Les liens entre la justice pénale et la justice civile

Les liens entre la justice pénale et la justice civile

  • La justice pénale a pour but de juger et punir les infractions à la loi. Une infraction est une action répréhensible, prévue et réprimée par par une loi pénale. Celui qui la commet une infraction est jugé par la justice pénale et encourt une peine d’amende, une peine de prison ou une peine de substitution.
  • La justice civil ne juge pas des infractions. Elle s’occupe de régler les litiges entre particuliers, ou particuliers et commerçants. Le juge ne prononce pas de peines. le juge peut condamner à verser des sommes qu’il doit, à exécuter une obligation à laquelle il s’était engagé, ou à verser à la partie adverse des dommages-intérêts.

 

Si l’on évoque les acteurs d’une procédure, on pense immédiatement à ceux qui sont partie à cette procédure. S’agissant d’une procédure pénale, on pense au ministère public que l’on appelle souvent la partie publique même s’il n’est pas acquis que cette définition de partie soit judicieuse, et l’on pense aussi aux parties privées, soit la personne poursuivie et la partie civile.

 En France, le procès pénal met en jeu deux parties.

  • D’une part,

le ministère public (procureur, avocat général) incarnant la

défense de la société

 

  • , d’autre part,

le prévenu (en cas de délit ou contravention) ou l’accusé (en cas de crime)

Juridiquement parlant, la victime n’est pas partie au procès pénal. Elle peut cependant demander réparation de son préjudice dans le cadre d’un procès civil, elle peut se constituer partie civile. Ce procès civil peut se tenir dans le même temps que le procès pénal.

Juridiquement parlant, la victime n’est pas partie au procès pénal. Elle peut cependant demander réparation de son préjudice dans le cadre d’un procès civil, elle peut se constituer partie civile. Ce procès civil peut se tenir dans le même temps que le procès pénal.

Il convient de dire qu’une partie est l’adversaire d’une autre. Il convient ainsi de désigner le ministère public comme l’adversaire de l’accusé/prévenu etc. Le ministère public n’est pourtant l’adversaire de personne, étant simplement soucieux de découvrir la vérité : aussi bien d’obtenir la condamnation du coupable que d’obtenir la proclamation de son innocence s’il l’estime. Il souhaite uniquement la condamnation du coupable ou la relaxe de l’innocent. Le ministère public est partie au procès pénal, mais une partie particulière. Le réduire à la figure d’un adversaire est une conception réductive. Il est de plus en plus conçu comme une partie adversaire de l’accusé.

 

Principe d’Unité de la justice civile et pénalz?

 Ici, nous préciserons le cadre général dans lequel ces juridictions s’insèrent et précisément évoquer le principe de l’unité de la justice civile et de la justice pénale.

Depuis le Code d’instruction criminelle, le principe d’unité judiciaire est établi comme clé de voûte de la procédure judiciaire. C’est un principe, dont la signification est complexe, voulant instaurer des liens organiques entre la justice civile et pénale. Ces liens organiques sont un phénomène second par rapport à un autre phénomène premier : cette volonté d’ouvrir le prétoire pénal aux victimes, pour qu’elles puissent intervenir devant les juridictions répressives avec les liens que cela suppose entre l’action civile et pénale.

Cela suppose alors que l’on s’intéresse aux liens organiques entre les deux justices puis les liens entre l’action civile et l’action publique. 

 

  1. Les liens organiques entre les deux justices

Ce lien organique s’exprime à travers leurs juridictions. Il y a en effet unité des juridictions civile et répressive, qui se prolonge en quelque sorte par l’existence d’un personnel judiciaire commun : une unité des magistrats.

Section 1 : l’unité des juridictions civiles et répressives

Cette unité résulte du fait que ces juridictions appartiennent d’abord à un même ordre de juridiction et par le fait qu’il y a parfois identité des juridictions civiles et répressives. Les juridictions répressives appartiennent à l’ordre judiciaire et non administratif de juridiction alors même que certains auteurs s’efforcent d’établir que le droit pénal serait rattaché au droit public.

