Les licences de brevet

L’obligation d’exploiter l’invention objet du brevet

Le législateur lorsqu’il délivre le brevet il poursuit l’intérêt général et que le breveté va exploiter le brevet au profit de la société. Si l’inventeur n’exploite pas le mécanisme du contrat social ne fonctionne pas. Le législateur a prévu une sanction contre cette inexploitation. À l’origine la sanction était la déchéance du brevet.

Actuellement, la sanction est l’octroi de licences légales : c’est-à-dire que ces licences ne sont pas conventionnelles mais elles sont de droit. Des tiers vont donc pouvoir exploiter l’invention au profit de la société en bénéficiant d’un système de licence légale. Il existe deux types de licences légales :

                    Les licences obligatoires : elles sont judiciaires (Tribunal de Grande Instance de Paris)

                   Les licences d’offices : elles proviennent d’un arrêté ministériel

 

A. Les licences obligatoires 

Il existe deux types de licences obligatoires :

                   Les licences obligatoires de droit commun

                   Les licences obligatoires de dépendance

1.      Les licences obligatoires de droit commun

Les articles L613-11 à L613-14 du CPI : organisent le régime des licences obligatoires de droit commun.

 a)  Le délai pour demander la licence

Cette licence obligatoire ne peut pas être demandée à n’importe quel moment, soit :

                   À l’expiration d’un délai de 3 ans après la délivrance du brevet

                   À l’expiration d’un délai de 4 ans à compter du dépôt de la demande

 En pratique il faut retenir le délai le plus long, ce n’est que lorsque que le défaut d’exploitation est caractérisé que l’on peut demander ces licences. Le plus souvent le délai le plus long est le délai de 3 ans car la procédure de délivrance du brevet prend plus de 3 ans généralement.

 

b)  Les motifs

 L’article L613-11 du CPI liste ces motifs. Ainsi la licence de droit commun ne peut être demandée que dans 4 circonstances :

                   Le breveté n’a pas commencé à exploiter son brevet ou n’a pas fait de préparatifs effectifs et sérieux pour exploiter son brevet sur le territoire d’un État Membre de l’EEE.

                   Le breveté a commencé à exploiter son brevet sur le territoire d’un État Membre de l’EEE mais cette exploitation est abandonnée depuis plus de 3 ans.

                   Le breveté n’a pas commercialisé en France le produit objet du brevet en quantité suffisante  pour satisfaire aux besoins du marché français.  —>  exploitation trop faible.

                   Le breveté a commercialisé en France le produit objet du brevet en quantité suffisante mais cette commercialisation a cessé depuis plus de 3 ans.

 Attention :On assimile l’importation de produit objet du brevet fabriqué dans un État de l’O.M.C. à l’exploitation du brevet.

 c)  La procédure

Procédure devant Le Tribunal de Grande Instance de Paris : débat contradictoire  —>  le demandeur doit justifier de deux conditions :

                   Justification qu’il n’a pas pu obtenir du breveté une licence conventionnelle :

    Soit il a demandé la licence mais refus pur et simple

    Soit il a demandé la licence, elle a été acceptée mais à des conditions intenables

                   Justification qu’il est en état d’exploiter l’invention de manière effective et sérieuse : si le demandeur est contrefacteur les magistrats estiment qu’il a démontré de fait l’exploitation de manière effective et sérieuse.

 Le breveté peut se défendre en justifiant le défaut d’exploitation par des excuses légitimes  —>  notion vague qui laisse une grande marge d’appréciation aux juges. Exemple admis : le souci du breveté d’exploiter le brevet B de perfectionnement (que le brevet A de base).

 Si la licence est finalement octroyée, cette licence obligatoire est non exclusive (= comme les licences d’office). C’est le tribunal qui fixe les éléments essentiels : champ d’application territorial, durée de la licence et le montant des redevances… On peut revenir vers le Tribunal pour faire réviser ces conditions d’application de la licence (exemple en cas de changement de situation   économique…).

Attention :Si le licencié ne respecte pas les conditions telles qu’elles ont été fixées par le Tribunal de Grande Instance la licence peut être retirée.

 N.B. : Cette licence obligatoire est cessible avec le fonds de commerce, l’entreprise à laquelle elle est attachée. Ce n’est qu’une licence qu’il n’agit pas avec rétroactivité : par exemple pour le contrefacteur ce n’est qu’à compter de l’obtention de la licence qu’il est dans une situation licite, avant il reste condamnable.

