Les limites à la liberté de circulation des capitaux

Les limites à la liberté de circulation des capitaux au sein de l’UE

La libre circulation des capitaux est un pilier de l’Union européenne, visant à faciliter l’intégration économique et le développement du marché unique. Elle trouve son origine dans les traités fondateurs de l’UE, évoluant au fil des élargissements et des intégrations économiques.

  • Objectifs: L’objectif principal est de permettre une allocation efficace des ressources à travers les frontières, favorisant ainsi la croissance économique et la stabilité financière dans l’ensemble de l’UE.
  • Définition: La libre circulation des capitaux permet aux individus et aux entreprises de réaliser des transactions financières transfrontalières sans restrictions. Cela inclut les investissements en actions, les achats de biens immobiliers, et le transfert de fonds.
  • Distinction avec d’autres libertés: Contrairement à la libre circulation des personnes, des marchandises ou des services, la circulation des capitaux concerne les mouvements monétaires et les investissements.

Cadre juridique de la liberté de circulation :

  • Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) : L’article 63 du TFUE interdit toutes restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres ainsi qu’entre les États membres et les pays tiers.Cette disposition est interprétée de manière large, englobant une vaste gamme de transactions financières.
  • Jurisprudence de la CJUE : Des décisions telles que l’affaire Golden Shares ont clarifié l’application des règles de libre circulation des capitaux, en particulier dans des cas où les intérêts nationaux sont en jeu. La jurisprudence a joué un rôle crucial dans la définition des limites et des conditions sous lesquelles des exceptions peuvent être appliquées.
  • Quelles sont les limites et restrictions à la liberté de circulation des capitaux au sein de l’Union Européenne :

    Exceptions générales

    • Sécurité nationale: Les États membres peuvent limiter la circulation des capitaux pour des raisons de sécurité nationale, mais ces mesures doivent être proportionnées et non discriminatoires.
    • Politique monétaire: Les pays hors zone euro peuvent imposer certaines restrictions pour protéger leur politique monétaire.

    Mesures de sauvegarde

    • En cas de crise: L’UE permet l’application temporaire de contrôles de capitaux pour stabiliser les marchés en cas de crise économique ou financière grave.
    • Application: Ces mesures sont soumises à des conditions strictes et doivent être justifiées et proportionnées à l’objectif poursuivi.

    Contrôle des capitaux en pratique

    • Exemples: Des cas comme les restrictions imposées par la Grèce pendant la crise financière illustrent l’application de contrôles de capitaux en situation de crise.
    • Analyse: Il est crucial d’analyser comment ces mesures affectent le marché unique et la confiance des investisseurs.

SECTION 1 : LES LIMITES PRÉVUES PAR LE TFUE

Paragraphe 1 : les dérogations de caractère général

Les limites prévues par le TFUE à la liberté de circulation des capitaux:

Les dérogations de caractère général inscrites dans le Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE) permettent aux États membres de l’Union européenne (UE) d’appliquer des restrictions à la libre circulation des capitaux et des paiements, tant au sein des États membres qu’entre ceux-ci et les pays tiers.

Article 65, paragraphe 1, du TFUE :

Cet article précise que l’article 63, qui établit la libre circulation des capitaux, n’affecte pas le droit des États membres de:

  • a) Appliquer les dispositions de leur législation fiscale différenciant les contribuables selon leur résidence ou le lieu d’investissement de leur capital.
    • Justification de la différence de traitement: Cela permet aux États membres de maintenir des législations fiscales différenciées afin de promouvoir l’installation de capitaux sur leur territoire, tant que ces différenciations ne constituent pas une restriction arbitraire ou une déguisée aux mouvements de capitaux.
  • b) Prendre des mesures nécessaires pour prévenir les infractions à leurs lois et règlements, notamment pour des raisons fiscales ou le contrôle prudentiel des établissements financiers, imposer des procédures de déclaration pour des mouvements de capitaux à des fins administratives ou statistiques, ou prendre des mesures justifiées par des raisons d’ordre public ou de sécurité publique.
    • Historique et justification: Cette disposition est une continuation de la directive de 1988 et vise à empêcher que la liberté de circulation des capitaux soit exploitée pour la fraude fiscale, reflétant ainsi l’absence d’harmonisation fiscale complète entre les États membres.
    • Interprétation de la CJUE: L’invocation de l’ordre public ou de la sécurité publique est interprétée de manière restrictive par la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), suivant l’approche établie par l’arrêt Bouchereau de 1978. Par exemple, dans l’arrêt du 14 mars 2000 concernant l’Église de Scientologie, une législation française qui exigeait une autorisation préalable pour les investissements étrangers jugés menaçants pour l’ordre public a été déclarée contraire au TFUE, car elle ne spécifiait pas les conditions précises de cette demande.