Il en résulte que les juridictions répressives comme les juridictions civiles sont placées comme les autres, sous le contrôle unique et commun de la Cour de cassation. Lorsque, dans une procédure pénale, un pourvoi est formé, il l’est devant la chambre criminelle. En outre, les liens entre ces deux justices sont renforcés par l’identité des juridictions civiles et répressives. Ce sont les mêmes magistrats, sous des appellations différentes, qui statuent alternativement en matière civile et pénale donc ce sont les mêmes juridictions. Le juge de proximité statue ainsi aussi bien en matière civile qu’en matière pénale. Le juge d’instance est à la fois tribunal d’instance et tribunal de police. Le tribunal de grande instance est à la fois tribunal de grande instance et tribunal correctionnel. La Cour d’appel est tantôt une juridiction civile et tantôt une juridiction répressive.

 

On pourrait prolonger cette identité avec les juridictions d’instruction. La chambre d’instruction est une émanation de la Cour d’appel. Le juge d’instruction est lui-même rattaché au tribunal de grande instance. Même la Cour d’assises qui peut être vue comme une juridiction exclusivement répressive, est une émanation de la Cour d’appel qui lui fournit son président et parfois des assesseurs. Son unité se reflète dans l’organisation du ministère public. Le procureur de la république et le procureur général s’occupent de procès aussi bien civils que répressifs. Au fond, seule la présence de jurés qui ne statuent pas sur l’action civile, contredit ce principe de l’unité.

 

À cette unité des juridictions elles-mêmes, s’ajoute l’unité des magistrats.

 

 Section 2 : L’unité des magistrats

 Ils sont non pas des fonctionnaires mais des agents publics. Le statut de la magistrature est spécial, il est destiné à garantir leur indépendance. Ce statut est porté par une ordonnance du 22 décembre 1958 (Ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature). Ces magistrats sont tous formés par l’École nationale de la magistrature (l’ENM), avec pour mission, d’assurer la cohérence du corps dont on peut se demander si elle n’est pas menacée par la multiplication des concours d’auditeurs de justice, permettant à des non juristes de devenir magistrats.

 

Au cours de leur carrière, les magistrats sont appelés à exercer toutes les fonctions judiciaires. Ils peuvent exercer leurs fonctions au siège ou au parquet, dans des juridictions civiles ou pénales. Pourtant, des voix s’élèvent alors, pour qu’entre ces deux corps, on trouve une frontière nettement délimitée, tant le comportement de certains membres du parquet laisse à se demander s’ils sont véritablement des juges. Certains magistrats du siège veulent ainsi que l’on distingue définitivement les deux.

 

Malgré cette unité voulue du corps de la magistrature, avec l’apparition d’une spécialisation croissante de fonctions, il existe des magistrats spécialisés en matière économique et financière pour l’instruction et le jugement. Indépendamment de cette unité de justice, le principe de cette unité avait pour conséquence, d’autres types de liens.

 

  1. Les liens entre l’action civile et l’action publique

 Cette unité des justices se manifeste par la possibilité reconnue pour les parties civiles d’être présentes dans le procès pénal. C’est une spécificité par rapport aux systèmes étrangers. Sans doute la présentation est illogique. Puisqu’elles peuvent être présentes au procès pénal, on a voulu cette unité de la justice civile et pénale. On permet à la personne victime d’une infraction, de demander réparation non pas à son juge naturel, mais à la juridiction répressive. On dit que la partie civile peut exercer l’action civile au civil mais aussi au pénal.

 

Des juridictions répressives auront ainsi à se prononcer sur des questions purement civiles, comme les dommages et intérêts. Il est évident que cette présence et l’exercice de l’action civile devant les juridictions répressives, engendre une dépendance de l’action civile à l’action publique, exercée par le ministère public. Dans un procès pénal, on a la possibilité de la coexistence de ces deux actions. L’action publique est donc principale et l’action civile est alors accessoire.

 

Par l’effet de la primauté du juge répressif, cette dépendance de l’action civile à l’égard de l’action publique se manifeste par une subordination du civil au pénal. L’action civile est subordonnée à l’action publique. On veut ainsi dire que la décision sur l’action publique a une primauté naturelle, une supériorité naturelle par rapport à l’action civile. On explique cette supériorité de l’action publique, par le fait qu’un juge répressif a des moyens d’investigation plus importants qu’un juge civil ; les chances d’obtenir la vérité en sortent donc supérieures. On l’explique également par le principe de la liberté de la preuve devant les juridictions répressives, dont on escompte qu’il permettra plus facilement de découvrir la vérité, que le principe de hiérarchie des preuves au civil.

