent les violations graves touchant à l’ordre public ou aux éléments fondamentaux du mariage. Elles peuvent être invoquées par un large éventail de personnes et ne peuvent pas être couvertes par une ratification ou une confirmation ultérieure.
a) Causes de nullité absolue
Impuberté : L’âge légal pour se marier en France est fixé à 18 ans depuis la réforme de 2006. Le mariage d’une personne en dessous de cet âge est nul, sauf si la femme mineure est enceinte (article 185 du Code civil).
Bigamie et inceste
- Bigamie : La loi interdit strictement qu’une personne contracte un nouveau mariage sans que le précédent soit dissous.
- Inceste : Les unions entre ascendants et descendants (parents, enfants) ou entre frères et sœurs sont nulles.
Défaut de consentement : L’article 146 du Code civil prévoit qu’il n’y a pas de mariage sans consentement. Contrairement au vice du consentement, qui relève de la nullité relative, le défaut de consentement concerne l’absence totale de volonté de contracter mariage. Cela peut inclure les situations où l’un des époux est dans l’incapacité mentale de donner son accord.
Clandestinité : Un mariage est qualifié de clandestin lorsqu’il est célébré sans publicité intentionnellement, empêchant les tiers d’en avoir connaissance. Cela implique une volonté délibérée des époux d’échapper à la publicité légale. Le juge examine les circonstances pour déterminer s’il y a eu une volonté de dissimulation.
Incompétence de l’officier d’état civil : Le mariage doit être célébré par un officier d’état civil compétent. En cas d’incompétence (par exemple, délégation irrégulière d’un maire), l’union peut être annulée. La jurisprudence, comme dans l’affaire des mariés de Montrouge (1884), a toutefois montré une certaine bienveillance pour préserver les mariages conclus de bonne foi.
b) Régime des nullités absolues
Titulaires de l’action
Outre les époux, plusieurs personnes peuvent demander l’annulation du mariage en cas de nullité absolue :
- Les parents ou ascendants, en cas de minorité de l’un des époux.
- Le premier conjoint, en cas de bigamie.
- Le ministère public, qui agit pour protéger l’ordre public. Cependant, il ne peut intervenir qu’en présence d’une situation vivante : son action cesse si l’un des époux décède.
Prescription
Les actions en nullité absolue sont soumises à une prescription de 30 ans, sauf exceptions prévues par la loi.
Obstacles à l’action
Certains faits ou circonstances peuvent rendre la nullité inopérante :
- Possession d’état d’époux : L’article 196 du Code civil précise que si les époux ont vécu publiquement comme mari et femme et sont considérés comme tels par leur entourage, ils ne peuvent plus invoquer une irrégularité formelle pour annuler leur union.
- Grossesse d’une femme mineure : Selon l’article 185, l’impuberté de la femme ne peut plus être invoquée dès lors qu’elle est enceinte.
En résumé : La nullité du mariage en droit français distingue entre les nullités relatives, qui protègent les intérêts privés des parties, et les nullités absolues, qui visent à sauvegarder l’ordre public. Si le régime juridique est strict, il prévoit néanmoins des mécanismes pour favoriser la validité des unions et éviter les annulations excessives, assurant ainsi un équilibre entre stabilité matrimoniale et respect des règles fondamentales.
B) Les effets de l’annulation du mariage
En principe, l’annulation du mariage entraîne des effets rétroactifs, tant sur le plan personnel que patrimonial. Toutefois, certains tempéraments ont été introduits pour limiter les conséquences de cette rétroactivité, notamment à l’égard des enfants et dans le cadre du mariage putatif.
Le principe de l’effet rétroactif
L’effet rétroactif signifie que, juridiquement, le mariage est considéré comme n’ayant jamais existé. Les époux sont censés avoir vécu en concubinage et les effets personnels (comme le devoir de fidélité) et patrimoniaux (régime matrimonial, droits successoraux) sont anéantis de manière rétroactive.
Les tempéraments au principe de rétroactivité
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Protection des enfants
L’effet rétroactif de l’annulation ne s’applique pas aux enfants issus du mariage. L’article 202 du Code civil garantit que l’annulation du mariage est sans conséquence sur leur filiation. Ils continuent à bénéficier des droits conférés par leur statut d’enfants légitimes. -
Le mariage putatif
Le concept de mariage putatif, introduit par le droit canonique et codifié à l’article 201 du Code civil, vise à limiter les effets de la rétroactivité pour les époux.- Le mariage putatif est un mariage juridiquement nul, mais dont les effets sont maintenus parce que la nullité a été ignorée par au moins l’un des époux.
- La reconnaissance du mariage putatif dépend d’une décision judiciaire.
Conditions :
- Si les deux époux sont de bonne foi, les effets produits avant le jugement de nullité sont conservés pour les deux.
- Si un seul des époux est de bonne foi, ces effets sont maintenus à son seul profit.
Conséquences :
- Les effets du mariage cessent à compter du jugement définitif d’annulation.
- Toutefois, les droits et obligations nés pendant le mariage (comme le patrimoine acquis ou les avantages financiers) restent valables.