Article 65, paragraphe 3, du TFUE :

  • Compatibilité avec le Traité: Toute mesure prise en vertu de l’article 65(1) doit être compatible avec le Traité de l’UE, ce qui implique qu’elle ne doit pas constituer un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements.

Paragraphe 2 : Les restrictions spécifiques aux relations avec les pays tiers.

A) L’article 64 TFUE

Article 64 paragraphe 1 TFUE:

  • « L’article 63 ne porte pas atteinte à l’application, aux pays tiers, des restrictions existantes au 31 décembre 1993 en vertu du droit national ou du droit de l’Union en ce qui concerne les mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers lorsqu’ils impliquent des investissements directs, y compris les investissements immobiliers, l’établissement, la prestation de services financiers ou l’admission de titres sur les marchés des capitaux. Pour la Bulgarie, l’Estonie et la Hongrie, la date de référence est le 31 décembre 1999. »

Article 64 paragraphe 2 et 3 TFUE:

  • « Le Parlement européen et le Conseil, s’efforçant d’atteindre l’objectif de libre circulation des capitaux entre États membres et pays tiers, adoptent, en suivant la procédure législative ordinaire, les mesures relatives aux mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers. »
  • « En dérogation, seul le Conseil, statuant à l’unanimité et après consultation du Parlement européen, peut adopter des mesures qui constituent un recul dans la libéralisation des mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers. »

Le paragraphe 1 de l’article 64 TFUE permet à l’UE de maintenir des restrictions préexistantes concernant les mouvements de capitaux avec des pays tiers dans des domaines spécifiques. Il reconnaît les lois nationales existantes à la date de référence et offre une base juridique pour les maintenir ou les ajuster selon les besoins.

Les paragraphes 2 et 3 ouvrent la voie à la libéralisation des capitaux mais aussi à la possibilité de régression (dans des cas exceptionnels et avec des mesures unanimes du Conseil) en matière de mouvement de capitaux avec les pays tiers. Cette flexibilité est cruciale pour réagir aux défis économiques et aux situations internationales fluctuantes.

B. Les article 66 et 75 TFUE

Article 66 du TFUE – Mesures de sauvegarde économiques

Le Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE) est un élément clé de la législation supranationale qui régit le fonctionnement de l’Union européenne. L’article 66 du TFUE permet aux États membres d’adopter des mesures de sauvegarde en cas de circonstances exceptionnelles, où les mouvements de capitaux en provenance ou à destination de pays tiers causent ou menacent de causer des difficultés graves pour le fonctionnement de l’Union économique et monétaire (UEM).

  • Circonstances exceptionnelles : Il s’agit de situations imprévues et graves qui peuvent avoir un impact négatif sur la stabilité économique de l’UE.
  • Mouvements de capitaux : Ce terme couvre une large gamme de transactions financières, y compris les investissements et les transferts de fonds.
  • Période de validité : Les mesures adoptées en vertu de cet article sont temporelles, ne dépassant pas six mois, mais elles peuvent être renouvelées si nécessaire.
  • Cadre de mise en œuvre : Ces mesures doivent être prises par le Conseil, statuant sur proposition de la Commission et après consultation de la Banque centrale européenne (BCE), soulignant ainsi la nature communautaire des actions à entreprendre.