 

Comment se manifeste alors cette supériorité ? On en trouve une illustration. Lorsque l’action civile est exercée devant les juridictions civiles – ce qui est la solution naturelle –, le juge civil sera saisi de cette action civile mais ne pourra pas statuer immédiatement. Si en effet, parallèlement, une juridiction pénale a été saisie de l’action publique pour les mêmes faits, le juge civil devra surseoir à statuer en l’attente de son homologue pénal. Cela est posé à l’article 4 alinéa 2 du Code de Procédure Pénale.

 

Ce sursis à statuer existe car la primauté dont il est question se traduit par le fait que la chose jugée au pénal a autorité au civil. Ce principe est celui de l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil. On comprend ainsi que ce sursis à statuer est la condition du respect de cette autorité. En revanche, la réciproque n’est pas vraie. Ce qui est décidé au civil n’a aucune autorité au pénal. Ce qu’un juge civil décide au civil ne s’impose nullement au juge pénal, puisque la primauté est celle du pénal sur le civil. C’est une question techniquement ardue que celle de l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil.

 

L’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, ou au criminel sur le civil, signifie que ce qui a été jugé par le juge répressif, s’impose aux juges civils lorsqu’ils statueront au civil. C’est un principe parfois contesté, alors que ses arguments sont solides. Cela s’explique d’abord par le principe de la primauté du juge répressif sur le civil ; le fait que le premier dispose de moyens que n’a pas le second. Ensuite, cette primauté s’explique aussi par le souci de ménager l’image de la justice. Si l’on n’accepte pas ce principe, si l’on permettait à un juge civil de contredire ce qu’aurait dit un juge pénal, l’image de la justice n’en sortirait pas grandie.

 

Ce principe de l’autorité de la chose jugée devrait donc être vu comme un principe d’ordre public. Curieusement, la jurisprudence considère qu’il est d’intérêt privé, en sorte qu’il n’appartient pas au juge d’en assurer le respect. C’est aux parties qui allèguent le non respect de ce principe, de le demander.

 

Ce principe, comment fonctionne-t-il ? Il a des conditions d’application relativement étroites, qui tiennent à la décision pénale et à la décision civile. S’agissant de la décision pénale, si les conditions d’application sont étroites, c’est parce que le principe ne s’applique que pour certaines décisions pénales ; il n’y a pas systématiquement autorité de la chose jugée. Cela va dépendre de l’origine de la décision et de son contenu, étant entendu bien sûr, que l’on raisonne par définition sur une décision qui est définitive, irrévocable.

 

Quant à l’origine, l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, ne s’attache qu’aux décisions rendues par une juridiction pénale de jugement. Cela signifie qu’il n’y a rien d’équivalent pour les décisions rendues par les juridictions d’instruction – pourtant pénales –, en sorte qu’une juridiction civile peut consacrer une solution incompatible avec celle d’une juridiction d’instruction pénale.


 À cela s’ajoute que certaines décisions pénales, en raison des conditions dans lesquelles elles sont intervenues, ne s’appliqueront pas au civil. On peut penser aux procédures pénales simplifiées, aux décisions pénales intervenues sans respecter le principe du contradictoire. La personne poursuivie ne peut pas se défendre. On parle de la procédure dite de « l’ordonnance pénale ». Cette ordonnance pénale a longtemps été réservée à la matière des contraventions. Puis l’asphyxie des procédures a été telle qu’on l’a étendu à certains délits. L’ordonnance pénale est tellement hors des normes habituelles qu’elle n’a pas autorité au civil.

 

S’agissant de la décision pénale, indépendamment de son origine, le principe de l’autorité de la chose jugée dépend également du contenu de la décision pénale.

 

Il faut savoir en effet que ce n’est pas le contenu entier qui va s’imposer aux juridictions civiles, mais une partie seulement de ce jugement. Cette autorité s’attache uniquement aux constatations effectuées par le juge pénal « de façon certaine et qui sont le soutien nécessaire de sa décision sur l’action publique ». Cela signifie qu’un juge civil peut contredire ce qui a été affirmé par son homologue répressif si ce qui a été affirmé s’exprime sur le mode du doute, ou ce qui n’apparaît pas avoir été indispensable, « le soutien nécessaire de sa décision sur l’action publique ». S’impose donc au juge civil tout ce qui a été jugé sur le mode de la certitude et non du doute, quant aux faits matériels, qu’il s’agisse de l’existence de ce fait ou de sa qualification. S’impose aussi ce qui a été jugé quant à la culpabilité ou l’innocence de la personne poursuivie.