 

2.      Les licences obligatoires de dépendance

L’article L613-15 du CPI fixe le régime de ces licences. Cette licence correspond à l’hypothèse d’un brevet et d’un perfectionnement sur une invention.

                   Lorsqu’une même personne fait le brevet de base et le perfectionnement : pas de difficulté

                   Lorsque ce sont des personnes différentes sont titulaires du brevet initial et du brevet de perfectionnement de l’invention. Il se crée alors assez naturellement une dépendance juridique entre ces deux personnes car le titulaire du brevet de perfectionnement ne peut exploiter son invention sans exploiter l’invention de base : il ne peut donc exploiter son brevet qu’avec l’accord du titulaire du brevet de base (c’est-à-dire être licencié). Inversement, le titulaire du brevet initial peut exploiter son invention mais il est plus intéressant d’exploiter son brevet avec son perfectionnement. C’est cette situation de dépendance juridique qui a amené le législateur a prévoir la situation en cas de blocage : si le titulaire du brevet initial refuse de donner son accord au titulaire du brevet de perfectionnement.

  –> Dans ce cas là l’inventeur du brevet de perfectionnement peut obtenir du Tribunal de Grande Instance de Paris une licence obligatoire à une condition : il faut que le perfectionnement découvert constitue un progrès technique important et présente un intérêt économique considérable.

 La procédure est exactement la même que la procédure de licence obligatoire de droit commun : même justifications, qu’il ait essuyé un refus etc…

 À titre de réciproque le titulaire du brevet initial peut également obtenir sur requête au Tribunal de Grande Instance une licence réciproque sur le brevet de perfectionnement.

 N.B. : dans le domaine des brevets biotechnologiques il existe des licences obligatoires pour le titulaire d’un certificat d’obtention végétale lorsqu’il ne peut pas exploiter sa variété sans le consentement d’un titulaire d’un brevet sur une invention végétale.

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 B.       Les licences d’office

 Ce sont des licences essentiellement administratives, sauf pour le montant des redevances qui peut être fixé par le Tribunal de Grande Instance de Paris.

 Il existe plusieurs catégories de licences d’offices, 4 françaises et 1 créée par un règlement communautaire de 2006.

 1.   Les licences d’office dans l’intérêt de la santé publique

 L613-16 et L613-17 du CPI.

 a)  Les deux conditions d’obtention de la licence

Le critère est l’intérêt de la santé publique : un arrêté ministériel peut donc placer sous licences d’office trois types de brevet  —>

 

                   Un brevet délivré pour un médicament, un dispositif médical, un dispositif médical de diagnostic in vitro, un produit thérapeutique annexe ( : produit qui entre en contact avec des éléments du corps pour en assurer la conservation…).

                   Un brevet délivré pour un procédé d’obtention de ces médicaments, dispositifs ou produits, mais aussi les brevets délivrés pour des produits nécessaires à l’obtention des médicaments,  dispositifs ou produits et encore des brevets pour des procédés de fabrication de tels produits..

                   Un brevet délivré pour des méthodes de diagnostic in vivo

  –> Il faut que ces produits, procédés ou méthodes ne soient mis à disposition du public qu’en quantité ou en qualité suffisante, ou à des prix anormalement élevé ou que le brevet soit exploité dans des conditions contraires à l’intérêt de la santé publique ou constitutives de pratiques déclarées anticoncurrentielles.

 b)  La procédure

La procédure normale : le ministre chargé de la propriété industrielle est tenu de rechercher un accord amiable avec le titulaire du brevet en question et ce n’est qu’en cas d’échec qu’il pourra adopter un arrêté de licence d’office. À compter de ce premier arrêté, toute personne qualifiée est autorisée à demander au ministre l’octroi d’une licence d’exploitation.

 L’arrêté fixe le champ d’application territorial de la licence, la durée.. mais ne fixe pas le montant des redevances qui doit être convenu entre le licencié et le titulaire du brevet et ce n’est qu’en cas d’échec que le montant de la redevance sera fixé par le Tribunal de Grande Instance.

 Cette licence est non exclusive, cessible avec le fonds de commerce etc…

 

2.   Les licences d’office dans l’intérêt de l’économie nationale

Cette licence ne peut pas concerner les brevets concernant les produits, procédés et méthodes de diagnostic qui relèvent du champ de la licence d’office dans l’intérêt de la santé publique.