Il est important de noter que tout renouvellement ou toute mise à jour des mesures de sauvegarde devrait être en conformité avec les décisions et les lignes directrices établies par les institutions de l’UE postérieurement à mon dernier point de connaissances en avril 2023.

Article 75 du TFUE – Mesures de sauvegarde d’ordre politique

L’article 75 du TFUE autorise l’Union européenne et ses États membres à prendre des mesures de sauvegarde pour des raisons politiques, notamment en réponse à des violations des obligations internationales, qu’elles soient économiques ou liées aux droits fondamentaux.

  • Lutte contre le terrorisme : L’article 75 a été particulièrement invoqué pour développer un cadre de mesures administratives visant à prévenir et à lutter contre le terrorisme, notamment par le gel des fonds et des avoirs financiers.
  • Cadre réglementaire : Le Parlement européen (PE) et le Conseil peuvent définir, par voie de règlements et selon la procédure législative ordinaire, des mesures administratives concernant les mouvements de capitaux et les paiements.
  • Mise en œuvre : Le Conseil, sur proposition de la Commission, est chargé d’adopter des mesures pour mettre en œuvre le cadre établi, et ces mesures doivent être appliquées directement par les États membres.

Un exemple historique de l’application de l’article 75 est la réaction aux attentats du 11 septembre 2001. Des résolutions ont été adoptées au niveau des Nations Unies, déterminant nominativement des entités liées à Al-Qaïda et imposant le gel des fonds et des avoirs financiers des individus et des entités concernées sur le territoire des pays membres de l’ONU.

Pour assurer l’actualité et la pertinence de ces informations, il faudrait vérifier les dernières résolutions et directives de l’UE ainsi que les décisions prises par le Conseil et la Commission européenne après avril 2023. Ces mesures peuvent évoluer en fonction du contexte géopolitique global, des nouvelles menaces sécuritaires, et des décisions prises au niveau international.

SECTION 2 : LES LIMITES POSEES PAR LE JURISPRUDENCE DE LA COUR DE JUSTICE : LES RAISONS IMPÉRIEUSES D’INTÉRÊT GÉNÉRAL

Quelles sont les limites à la liberté de circulation des capitaux imposées par la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne ?

La libre circulation des capitaux est l’un des principes fondamentaux du marché unique de l’Union Européenne (UE), consacrée par les articles 63 à 66 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE). Cependant, cette liberté n’est pas absolue et peut être limitée pour des raisons impérieuses d’intérêt général, une notion définie au fil du temps par la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE).

Cas jurisprudentiel : CJUE 16 Mars 1999 – Trummer et Mayer

  • Contexte : Dans l’affaire Trummer et Mayer, la CJUE a eu à se prononcer sur la compatibilité des restrictions nationales à la libre circulation des capitaux avec le droit de l’UE.
  • Principe établi : La Cour a rappelé que, bien que la libre circulation des capitaux doive être garantie, des restrictions peuvent être admises si elles répondent à des raisons impérieuses d’intérêt général.
  • Application : Elle a transposé les principes issus de l’arrêt Cassis de Dijon relatif à la libre circulation des marchandises, en les adaptant au contexte des capitaux. Cela implique que toute mesure restrictive doit être nécessaire et proportionnée à l’objectif d’intérêt général poursuivi.

Développement sur les raisons impérieuses d’intérêt général

  • Sécurité publique : La CJUE a reconnu que la sécurité publique peut constituer une raison impérieuse d’intérêt général susceptible de justifier des restrictions à la libre circulation des capitaux, comme elle l’a fait dans l’arrêt Trummer et Mayer pour la sécurité énergétique.
  • Ordre public : L’ordre public est également reconnu comme une base valable pour des restrictions, à condition que ces mesures soient appliquées de manière non discriminatoire.
  • Protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux : Les États membres peuvent prendre des mesures de protection dans ces domaines, tant que les actions sont proportionnées au risque et nécessaires.
  • Politique environnementale : Des restrictions peuvent être justifiées pour protéger l’environnement, comme le montre la jurisprudence récente sur la régulation de l’investissement dans certaines activités susceptibles d’avoir un impact négatif sur l’environnement.