 

Supposons qu’un juge pénal soit saisi pour une question d’abus de confiance. Ainsi, une banque accuse un de ses employés d’avoir détourné de l’argent remis par sa clientèle. Au cours des poursuites, le juge affirme que ces sommes prétendument détournées n’ont jamais été remises au préposé de la banque. Se faisant, le juge répressif rend une décision de relaxe. Cette affirmation, selon laquelle il n’y a jamais eu de remise, est le soutien nécessaire de sa décision, car la remise est une des composantes de l’abus de confiance. À partir de cet instant, puisque la juridiction pénale est de jugement, l’affirmation qu’il n’y a jamais eu de remise, qui est le soutien nécessaire de l’action publique, s’impose au juge civil. Le juge civil devra refuser la réparation demandée par la banque.

 

De la même manière, un employeur accuse un de ses salariés de vol. Le juge pénal relaxe l’accusé car il n’y aurait selon le juge, jamais eu de vol. Cette affirmation s’impose alors au juge civil, et plus précisément ici, à un conseil de prud’hommes, que l’employeur aurait saisi à l’occasion d’une procédure de licenciement pour vol. Le juge civil ne pourra pas dire que ce licenciement est justifié par le vol puisqu’il n’y a pas eu de vol selon le juge répressif.

 

On trouve des conditions à envisager au regard de la décision du juge civil, qui peut être lié par des conclusions pénales.

 

L’idée fondamentale est que le juge civil se voit interdire de contredire ce que le juge répressif a jugé. C’est un principe qui apparaît étendu car cette interdiction vaut pour l’action civile, la demande de réparation posée par la victime de l’infraction, mais aussi pour les « actions à fin civile ».

 

Par exemple, à supposer que l’infraction dont le juge pénal est saisi est celle de « coups et blessures volontaires » – atteintes intentionnelles à l’intégrité physique d’autrui – ; à la suite de ces coups et blessures, s’agissant de la victime, on peut envisager deux réactions. Vu le préjudice, elle veut des dommages et intérêts. Cette demande de réparation est l’action civile. Il se trouve que celle qui a été battue est la femme de l’auteur des coups. On parle alors de « violences faites aux femmes ». Elle peut donc demander le divorce, ce qui ne constitue pas une action civile en l’espèce, mais une action à fin civile, car l’action est civile, mais ne répare pas le dommage causé.

En vertu du principe de l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, la décision du juge pénal sur les coups et blessures envers la femme du condamné s’imposera au juge civil pour l’action civile et l’action à fin civile. Si le juge pénal avait conclu à une absence de violences sur la femme, le juge civil n’aurait pu prononcer le divorce pour violences conjugales, cela contredirait la décision pénale.

 

Pendant longtemps, la principale illustration de ce principe a tenu à ce que l’on appelait « l’identité des fautes civiles et pénales ». Il existe aussi bien en droit civil que pénal, deux types de fautes : la faute intentionnelle et la faute d’imprudence. Les articles 1382 et 1383 du Code civil parlent des délits et des quasi-délits. Le premier suppose une faute intentionnelle et le second suppose un dommage causé non intentionnellement. L’identité des fautes civiles et pénales suppose que la faute pénale intentionnelle et la faute civile intentionnelle sont les mêmes. Les fautes pénales d’imprudence et les fautes civiles d’imprudence sont aussi les mêmes. Lorsqu’un juge pénal affirmait une faute pénale intentionnelle, cela imposait au juge civil de conclure à une faute civile intentionnelle. Les définitions et leur contenu sont les identiques.

 

Ce principe, s’il n’a pas disparu, a été partiellement remis en question par une réforme de 2000. Cette réforme a, à son terme, lorsqu’une personne était poursuivie au pénal pour une infraction d’imprudence, a été relaxée au motif qu’elle n’a pas commis la faute d’imprudence, permis de ne plus interdire au juge civil de conclure à la possibilité d’une faute civile d’imprudence.

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