  •  1ère condition : Le ministre chargé de la propriété industrielle adresse au titulaire du brevet une mise  en demeure d’entreprendre l’exploitation, de manière à satisfaire aux besoins de l’économie nationale. Cette mise en œuvre faire courir un délia de 1 an pendant laquelle le titulaire du brevet doit entreprendre cette exploitation sachant que ce délai peut être prorogé sur le breveté justifie d’excuses légitimes et semble compatible avec les exigences de l’économie nationale.
  •  2ème condition : Au bout de ce délai l’exploitation est constatée ou une insuffisance en quantité ou en qualité quand même entreprise et on constante que cela porte préjudice au  développement  économique et à l’intérêt public. Dans ce cas là un décret un conseil d’État peut soumettre le brevet au régime de la licence d’office. À compter de la publication de ce décret, toute personne qualifiée peut demander au ministre chargé de la propriété industrielle la délivrance d’une licence d’exploitation.

 Cette licence est là encore non exclusive, elle est cessible avec le fonds de commerce ou l’entreprise auxquels elle est attachée. C’est aussi l’arrêté qui fixe la durée, le champ d’application territorial.. les redevances doivent être convenues et à défaut, fixées par le Tribunal de Grande Instance.

 

3.   Les licences d’office dans l’intérêt de la défense nationale

L’article L613-19 du CPI. La seule personne qui peut demander la licence d’office, il peut le faire par l’intermédiaire du ministre chargé de la défense et l’arrêté émane du Ministre chargé de la propriété industrielle.

 On retrouve les mêmes caractéristiques des licences d’office précédente : champ d’application, durée, redevances par le Tribunal de Grande Instance à défaut d’accord. La seule adaptation est que si les redevances sont fixées par le Tribunal de Grande Instance les redevances sont fixées en chambre du conseil de manière confidentielle. Ce n’est pas forcément l’État lui-même qui va l’exploiter, il peut confier l’exploitation à un tiers.

 N.B. : L’État peut aller jusqu’à exproprier une invention dans l’intérêt de la défense nationale, avec indemnité pour le breveté exproprié (négociée avec l’État et à défaut d’accord fixée par le Tribunal de Grande Instance).

 4.   Les licences d’office dans l’intérêt de l’élevage

L’article L5141-13 du code de la santé publique relatif à une licence d’office portant sur les brevets portant sur les médicaments vétérinaires. Cet article a deux objectifs :

                   La licence d’office dans l’intérêt de la santé publique peut s’appliquer aux médicaments vétérinaires si leur mauvaise exploitation nuit à la santé publique.

                   Par exception il est possible d’appliquer la licence d’office dans l’intérêt de l’économie nationale aux médicaments vétérinaires ou dans l’intérêt de l’économie de l’élevage.

 Les ministres compétents : les ministres de l’agriculture et de la propriété industrielle.

 5.   La licence obligatoire de brevet portant sur des produits pharmaceutiques destinés à l’exportation (= licence d’office)

L’origine de cette licence est les négociations dans le cadre de l’O.M.C. et de l’ADPIC : dans le cadre de ces accords les États doivent faire évoluer leur législation pour que les médicaments soient brevetables.

 Cela ne pose pas de problème dans les pays développés mais plus de problème pour les pays en voie de développement car si à terme il peut y avoir des brevets sur les médicaments cela peut poser  des problèmes de santé publique. En effet si on admet un brevet sur le médicament, seul le titulaire du brevet pourra le commercialiser et à un prix supérieur au prix pratiqué si il n’y avait pas eu de brevet. Ce renchérissement des brevets pose un réel problème dans ces pays en développement qui n’ont pas  les moyens financiers d’accéder à ces médicaments et qui connaissent pourtant des pandémies.

 Conférence à Doha en 2001 : reconnaître aux États Membres de l’O.M.C. la possibilité de recourir aux licences obligatoires dans des situations d’urgence sanitaire. Mais ce n’était pas encore suffisant car l’économie de ces pays en développement ne dispose pas de la capacité industrielle pour produire les médicaments sous couvert de la licence obligatoire.

 L’O.M.C. a adopté l’idée d’autoriser les entreprises des pays développés à obtenir une licence  obligatoire pour fabriquer des médicaments en vue de leur exportation vers les pays en développement.

 

Mécanisme en deux temps :

  • Obtention d’une licence de fabrication et de commercialisation dans le produit exportateur
  •   Demande des pays importateurs accompagnées de licences obligatoires afin de permettre l’importation et la commercialisation des médicaments

  —>  Le règlement de l’UE du 17 mai 2006 a été adopté afin d’harmoniser la délivrance de telles licences d’exportation et de fabrication. Ce règlement est traduit dans le droit français à l’article L613-17-1 du CPI qui met en place la procédure pour obtenir ce type de licence.

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